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Observation (CEACR) - adopted 2024, published 113rd ILC session (2025)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Peru (Ratification: 1960)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Peru (Ratification: 2021)

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La commission salue la ratification par le Pérou du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. Notant que le premier rapport du gouvernement n’a pas été reçu, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’application du protocole, conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
La commission prend également note des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues le 1er septembre 2023.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Lutte contre le travail forcé. i) Plan national de lutte contre le travail forcé. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport sur les mesures prises dans le cadre du troisième Plan national de lutte contre le travail forcé (PNLCTFIII) pour la période 2019-2022. Elle observe en particulier que: i) le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi (MTPE) a collaboré avec les administrations et directions régionales du travail pour mettre au point les mesures relatives au travail forcé dans les plans régionaux ou locaux; ii) des équipes chargées de la sensibilisation au travail forcé ont été constituées et formées dans dix régions; iii) des activités de formation ont été organisées à l’intention de la population et des fonctionnaires sur la manière d’identifier et de signaler d’éventuelles situations de travail forcé; et iv) des progrès ont été réalisés dans la formulation d’une proposition de politique nationale multisectorielle pour la prévention et l’élimination du travail forcé, avec l’assistance du BIT.
La commission prend note avec intérêt de l’adoption en 2021 de la loi no 31330 qui déclare d’intérêt national la mise en œuvre des politiques publiques de prévention et d’élimination du travail forcé, ainsi que de la création de l’Observatoire national du travail forcé, et son règlement (décret suprême no 005-2022-TR). Conformément à l’article 9 de ce règlement, l’objectif de l’observatoire est de générer, compiler, consolider, systématiser, analyser et diffuser les informations émanant des entités publiques en matière de travail forcé, de manière à renforcer les politiques publiques visant à éliminer celui-ci. Les activités de l’observatoire consistent, entre autres, à élaborer des indicateurs, à produire des statistiques et à fournir des conseils techniques et méthodologiques sur le travail forcé aux entités nationales et régionales. Le gouvernement indique également que depuis mai 2022, des actions ont été entreprises pour opérationnaliser l’observatoire, notamment l’élaboration d’un diagnostic institutionnel, la formulation d’une stratégie de mise en œuvre et d’un plan de formation.
La commission note également que, dans ses observations, la CATP indique qu’en dépit de la loi no 31330 qui prévoit l’envoi par le MTPE d’un rapport annuel au Congrès sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des politiques publiques en matière de prévention et d’élimination du travail forcé, ce rapport n’a pas été mis à la disposition des organisations syndicales siégeant au Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi. Elles n’ont pas non plus pu accéder à des informations sur l’état de mise en œuvre de l’observatoire, les résultats des enquêtes sur la prévalence du travail forcé, et l’évaluation du PNLCTF. La CATP fait également état de la faible capacité opérationnelle des institutions publiques compétentes pour éliminer le travail forcé.
La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre le travail forcé moyennant le renforcement des capacités des institutions compétentes et en adoptant, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, la politique nationale multisectorielle pour la prévention et l’élimination du travail forcé.À cet égard, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités de l’Observatoire national du travail forcé et sur les résultats des évaluations menées par la Commission nationale de lutte contre le travail forcé. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations statistiques sur l’incidence du travail forcé dans les différentes régions du pays.
ii) Renforcement de l’inspection du travail. En ce qui concerne la capacité de l’inspection du travail à identifier les situations de travail forcé, la commission rappelle l’existence du Groupe spécial d’inspection du travail contre le travail forcé et le travail des enfants (GEIT-TFI), ainsi que du protocole d’intervention en matière de travail forcé préparé par la Superintendance nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL). La commission prend note de l’information générale du gouvernement selon laquelle, entre 2022 et 2023, 110 ordres d’inspection ont été émis, sans préciser le nombre de cas dans lesquels d’éventuelles situations de travail forcé ont été identifiées. En outre, la commission note que, selon la CATP, en 2021, 47 inspections relatives au travail forcé ont été réalisées (11 à la suite de plaintes et 36 dans le cadre des activités de la SUNAFIL), et que sur ces 47 inspections, huit ont donné lieu à un constat d’infraction, mais aucune information ne permet d’établir si les amendes imposées ont été effectivement recouvrées, ni si ces affaires ont été renvoyées au ministère public en vue de l’engagement de poursuites pénales correspondantes.
La commission rappelle que l’inspection du travail est un maillon essentiel de la lutte contre le travail forcé, dans la mesure où elle permet non seulement de libérer les travailleurs des situations de travail forcé dans lesquelles ils se trouvent, mais également de mettre à la disposition de la justice les preuves qui serviront à initier les poursuites contre les auteurs de ces pratiques. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour renforcer les capacités des inspecteurs du travail à identifier les situations de travail forcé, et en particulier les capacités du Groupe spécial d’inspection du travail contre le travail forcé et le travail des enfants (GEIT-TFI)dans les zones et les activités économiques où le travail forcé est répandu. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les violations liées au travail forcé qui ont été détectées, ainsi que sur d’autres violations très graves en matière de relations de travail qui pourraient constituer des indicateurs de situations de travail forcé.Elle prie également le gouvernement de préciser le nombre de cas de travail forcé par l’inspection du travail et renvoyés au ministère public en vue de l’engagement de poursuites pénales.
iii) Application de sanctions pénales efficaces. La commission prend note, d’après les indications du gouvernement, des mesures prises dans le cadre du PNLCTF-III pour former le personnel judiciaire en matière d’enquête et de sanction pour crime de travail forcé, ainsi que de l’adoption du protocole du ministère public pour l’action des procureurs relativement à la prévention, aux enquêtes et aux sanctions dans les affaires de travail forcé. La commission note qu’entre 2019 et 2021, huit procédures pénales pour travail forcé (article 129-O du Code pénal) ont été enregistrées, dont quatre ont abouti à des condamnations (dans une affaire, le défendeur a été acquitté et dans les trois autres, une peine privative de liberté a été prononcée); 18 procédures pénales pour crime d’exploitation sexuelle (article 129-C du Code pénal), dont neuf ont abouti à des condamnations (dans trois affaires, le défendeur a été acquitté et dans les six autres, une peine privative de liberté a été prononcée); et 2 procédures pénales pour crime d’esclavage et autres formes d’exploitation (article 129-Ñ du Code pénal) sont en cours d’enquête.
La commission note que, dans ses observations, la CATP affirme que le nombre de situations de travail forcé dénoncées est très faible, ce qui pourrait être dû aux connaissances très limitées concernant ce problème et la notion de travail forcé, ou à un manque de connaissance sur les mécanismes pour dénoncer ces situations. La CATP considère que les stratégies de formation et de sensibilisation devraient porter sur les populations vulnérables au travail forcé, principalement dans les régions les plus exposées, et viser les fonctionnaires qui sont en contact direct et permanent avec ces populations.
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour former le personnel judiciaire à identifier et à enquêter de manière proactive sur les situations de travail forcé;informer la population, en particulier dans les régions où le travail forcé est le plus répandu, des moyens disponibles pour dénoncer les situations de travail forcé et faciliter l’accès à ces moyens.Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de procédures judiciaires initiées au titre des articles 129-O (travail forcé), 129-C (exploitation sexuelle) et 129-Ñ (esclavage et autres formes d’exploitation) du Code pénal, ainsi que sur les difficultés rencontrées par le personnel judiciaire pour mener les enquêtes relatives à ces crimes.
2. Situations de travail forcé liées à des activités extractives illégales. Dans ses derniers commentaires au titre de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, la commission a pris note des allégations concernant la pratique du travail forcé dans les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne, en particulier dans la région d’Ucayali, dans le contexte de l’extraction illégale de bois, connue sous le nom de pratique de «habilitación». Cette pratique consiste pour un acheteur de bois extérieur à la communauté à fournir à un travailleur indigène les biens nécessaires à sa subsistance et à son travail, en établissant une dette que le travailleur doit rembourser avec du bois.
La commission note, d’après l’indication du gouvernement, que dans le cadre du PNLCTF-III, il a été tenu compte des études de cas menées dans les régions de Cusco, Loreto, Madre de Dios, Puno et Ucayali, qui ont révélé des situations de travail forcé dans des activités liées à l’extraction illégale de bois et à l’exploitation de mines d’or. Selon les informations contenues dans les comptes rendus de la Commission nationale de lutte contre le travail forcé (CNLCTF), des activités de formation et de sensibilisation ont été réalisées à l’intention des fonctionnaires et de la communauté en général dans les régions de Junín, Lima Provincias, Madre de Dios, Moquegua, Pasco, Piura, Puno, San Martín, Tacna, Tumbes et Ucayali, auxquelles ont participé 79 personnes (compte rendu de la session ordinaire no 133 de janvier 2024). La commission note également que le gouvernement, la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi d’Ucayali et l’Organisation internationale du Travail ont organisé un atelier sur le travail forcé, la sécurité et la santé sur le lieu de travail, à l’intention des représentants des communautés indigènes d’Ucayali.
La commission note également que, selon les informations fournies par le gouvernement dans le rapport sur la convention no 169, aucun des procureurs spécialisés (en matière d’environnement et de criminalité organisée) du district spécial d’Ucayali n’a identifié de plaintes relatives au travail forcé (système d’«habilitación»). Le gouvernement indique que la SUNAFIL, le MTPE et le gouvernement régional ont coordonné des actions visant à créer une commission régionale de lutte contre le travail forcé pour la région d’Ucayali, afin de s’attaquer au problème du travail forcé dans cette région. À cet égard, la commission note que dans leurs observations sur l’application de la convention no 169, les organisations syndicales (CGTP, CUT et CATP) saluent la proposition de création d’une commission régionale mais soulignent que celle-ci ne devrait pas seulement être un espace de coordination entre les autorités, et soulignent le manque d’informations sur les réalisations obtenues dans le cadre du Plan et de la Stratégie nationale de lutte contre le travail forcé.
En outre, la commission note que selon les enquêtes menées auprès des membres des tables rondes, réseaux et commissions régionales de lutte contre la traite des personnes (dont les résultats figurent dans le Plan national de lutte contre la traite des personnes et ses formes d’exploitation d’ici à 2030), 41 pour cent des personnes interrogées considèrent que le contrôle des activités illégales, telles que l’exploitation forestière et minière illégale, est inexistant dans les zones urbaines et rurales, et 29 pour cent considèrent que ce contrôle est inefficace. La commission note également que 25 pour cent des personnes interrogées considèrent que le contrôle des espaces et des activités dans les zones à risque de travail et d’exploitation sexuelle n’est pas réalisé dans les zones rurales; 39 pour cent considèrent qu’il est réalisé occasionnellement dans les zones rurales; et 28 pour cent considèrent qu’il n’y a aucune mesure de prévention nulle part sur le territoire. La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales de 2023, a indiqué que le travail forcé perdure, en particulier dans l’industrie extractive, notamment dans les zones où l’activité minière est importante, ainsi que dans le secteur extractif informel et l’extraction minière à petite échelle (CCPR/C/PER/CO/6).
La commission note avec préoccupation que des problèmes subsistent en ce qui concerne la capacité des autorités compétentes à contrôler et à prévenir les pratiques de travail forcé liées aux activités extractives illégales dans les régions reculées. La commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures pour prévenir, enquêter sur et sanctionner les pratiques de travail forcé liées aux activités illégales d’extraction des ressources (exploitation forestière et mines d’or), en particulier dans les communautés indigènes.De même, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour mettre en place la Commission régionale de lutte contre le travail forcé d’Ucayali.À cet égard, elle prie le gouvernement de fournir des informations, une fois la commission mise en place, sur les mesures prises pour renforcer la présence des services de l’État dans la région d’Ucayali, faciliter l’accès des travailleurs indigènes aux mécanismes administratifs et judiciaires pour dénoncer les situations de travail forcé et bénéficier d’une protection appropriée, et enquêter sur les cas de travail forcé. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute évaluation réalisée par la Commission nationale de lutte contre le travail forcé et sur les résultats des mesures prises dans le cadre du troisième Plan national de lutte contre le travail forcé dans les régions reculées, comme Ucayali et Madre de Dios.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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