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Caso individual (CAS) - Discusión: 2008, Publicación: 97ª reunión CIT (2008)

Convenio sobre la libertad sindical y la protección del derecho de sindicación, 1948 (núm. 87) - Zimbabwe (Ratificación : 2003)

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La présidente de la commission a invité les représentants gouvernementaux à intervenir dans la discussion. Après avoir constaté l’absence de la délégation du Zimbabwe, qui avait pourtant été dûment accréditée et enregistrée à la Conférence, la présidente s’est référée aux méthodes de travail de la commission. La non-participation d’un gouvernement aux travaux de la commission constitue un obstacle significatif pour la poursuite des objectifs de l’Organisation internationale du Travail. C’est pour cette raison que la commission peut débattre du fond des cas concernant les gouvernements qui se sont enregistrés et qui sont présents à la Conférence mais qui ont fait le choix de ne pas se présenter devant la commission. Le débat qui a lieu sur ces cas se reflète dans la partie pertinente du rapport, à la fois celle relative aux cas individuels et celle portant sur la participation aux travaux de la commission.

Les membres travailleurs ont déclaré que le gouvernement du Zimbabwe s’est engagé dans une voie qui se caractérise par une action systématique de malveillance, en violation de la convention, qui revêt la forme d’arrestations, de détentions, de brutalités et de harcèlement des dirigeants syndicaux, activistes et défenseurs des droits de l’homme. Le Zimbabwe, sous le même gouvernement, avait pourtant été une démocratie, dans un pays qui était le grenier à blé de l’Afrique australe, avec une monnaie forte, avant de sombrer dans le despotisme et de laisser plonger l’économie dans l’abîme par sa gouvernance désastreuse.

L’indifférence flagrante du gouvernement à l’égard du peuple du Zimbabwe éclate à travers le déni des libertés publiques, et notamment l’exploitation incessante de la loi 2006 portant Code pénal (codification et réforme) et de la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA) pour réglementer les activités syndicales. Les membres travailleurs signalent que M. Wellington Chibebe a malheureusement été arrêté pour la deuxième fois avec M. Lovemore Matombo, président du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). Ils ont été placés en détention pendant douze jours et sont aujourd’hui libres sous caution. Le représentant sous-régional du BIT aurait voulu leur rendre visite mais sa demande a été rejetée. Les membres du ZCTU et de simples travailleurs sont régulièrement victimes de tortures, d’arrestations, de harcèlement et de déplacements forcés. Dans les régions rurales, de nombreux enseignants sont persécutés et battus devant leurs élèves: 67 enseignants ont ainsi dû être hospitalisés; M. Raymond Mazongwe a été arrêté puis remis en liberté.

Il y a lieu de rappeler au gouvernement la résolution relative aux droits syndicaux adoptée par la Conférence en 1970, selon laquelle l’absence de libertés civiles, telles qu’énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ôte tout sens au concept de droit syndical. De la même manière, le Comité de la liberté syndicale déclare que les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violences, de pressions et de menaces contre les dirigeants et les membres de ces organisations et que c’est aux gouvernements de faire respecter ce principe.

Le gouvernement du Zimbabwe boycotte délibérément cette commission et traite par le mépris, d’une année sur l’autre, les avis qu’elle exprime concernant les droits syndicaux et les libertés civiles. Les membres travailleurs appellent donc la commission à prier instamment le gouvernement de ne plus utiliser la loi sur la sécurité et l’ordre public pour s’ingérer dans les affaires des syndicats; d’abroger la loi pénale qui incrimine les activités syndicales; d’abroger la règle de l’autorisation préalable de toute activité syndicale; de mettre un terme aux violences, au harcèlement, aux détentions et aux brutalités contre les syndicalistes et les citoyens en général; de retirer toutes les procédures engagées contre des dirigeants syndicaux; d’accorder réparation à toutes les victimes de tortures et de laisser les personnes déplacées revenir dans leurs foyers; de rétablir le dialogue social et d’appliquer la convention en droit et dans la pratique. Pour conclure, les membres travailleurs ont demandé l’envoi d’une mission de l’OIT dans le pays et ont réclamé instamment que la commission fasse figurer ses conclusions dans un paragraphe spécial.

Les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement du Zimbabwe continue de promulguer des lois qui paralysent la liberté syndicale, en particulier la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA), et d’engager des procédures pénales contre les dirigeants syndicaux qui participent à des manifestations publiques. Le gouvernement refuse également la mission d’assistance technique de haut niveau du BIT, alors qu’en ratifiant cette convention le Zimbabwe avait souscrit à l’obligation internationale de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec la convention. Cela inclut la protection des libertés publiques.

C’est la seconde année que le gouvernement du Zimbabwe, bien qu’il ait participé aux discussions de la commission cette année, n’apparaît pas devant elle, ce qui est regrettable. Conformément aux méthodes de travail de la commission, telles que révisées lors de la présente session, la discussion de ce cas individuel sera toutefois incluse dans la Partie II du rapport de la commission et devra également faire l’objet d’un paragraphe spécial pour défaut continu d’application.

Ce cas implique des violations flagrantes des éléments les plus fondamentaux de la liberté d’association. Il y a des preuves d’agressions, d’arrestations, de tortures, de violences policières contre les dirigeants syndicaux. Les libertés civiles, dont la liberté de parole, la liberté de mouvement, la liberté syndicale et la liberté de réunion ou la liberté et la sécurité des personnes sont inexistantes. Ce cas porte sur un pays qui nie les droits humains, et notamment la pierre angulaire la plus fondamentale de l’OIT: la liberté d’association.

Le membre employeur de l’Afrique du Sud a déclaré que les événements au Zimbabwe constituent une véritable tragédie. Les atrocités et les souffrances humaines sont au-delà de toute description. Des travailleurs voient leurs droits bafoués et sont persécutés lorsqu’ils défendent la justice. La situation affecte également les employeurs. Le refus du gouvernement de se présenter devant la commission est une preuve de son mépris de l’OIT et de ses principes fondamentaux. Compte tenu des violations incessantes de la convention par le gouvernement, le moment est à l’introspection non seulement pour les Zimbabwéens, mais également pour les dirigeants africains et internationaux afin de prendre toutes les mesures à leur disposition pour éviter davantage de souffrances humaines. Des millions de travailleurs ont fui le pays et leurs familles sont séparées.

Le membre travailleur du Zimbabwe a déclaré que la convention no 87, un des piliers sur lesquels se mesure et s’évalue une démocratie, est menacée en raison du refus du gouvernement, de respecter les précédentes conclusions de la commission. La question devant la commission est de savoir si le Zimbabwe respecte et applique plus amplement la convention depuis la discussion de 2007. Ce n’est malheureusement pas le cas.

En 2007, la commission a débattu du besoin d’une réforme de la loi sur le travail de manière à autoriser les fonctionnaires à s’affilier à un syndicat, avec la possibilité de négocier leurs conditions de service par le biais d’un conseil national de l’emploi. L’orateur a constaté avec une grande inquiétude les tergiversations du gouvernement relatives aux distorsions des relations professionnelles, critiquées par la commission d’experts. De manière surprenante, suite à l’harmonisation en 2002 de la loi sur les services publics (PSA) avec la loi sur le travail, le gouvernement a décidé en 2005, sans consultation des parties prenantes aux relations professionnelles, de revenir à l’application de l’ancien texte. En outre, le personnel des services pénitentiaires et des services de police n’est pas autorisé à former des syndicats.

L’orateur a également rappelé que la loi sur le travail n’est même pas conforme aux normes internationales du travail élémentaires. Le chapitre 28:01 (article 2 (A)) ne fait qu’une référence aux normes internationales du travail et les tribunaux refusent de les appliquer, les conventions pertinentes n’ayant pas été transposées en droit national. C’est l’essence même du problème auquel doivent faire face les syndicats dans leur lutte quotidienne pour protéger leurs membres.

Le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) a souffert d’actions brutales du gouvernement. Le gouvernement refuse de tirer les leçons de ses actions et omissions passées. Le 13 septembre 2006, un certain nombre de travailleurs, parmi lesquels les dirigeants du ZCTU, qui s’étaient rassemblés pour faire prendre conscience aux autorités du niveau insupportable de pauvreté et du besoin d’accès à des médicaments antirétroviraux, ont été confrontés à une brutalité policière sans précédent. Ils ont subi des tortures indescriptibles pour avoir seulement voulu s’exprimer. Les arrestations et les détentions deviennent la norme.

Après les commémorations du 1er mai organisées par le ZCTU, le 8 mai 2008, la police a perquisitionné les maisons de ses dirigeants, et celle de l’orateur, et les a arrêtés. Ils ont été traduits en justice pour «communication de mensonges préjudiciables à l’Etat», puis libérés sous caution à condition de s’abstenir de faire toute déclaration politique. Cependant, il est impossible de déterminer de manière exacte ce qui est considéré comme «politique» ou non lorsqu’il s’agit de questions liées au travail sur le plan national. Les membres du ZCTU ont également subi des violences, dans le contexte des élections de 2008, les fonctionnaires ainsi que les enseignants ayant été les plus visés car considérés comme les faiseurs d’opinion dans leurs communautés. Les organes de contrôle de l’OIT avaient pourtant demandé au gouvernement de respecter les droits des travailleurs dans un environnement libre et démocratique.

Bien que l’on ait rarement recours aujourd’hui à la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA), celle-ci a été remplacée par la loi de 2006 portant codification et réforme de la loi pénale. Cette loi est utilisée pour empiéter sur les droits du ZCTU et de ses membres d’exprimer leurs points de vue sur la politique économique et sociale du gouvernement. L’orateur a déclaré que, en vertu de cette loi, il passe en jugement le 23 juin 2008.

Le membre gouvernemental de la Slovénie s’est exprimé au nom des membres gouvernementaux des Etats membres de l’Union européenne, des pays candidats: la Turquie, la Croatie et l’ex-République yougoslave de Macédoine; des pays du processus de stabilisation et d’association ainsi que des candidats potentiels: l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro; de la Norvège en tant que membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), de la Suisse, ainsi que de l’Ukraine, de la République de Moldova et de l’Arménie.

L’orateur a profondément regretté que le gouvernement du Zimbabwe ait refusé une nouvelle fois de participer à la discussion de la commission et a recommandé instamment au gouvernement de reprendre immédiatement le dialogue avec l’OIT et d’accepter une mission d’assistance technique de haut niveau selon les termes requis par la commission en 2006. La détérioration de la situation en ce qui concerne les droits syndicaux au Zimbabwe demeure préoccupante, et les préoccupations constantes de la commission d’experts au regard de la loi sur la sécurité et l’ordre public ne peuvent qu’être partagées. Le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que cette loi ne sera plus utilisée pour empiéter sur les droits des travailleurs et de leurs organisations.

L’orateur a constaté avec une grande préoccupation des actions de discrimination antisyndicale et des ingérences effectuées sous couvert de la loi pénale en ce qui concerne les activités politiques des syndicalistes, et il a souscrit aux conclusions pertinentes du Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement doit abandonner toutes les charges liées aux activités syndicales et s’abstenir de toute mesure d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités. Le gouvernement est prié de fournir des informations complètes et détaillées sur la situation de M. Matombo et M. Chibebe.

L’orateur a insisté sur l’interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux. Un véritable mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat de respect des droits fondamentaux de l’homme. Le peuple zimbabwéen a le droit à la liberté d’expression sans harcèlement, intimidation ou violence, et le droit d’être protégé par la loi. En conséquence, il a appelé instamment le gouvernement à restaurer le plein respect du droit et prendre des mesures immédiates pour mettre fin aux violations continues des droits de l’homme.

Le membre travailleur du Botswana a déclaré que les actes de violence au Zimbabwe visent aussi bien les enseignants que les étudiants, c’est-à-dire la communauté éducative dans son ensemble. L’Association des enseignants du Zimbabwe (ZIMTA) et le Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe (PTUZ) ont été témoins de nombreuses violences, telles que des assassinats ou des tortures et d’autres formes de sévices à l’encontre d’enseignants des régions rurales.

Dans le cadre des élections nationales de 2008, des enseignants ont été accusés d’influencer le vote, étant perçus comme des faiseurs d’opinion dans leurs communautés. Dans certaines régions, des enseignants ont reçu l’ordre d’évacuer leur école ou ont été transférés, et d’autres ont été menacés. La plupart des actes de violence ont été perpétrés par des vétérans de guerre ou des milices de jeunes. Certains enseignants ont été arrêtés ou enlevés par des agents de l’organe central de renseignement. De plus, des milliers d’enseignants n’ont pu exercer leur droit de vote au premier tour parce qu’ils ont été délibérément transférés à l’extérieur de leur circonscription électorale pour exercer la fonction de scrutateurs. Cela constitue une violation du droit constitutionnel des enseignants d’élire leurs dirigeants politiques.

Le PTUZ a rapporté qu’au moins 250 écoles dans 23 districts à travers le pays ont fait l’objet de violences, sous une forme ou une autre, durant la période du 3 au 9 mai 2008. Dans certains cas, des enseignants ont été battus devant leurs élèves et les membres de leur communauté. Soixante-sept enseignants ont été hospitalisés à Harare, Kotwa, Karoi, Rusape, Bonda, Howard, Guruve, Marondera et ailleurs. Cent trente-neuf enseignants ont dû fuir leur école et 213 résidences d’enseignants ont été pillées. De nombreux enseignants ont fui dans les pays voisins et il est peu probable qu’ils reviennent, aggravant ainsi la fuite des cerveaux dans le domaine de l’éducation.

Le 15 mai 2008, M. Raymond Majongwe, le secrétaire général du PTUZ, a une fois de plus été brièvement arrêté par la police alors qu’il se trouvait à la Cour suprême du Zimbabwe pour assister à l’audition de dirigeants syndicaux. Son arrestation faisait suite à la publication d’annonces par le PTUZ déplorant le fait que des enseignants avaient été battus et victimes de harcèlement sur leurs lieux de travail. Raymond Majongwe est régulièrement victime de harcèlement et a été emprisonné pour avoir réclamé l’amélioration du système éducatif affaibli. Le 6 octobre 2007, la police est brutalement intervenue pour disperser les manifestants lors de la Journée mondiale des enseignants. Elle a procédé à l’arrestation de M. Majongwe et l’a interrogé longuement. Auparavant, son passeport avait été confisqué afin de l’empêcher de quitter le pays pour se rendre à une réunion syndicale internationale. L’orateur a condamné les actes de violence commis par le gouvernement à l’encontre des enseignants et des syndicalistes. Il a appelé les autorités du Zimbabwe à respecter les droits de l’homme et les droits syndicaux. L’Internationale des services publics (ISP), l’Internationale de l’éducation (IE) et l’OIT doivent envoyer une mission spéciale au Zimbabwe.

La membre gouvernementale des Etats-Unis a déclaré que son gouvernement regrette profondément que la commission discute de ce cas extrêmement grave sans la participation du gouvernement du Zimbabwe. Son gouvernement est profondément préoccupé par les abus massifs et systématiques commis contre les droits de l’homme et les droits des travailleurs au Zimbabwe. Le palmarès sans équivoque du gouvernement au chapitre des droits syndicaux, confirmé tant par la commission d’experts que par le Comité de la liberté syndicale, inclut des cas d’entraves, de harcèlement, d’emprisonnement et de représailles qui constituent des violations massives, flagrantes et provocatrices de la convention no 87 que le gouvernement du Zimbabwe a par ailleurs ratifiée en toute liberté. Les récents événements démontrent que le respect de l’Etat de droit continue de se détériorer au Zimbabwe.

En dépit du fait que l’offre d’assistance du BIT ne constitue pas une sanction mais bien une aide qui peut avoir des effets positifs, le gouvernement malheureusement persiste à refuser d’accepter une mission de haut niveau pour régler les violations persistantes de la convention no 87. Qu’il accepte ou non la mission de haut niveau, le gouvernement du Zimbabwe a des obligations internationales immuables d’appliquer les dispositions de la convention no 87 tant en droit que dans la pratique et de tenir l’OIT informée des mesures prises à cet égard. L’oratrice a estimé souhaitable que le gouvernement reconsidère son attitude envers les mécanismes de contrôle de l’OIT, mais elle a souligné qu’il devrait à tout le moins prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour garantir à tous ses citoyens le respect de leurs droits fondamentaux de l’homme et du travailleur.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que, le 13 septembre 2006, le ZCTU a planifié une manifestation pour protester contre le coût de la vie et les impôts élevés et pour demander des médicaments antirétroviraux pour les personnes atteintes du VIH. Le préavis en vertu de la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA) a été envoyé aux autorités policières qui ont autorisé la manifestation. Peu après le début de la manifestation, les dirigeants du ZCTU et des syndicats affiliés ont été encerclés par la police qui leur a ordonné de s’asseoir sur la route.

Les dirigeants du ZCTU, dont notamment le président Matombo, le secrétaire général Wellington Chibebe et la vice-présidente Lucia Matibenga, ont été emmenés au poste de police de Matapi. Ils ont été soumis à de graves actes de violence qui se sont prolongés de la part des policiers et ils ont été accusés immédiatement, selon les dispositions de la POSA, d’avoir planifié une manifestation illégale dans l’intention de renverser un gouvernement démocratiquement élu. Les dirigeants du ZCTU ont souffert à cette occasion de nombreuses blessures, y compris des fractures et des lacérations, mais toute assistance médicale leur a été refusée de même que l’assistance de leur avocat durant deux jours. Ils ont été amenés à l’hôpital le 15 septembre. Cependant, seul Wellington Chibebe reçut des soins et ce, uniquement après que des avocats du ZCTU et qu’un membre de l’ONG Médecins pour les droits de l’homme soient intervenus. En dépit de ses nombreuses blessures graves, il a été opéré seulement quatre jours plus tard. Son procès s’est par ailleurs déroulé en secret à l’hôpital. Ses autres collègues, notamment Matombo, Lucia Matibenga, Denis Chiwara, James Gumbi et George Nkiwane, ont été reconduits à leur cellule au poste de police, sans avoir reçu de soins médicaux. Ils ont été déférés au tribunal le lendemain et ont été libérés sous caution. Le tribunal a jugé que les passages à tabac dans les cellules du poste de police devaient faire l’objet d’une enquête et que les auteurs devaient être poursuivis en justice. Toutefois, étant donné que l’enquête incombait aux autorités policières, plus de deux ans après ces terribles événements, aucune accusation n’a été portée contre les officiers de police qui ont commis ces actes de torture ni contre aucun officier supérieur les ayant ordonnés.

Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que ce cas est celui de la lutte que mènent le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) et les travailleurs du ZCTU contre l’injustice sociale et la tyrannie du gouvernement. Le gouvernement a réprimé les manifestations pacifiques organisées par le ZCTU en septembre 2006. Il est de notoriété que des détentions dans des conditions abominables, des violences physiques et des injures ont été perpétrées à l’encontre des dirigeants et des membres du ZCTU. Le Président du Zimbabwe avait cru pouvoir étouffer la vérité en refusant l’entrée du territoire à une délégation de la Coalition of Black Trade Unionists, affiliée à la Fédération américaine du travail - Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO). L’AFL-CIO avait cependant déjà commencé à diffuser des informations sur la répression contre la manifestation du ZCTU.

Le gouvernement ne peut cacher la vérité sur toutes les violations en droit de la convention. La loi sur le travail de 2005 a refusé d’accorder aux fonctionnaires le droit de constituer ou de s’affilier à des syndicats, de négocier collectivement ou de faire grève. Des organisations syndicales authentiques ont été ébranlées par la reconnaissance officielle de prétendus comités de travailleurs. De plus, la loi entrave la grève en imposant une obligation d’obtenir l’accord de la majorité des salariés, des périodes de conciliation obligatoire, l’obligation de notifier la grève deux semaines avant son déclenchement et la possibilité d’un recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire. Les employeurs disposent légalement du droit de remplacer les grévistes qui peuvent, à titre individuel, être poursuivis pour dommages économiques. La définition des services essentiels par le gouvernement ne correspond pas à celle de la jurisprudence de l’OIT, et les grèves illégales peuvent conduire à des condamnations à cinq années de prison. Compte tenu de ces violations flagrantes de la convention, la commission est instamment priée d’inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

La membre travailleuse de l’Afrique du Sud a fourni des exemples de violations graves des droits syndicaux et de cas de harcèlement de dirigeants syndicaux au Zimbabwe. Le 28 février 2008, le secrétaire général du ZCTU a soumis une demande d’autorisation afin de tenir une réunion du comité des femmes le 8 mars. Le gouvernement n’a pas autorisé la réunion et le ZCTU a en conséquence déposé une plainte devant la cour qui a rendu une décision en sa faveur.

A l’occasion de la fête du travail cette année, le ZCTU a fait des demandes pour tenir 34 événements dont cinq ont été refusées. Dans certains cas, les raisons de ce refus n’ont pas été explicitées clairement ni de façon immédiate alors que dans d’autres cas, le refus a été notifié le jour même de l’événement. Le ZCTU a dû annuler les événements commémoratifs en dépit du fait que certains travailleurs s’étaient déjà regroupés et que ces événements avaient déjà engendré des dépenses.

Le harcèlement des dirigeants du ZCTU s’est intensifié à partir du 6 mai, lorsque la police s’est présentée aux domiciles du secrétaire général du ZCTU et de son président. Les deux dirigeants ont été arrêtés, interrogés durant plus de six heures et accusés d’avoir incité la population à se rebeller contre le gouvernement et sur la base d’informations fausses puisqu’ils auraient dit aux travailleurs que des personnes avaient été assassinées, victimes des violences politiques. Au départ, leur libération sous caution a été refusée au motif que ces deux dirigeants étaient dangereux. Elle a finalement été accordée mais sous la condition inacceptable qu’ils ne doivent assister ou prendre la parole dans aucun rassemblement politique. Leur cause sera entendue le 23 juin 2008 et ils sont passibles d’une amende de niveau 14 et de 20 ans d’emprisonnement ou les deux. La violence fait partie du quotidien au Zimbabwe. Des parents se font battre devant leurs enfants. La population fuit dans les pays voisins. Elle a exprimé sa détresse face à la façon dont les autorités du Zimbabwe traitent les syndicalistes et a réclamé l’abandon des accusations contre les deux dirigeants du ZCTU.

La membre gouvernementale de Cuba a indiqué que ses interventions ont toujours eu pour but d’inciter les gouvernements à respecter leurs obligations de présentation de rapports ou de coopération avec les organes de contrôle. Dans le cas présent, la situation est confuse et les motifs de l’absence du gouvernement ne sont pas connus. En conséquence, des efforts supplémentaires devraient être déployés pour établir le contact avec le gouvernement du Zimbabwe. Le mouvement de révolte du gouvernement pourrait s’expliquer par son insatisfaction des résultats des travaux de la commission. Sa délégation ne partage pas les propositions prônant des mesures ou des sanctions à l’encontre d’un gouvernement, quel qu’il soit, sans avoir épuisé tous les contacts et l’assistance technique nécessaires.

Le membre gouvernemental du Canada, prenant la parole également au nom des membres gouvernementaux de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, a exprimé sa profonde préoccupation à l’égard des graves violations à la liberté syndicale au Zimbabwe, liberté essentielle à l’existence d’une société démocratique. Il a souscrit à l’opinion de la commission à l’effet qu’un mouvement syndical véritablement libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat qui respecte les droits fondamentaux de l’homme. La crise actuelle de gouvernance au Zimbabwe est notamment due à l’échec à établir un tel climat.

A la suite des élections générales du 29 mars 2008, des dirigeants syndicaux, dont le président du ZCTU et son secrétaire général Lovemore Matombo et Wellington Chibebe, ainsi que le secrétaire général du Syndicat des enseignants progressistes, Raymond Majongwe, ont été victimes de harcèlement et d’arrestations. Les syndicalistes sont victimes de graves atteintes à leurs droits puisqu’ils font l’objet de violences motivées par des intérêts politiques, d’assassinats, d’actes d’intimidation et de harcèlement. Afin de surmonter la crise politique et économique actuelle, le gouvernement doit s’assurer d’octroyer aux acteurs sociaux et politiques l’espace nécessaire pour qu’ils puissent défendre les droits des travailleurs et ainsi leur permettre de jouer un rôle constructif dans le dénouement de la crise.

La POSA est utilisée de manière à violer les droits des organisations de travailleurs en dépit des amendements qui y ont été apportés. Le gouvernement est instamment prié de veiller à permettre aux syndicats de mener leurs activités et d’exercer leurs droits garantis par la convention, de restaurer le plein respect du droit et de mettre un terme aux violations des droits de l’homme. Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande appuient le travail de la commission d’experts, particulièrement ses efforts pour demander de plus amples informations et sa proposition de dépêcher une mission d’assistance technique de haut niveau au Zimbabwe.

Les membres travailleurs ont déclaré que, là où le gouvernement prône l’impunité, les travailleurs appellent au dialogue, là où le gouvernement propage la violence, les travailleurs appellent à la paix, là où le gouvernement prône l’injustice, les travailleurs aspirent à la justice, et là où le gouvernement utilise la force brutale, les travailleurs opposent la force de la vérité. Les témoignages des violences perpétrées après les élections générales de 2008 sont également disponibles sur Internet.

Le gouvernement de Cuba a soutenu les sanctions contre l’apartheid en Afrique du Sud mais sa position concernant le Zimbabwe semble aujourd’hui hypocrite. Le gouvernement du Zimbabwe confisque actuellement les documents d’identité de la population pour les empêcher d’avoir accès aux rations alimentaires ou leur retirer le droit de vote. Il a aussi décidé d’interdire aux ONG de distribuer de la nourriture. De telles mesures désespérées et inhumaines doivent être condamnées.

Les membres travailleurs ont recommandé à la commission de prendre certaines mesures. En premier lieu, la commission devrait réfléchir à la possibilité d’envoyer une mission tripartite de haut niveau, composée de membres du Conseil d’administration, qui aura pour mandat d’enquêter et d’aider le gouvernement à trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Ensuite, la commission devrait demander aux gouvernements ayant une représentation diplomatique au Zimbabwe de suivre le procès de M. Chibebe et de M. Matombo qui doit débuter le 23 juin 2008. Les membres travailleurs ont également exhorté le gouvernement du Zimbabwe à prendre certaines mesures. Le dialogue social doit être restauré. La loi portant codification et réforme de la loi pénale doit être abrogée. Toutes les charges retenues contre des syndicalistes doivent être abandonnées. La loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA) ne doit pas être utilisée contre les syndicats. Les syndicalistes et les citoyens ordinaires ne doivent pas faire l’objet de persécution, harcèlement, arrestation ou détention. Les victimes des tortures doivent être indemnisées et les personnes qui ont été déplacées de force de leur foyer doivent pouvoir le retrouver.

Les membres employeurs ont soutenu la déclaration des membres travailleurs et leurs recommandations. La présente discussion marque pour le Zimbabwe un jour de honte. Le gouvernement a perdu sa légitimité et son autorité morale. Il aurait pu et aurait dû accepter la mission de haut niveau du BIT, tenir compte des recommandations de l’OIT sur l’application de la convention no 87, reconnaître la liberté d’expression, garantir la liberté politique, assurer la sécurité, reconnaître le droit de réunion, respecter le droit d’association et protéger les libertés publiques, mais il ne le fera pas. Les membres employeurs ont rappelé que les cas les plus graves peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Ils ont instamment prié les 147 autres Membres de l’OIT qui ont ratifié la convention no 87 à soutenir une telle plainte contre le gouvernement du Zimbabwe et le Conseil d’administration à former une commission d’enquête selon la procédure prévue.

La membre gouvernementale de Cuba a précisé que l’attitude de son gouvernement vis-à-vis de l’apartheid ne saurait être qualifiée d’«hypocrite». Elle a rappelé que, loin de se limiter à de simples déclarations, la lutte contre l’apartheid a vu couler le sang de Cubains. Son gouvernement a réitéré sa position de principe d’opposition à toute décision qui prévoirait des mesures ou des sanctions à l’encontre d’un gouvernement, quel qu’il soit, sans avoir utilisé tous les contacts et l’assistance technique nécessaires.

Les membres travailleurs ont souligné la déclaration exceptionnelle des membres employeurs sur ce cas et leur ont adressé leurs remerciements à cet égard.

Conclusions

La commission a profondément déploré l’attitude d’obstruction dont le gouvernement fait preuve de manière persistante en refusant de venir devant elle, pour la deuxième année consécutive, entravant ainsi gravement le fonctionnement des mécanismes de contrôle de l’OIT par rapport à l’examen de l’application de conventions volontairement ratifiées. Elle a rappelé que le mépris du gouvernement à l’égard de la présente commission et la gravité des violations constatées avaient déjà conduit cette commission, l’année précédente, à mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport et à appeler le gouvernement à accepter une mission d’assistance technique de haut niveau.

La commission a en outre déploré le refus par le gouvernement de recevoir la mission d’assistance technique de haut niveau qu’elle l’avait invité à accepter. Elle a observé avec un profond regret que les commentaires de la commission d’experts ont trait à de graves allégations de violation des libertés civiles fondamentales, notamment des arrestations et des placements en détention quasi systématiques de syndicalistes ayant participé à des manifestations publiques. A cet égard, elle a en outre regretté le recours incessant du gouvernement à la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA) et, plus récemment, à la loi de 2006 portant codification et réforme de la loi pénale pour faire arrêter et emprisonner des syndicalistes ayant exercé leurs responsabilités syndicales, en dépit des appels qui lui ont été adressés de ne plus recourir à de tels procédés. Elle a enfin noté que le Comité de la liberté syndicale est actuellement saisi de nombreuses plaintes portant sur ces graves questions.

La commission a pris note avec une profonde préoccupation de la somme des informations présentées, qui concourent à démontrer une aggravation des violations des droits syndicaux et des droits de l’homme dans le pays et attestent des menaces visant les syndicalistes dans leur intégrité physique. Elle déplore en particulier les arrestations récentes de M. Lovemore Matombo et de M. Wellington Chibebe, la violence massive dirigée contre les enseignants ainsi que les graves allégations d’arrestation et d’agression ayant fait suite aux manifestations de septembre 2006.

La commission a insisté sur le fait que les droits syndicaux ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de toute violence, pression ou menace. Elle a rappelé en outre que ces droits sont indissociablement liés à la garantie pleine et entière des libertés civiles fondamentales, notamment à la liberté d’expression, à la sécurité de la personne, à la liberté de déplacement et à la liberté de réunion. Elle a rappelé qu’il est essentiel pour qu’elles soient en mesure de jouer leur rôle de partenaires sociaux légitimes que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exprimer leur opinion sur des questions de politique au sens large du terme et qu’elles puissent exprimer publiquement leur avis sur la politique économique et sociale du gouvernement. En conséquence, elle a appelé instamment le gouvernement à veiller à ce que toutes les libertés civiles fondamentales soient garanties, à abroger la loi pénale et à cesser de recourir abusivement à la loi sur la sécurité et l’ordre public. Elle a appelé le gouvernement à mettre immédiatement un terme à toutes les mesures d’arrestation, de détention, aux menaces et au harcèlement visant les dirigeants et membres des syndicats, à abandonner toutes les charges retenues contre eux et à garantir qu’ils reçoivent une juste réparation. Elle a appelé tous les gouvernements ayant une représentation dans ce pays à être présents au procès de M. Matombo et de M. Chibebe et observer étroitement l’évolution de la situation en ce qui les concerne.

La commission a prié instamment le gouvernement de coopérer pleinement à l’avenir avec les organes de contrôle de l’OIT, conformément aux obligations internationales qu’il a volontairement souscrites de par son appartenance à l’Organisation.

La commission a prié instamment le gouvernement de garantir à tous les travailleurs et employeurs le plein respect des libertés civiles inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international sur les droits civils et politiques, libertés sans lesquelles la liberté d’association et les droits syndicaux seraient dénués de tout sens. Elle a appelé instamment le gouvernement à accepter une mission spéciale d’enquête de haut niveau à caractère tripartite pour examiner ce cas de déni flagrant des droits les plus fondamentaux de la liberté syndicale. Elle a appelé instamment les autres gouvernements ayant ratifié la présente convention à étudier sérieusement la possibilité de déposer une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT et elle a appelé le Conseil d’administration à approuver le principe d’une commission d’enquête.

La commission a décidé d’inclure les présentes conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport. Elle a également décidé de signaler ce cas comme un cas de défaut persistant d’application de la convention.

Les membres travailleurs ont souligné la déclaration exceptionnelle des membres employeurs sur ce cas et leur ont adressé leurs remerciements à cet égard.

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