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General Observation (CEACR) - adopted 2020, published 109th ILC session (2021)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182)

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Après les célébrations du centenaire en 2019, l’OIT célèbre un autre moment historique: la ratification universelle de l’une de ses conventions fondamentales, la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. Depuis la création de l’OIT en 1919, le travail des enfants est au cœur des préoccupations; plusieurs conventions ont été adoptées dans ce domaine, dont la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, une autre convention fondamentale visant à éliminer progressivement le travail des enfants. La Marche mondiale de 1998 contre le travail des enfants, mouvement qui réclamait un renouveau de la lutte contre le travail des enfants, a permis aux mandants de l’OIT de donner un nouveau caractère d’urgence à l’élaboration d’un instrument international relatif à la lutte contre le travail des enfants et ses pires formes. Consciente de l’existence d’un consensus international croissant autour de l’idée selon laquelle certaines formes de travail des enfants étaient tellement dangereuses et préjudiciables pour le bien-être des enfants qu’elles ne pouvaient plus être tolérées, le 17 juin 1999, la communauté internationale a adopté d’une seule et même voix un nouvel instrument relatif à l’interdiction et à l’élimination des pires formes de travail des enfants. Aujourd’hui, la convention no 182 n’a pas seulement remporté ce succès extraordinaire qui lui vaut d’être la première convention de l’OIT universellement ratifiée; elle a aussi contribué à élever le taux de ratification de la convention no 138 à plus de 90 pour cent.
La commission se félicite de cette ratification universelle de la convention no 182, qui est désormais une norme faisant autorité dans tous les États Membres de l’OIT. La commission estime que cette ratification universelle est le reflet d’un consensus mondial selon lequel les pires formes de travail des enfants sont inacceptables quel que soit le niveau de développement d’un pays et qu’elle est la preuve de la volonté des États Membres de l’OIT de garantir que tout enfant, où qu’il se trouve, est à l’abri des pires formes de travail des enfants. Cette ratification universelle ouvre également la voie à l’alignement universel des politiques et lois nationales relatives au travail des enfants et donne la possibilité d’intégrer les considérations relatives au travail des enfants dans les politiques et plans nationaux y afférents.
La commission note que la convention met tout particulièrement l’accent sur les formes extrêmes de travail des enfants et qu’elle englobe le droit pénal, la législation du travail et les composantes relatives aux programmes en mettant en évidence la nécessité de prendre des mesures immédiates et efficaces pour interdire en droit et éliminer dans la pratique les pires formes de travail des enfants pour toute personne âgée de moins de 18 ans. La définition des pires formes de travail des enfants comprend: a) l’esclavage et le travail forcé, y compris la traite des enfants, la servitude pour dettes et le recrutement forcé des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés; b) la prostitution des enfants et la pédopornographie; c) l’utilisation d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants; et d) les travaux qui sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant. Plusieurs pays ont adopté une législation complète interdisant les pires formes de travail des enfants ou modifié le cadre législatif existant afin de le mettre en conformité avec les dispositions de la convention. La commission a noté que, compte tenu du vaste champ d’application de la convention, dans la plupart des cas, il convient de mettre l’accent sur la nécessité de dispositions juridiques explicites afin de garantir la pleine application de la convention. À cet égard, la commission a souligné l’importance d’adopter des dispositions juridiques interdisant les pires formes de travail des enfants couvrant aussi bien les garçons que les filles de moins de 18 ans, tandis que l’interdiction de la vente et de la traite des enfants couvre la traite interne et externe à des fins d’exploitation au travail ou d’exploitation sexuelle.
En ce qui concerne l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, la commission a souligné à plusieurs reprises qu’il importait de sanctionner tous ceux qui utilisent des enfants à des fins de prostitution en établissant clairement la distinction entre l’âge du consentement sexuel, inférieur à 18 ans dans plusieurs pays, et l’âge de la protection contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, qui est de 18 ans. En outre, notant que l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne devient une menace grave dans de nombreux pays, la commission a souligné qu’il convenait de combattre ce phénomène en droit.
La commission rappelle que la convention définit les travaux dangereux comme tous travaux qui, par leur nature ou les circonstances dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant. Conformément à la convention, les types de travaux dangereux à interdire aux personnes de moins de 18 ans doivent être déterminés selon les circonstances nationales et après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées. À plusieurs reprises, la commission a pris note avec satisfaction de l’adoption, par plusieurs gouvernements, de règlements portant liste des types de travaux dangereux interdits aux personnes de moins de 18 ans. La commission saisit cette occasion pour encourager vivement les gouvernements qui ne l’ont pas encore fait à redoubler d’efforts pour veiller à ce qu’un tel règlement soit adopté, en tenant pleinement compte des orientations qui figurent au paragraphe 3 de la recommandation no 190 et en consultation avec les partenaires sociaux.
La commission rappelle que la convention affirme l’importance de la mise en œuvre et du respect effectifs des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’établissement et l’application de peines appropriées et dissuasives, et la nécessité d’établir ou de désigner des mécanismes de contrôle appropriés pour en surveiller l’application. La commission tient à souligner le fait que de nombreux pays ont adopté un cadre législatif solide, qui prévoit des sanctions appropriées en matière pénale, administrative et autre à l’encontre de quiconque livre un enfant aux pires formes de travail des enfants. À cet égard, la commission a pris note du rôle important joué par les forces de police nationales, les agents des services des frontières et de l’immigration et les équipes ou unités spéciales établies dans plusieurs pays pour lutter contre la traite et l’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. Elle a cependant à plusieurs reprises observé que le manque de personnel et de ressources, la corruption parmi les représentants de la loi ou la complicité avec les auteurs faisaient obstacle au contrôle efficace des pires formes de travail des enfants. En conséquence, la commission a attiré l’attention des gouvernements sur le renforcement des capacités des services chargés de l’application de la loi en matière d’identification, d’enquête, de poursuite, de condamnation et d’imposition de peines appropriées et dissuasives, y compris pour les agents complices, en cas de violation des dispositions interdisant les pires formes de travail des enfants. La commission a également souligné que, souvent, les enfants pris au piège des pires formes de travail des enfants, notamment l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et le travail dans des activités illicites, devraient être traités comme des victimes et non comme des criminels. S’agissant de la surveillance des travaux dangereux effectués par des enfants, les systèmes d’inspection du travail sont particulièrement bien adaptés dans de nombreux pays, tandis que, dans d’autres, des unités de surveillance du travail des enfants ou des unités de protection de l’enfance sont créées. Observant que, dans de nombreux pays, les enfants sont livrés à l’exploitation par le travail et engagés à des travaux dangereux dans des secteurs qui échappent à la portée normale des activités des inspecteurs du travail, tel le travail domestique des enfants, le travail dans l’agriculture ou le travail que des enfants effectuent pour leur compte, la commission a réaffirmé qu’il était nécessaire de renforcer les capacités de l’inspection du travail, d’en étendre le champ de compétences ou d’attribuer aux inspecteurs du travail des pouvoirs spéciaux afin de garantir que les enfants travaillant dans ces secteurs bénéficient de la protection prévue par la législation nationale.
Dans plusieurs pays, la commission s’est dite préoccupée par des lacunes graves dans l’application de la convention, notamment par la situation d’enfants dans des zones de conflit qui sont recrutés comme combattants ou utilisés comme boucliers humains, esclaves sexuels ou kamikazes. Elle a instamment prié les gouvernements de protéger les enfants en situation de fragilité et de crise. Elle a également pris note avec préoccupation de la situation d’enfants victimes de traite et d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, de tourisme sexuel et de travail domestique, et s’est dite préoccupée par la situation des enfants exposés aux pires formes de travail des enfants, notamment les enfants qui travaillent dans la rue, les enfants mendiants, les enfants orphelins du VIH/sida, ainsi qu’un nombre croissant d’enfants réfugiés, dont la plupart ne sont pas accompagnés. La commission a prié les gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et pour les y soustraire, les réadapter et les intégrer socialement par l’éducation ou la formation professionnelle. La commission constate que de nombreux pays ont adopté et mis en œuvre des programmes d’action concrets et des mesures efficaces dans un délai déterminé pour éliminer les pires formes de travail des enfants, comme prescrit par la convention, programmes et mesures qui ont eu des effets importants sur la prévention de ces pires formes de travail des enfants et qui ont permis de soustraire des enfants à ces activités. Il s’agit notamment de plans d’action nationaux visant à combattre et à éliminer les pires formes de travail des enfants, en particulier la traite des enfants, l’exploitation sexuelle à des fins commerciales des enfants, la servitude pour dettes des enfants et les travaux dangereux effectués par des enfants. À ce sujet, la commission tient à mettre en lumière le rôle que l’OIT a joué avec son Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) en aidant plus de 100 pays à élaborer et à mettre en œuvre des projets et des programmes assortis de délais visant à combattre les pires formes de travail des enfants. Ce programme phare, qui s’appelle désormais IPEC+, est déployé dans 62 pays de toutes les régions du monde et compte sur la participation des mandants de l’OIT (gouvernement, organisations d’employeurs et de travailleurs), d’entreprises et d’organisations de petits producteurs, d’ONG et d’organisations de la société civile. Il convient de noter que, tout en reconnaissant la pertinence du rôle joué par les ONG et les organisations de la société civile, la commission rappelle que la responsabilité ultime incombe aux gouvernements, qui doivent donc prendre toutes les mesures en leur pouvoir pour améliorer la situation de tous les enfants exposés aux pires formes de travail des enfants, y compris les enfants des rues, en allouant toutes les ressources disponibles à cette fin.
La commission rappelle l’importance capitale de l’accès à une éducation de base gratuite, indispensable à la fois pour empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et pour contribuer à la réadaptation et à l’intégration sociale des enfants soustraits à ces activités. La commission a observé que, ces dernières années, des États Membres avaient mis en œuvre plusieurs programmes visant à améliorer l’accès à l’éducation de base gratuite, comme l’exige la convention, tels que des programmes de transferts monétaires assortis de conditions visant à allouer des prestations financières aux familles qui vivent dans la pauvreté à condition que leurs enfants aillent à l’école. La commission a également pris note des bourses d’études accordées aux enfants pour couvrir les coûts cachés de l’éducation, tels que les uniformes, les livres et le transport, ainsi que des programmes d’alimentation scolaire dans le cadre desquels des repas sont distribués aux enfants. Ces mesures ont amélioré l’accès à l’éducation au primaire et au secondaire. D’après l’Institut de statistique de l’UNESCO, le nombre d’enfants ayant l’âge du primaire ou du secondaire qui ne sont pas scolarisés a chuté de 380 millions en 1999, année d’adoption de la convention, à 258 millions en 2018, alors même que la population mondiale des enfants ayant l’âge scolaire continue de croître.
La commission rappelle qu’en vertu de la convention la coopération internationale et l’assistance mutuelle sont particulièrement importantes pour interdire et éliminer les pires formes de travail des enfants. La commission encourage les États Membres à redoubler d’efforts pour améliorer leur collaboration par des accords de coopération multilatéraux, régionaux et bilatéraux en vue de faire disparaître les pires formes de travail des enfants. À cet égard, la commission note que la coopération internationale entre les services chargés de l’application de la loi de certains pays dans les domaines de l’échange d’informations, de la surveillance transfrontalière et de la formation contribue à la lutte contre la vente et la traite des enfants, ainsi que contre l’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. La commission tient également à souligner que les programmes de réduction de la pauvreté contribuent fortement à briser le cycle de la pauvreté, ce qui est primordial pour éliminer les pires formes de travail des enfants. Compte tenu de l’étroite corrélation entre le travail des enfants et la pauvreté, la commission encourage les États Membres à renforcer l’entraide et l’aide aux programmes de développement socioéconomique et d’éradication de la pauvreté, notamment en intégrant les préoccupations relatives au travail des enfants dans les programmes de développement rural, les plans d’atténuation de la pauvreté et les systèmes de protection sociale afin de réduire effectivement la pauvreté chez les enfants.
La commission met l’accent sur l’importance de disposer de données adéquates et à jour sur la nature, l’étendue et l’évolution des pires formes de travail des enfants aux fins d’une application effective de la convention dans la pratique. La commission accueille favorablement le fait que plusieurs pays ont entrepris de mener une enquête nationale sur le travail des enfants ainsi que l’inclusion d’une partie relative au travail des enfants dans leur enquête nationale sur la population active qui permet de suivre l’évolution du travail des enfants et de déterminer l’ampleur du travail des enfants et de ses pires formes. La commission encourage les États Membres à continuer de s’employer à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les données sur la situation des enfants astreints aux pires formes de travail des enfants, ventilées dans la mesure du possible par âge et par genre, sont collectées, traitées et analysées.
La commission salue le fait que des gouvernements ont exprimé la volonté politique de répondre aux préoccupations qu’elle a exprimées et aux problèmes qu’elle a soulevés en ce qui concerne la mise en œuvre et l’application pratique des dispositions donnant effet à la convention. D’après les estimations mondiales de 2017 sur l’esclavage moderne et le travail des enfants, l’adoption de lois et de politiques efficaces, ainsi que leur mise en œuvre, ont fait reculer le travail des enfants et ses pires formes de près de 40 pour cent (soit plus de 94 millions d’enfants) depuis 2000. Étant donné que près de 73 millions d’enfants sont toujours astreints à des travaux dangereux et que d’autres pires formes de travail des enfants persistent dans de nombreux pays, la commission exprime sa préoccupation face à l’immensité du défi que représente l’élimination des pires formes de travail des enfants, qui exige des mesures d’urgence efficaces. La commission note avec préoccupation que les enfants sont de plus en plus vulnérables au travail des enfants et à ses pires formes en raison de la pandémie actuelle de COVID 19 et de la crise économique qui en résulte. À cet égard, la commission fait observer que, d’après le document thématique de 2020 de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail face au COVID 19, la pandémie pourrait ramener la lutte contre le travail des enfants et ses pires formes une génération en arrière. En effet, d’après les estimations, entre 42 et 66 millions d’enfants pourraient tomber dans l’extrême pauvreté en 2020. Une hausse des pires formes de travail des enfants est particulièrement préoccupante; des éléments attestent de nouveaux cas d’enfants en servitude pour dettes, notamment de servitude domestique, ainsi que de nouveaux cas d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, de travaux dangereux dans les mines et l’agriculture, et de diverses activités dans des ateliers clandestins. La commission espère que la communauté internationale, en gardant à l’esprit tous les instruments internationaux pour la protection des enfants, et en partenariat avec l’Alliance 8.7, ne cédera en rien sur son engagement d’atteindre la cible mondiale 8.7 des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies d’ici à 2025. La commission estime que des mesures efficaces visant à assurer le respect de la loi doublées de politiques nationales relatives au travail des enfants, de services adaptés aux enfants et d’une participation effective des enfants, ainsi que de programmes bien conçus, notamment l’élaboration et l’extension des mesures de protection sociale, l’élargissement de l’accès à l’éducation de base gratuite et de qualité, et la promotion du travail décent pour les adultes, en particulier par la lutte contre l’informalité, donneront aux pays les ressources nécessaires pour éliminer les pires formes de travail des enfants. Tout en célébrant ce moment historique, la commission appelle les mandants tripartites à mettre cette dynamique à profit pour redoubler d’efforts et répondre aux aspirations contenues dans cette convention fondamentale en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants dans un avenir proche sans laisser aucun enfant de côté.
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