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Observation (CEACR) - adopted 2024, published 113rd ILC session (2025)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Germany (Ratification: 1957)

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Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle qu’elle demande depuis de longues années l’adoption de mesures visant à reconnaître le droit de grève des fonctionnaires qui n’exercent pas une autorité au nom de l’État. À cet égard, elle avait pris note de la décision de 2018 de la Cour constitutionnelle fédérale (affaire no 2 BvR 1738/12), qui avait rejeté les recours formés par des enseignants ayant le statut de fonctionnaire contre des mesures disciplinaires dont ils faisaient l’objet pour avoir participé à des grèves pendant des heures de travail, au motif que ces mesures ne portaient pas atteinte à la liberté syndicale consacrée par l’article 9(3) de la Constitution. Elle avait noté que la Cour constitutionnelle avait estimé, dans ses décisions, que l’article 33(5) de la Constitution justifiait d’interdire aux fonctionnaires de faire grève en insistant sur les principes traditionnels et les spécificités du régime de la fonction publique de carrière (comme le versement d’un salaire proportionné au poste occupé dans la fonction publique, le devoir de loyauté et l’emploi à vie). La commission avait observé avec regret que la décision de la Cour constitutionnelle n’était pas conforme à la convention, dans la mesure où elle équivalait à une interdiction générale du droit de grève des fonctionnaires fondée sur leur statut, indépendamment de leurs fonctions et responsabilités, et en particulier à une interdiction du droit des fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’État (tels que les enseignants) de recourir à la grève. Elle avait en outre noté que cette question faisait l’objet d’une procédure introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme.
La commission prend note de l’indication donnée par le gouvernement, en réponse à sa demande concernant l’issue de cette procédure, selon laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’interdiction de recourir à la grève faite aux enseignants ayant le statut de fonctionnaire était conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, et que les mesures disciplinaires ne portaient pas atteinte à la liberté d’association consacrée par l’article 11 de cette Convention (voir Humpert et autres c. Allemagne, jugement du 14 décembre 2023 – requêtes nos 59433/18, 59477/18, 59481/18 et 59494/18). Le gouvernement indique que, d’après la Cour, si le droit de grève est un outil important, il ne constitue pas pour les syndicats et leurs membres le seul moyen par lequel ils peuvent protéger leurs intérêts professionnels respectifs, et qu’il n’a donc pas un caractère absolu. Le gouvernement affirme en outre que la Cour a considéré que l’absence de droit de grève était compensée notamment par: les droits de participation étendus des syndicats et des fonctionnaires (par exemple le droit dont les organisations faîtières regroupant les syndicats jouissent, en vertu de la loi, de participer au processus de rédaction des dispositions législatives régissant la fonction publique, ainsi que les droits de participation des fonctionnaires aux comités du personnel), et les droits liés au statut particulier des fonctionnaires, notamment le droit à une rémunération adéquate, garanti par la constitution et soumis à un contrôle juridictionnel. Le gouvernement souligne en outre que la Cour a estimé que l’ingérence dans l’exercice de la liberté syndicale par l’interdiction du recours à la grève était justifiée, dans la mesure où l’objectif poursuivi, à savoir assurer une administration publique efficace (en l’espèce, le droit d’autrui à l’instruction), était légitime. En outre, d’après le gouvernement, lorsqu’elle a évalué la marge d’appréciation que la Convention européenne des droits de l’homme accordait aux autorités nationales en ce qui concerne les restrictions de la liberté syndicale, la Cour a souligné qu’il existait une dualité de statuts pour les enseignants en Allemagne, lesquels pouvaient exercer leur profession en tant que contractuels du secteur public, et ainsi bénéficier du droit de grève, plutôt qu’en tant que fonctionnaires.
La commission prend dûment note du jugement de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a conclu que «les mesures disciplinaires prises contre les requérants n’[avaient] pas excédé la marge d’appréciation reconnue à l’État défendeur dans les circonstances de l’espèce et [s’étaient] révélées proportionnées aux importants buts légitimes poursuivis», et que dès lors, «il n’y [avait] pas eu violation de l’article 11 de la Convention [européenne des droits de l’homme]» (paragr. 147 du jugement). La Cour a néanmoins rappelé «que le droit de grève [était], pour les syndicats, un outil important aux fins de la protection des intérêts professionnels de leurs membres, et, pour les travailleurs syndiqués, un outil important aux fins de la défense de leurs intérêts» (paragr. 128). Elle a en outre constaté qu’il existait, dans les organes de contrôle créés sur la base des instruments internationaux spécialisés, une forte tendance à considérer que les fonctionnaires, y compris les enseignants au bénéficie de ce statut, ne devraient pas, à raison de leur seul statut, se voir interdire la possibilité de faire grève, tendance qui ressortait également de la pratique des États contractants (paragr. 125 et 126). Elle a reconnu que «[l]es organes de contrôle compétents créés en vertu des instruments internationaux spécialisés – dont la [CEACR], organ[e] de contrôle de l’[OIT] – [avaient] à maintes reprises critiqué l’interdiction de faire grève imposée aux fonctionnaires d’Allemagne à raison de leur statut, en particulier en ce qui concerne les enseignants relevant de ce statut» (paragr. 126). La commission note que, «[s]ans remettre en cause l’analyse que ces organes [avaient] menée lorsqu’ils [s’étaient] penchés sur le respect par l’État défendeur des instruments internationaux qu’ils [avaient] pour mission de contrôler, la Cour [a rappelé] que, sa compétence se limitant à la Convention [européenne des droits de l’homme], elle [avait] pour tâche de rechercher si, telle qu’elle [avait] été appliquée aux requérants, la législation nationale pertinente [était] proportionnée, conformément à l’article 11 § 2 de la Convention» (paragr. 126).
Le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme porte sur l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. De la même manière que «la compétence de la Cour se limite à la Convention [et ne lui permet pas de] se prononcer sur le respect par l’État défendeur des textes pertinents de l’OIT» (paragr. 101 du jugement), la commission n’est pas compétente pour se prononcer sur l’interprétation faite par la Cour de la Convention européenne des droits de l’homme ou du respect de celle-ci par l’Allemagne. Son mandant consiste plutôt à procéder à une analyse impartiale et technique de la façon dont les conventions sont appliquées dans la législation et la pratique par les États Membres; ce faisant, elle examine la portée juridique, le contenu et la signification des dispositions des conventions (voir Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, Rapport III (partie A), 112e session, Genève, 2024, Rapport général, paragr. 30), et dans le cas présent, des dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. À cet égard, la commission rappelle qu’elle a toujours considéré que le droit de grève est l’un des moyens fondamentaux dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et protéger leurs intérêts économiques et sociaux. Si elle a reconnu que ce droit pouvait être restreint, voire interdit, dans la fonction publique, elle a déterminé qu’une telle restriction ne pouvait être appliquée que dans le cas des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’État. Elle estime que les enseignants du secteur public n’appartiennent pas à cette catégorie de fonctionnaires et devraient en conséquence bénéficier du droit de grève sans s’exposer à des sanctions même si, dans certaines circonstances, le maintien d’un service minimum peut être envisagé dans ce secteur (voir Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 129 et 130). La commission observe que la situation en Allemagne n’est toujours pas conforme à la Convention à cet égard. Regrettant qu’il n’ait pas encore été possible de trouver une solution à cette question en suspens depuis longtemps, la commission encourage donc le gouvernement à continuer d’engager un dialogue national approfondi avec les organisations représentatives de la fonction publique en vue de trouver des moyens de mieux aligner la législation sur la convention.
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