National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a rappelé que, comme cela avait été proposé par la Commission de la Conférence en 2007, une mission de haut niveau de l’OIT s’est rendue en Turquie en avril 2008. Les membres de la mission ont rencontré des représentants de haut niveau du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, les confédérations syndicales des secteurs privés et publics ainsi que les confédérations d’organisations d’employeurs. La visite avait été l’occasion d’observer les efforts sincères et bien intentionnés du gouvernement pour coopérer avec les partenaires sociaux et pour obtenir une représentation fidèle à la réalité des caractéristiques uniques du système de relations sociales du pays tant en droit que dans la pratique.
Le gouvernement s’est attelé à la tâche consistant à préparer la révision des lois nos 2821 et 2822 en coopération étroite avec les partenaires sociaux aussi bien avant qu’après la mission de haut niveau de l’OIT. Le Conseil tripartite de consultation et son groupe de travail ont travaillé intensivement et le processus de coopération et de consultation avec les partenaires sociaux s’est poursuivi avec les discussions sur les amendements envisagés devant la Commission parlementaire et sa sous-commission. Une approche similaire a été suivie en ce qui concerne les amendements projetés à la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public. Le projet de loi portant révision des loisnos 2821 et 2822 est actuellement au programme de la session plénière de la Grande Assemblée nationale. Le texte du projet de loi a été communiqué au BIT et des informations supplémentaires seront communiquées après sa promulgation. Cependant, la suspension estivale, les élections locales ainsi qu’un remaniement ministériel ont retardé la promulgation du projet de loi. Le projet de loi ne comporte pas d’amendement aux dispositions concernant les grèves politiques, générales et de solidarité, ceci nécessitant une révision constitutionnelle. Bien qu’une révision constitutionnelle ne soit pas facile à réaliser et requière le consensus des différentes parties prenantes de la société, le gouvernement projette de réviser la Constitution.
Une évolution positive doit également être mentionnée car elle est conforme au point de vue exprimé par la commission d’experts selon lequel les syndicats doivent pouvoir agir sur des questions économiques et sociales affectant les intérêts de leurs membres. Dans un arrêt publié en avril 2009, la cour constitutionnelle a décidé à l’unanimité que l’article 73, alinéa 3 de la loi no 2822 était contraire à la Constitution et l’a par conséquent abrogé. Suite à cette décision, rendue dans une affaire relative à une suspension de travail par des employés qui protestaient contre un projet de loi sur les pensions, la participation à une suspension de travail destinée à influencer les mesures prises ou envisagées par les autorités en ce qui concerne le travail et les conditions de travail n’était plus considérée comme illégale.
L’orateur a, en outre, fourni des informations supplémentaires sur les mesures prises ou envisagées pour limiter l’intervention de la police lors de réunions et de manifestations et pour prévenir l’usage excessif de la force dans le contrôle des manifestations, rassemblements et marches des syndicats. De la même façon que pour toutes les autres personnes physiques et juridiques, les syndicats doivent respecter la législation en vigueur, et en particulier la loi no 2911 sur les marches et manifestations. Les activités des syndicats contraires à la loi ne peuvent pas s’affranchir de l’intervention de la police, mais des moyens de recours sont ouverts aux syndicats et à leurs membres pour contester l’action de la police. Le gouvernement est déterminé à prendre toutes les mesures disciplinaires et judiciaires nécessaires contre les membres des forces de sécurité ayant fait un usage disproportionné et excessif de la force pour contrôler des manifestations, des rassemblements et des marches. A cette fin, les mesures suivantes sont envisagées: l’acquisition de matériel de communication qui serait placé à l’intérieur des casques des policiers; l’inscription de numéros facilement identifiables sur leur casque; et de nouvelles dispositions
législatives concernant les actions, les méthodes et les principes encadrant l’action des autorités de police affectées au contrôle des manifestations et marches. Il a ajouté que plusieurs circulaires ont été émises depuis 1997 par le bureau du Premier ministre donnant pour instruction aux autorités publiques de faciliter les activités légales des syndicats. Ces circulaires illustrent clairement l’attitude positive des autorités publiques vis-à-vis des activités légales des syndicats. Cette approche positive est également reflétée dans le fait que le 1er mai a été reconnu comme le jour de la fête du travail et de la solidarité en 2008 et comme un jour férié officiel en 2009.
Toutefois, en ce qui concerne l’usage excessif de la force par la police, il a souligné que des membres d’organisations illégales infiltrent parfois les manifestations et marches des syndicats et attaquent les forces de sécurité à l’aide de pierres et de gourdins, blessant des passants et des policiers, et causant des dommages aux biens publics et privés. Quoi qu’il en soit, ces infiltrations ne doivent pas être une excuse pour permettre un usage disproportionné de la force, et les policiers qui se rendent coupables de telles actions sont assurés d’être sanctionnés disciplinairement et poursuivis pénalement s’ils outrepassent leur autorité. Il a réaffirmé que le fait que la police assiste aux manifestations et marches des syndicats a pour unique but de maintenir l’ordre public. De plus, aux termes de l’article 20 de la loi sur les associations, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à pénétrer dans les locaux des syndicats ou de toutes autres organisations à moins d’être en possession soit d’une décision de justice visant à maintenir l’ordre public et à prévenir des actes criminels, soit d’instructions écrites provenant du bureau du gouverneur local dans les cas où des délais excessifs risqueraient de porter atteinte à l’ordre public.
Concernant la loi no 4688 sur les syndicats d’employés du secteur public, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a élaboré un projet de loi en consultation avec les partenaires sociaux, qui a été communiqué au BIT en février 2009. Le projet de loi a abrogé les restrictions concernant le droit des employés du service public en période probatoire, des gardiens de sécurité privés employés dans le secteur public, des gardiens de prison et des fonctionnaires de rang supérieur dans les établissements employant plus de cent personnes de constituer et de s’affilier à des organisations. Le projet de loi a aussi abrogé l’obligation de justifier de deux années d’ancienneté pour pouvoir fonder un syndicat et que la négociation collective ne sera désormais plus confinée aux droits économiques mais qu’elle couvrira aussi les droits sociaux, ce qui permettrait de mieux refléter la situation réelle. Le projet de loi ne traite pas du droit de grève, qui nécessitera des amendements à la Constitution ainsi qu’une restructuration du système régissant les employés de l’Etat.
En ce qui concerne le droit des membres d’un syndicat affecté par la modification d’une branche d’être représentés par l’organisation de leur choix, et qui concerne principalement le cas de Yapi Yol-Sen, il convient d’observer que les fonctionnaires ont le droit de constituer et se s’affilier aux syndicats de leur choix, dans la branche d’activité de l’établissement où ils travaillent. La fermeture d’une unité administrative dans le contexte d’une restructuration et le transfert de ses employés, n’affectant pas leur statut de fonctionnaire, ne doivent pas être considérés comme une ingérence du gouvernement dans les activités syndicales. Cela démontre plutôt l’importance qu’attache le gouvernement à la sécurité dans l’emploi des fonctionnaires. Il n’est pas cohérent pour un syndicat, en vertu du système actuel fondé sur la syndicalisation par branche, de recruter des employés travaillant dans une autre branche d’activité. L’acceptation de cette pratique aurait pour effet de bloquer le système existant en ce qui concerne la détermination du syndicat autorisé à représenter un groupe d’employés. Il en va de même pour les délégués syndicaux dont la branche d’activité a changé. Le principe qui sous-tend l’exercice de la liberté d’association par les fonctionnaires est qu’ils ont droit de constituer et de s’affilier à des syndicats de leur choix dans la branche d’activité de l’établissement public où ils travaillent.
Concernant la suspension des fonctions d’un dirigeant syndical, candidat à des élections locales ou générales, et la détermination du statut d’un dirigeant syndical ayant été élu, il convient de préciser que les membres de la Grande Assemblée nationale ne peuvent, en vertu de l’article 82 de la Constitution, siéger dans les comités exécutifs de syndicats ou de confédérations syndicales et que leurs fonctions de délégués ne sont pas compatibles avec le fait d’être membres du parlement. Le cas de dirigeants syndicaux candidats à des élections locales ou générales est régi par l’article 18 de la loi no 4688. L’article 10 de la loi prévoit que les dirigeants syndicaux qui ne convoquent pas une assemblée générale conformément aux statuts de leur organisation ou qui ne respectent pas le quorum ne peuvent être démis de leur fonction que par ordonnance de la cour.
En cas de divergence entre les statuts du syndicat et les dispositions de la Constitution ou d’autres lois, le syndicat doit amender ses statuts à défaut de quoi le cas devra être déféré devant les tribunaux. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a toutefois pas eu recours à l’action judiciaire afin d’exiger des amendements aux statuts des syndicats.
Concernant les commentaires de la commission d’experts sur l’article 35 de la loi sur les associations de 2004, il y a lieu d’observer que ce dernier s’applique aux syndicats et aux autres associations, dans les limites prévues aux articles 19 et 26 de la loi, dès lors qu’aucune disposition particulière d’une loi spéciale ne concerne ces organisations. La loi no 2821 régit spécifiquement le statut des organisations de travailleurs. L’article 26 impose l’obtention d’une autorisation délivrée par les autorités provinciales et de district afin de pouvoir ouvrir et opérer des centres d’hébergement en lien avec des activités d’éducation et d’enseignement. L’article 95 des règlements relatifs aux associations prévoit que l’ouverture et l’opération de centres d’hébergement pour les élèves du secondaire sont assujetties à la réglementation émise par le Conseil des ministres en décembre 2004, à moins qu’elles ne soient intervenues en contravention à la loi sur les associations. Il est difficile de comprendre comment la règlementation des centres d’hébergement pour étudiants du secondaire et du niveau supérieur peut être considérée comme une ingérence dans les activités des syndicats. Il s’agit d’une question purement technique, sans aucun rapport avec la liberté d’association, qui a pour but d’assurer les conditions nécessaires à la fourniture de ce type de service.
Enfin, des progrès majeurs s’apparentant à une réforme ont été accomplis grâce au projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821, 2822 et 4688. L’orateur a remercié les partenaires sociaux pour leur participation enthousiaste dans le processus de formulation de ces amendements et déclaré que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour adopter les amendements dès que possible.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l’information fournie et ont indiqué que ce cas soulève un dilemme. Un certain nombre d’informations a été fourni sur les aspects fondamentaux des libertés civiles et la violence ainsi que sur les mesures prises pour amender les lois nos 2821 et 2822. Cependant, la commission n’est pas en mesure d’évaluer ces informations. Bien qu’il semble que des démarches aient été effectuées dans la bonne direction en ce qui concerne les libertés civiles et la violence, il n’est actuellement pas possible d’en être certain. On aurait pu espérer que les amendements proposés aient déjà été adoptés. Les organisations d’employeurs et de travailleurs ont assumé leurs responsabilités avec diligence et les projets de loi ont été soumis à la Grande Assemblée nationale. Le gouvernement doit donc faire en sorte que ces derniers soient adoptés.
Ce cas est discuté par la commission depuis plusieurs années. Il a été examiné dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sous la convention no 98 et, depuis la ratification de la convention no 87 en 1993, le cas a été discuté par la commission en 1997, 2005 et 2007. A plusieurs occasions, la commission d’experts a noté avec intérêt, et même avec satisfaction, les mesures prises par le gouvernement. Lors de sa dernière session, la commission d’experts a aussi noté avec intérêt et satisfaction les actions menées par la Turquie sur d’autres conventions. Une mission de haut niveau a visité le pays en 2008, toutefois les progrès semblent avoir diminué depuis. Le changement de gouvernement suscite de l’espoir. Des mesures semblent être prises mais il est difficile d’évaluer précisément ce qui est fait. Bien que le gouvernement se soit engagé à adopter le plus rapidement possible les amendements susmentionnés, il est nécessaire de s’assurer qu’il existe une réelle volonté d’agir. Afin de permettre une meilleure évaluation de la situation, le gouvernement devrait être prié de fournir un rapport détaillé en réponse aux questions soulevées par la commission d’experts. Le nombre de questions relatives au secteur public démontrent que des réformes concernant les employés de ce secteur sont nécessaires. Enfin, il n’est pas clair que le gouvernement soit dans la bonne direction, mais le rythme des réformes a certainement ralenti.
Les membres travailleurs ont indiqué que, depuis 1993, date de la ratification des conventions nos 87, 135 et 151, tout était réuni pour le bon déroulement d’un dialogue social, sauf l’acceptation par le gouvernement du fait que le dialogue social peut effectivement aboutir à ce que les organisations syndicales contestent l’action d’un gouvernement, quel qu’il soit, notamment dans les domaines de la politique économique et sociale et des droits civils. Le dialogue du gouvernement en matière de liberté syndicale avec la commission d’experts ou avec la Commission de la Conférence ressemble à un dialogue de sourds mettant en cause la crédibilité de l’OIT. La commission d’experts a adressé une douzaine d’observations individuelles au gouvernement restées sans réponse. De façon générale, le gouvernement fait peu de cas des demandes qui lui sont présentées, qu’elles émanent de la commission d’experts, de la CSI ou des syndicats nationaux. L’application de la convention a déjà été examinée par la commission en 2005 et 2007, mais pas en 2008, en raison de l’organisation d’une mission de haut niveau du BIT quelques semaines avant la Conférence. La modification des lois nos 2821 et 2822, en consultation avec les partenaires sociaux, est au cœur des demandes du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts mais le gouvernement présente les mêmes arguments et promesses à l’occasion de chaque plainte. Les recommandations des instances de contrôle de l’application des normes en vue de l’application de la convention sont pourtant claires. Le rapport de la mission de haut niveau précitée fait état d’un certain nombre de déclarations du Sous-Secrétaire d’Etat au Travail et à la Sécurité sociale, selon lesquelles, il existe un consensus pour amender les lois nos 2821 et 2822, sous réserve de la résolution de quelques questions mineures. D’autre part, la révision des dispositions de la loi no 2822, relatives aux grèves générales et de solidarité, aux occupations et aux grèves perlées, ne pourra intervenir qu’après la révision de la Constitution, rendue nécessaire dans l’optique de l’adhésion à l’Union européenne. Enfin, la loi no 4688 traitant la question du droit des travailleurs du secteur public de négocier collectivement est actuellement révisée dans le cadre d’un projet-cadre de réforme du statut de l’ensemble du personnel.
Un autre problème qui se pose est celui des pratiques antisyndicales, déjà évoquées devant cette commission en 2005 et 2007. Malgré des circulaires du Premier ministre enjoignant à l’administration de se conformer aux dispositions pertinentes de la législation et de ne pas faire obstacle aux activités syndicales, le fait de participer à une manifestation et de publier certaines informations est toujours puni d’emprisonnement. Ces libertés sont entravées par des enquêtes judiciaires ou des poursuites dirigées contre des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux. Les terribles incidents qui se sont déroulés, année après année, lors des fêtes du 1er mai à Istanbul en sont une illustration. Le fait que le gouvernement ait enfin reconnu le 1er mai comme un jour férié ne signifie pas qu’il respecte le droit de manifester. Le gouvernement objecte que les syndicats ne sont pas au-dessus des lois, qu’ils exercent des activités illicites au mépris des lois et qu’il leur est possible de saisir la justice en cas de litige. Les syndicats doivent certes respecter la loi, mais, quand celle-ci a pour effet de les priver de la liberté syndicale, le problème devient insoluble. Les arrestations de syndicalistes se multiplient sous le prétexte de constituer des activités terroristes ou de propagande pour des organisations terroristes. Education International a écrit au Premier ministre pour protester contre l’arrestation de plus de 30 membres du syndicat Egitim Sen le 28 mai 2009 dont 14 sont encore en prison. La semaine dernière encore, la police et les forces de sécurité ont usé de violences extrêmes à l’encontre de professeurs qui manifestaient pour obtenir la garantie du droit à la libre négociation collective. Egitim Sen avait entamé une marche vers Ankara pour porter cette demande. Le 3 juin, le centre ville d’Ankara a été encerclé par les forces de sécurité et s’est transformé en champ de bataille. Des syndicalistes ont été blessés. Des membres d’organisations syndicales du secteur public sont licenciés ou mutés sous des prétextes totalement fallacieux. Les syndicats n’ont pas le droit d’inscrire dans leurs statuts les objectifs pacifiques qu’ils jugent nécessaires à la défense des droits et des intérêts de leurs membres. Ils n’ont pas le droit d’exprimer des opinions, notamment par voie de presse, alors même que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations et des opinions dans le respect des principes de la non-violence. En ce qui concerne la modification de la législation, le rapport de la commission d’experts met une nouvelle fois en évidence les prétextes avancés par le gouvernement pour ne pas avancer. La révision de la Constitution, rendue nécessaire pour régler notamment la question des grèves de solidarité, n’a pas été entreprise. La révision des articles 5, 6, 10, 15 et 35 de la loi no 4688 relative au statut syndical des travailleurs salariés du secteur public, en vue de leur mise en conformité avec la convention en permettant à tous les travailleurs sans distinction de jouir du droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, n’est toujours pas intervenue malgré les demandes répétées des experts et malgré les discussions qui ont eu lieu lors de la mission de haut niveau. Le gouvernement invoquera probablement la responsabilité des organisations syndicales dans l’échec des réformes. Mais si les organisations syndicales ont rejeté le projet de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822, elles ont publié une déclaration motivant ce rejet comme le refus d’accepter qu’un syndicat puisse être dissout pour défaut de documents informatifs, le manque de garanties sur le droit effectif de négociation collective et le maintien d’une série d’interdictions du droit de grève. Compte tenu du contexte accablant, des considérations juridiques soulevées par tous les organes de contrôle et compte tenu du sujet évoqué, il est évident qu’une révision de la législation, aux fins d’une mise en conformité avec la convention et en vue de mettre en place un système de relations sociales dignes de l’acquis social européen, doit s’opérer avec les partenaires sociaux. Une telle concertation suppose que les organisations représentatives de travailleurs ne soient pas simplement mises en présence d’un texte non négociable. Les membres travailleurs ont conclu en soulignant qu’ils demanderaient l’adoption de conclusions fermes à l’encontre du gouvernement.
Un membre travailleur de la Turquie a indiqué que le projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, qui a été soumis au parlement, contient des dispositions supprimant certaines des libertés et droits syndicaux qui subsistent toujours actuellement. Bien que le représentant gouvernemental ait remercié les partenaires sociaux pour leur soutien, il y a lieu d’indiquer que le projet de loi a été soumis au parlement sans leur soutien et qu’il n’a pas résolu les problèmes soulevés par la commission d’experts et en a, en réalité, créé de nouveaux. L’adoption du projet de loi aurait pour effet de maintenir des conditions très restrictives à la création de syndicats, notamment l’exigence d’obtenir l’affiliation de 50 pour cent plus un des employés d’un établissement a pour effet que, dans la plupart des cas, ils ne peuvent se constituer. De plus, la négociation collective est interdite dans de nombreux cas. La législation n’est pas conforme aux conventions de l’OIT, notamment en ce qu’elle détermine les branches en vue de la négociation collective dans le secteur public alors que cette détermination devrait être effectuée par un organisme représentatif. Un processus de médiation établi par la loi et pouvant être initié par les parties serait également nécessaire. Les syndicalistes devraient être protégés contre les licenciements liés aux activités syndicales au moyen de l’établissement du droit d’être réintégrés dans leurs fonctions. Le gouvernement a toutefoisrefusé de discuter une loi véritablement nouvelle établissant les droits garantis par les conventions nos 87 et 98.
Le membre employeur de la Turquie a indiqué qu’il était impossible d’être en désaccord avec le rapport de la commission d’experts sur les critères régissant l’exercice des libertés civiles. Alors qu’une intervention limitée de la police serait acceptable uniquement en cas de menace réelle pour l’ordre public, l’usage disproportionné de la force est à proscrire. L’adoption de la loi en avril, autorisant que le 1er mai soit célébré comme «Journée du travail et de la solidarité», devrait être vue comme un pas dans la bonne direction. Il faut rappeler qu’avant 1980, lorsque le régime militaire a adopté une loi prohibant la célébration du 1er mai, il s’agissait d’un jour férié. Il s’agit néanmoins d’une avancée importante dans la démocratisation du pays. Grâce à cette mesure, les dirigeants syndicaux ont pu occuper la place Taksim à Istanbul le 1er mai 2009 et la police n’a pas fait usage de la force.
Concernant les amendements aux lois nos 2821 et 2822, la Confédération des associations d’employeurs (TISK) a assumé avec diligence les responsabilités qui sont les siennes en ce qui concerne les projets de loi et ces derniers ont été présentés à la Grande Assemblée nationale l’an dernier. Le gouvernement devrait être encouragé à adopter lesdits projets, qui ont été élaborés afin de rendre la législation conforme à la convention. A plusieurs reprises, la TISK a été l’hôte de réunions entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Les textes élaborés pour examen par le parlement sont acceptables, aux yeux des employeurs, dans la mesure où ils ont été négociés et acceptés lors de réunions où la TISK était présente.
Les observations détaillées figurant dans le rapport de la commission d’experts concernant les activités syndicales des fonctionnaires démontrent le grand besoin d’une réforme du système régissant les employés de l’Etat. Une telle réforme clarifierait qui exerce l’autorité au nom de l’Etat et qui est employé dans les services essentiels. Les employeurs turcs soutiennent les initiatives du gouvernement à cet égard et sont prêts à collaborer avec le gouvernement dans le processus d’amélioration de la situation, et s’attendent à ce que le gouvernement tienne ses promesses.
Un autre membre travailleur de la Turquie a rappelé la contribution importante du mouvement syndical afin de soutenir les employés du secteur public. En 2001, la loi no 4688 sur les syndicats des salariés du public a été adoptée à la suite d’une longue lutte de ces employés qui demeurent néanmoins soumis à des restrictions importantes discutées récemment par cette commission. Bien que le gouvernement se soit engagé à éliminer ces restrictions, cela n’a pas encore été fait et il n’y a actuellement aucun projet de réforme de la loi précitée. En outre, les amendements des lois nos 2821 et 2822 ont été soumis en l’absence d’un consensus avec les partenaires sociaux.
Les fonctionnaires ne disposent pas du droit de négocier collectivement, les consultations tenues sont purement formelles, il existe des restrictions à l’affiliation syndicale, le mécanisme consultatif tripartite ne fonctionne pas, il existe une discrimination parmi les syndicats et les travailleurs sont susceptibles d’être transférés lorsqu’ils exercent des activités syndicales. Entre 2003 et 2009, 70 représentants syndicaux ont ainsi été transférés sans motif valable, et bien que certains aient réintégré leur poste, tel n’était pas le cas de la majorité. L’orateur a conclu en soulignant que la loi no 4688 ne respecte pas la convention no 87 et doit être amendée en consultation avec les partenaires sociaux et le soutien technique du BIT.
Un autre membre travailleur de la Turquie, s’exprimant au nom de la Confédération syndicale internationale, a rappelé l’intervention militaire de 1980 en Turquie suite à laquelle un certain nombre de lois régissant les droits syndicaux avaient été adoptées par le régime militaire, lois auxquelles les travailleurs ont toujours été soumis depuis lors. La législation en vigueur en matière de droit syndical ne respecte pas les conventions nos 87 et 98 et les organisations syndicales sont étroitement contrôlées par le gouvernement. En outre, le système de double seuil empêche l’exercice du droit de s’affilier librement à des syndicats et de celui à la négociation collective. En effet, un syndicat doit représenter au minimum 10 pour cent des travailleurs au niveau sectoriel et plus de 50 pour cent au niveau de l’entreprise. La liberté syndicale est grandement mise à mal par l’obligation de consulter un notaire en vue de s’affilier et de se retirer d’un syndicat. Les travailleurs doivent ainsi acquitter des frais de notaire afin de faire valider leur affiliation et verser leurs cotisations. Enfin, les procédures de détermination de l’autorité compétente aux fins de la négociation collective sont trop complexes, cette autorité étant déterminée par le ministère du Travail à la suite d’une période probatoire assez longue.
Le droit de grève est très limité dans le pays et les grèves par solidarité, les grèves d’avertissement et les grèves générales sont toutes prohibées par la loi. Le droit de grève est interdit dans nombre de secteurs et le gouvernement a le droit de décider du report d’une grève en prétextant des mesures de santé et de sécurité publiques.
Le rapport de la mission de haut niveau de 2007 souligne que le projet de loi n’est toujours pas conforme aux conventions de l’OIT. Les seules mesures prises suite à ce rapport ont été des discussions stériles, le gouvernement refusant de réaliser les amendements législatifs nécessaires. En outre, le droit de réunion est fortement réprimé. Les manifestations du 1er mai 2007 et 2008 ont été attaquées par les forces de l’ordre et des centaines de syndicalistes ont été emprisonnés. En 2008, le siège de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) a été l’objet d’attaques au gaz lacrymogène et par des canons à eau. En 2009, le 1er mai a été déclaré jour férié, mais la manifestation a été comme les années précédentes l’objet de violences extrêmes et d’utilisation de gaz lacrymogènes causant des centaines de blessés parmi les travailleurs. Le syndicat représentant les travailleurs à la retraite a pour sa part été dissout. Au cours de la semaine qui a précédé, les forces de sécurité ont envahi et perquisitionné le siège de la Confédération des syndicats des salariés du public (KESK) et 30 de ses membres, y compris un membre du comité exécutif, ont été arrêtés. La législation concernant la liberté syndicale n’est donc pas conforme aux normes de l’OIT et le gouvernement n’a jamais tenu ses promesses en ce qui concerne la réforme de sa législation et en ce qui concerne le licenciement de personnes affiliées à un syndicat.
Une membre travailleuse des Pays-Bas a rappelé qu’en 2007 lorsque la commission a examiné le défaut de mise en oeuvre de la convention par la Turquie, elle a recommandé que le gouvernement accepte que soit organisée une mission de haut niveau afin qu’elle évalue les problèmes et recommande des solutions. Il avait été espéré que cette mission allait accélérer le processus par lequel le gouvernement mettrait sa législation en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Dans un premier temps, la mission de haut niveau avait semblé porter ses fruits. Le gouvernement a, en effet, consulté les partenaires sociaux et soumis en mai 2008 un nouveau projet de loi au parlement, bien que ce projet fût différent du texte approuvé par les partenaires sociaux et non conforme à la convention. L’ancienne législation demeurait encore en vigueur. Les services techniques de l’OIT, la commission d’experts, la Commission de la Conférence et la mission de haut niveau ont tous pris part aux débats et à l’analyse de la législation. De plus, les organisations européennes, telles que le Conseil économique et social européen, ont conseillé au gouvernement d’effectuer les réformes nécessaires et la Cour européenne des droits de l’homme, dans son jugement sur le cas opposant Demir et Bakara au gouvernement, s’est référée explicitement au fait que la Turquie a ratifié la convention no 87 et à la nécessité pour le gouvernement de procéder à la réforme de sa législation afin qu’elle soit rendue conforme à la convention. Ensemble, ces organisations ont permis d’obtenir des informations précieuses qui ont clairement identifié les amendements nécessaires pour rendre la législation conforme aux normes de l’OIT. Le retard constaté ne pouvait donc être imputable à une mauvaise compréhension des changements nécessaires.
Le gouvernement turc a indiqué publiquement que l’absence de progrès était due au manque de consensus avec les partenaires sociaux au sujet de l’avant-projet de loi. Toutefois, le gouvernement ne peut invoquer ce manque de consensus pour expliquer que sa législation ne soit pas conforme aux conventions nos 87 et 98, puisqu’on peut lire dans le rapport de la mission de haut niveau que les syndicats l’ont instamment prié de manière expresse à procéder à cette mise en conformité. Le gouvernement a essayé de justifier la lenteur des réformes par le fait qu’une partie de sa législation qui n’est pas conforme à la convention n’est pas utilisée dans la pratique. Cet argument n’est toutefois pas convaincant, car n’importe quelle restriction à la liberté syndicale contenue dans la législation pourrait néanmoins être utilisée. En outre, si le gouvernement n’avait pas l’intention d’utiliser ces restrictions, il n’y aurait alors aucune raison valable pour qu’elles soient conservées dans la législation. En réalité, les cas récents de violence à l’encontre de manifestations syndicales et de dirigeants syndicaux qu’ont relatés les représentants des travailleurs turcs sont la preuve que des restrictions sont bien appliquées. Bien que la commission d’experts ait demandé au gouvernement de faire le nécessaire pour que la police n’intervienne pas dans des manifestations qui ne constituent pas une menace pour l’ordre public et pour éviter tout excès de violence, le gouvernement a utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher la tenue d’un rassemblement du 1er mai et a pénétré dans les bureaux du KESK. Plusieurs cas de licenciement pour affiliation à un syndicat ont été signalés, de même que des exemples d’ingérence dans les affaires internes des syndicats.
Au cours de la première semaine de la Conférence, la commission a pu entendre plusieurs déclarations faisant état de l’importance des normes en période de crise économique. De plus, chacun au sein de la commission a reconnu que les normes de l’OIT sont nécessaires à la protection des travailleurs les plus vulnérables afin d’éviter qu’ils soient les plus touchés et pour que l’on puisse sortir de façon durable de cette crise. Tout le monde s’est, en outre, accordé à dire que la convention no 87 constitue une norme centrale, sans laquelle les chances de préserver et d’élaborer d’autres normes sont réduites. Avant la crise, la Turquie a connu une croissance économique relativement rapide, aujourd’hui ralentie en raison précisément de la crise. Les travailleurs touchés depuis peu par cette évolution économique risquent de perdre leurs avantages si difficilement acquis. A peine plus de cinq pour cent des travailleurs du pays bénéficient d’une convention collective, ce qui représente une bien faible proportion et, dans la pratique, moins de la moitié des travailleurs syndiqués bénéficient d’une convention collective. La Turquie doit appliquer pleinement la convention afin de permettre aux travailleurs de ce pays de bénéficier de la liberté d’association, de manière à défendre leurs droits et leurs conditions de travail. Dans le cadre de la crise économique actuelle, il faut également que les syndicats participent pleinement au dialogue social en faveur du rétablissement économique et de progrès futurs. La limitation des droits syndicaux dont souffrent les travailleurs dans le pays est un problème grave et il n’y a aucune raison valable qui justifie le retard pris dans la mise en conformité de la législation avec la convention no 87. En conséquence, l’oratrice a instamment prié le gouvernement de procéder à ladite mise en conformité.
Le membre travailleur de la République de Corée a exprimé ses vives préoccupations concernant la répression par le gouvernement des droits fondamentaux au travail. La législation turque du travail n’est pas conforme aux conventions de l’OIT et le gouvernement tarde à honorer ses engagements de les mettre en accord avec les principes de l’OIT. En outre, le gouvernement a attaqué à plusieurs reprises des travailleurs et des dirigeants syndicaux par le biais de la police antiémeutes. Chaque année depuis 2007, le rassemblement pour la Fête du travail s’est soldé par de nombreuses arrestations, plusieurs personnes blessées. De plus, le siège du DISK, organisation affiliée à la CSI, a été assiégé. Compte tenu de cette situation totalement inacceptable, le gouvernement doit être prié de mettre fin aux actes violents perpétrés contre les travailleurs. Quatorze membres du KESK sont toujours en état d’arrestation pour avoir exercé leurs droits syndicaux. Parmi eux, il y a 12 enseignants ayant été arrêtés au sein des établissements scolaires pendant les cours. Le gouvernement a essayé de les inculper pour activités terroristes, alors même que la plupart ont été employés par le service public depuis plus de vingt ans et sans qu’il n’y ait aucune preuve établissant qu’ils exercent des activités violentes. Le gouvernement doit être instamment prié de les relâcher immédiatement et de mettre un terme à la criminalisation des syndicats d’employés publics.
S’agissant de la protection limitée contre la discrimination antisyndicale et le licenciement, selon les sources de la CSI, le nombre minimal d’employés exigé en vue de l’application de la législation relative à la sécurité du travail est de 30. Cependant, compte tenu des contrats de sous-traitance et à durée déterminée, environ 95 pour cent des lieux de travail comptent moins de 30 employés. Compte tenu de cette situation, le gouvernement devrait donc adopter sans délai des lois appropriées afin d’éliminer tous les types de discrimination antisyndicale et de protéger les travailleurs contre le licenciement.
En conclusion, l’orateur a opéré un parallèle avec la situation existant dans son pays où la police avait l’habitude d’intervenir très souvent pour interdire l’exercice du droit de manifester et de faire grève. Le gouvernement a très souvent ignoré les recommandations de la communauté internationale, y compris celles de l’OIT et de l’OCDE. Par conséquent, le gouvernement doit donner effet aux conventions de l’OIT sur la liberté syndicale afin que les travailleurs puissent jouir pleinement de leurs droits syndicaux et humains. Le consensus social ne sera jamais atteint moyennant le recours à une violence brutale à l’encontre des syndicats.
Un représentant gouvernemental de la Turquie a remercié les membres de la commission pour leurs commentaires constructifs et a réaffirmé la volonté du gouvernement de poursuivre les réformes en cours. En dépit du report dû aux élections locales et au récent remaniement gouvernemental, la réforme de la législation du travail se poursuit. L’arrestation des syndicalistes du KESK s’est déroulée conformément aux instructions du bureau du procureur et est fondée sur des présomptions d’activités terroristes en relation avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), lequel figure sur la liste des organisations terroristes internationales. Ces personnes ont été arrêtées pour s’être livrées à des activités illégales étrangères à leurs activités syndicales. Malgré les appels effectués, le gouvernement n’est pas en mesure de libérer des personnes arrêtées sur ordre d’une juridiction. En conclusion, bien qu’il ne soit pas possible d’affirmer que l’ensemble du droit du travail soit en totale conformité avec les conventions de l’OIT, ceci est dû à certaines dispositions de la Constitution. En ceci, les avant-projets de loi soumis au parlement constituent une réforme importante et même radicale. L’orateur a appelé la commission à prendre en compte dans ses conclusions le fait que le projet de loi a été préparé en collaboration avec les employeurs et les travailleurs.
Un autre représentant gouvernemental de la Turquie a indiqué que la déclaration selon laquelle les parties n’étaient pas parvenues à un consensus ne reflète pas la réalité. Les partenaires sociaux ont participé intensivement au processus d’élaboration des amendements au sein du Comité tripartite de consultation, qui s’est réuni chaque mois, ainsi qu’au sein des commissions et sous-commissions parlementaires. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, il faut se rappeler qu’avec une population de 70 millions de personnes, la Turquie possède une vaste économie et il est possible que certains employeurs ne permettent pas aux syndicats d’être actifs sur les lieux de travail. Cependant, il existe déjà trois textes de loi en matière de discrimination antisyndicale et les responsables de ce délit sont passibles de lourdes pénalités. Les travailleurs victimes d’une telle discrimination peuvent obtenir une compensation. Les fonctionnaires peuvent, quant à eux, toujours faire appel à leurs supérieurs et intenter un recours judiciaire. A propos des rassemblements et manifestations syndicales, les organisations ne doivent pas obtenir de permissions pour organiser de tels événements, mais seulement les notifier au bureau du gouverneur 48 heures à l’avance, celui-ci pouvant néanmoins indiquer l’endroit où ces événements devront avoir lieu. Ainsi, à Istanbul, quatre places principales sont disponibles à cet effet. La place Taksim a toutefois été fermée à de telles manifestations depuis 1979 pour des raisons de sécurité. Les incidents de 2008 sont dus à l’insistance de quelques syndicats et confédérations pour que les célébrations du 1er mai se déroulent à cet endroit. Cette année, un nombre restreint de travailleurs a eu la permission de célébrer le 1er mai sur la place Taksim. Le gouvernement a pris les mesures nécessaires et l’événement s’est déroulé de manière pacifique. Les incidents du passé ont souvent eu lieu en raison d’infiltrations d’organisations illégales qui ont attaqué les forces de l’ordre. Les mesures prises lors de la célébration du 1er mai ne constituent pas une violation des libertés syndicales et la cause principale des incidents est à rechercher du côté de l’insistance des syndicats à vouloir organiser leurs célébrations de façon contraire à la loi.
Les membres travailleurs ont exprimé leur préoccupation en ce qui concerne la situation qui perdure dans le pays et les événements attristants qui ont été rapportés. Etant donné la gravité des manquements constatés et la persistance du gouvernement à refuser de faire des efforts pour rendre la législation conforme à la convention, un paragraphe spécial a été envisagé. Il est toutefois important de continuer à croire que des efforts peuvent permettre de déboucher sur un vrai dialogue social, fondé sur le modèle européen, dans un climat exempt de violence. Le gouvernement devrait, par conséquent, accepter l’assistance technique du BIT et une visite bi ou tripartite de haut niveau pour résoudre les problèmes qui perdurent en dépit des nombreuses discussions de ce cas, notamment dans le cadre de la mission de haut niveau d’avril 2008. De vagues promesses ne seront toutefois pas suffisantes et un calendrier relatif à la planification des mesures à prendre devrait être établi, de concert avec les partenaires sociaux et sous l’égide du BIT. Le gouvernement devra ensuite fournir un rapport détaillé pour examen par la commission d’experts, pour sa session de 2009, des activités menées. De cette façon, le cas de l’application de la convention pourra être suivi année après année et au besoin figurer à nouveau sur la liste des cas individuels si aucun progrès n’est constaté. Cela ne devrait pas poser de problème si, comme l’indique le gouvernement, les partenaires sociaux sont déjà associés au processus de réforme. Il y a toutefois lieu de noter qu’il n’y a plus de consultations tripartites dans le secteur public depuis plus de trois ans.
Les membres employeurs ont observé qu’il existait un manque de clarté dans le présent cas concernant la situation dans les faits et celle dans la législation. Bien qu’un consensus semble s’être dégagé avec les partenaires sociaux sur les projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, le message en provenance des membres travailleurs semble plutôt indiquer qu’il n’en existe aucun en réalité. La question, par conséquent, est de savoir quelle est la situation réelle. Comme cela a déjà été observé, il est difficile d’évaluer la valeur des initiatives qui ont été prises récemment en ce qui concerne le respect des libertés civiles et les actes de violence. Le gouvernement devrait fournir un rapport à temps afin de permettre qu’il soit examiné par la commission d’experts lors de sa prochaine session. Des mesures sont nécessaires afin que la situation soit rendue conforme à la convention. Enfin, ils se sont associés à la proposition des membres travailleurs visant à ce qu’une mission tripartite de haut niveau soit menée.
Conclusions
La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi. La commission a également noté qu’une mission de haut niveau du BIT s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008 suite à une demande adressée en juin 2007 par cette même commission.
La commission a observé que les commentaires de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations se sont référés pendant de nombreuses années aux divergences entre, d’un côté, la loi et la pratique et, de l’autre, la convention en ce qui concerne les droits des travailleurs dans les secteurs public et privé sans distinction d’aucune sorte de constituer ou de s’affilier à une organisation de leur choix, le droit des organisations syndicales d’élaborer leur constitution et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités sans ingérence de la part des autorités. La commission a noté les commentaires présentés par les organisations syndicales nationales et internationales sur l’application de la convention, en particulier par rapport à la répression violente des manifestations, à l’utilisation disproportionnée de la force par la police et aux arrestations de syndicalistes, de même qu’à l’ingérence du gouvernement dans les activités syndicales.
La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les amendements de loi nos 2821 et 2822 ont été préparés en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, et que le comité de consultation tripartite a mené à cet égard un travail important. Les projets de loi sont sur l’agenda de l’Assemblée nationale. Le gouvernement a aussi consulté les partenaires sociaux s’agissant des amendements faits à la loi sur les syndicats de salariés du public. Bien que les projets de loi n’envisagent pas encore certaines demandes d’amendements, ceci vient du fait qu’il est primordial d’amender la Constitution en premier. A cet égard, le gouvernement a également planifié des amendements nécessaires. Il a aussi envoyé à consultation un récent jugement de la Cour constitutionnelle qui stipule comme étant inconstitutionnelles les dispositions limitant certains types d’interruptions de travail. Pour ce qui est des allégations concernant une intervention excessive de la police suite aux manifestations syndicales, le représentant du gouvernement a exposé que, bien que le gouvernement soit déterminé à prendre toutes les mesures disciplinaires et judiciaires nécessaires à l’encontre des membres des forces de l’ordre ayant fait un usage disproportionné et abusif de la force, il est important que ces manifestations respectent les dispositions de la législation nationale. Il a souligné l’avancée importante du gouvernement en 2008 en déclarant le 1er mai jour férié.
Notant les informations données par le gouvernement en réponse aux sérieuses allégations faites par le comité d’experts concernant les violences policières, les arrestations de syndicalistes et les ingérences du gouvernement dans les activités syndicales, la commission a noté avec inquiétude l’information fournie quant aux arrestations massives de syndicalistes et les allégations d’un climat généralisé antisyndical. La commission a accueilli avec un profond regret les déclarations faites sur les restrictions importantes placées sur la liberté de se rassembler et la liberté d’expression des syndicalistes.
Elle a une fois de plus mis l’accent sur le fait que le respect des libertés civiles fondamentales est une condition préalable à l’exercice de la liberté syndicale. Elle exhorte le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires dans le but de garantir un climat sans violence, sans pression et sans menace d’aucune sorte de façon à ce que les travailleurs et employeurs puissent pleinement et librement exercer leurs droits conformément à la convention. Elle a prié le gouvernement de revoir toutes les affaires se rapportant à l’emprisonnement de syndicalistes en vue de leur libération, de répondre en détail à toutes les allégations en suspens et d’indiquer dans son rapport auprès de la commission d’experts de cette année toutes les mesures prises pour garantir les principes fondamentaux mentionnés ci-dessus.
Concernant le récent projet de loi amendant les lois nos 2821, 2822 et 4688 soumis à consultation par le gouvernement, la commission a noté le manque de clarté quant à la situation actuelle et l’ampleur avec laquelle le consensus a été atteint avec les partenaires sociaux à cet égard. La commission a exprimé le ferme espoir que ces projets de loi aborderont correctement tous ces problèmes relevés par la commission d’experts durant ces années et que des mesures adéquates seront adoptées sans plus de délai de façon à ce que la commission d’experts puisse être en mesure cette année de noter des progrès significatifs faits en rendant la loi et la pratique conformes avec les dispositions de la convention. La commission a demandé au gouvernement de rapidement soumettre et garantir toutes les réformes constitutionnelles nécessaires en vue de l’application de la convention. Elle a instamment demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action comprenant des limites temporelles précises dans le but de finaliser les étapes mentionnées ci-dessus. La commission a demandé au gouvernement d’accepter la mission bipartite de haut niveau ayant pour but de l’assister à faire des progrès significatifs sur ces problèmes en suspens. La commission a demandé au gouvernement de fournir, dans le rapport pour la prochaine session de la commission d’experts en 2009 des informations détaillées et complètes regardant tous les progrès faits sur ces problèmes ainsi que les textes législatifs pertinents.