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Le gouvernement a fourni par écrit les informations qui suivent concernant les changements législatifs les plus récents en rapport avec l’application de la convention no 87 en Turquie.
Le projet de loi portant modification de la Constitution a été adopté par l’Assemblée nationale de Turquie le 7 mai 2010 et publié au Journal officiel le 13 mai 2010 (loi no 5982). Cette loi fera l’objet d’un référendum qui devrait avoir lieu le 12 septembre 2010. Ci-après, certaines modifications de la Constitution de la République de Turquie en rapport avec l’application de la convention:
1. L’article 51, quatrième paragraphe, en vertu duquel «il n’est pas possible d’être affilié à plusieurs syndicats simultanément dans le même secteur» est abrogé.
2. Le titre de l’article 53 est modifié pour se lire comme suit: «A. Droit de conclure des conventions collectives du travail et des conventions collectives» et le troisième paragraphe est abrogé. Les dispositions suivantes sont ajoutées à l’article:
«Les fonctionnaires et les autres employés du secteur public ont le droit de conclure des conventions collectives.
Si un différend survient au cours de la conclusion de conventions collectives, les parties peuvent s’adresser au Bureau d’arbitrage des employés du secteur public. Les décisions du Bureau d’arbitrage des employés du secteur public sont définitives et ont le même caractère contraignant qu’une convention collective.
La loi réglemente la portée du droit de conclure des conventions collectives, leurs exceptions, les bénéficiaires des conventions collectives, la modalité et la procédure de conclusion de conventions collectives et leur entrée en vigueur, l’application des dispositions de conventions collectives aux titulaires d’une pension, la création du Bureau d’arbitrage des employés du secteur public, ses principes et procédures de fonctionnement ainsi que d’autres questions.»
Le droit de conclure des conventions collectives est pleinement reconnu aux fonctionnaires et aux autres employés du secteur public. Si aucune convention n’est conclue au cours du processus de négociation collective, le Bureau d’arbitrage des employés du secteur public prend une décision qui est définitive et considérée comme une convention collective. Suite à ce changement, le Conseil des ministres perd son pouvoir discrétionnaire. De plus, les titulaires d’une pension entrent dans le champ d’application de la convention collective.
3. L’article 53, quatrième paragraphe, en vertu duquel «il n’est pas possible de conclure ou d’appliquer plusieurs conventions collectives du travail sur un même lieu de travail et pour la même durée» est abrogé.
4. L’article 54, troisième paragraphe, en vertu duquel la responsabilité du syndicat est engagée pour tout dégât matériel causé sur le lieu de travail pendant une grève, et l’article 54, huitième paragraphe, en vertu duquel «les grèves et les lock-out ayant des motifs politiques, les grèves de solidarité et les lock-out, les grèves générales et les lock-out, l’occupation des locaux de travail, les grèves perlées et les autres formes d’obstruction sont interdits» sont abrogés.
5. Une phrase est ajoutée à l’article 128, deuxième paragraphe, afin que les droits sociaux et les droits financiers entrent dans le champ d’application de la convention collective. L’article se lit désormais comme suit: «La loi réglemente les qualifications des fonctionnaires et des autres employés du secteur public, les procédures régissant leur nomination, leurs pouvoirs et obligations, leurs droits et responsabilités, leur traitement et leurs primes, et d’autres questions relatives à leur statut. Toutefois, il existe une réserve pour les dispositions des conventions collectives qui concernent les droits sociaux et financiers.» Grâce à cette modification, il est indiqué explicitement que les droits sociaux et les droits financiers entrent dans le champ d’application des conventions collectives, et que ces droits peuvent être réglementés par convention collective.
6. Le titre de l’article 166 est modifié pour se lire comme suit: «I. Planification; Conseil économique et social», et le paragraphe qui suit est ajouté à l’article: «Le Conseil économique et social est créé pour donner au gouvernement des avis consultatifs sur la définition de politiques économiques et sociales. La loi réglemente la création et le fonctionnement du Conseil économique et social.» Par cette disposition, le Conseil économique et social en place est devenu une institution prévue par la Constitution et un acteur important en matière de politiques économiques et sociales.
7. L’article 129, troisième paragraphe, est modifié pour se lire comme suit: «Il n’est pas possible d’exclure les décisions d’ordre disciplinaire des questions soumises au contrôle judiciaire» afin de garantir le droit des fonctionnaires et des autres employés du secteur public de soumettre toutes les mesures disciplinaires à un contrôle judiciaire.
8. Le paragraphe suivant est ajouté à l’article 20: «Toute personne a droit à la protection des données personnelles la concernant. Ce droit comprend aussi le droit d’être informé des données personnelles concernant cette personne, le droit d’avoir accès à ces données, le droit de rectification ou de suppression et le droit de savoir si elles sont utilisées conformément à leur objet. Les données personnelles ne peuvent être traitées que dans les cas prévus par la loi ou avec le libre consentement de la personne concernée. La loi réglemente les principes et procédures concernant la protection des données personnelles.»
Comme l’a proposé la Commission de l’application des normes de la Conférence à la 98e session (2009) de la Conférence internationale du Travail, et comme l’a demandé la commission d’experts dans son observation la plus récente concernant la convention no 87, une mission bipartite de haut niveau s’est déroulée en Turquie du 3 au 5 mars 2010. Les membres de la mission ont rencontré des représentants haut placés du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, des représentants de confédérations syndicales, de confédérations de fonctionnaires et de la confédération des organisations d’employeurs, ainsi que le président de la Commission parlementaire pour la santé, la famille, le travail et les affaires sociales. Comme l’a relevé la mission, le gouvernement avait préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats qui avait été présenté au BIT pour examen. Ce nouveau projet de loi, actuellement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de Turquie, n’est pas entièrement conforme aux dispositions de la convention, comme l’a indiqué la commission d’experts de façon détaillée dans sa dernière observation. Les consultations avec les partenaires sociaux relatives aux modifications de la législation sur les syndicats vont se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un consensus compte tenu de la réforme constitutionnelle adoptée par le parlement et en vue du plein respect des dispositions de la convention.
Le gouvernement estime que, lorsqu’il fera rapport en 2010 sur les autres questions relatives à l’application de la convention, il sera en mesure de signaler l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle au BIT à temps pour que la commission d’experts puisse l’examiner à sa réunion de novembre-décembre 2010.
En outre, devant la commission, un représentant gouvernemental a exprimé sa déception au motif que ce cas est examiné alors qu’il s’agit d’un cas de progrès. Un certain nombre d’amendements constitutionnels importants ont été approuvés le 7 mai 2010. Un référendum sur ces amendements est prévu pour septembre 2010. Les modifications comprennent la suppression de l’interdiction des grèves politiques, des grèves de solidarité, des grèves générales, des lock-out et des grèves perlées. Les dispositions interdisant l’appartenance à plus d’un syndicat ont été abrogées, en plus de l’abrogation de l’interdiction de conclure plus d’une convention collective dans un même lieu de travail. Les amendements reconnaissent le droit des fonctionnaires publics de conclure des conventions collectives. Ils prévoient également la création d’un Bureau d’arbitrage de la fonction publique, qui aura le pouvoir d’établir une convention collective lorsque les parties n’auront pas été en mesure d’y parvenir, et la révocation du pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres à cet égard. La responsabilité des syndicats pour tout dégât matériel causé sur le lieu de travail où la grève a eu lieu a également été supprimée par ces amendements. Enfin, ces derniers octroient un statut constitutionnel au Conseil économique et social.
Conformément aux conclusions adoptées en 2009 par cette commission et à la demande de la commission d’experts, une mission de haut niveau bipartite a visité la Turquie en mars 2010. La mission a pris note de la préparation du projet de loi sur les syndicats. Un projet de loi antérieur sur ce sujet n’était pas en pleine conformité avec les normes de l’OIT. C’est pourquoi un nouveau projet de loi sur les syndicats a été élaboré, à la suite de discussions au sein du Conseil tripartite de consultation. Ce projet de loi prévoit la redéfinition des principaux paramètres du système de relations professionnelles. Il vise à fixer des principes généraux plutôt qu’à réglementer des activités syndicales spécifiques. Les changements importants introduits dans le projet de loi sont: la levée de l’obligation d’obtenir une approbation notariée pour l’adhésion à un syndicat; l’autorisation de créer des syndicats au niveau du lieu de travail ou de la profession et de constituer des fédérations; l’autorisation pour les syndicats de déterminer leurs propres statuts et d’organiser leurs activités; l’abrogation de l’obligation pour les représentants syndicaux d’occuper un emploi effectif; la suppression des restrictions imposées à la création de syndicats dans le secteur de la radiodiffusion et de la télévision; le renforcement de la protection des représentants syndicaux et la simplification de la procédure de création d’un syndicat. Le projet de loi sur les syndicats contient également des dispositions prévoyant que les audits financiers des syndicats doivent être effectués par des auditeurs indépendants et que les syndicats ne seront pas dissous en raison des actes criminels commis par leurs dirigeants. Les peines d’emprisonnement contenues dans la loi sur les syndicats actuelle seront remplacées par des amendes judiciaires. Les consultations avec les partenaires sociaux au sujet de ce projet se poursuivront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint, sur la base du respect intégral de la convention.
Une célébration pacifique a eu lieu le 1er mai sur la place Taksim à Istanbul, trente ans après l’interdiction de toute manifestation sur cette place. Les forces de sécurité et les syndicats ont collaboré dans le cadre de cet événement. En ce qui concerne les commentaires de la commission d’experts concernant l’usage excessif de la force par des agents de sécurité, plusieurs mesures ont été prises en 2009. Tous les policiers responsables de la sécurité des manifestations publiques ont commencé à recevoir une formation concernant l’usage proportionné de la force. Dans ce cadre, 17 000 policiers recevront cette formation chaque année. La police antiémeute est également équipée de casques munis d’appareils de communication et portant des numéros facilement identifiables. L’orateur a indiqué que la présence de policiers aux réunions syndicales publiques est seulement liée au maintien de l’ordre public. Conformément à la législation en vigueur, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à pénétrer dans les locaux syndicaux, sauf si elles ont obtenu une décision judiciaire à cette fin. Au sujet de l’incendie survenu au bureau d’Egitim-Sen en 2007, l’orateur a indiqué que les forces de sécurité et les pompiers sont intervenus à temps et que trois suspects ont été arrêtés. L’un d’entre eux a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Aucun membre du syndicat n’a été blessé dans l’incendie. L’orateur a exprimé l’espoir que ces progrès seraient pris en compte dans les conclusions de la commission.
Les membres employeurs ont apprécié l’esprit d’ouverture et de transparence du gouvernement à l’occasion de la mission bipartite de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en mars de cette année. Toutefois, à ce stade, ils ne peuvent encore dire si ce cas constitue un cas de progrès, parce que c’est à la commission d’experts de statuer sur ce point. Le cas est à l’examen depuis fort longtemps; sa dernière discussion remonte à l’année précédente.
Le gouvernement a réagi à la mission bipartite avec une étonnante rapidité, en amendant la Constitution en l’espace de seize jours seulement. L’amendement à la Constitution porte sur des questions relevant à la fois des secteurs public et privé et il devra être analysé par la commission d’experts afin de voir s’il répond à toutes les questions soulevées dans le passé. Il est important que cet amendement constitutionnel s’accompagne d’une réforme législative parce que la mission de l’inspection du travail est régie par la législation et la réglementation nationales, pas par la Constitution. Il faut s’attendre à ce que le nouveau projet de loi soulève plus de difficultés, comme l’ont montré les projets de loi qui ont été discutés et présentés devant cette commission dans le passé. Ces précédents projets contenaient des discordances par rapport à la convention no 87. Le nouveau projet que soumet le gouvernement suit un paradigme différent. Cependant, on peut difficilement dire s’il est conforme ou non au texte de la convention no 87, et c’est pour cela qu’il doit faire l’objet d’une analyse de la commission d’experts.
S’agissant de la nouvelle ligne de conduite pour l’utilisation de la force par la police qui a été évoquée par le représentant gouvernemental, en réponse aux nombreux commentaires formulés par la commission d’experts dans le chapitre sur les libertés civiles, les membres employeurs ont une fois encore souligné, comme ils l’avaient fait l’an dernier, que les libertés civiles constituent un préalable essentiel à la liberté syndicale. L’avenir dira si la solution proposée donnera des résultats. Une formation devra être dispensée aux policiers et un changement de culture s’impose, ce qui demandera inévitablement du temps. Les informations fournies au BIT à ce propos seront précieuses pour évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la convention.
En conclusion, les membres employeurs considèrent qu’il s’agit là d’un cas exemplaire qui montre comment les gouvernements devraient réagir à des missions bipartites chargées de procéder à une meilleure évaluation de la situation nationale et d’exprimer un avis sur l’application de la convention. Après avoir pris les dispositions qui ont été décrites aujourd’hui, le gouvernement doit maintenant soumettre les informations à la commission d’experts. Les membres employeurs espèrent être en mesure de constater des progrès continus et soutenus dans ce cas.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies sur des points soulevés depuis plusieurs années par la commission d’experts et la Commission de la Conférence. L’an passé, la Commission de la Conférence avait demandé qu’une mission de haut niveau ait lieu pour ce cas. Celle-ci a eu lieu en mars 2010. La commission d’experts a noté dans son rapport que des projets de loi sur les syndicats, sur la négociation collective et sur la grève sont en cours de réexamen. Cependant, la situation a-t-elle changé?
Les membres travailleurs ont relevé que la commission d’experts fait elle-même état d’un usage excessif de la force par la police à l’encontre de syndicalistes, de l’ingérence du gouvernement dans l’élaboration des statuts des syndicats du secteur public avec l’interdiction de toute référence à des notions de grève ou de conflit collectif, du refus de reconnaître des syndicats de retraités, ou encore de la présence de la police lors de réunions syndicales. Un climat antisyndical s’est développé émanant tant des autorités que des employeurs pour qui l’affiliation syndicale est un motif de pression et de licenciement.
Dans le secteur de l’éducation, la crise économique amène le gouvernement à précariser l’emploi. Ainsi, à la rentrée, 142 000 enseignants seront engagés sous un contrat précaire de dix mois sans prestations sociales. Ce contexte de contractualisation conduit à une discrimination des enseignants syndiqués dont beaucoup sont contraints de renoncer à leur affiliation pour augmenter leurs chances d’obtenir un contrat de travail, alors que 327 000 enseignants sont au chômage. Le Syndicat des enseignants (Egitim-Sen) fait régulièrement l’objet d’intimidations. Son site Internet a même été fermé pendant plusieurs jours pour avoir critiqué une décision des autorités. En mai 2009, des syndicalistes de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), parmi lesquels 28 enseignants du syndicat Egitim-Sen, ont été arrêtés et emprisonnés, pour plusieurs d’entre eux pendant plus de six mois. Avec le report du verdict, il n’y a toujours pas de décision judiciaire plus d’un an après les arrestations, et les activités des prévenus font l’objet d’une surveillance étroite.
Les membres travailleurs dénoncent une tendance préoccupante de recours au harcèlement judiciaire et à l’invocation de chefs d’accusation d’activités terroristes pour maintenir les syndicalistes en détention et pour les maltraiter.
Certes la commission d’experts a pris note des projets de lois sur les syndicats, sur la négociation collective, la grève et le lock-out, cependant ces textes n’ont toujours pas été adoptés ni appliqués. Les projets contiennent des améliorations, mais certains points n’ont pas été abordés: certaines catégories de travailleurs, tels que les travailleurs indépendants, les travailleurs domestiques, les hauts fonctionnaires, les gardiens de prison, sont exclues du droit d’organisation; les syndicats ne peuvent être que de branches, celles-ci étant déterminées par le ministère du Travail; le droit de grève est strictement encadré. Enfin, la loi de 2004 sur les associations permet toujours au gouvernement de contrôler la comptabilité des organisations de travailleurs et d’employeurs.
Le gouvernement a fourni des informations sur un projet de loi portant amendements à la Constitution, qui sera soumis à référendum. Ce projet supprimerait certaines dispositions contraires à la convention en admettant plusieurs syndicats dans une même branche, en reconnaissant le droit de négociation collective dans le secteur public, en admettant les grèves politiques, générales ou de solidarité, ou encore en supprimant la responsabilité quasi automatique des syndicats lors de grèves. Enfin, le gouvernement semble avoir changé d’attitude concernant la commémoration du 1er mai.
Tout en regrettant que ces informations n’aient pas été fournies à la mission bipartite de haut niveau, les membres travailleurs ont demandé que le gouvernement communique un plan d’action de mise en conformité des lois avec la convention no 87. Enfin, les membres travailleurs ont exigé que la violence à l’égard de syndicalistes et l’ingérence dans les affaires des syndicats cessent immédiatement, sans attendre la mise en conformité de la loi.
Un membre travailleur de la Turquie a exprimé son appréciation en ce qui concerne la mission de haut niveau de l’OIT et la contribution de cette mission aux progrès significatifs enregistrés dans le sens d’une plus grande conformité de la législation nationale à la convention no 87. Etant partisan de la démarche selon laquelle les amendements à la Constitution doivent précéder les réformes législatives, il a observé que le gouvernement a fait adopter par la Grande assemblée nationale une série d’amendements constitutionnels qui répondent entre autres choses à une partie des revendications des syndicats relatives aux droits et libertés individuels. Il a relevé cependant que les amendements tendant à instaurer une distinction claire entre fonctionnaires et agents contractuels, à supprimer dans certains cas l’interdiction de la grève et à permettre à des syndicalistes de continuer d’exercer leurs fonctions syndicales lorsqu’ils sont élus au parlement, n’ont pas été inclus dans cet ensemble.
Le gouvernement a communiqué au BIT juste avant l’arrivée de la mission un nouveau projet de loi sur les syndicats tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822. Le projet n’a été communiqué pour consultation au Conseil consultatif tripartite qu’après avoir été communiqué au BIT. Les syndicats attendent que le gouvernement négocie ce texte avec les partenaires sociaux.
Contrairement aux chiffres officiels, le taux de syndicalisation en Turquie est estimé à moins de 10 pour cent. Les syndicats se heurtent à des problèmes quant à la détermination de leur représentativité aux fins de la négociation collective. Cela a été le cas, par exemple, pour le Syndicat turc des travailleurs du textile, de la maille et de l’habillement (TEKSIF) dans des usines textiles employant des milliers de travailleurs à Denizli et Bursa. Les projets d’amendements prévoient d’abroger la règle imposant d’atteindre 10 pour cent de représentativité au niveau de la branche, tout en maintenant la règle imposant d’atteindre la majorité absolue sur le site de travail considéré, générant ainsi un risque de voir apparaître en Turquie une prolifération de syndicats dominés par l’employeur. La règle imposant la majorité absolue aggrave le risque de voir se produire des licenciements de travailleurs syndiqués pour éviter que les syndicats n’atteignent le seuil de représentativité, et elle est l’un des plus importants obstacles à l’exercice du droit de se syndiquer. Tout projet d’instrument qui ne tiendrait pas compte de ces problèmes serait contraire à la convention no 87 et ne saurait être accepté. En outre, la commission chargée, selon ce qui est prévu à l’article 5 du projet d’instrument, de déterminer les branches d’activité devrait être remplacée par une institution autonome et indépendante qui aurait aussi pour attribution de tenir une comptabilité des nouveaux affiliés. Le nouveau projet aura aussi pour effet d’empêcher les anciens salariés d’adhérer à des organisations syndicales, alors qu’avec la législation actuelle ils en ont le droit. Les amendements projetés aboliront également la règle actuelle prévoyant que les membres fondateurs ou les membres des instances de direction d’un nouveau syndicat doivent être des travailleurs en activité. Une telle disposition pourrait entraîner des problèmes dans la pratique, puisqu’elle ouvrirait la porte à des personnes n’ayant aucun rapport avec un syndicat. De plus, les cotisations syndicales seraient déterminées suivant les principes et la procédure définis par les statuts du syndicat. Or une telle règle pourrait avoir pour effet de restreindre le droit des travailleurs de s’affilier au syndicat de leur choix. Le projet final affecterait également les conditions concernant la suspension des grèves – puisque ces suspensions seraient décidées par une instance judiciaire et non par le Conseil des ministres –, si bien qu’il ne serait plus possible de poursuivre une grève après l’expiration de l’ordonnance de sa suspension. Enfin, les dispositions obligeant les dirigeants syndicaux à renoncer à leurs fonctions syndicales pour pouvoir se présenter à des élections municipales ou des élections générales ont été maintenues.
Un autre membre travailleur de la Turquie a déclaré que le mouvement syndical du secteur public en Turquie a été confronté à des problèmes sérieux qui ont déjà fait l’objet de discussions à plusieurs reprises à la Commission de la Conférence. Même si certains changements théoriques ont eu lieu suite à la mission de haut niveau bipartite, rien n’a changé dans les faits. L’amendement constitutionnel qui est en discussion porte sur 21 questions différentes, dont certaines améliorations en matière de droits syndicaux, telles que la négociation collective, mais pas le droit de grève. Le référendum aura lieu le 12 septembre si les modifications proposées ne sont pas entre-temps rejetées par la Cour constitutionnelle. Cependant, l’adoption d’une réforme législative est plus importante que la modification de la Constitution et un projet de révision de loi no 4688 fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux depuis 2006. Le nouveau projet de loi modifiant la loi no 4688 portera atteinte à certains droits fondamentaux dont jouissent actuellement les syndicats de travailleurs du secteur public en Turquie. Même si les travailleurs du secteur public jouissent du droit de grève en vertu d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme et d’un décret du Conseil d’Etat de la Turquie, ce droit de grève sera désormais dénié par la modification de la Constitution. Les travailleurs seront en mesure d’adhérer à plus d’un syndicat, ce qui remettra en cause le pouvoir des syndicats les plus importants. Tous ces amendements ont été décidés par le gouvernement sans consensus de la part des partenaires sociaux. Selon de récents articles dans la presse, un projet de loi modifiant la loi no 657 qui limite la sécurité d’emploi des fonctionnaires a été récemment présenté au parlement, à nouveau sans aucune consultation avec les syndicats, à l’exception d’un. Cela montre l’attitude du gouvernement vis-à-vis du dialogue social. Après un an et demi en fonction, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale n’a toujours pas répondu aux demandes des syndicats pour une réunion pour discuter des problèmes que rencontrent les syndicats des travailleurs du secteur public, et les voies de communication du ministère sont ouvertes seulement à l’égard d’une confédération. En conclusion, l’orateur a souligné que les principaux problèmes sont l’absence de dialogue social, la discrimination entre les syndicats et des efforts consentis plus pour faire bonne impression vis-à-vis de l’OIT et l’Union européenne que pour réaliser des progrès substantiels. L’orateur a demandé à la commission d’envoyer une autre mission de haut niveau dans le pays.
Le membre employeur de la Turquie a déclaré que l’amendement à la Constitution turque allait ouvrir la voie à des grèves générales et politiques, permettre le droit de s’affilier à plus d’un syndicat et reconnaître le droit de négociation collective aux fonctionnaires et autres agents publics. Les employeurs turcs sont d’avis que certains de ces amendements auront pour effet de réduire la compétitivité des entreprises turques et auront des effets négatifs sur la paix sociale. En ce qui concerne les projets de lois nouvelles, l’orateur a rappelé que, en avril 2008, le ministre du Travail, les partenaires sociaux et les représentants du gouvernement se sont réunis et mis d’accord sur les projets de loi concernant les syndicats et la négociation collective, les grèves et les lock-out. Cela avait été le résultat d’un consensus et les projets de loi avaient été présentés au parlement en mai 2008. Toutefois, ces projets de loi ont été abandonnés par la suite. Suite à la demande de la Commission de la Conférence, une mission de haut niveau bipartite s’est rendue en Turquie en 2009 et en 2010 et a rencontré des hauts représentants turcs. Suite à ces visites de haut niveau, le gouvernement a préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats et l’a soumis au BIT pour examen. L’orateur a exprimé l’espoir que les consultations avec les partenaires sociaux sur les amendements à la législation se poursuivront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint.
Une observatrice représentant la Confédération syndicale internationale (CSI) a déclaré que, bien qu’il semble à première vue que certains progrès positifs aient été faits en Turquie en matière de liberté syndicale et de droit d’organisation, l’exercice de ces droits dans la pratique pose encore de sérieux problèmes. Etant donné tous les espoirs escomptés compte tenu des amendements de la Constitution, il convient de rappeler que l’article 90 de ladite Constitution prévoit déjà que la législation internationale prévaut sur la législation nationale. Or cette disposition n’a jamais été appliquée. Il est tout aussi important de rappeler que l’intégration dans la législation des amendements de la Constitution risque de prendre très longtemps – entre six et huit ans, comme cela s’est déjà produit par le passé avec les droits les plus élémentaires des fonctionnaires publics. Au-delà de toutes ces faiblesses, plusieurs risques se cachent dans les projets d’amendement de la Constitution. Par exemple, tandis que l’interdiction des grèves de solidarité a été levée, les dispositions autorisant les travailleurs à n’organiser des grèves qu’en cas de conflit collectif sont maintenues dans le texte.
Dans la pratique, des milliers de travailleurs ont été licenciés au seul motif qu’ils sont devenus membres de syndicats affiliés à la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK). Ils n’ont pas été réintégrés, pas plus qu’ils n’ont pu bénéficier des droits collectifs pendant la procédure juridique, qui dure en général deux ou trois ans, voire plus. De nombreux syndicats, tels que ceux qui représentent les jeunes travailleurs et les retraités, ainsi que la Confédération des petits exploitants agricoles, doivent faire face à des procès qui n’ont d’autre but que d’imposer leur fermeture. Les exemples sont très nombreux qui illustrent l’ingérence systématique, la plupart du temps par le biais du harcèlement et de menaces, dans les efforts déployés par la confédération syndicale KESK pour organiser les fonctionnaires publics. Les activités de sensibilisation de la KESK sont interdites dans les institutions publiques et des affiches ont été retirées sur le simple motif qu’elles critiquaient les politiques sociales du gouvernement. Le président de l’Union des employés de bureau de la KESK a été licencié officiellement pour implication dans des activités idéologiques. Tout au long de 2009, de nombreux cadres dirigeants, représentants et membres de la KESK, en particulier ceux qui ont posé des questions sur la discrimination subie par les minorités kurdes, ont été arrêtés et emprisonnés sans avoir été accusés du moindre délit particulier. Toutes les manifestations pacifiques organisées par la KESK et les syndicats qui y sont affiliés ont subi des attaques violentes de la part des forces armées, qui ont utilisé du gaz lacrymogène. En avril 2010, une conférence de presse pacifique organisée en soutien à la grève des travailleurs de Tekel a été violemment interdite par l’intervention de milliers de policiers. De nombreux membres et activistes, dont un membre du comité exécutif de la KESK, ont été blessés dans les affrontements. A la suite d’une grève d’une journée organisée par la KESK le 25 novembre 2009 en soutien aux droits syndicaux des fonctionnaires publics, des centaines de membres ont été sanctionnés, ont subi des réductions de salaire, etc. Seize membres du Syndicat des employés des transports affilié à la KESK ont été licenciés pour avoir participé à cette action.
Malheureusement, on déplore également des occasions manquées, telles que le consensus auquel sont parvenus les partenaires sociaux lors de la réunion de Bursa, organisée en mai 2008 par le ministère du Travail. En raison de contraintes internes au sein même du gouvernement, ce consensus n’a donné lieu concrètement à aucun projet de proposition. Au lieu de cela, après plusieurs modifications importantes que le ministère du Travail a apportées, le texte du consensus a été entièrement modifié. En conclusion, le gouvernement n’a pas pour obligation d’attendre qu’un consensus soit atteint entre les partenaires sociaux, ou d’agir de façon à satisfaire l’une quelconque des organisations. Il doit plutôt faire ce qu’il est censé faire en vertu de ses engagements internationaux.
Le membre travailleur de l’Allemagne a indiqué que le mouvement syndical allemand est préoccupé par les violations persistantes des droits syndicaux en Turquie, cela d’autant plus que ce sont des entreprises allemandes actives dans le pays ou leurs fournisseurs qui contribuent à ces violations et en tirent un profit.
La commission d’experts ne cesse de relever que le gouvernement est opposé à la création de syndicats. La loi no 2821 contraint les syndicats à obtenir une certification par acte notarié lors de la constitution et de la dissolution. Le tarif d’adhésion à un syndicat est fixé à l’équivalent de 18 euros. Pour les six millions de travailleurs dont le salaire minimum est de l’équivalent de 300 euros mensuel, cette cotisation est impossible à payer. Ce sont les syndicats eux-mêmes qui doivent payer les cotisations et ainsi le nombre de membres d’un syndicat dépend de la capacité financière de l’organisation. Le projet de loi prévoit bien la suppression de cette condition préalable mais il a été présenté en mai 2008 et n’est toujours pas entré en vigueur. Le gouvernement devrait cesser de ralentir l’adoption de cette loi.
La commission d’experts a aussi relevé une violation de l’article 2 de la convention no 87 dans la mesure où, selon la loi no 2822, un syndicat ne peut être reconnu comme agent négociateur que lorsqu’il compte plus de 50 pour cent des salariés d’une entreprise et que la représentativité de l’organisation dans le secteur dépasse 10 pour cent. Cela prive 49,99 pour cent des salariés du droit d’organisation syndicale. Certains syndicats, à cause de recours en justice de l’employeur qui ont un effet suspensif sur les négociations, peuvent se voir priver de négocier pendant plusieurs années. A titre d’exemple, le syndicat Birlesik-Metal, qui opère dans le secteur automobile, et qui dépasse largement le taux de 50 pour cent des salariés, s’est retrouvé privé du droit à la négociation collective pendant 820 jours. Une autre entreprise a été scindée en deux pour éviter que le syndicat puisse dépasser le taux de représentativité de 50 pour cent. Ces situations montrent à quel point la situation juridique invite les employeurs à violer les droits syndicaux. De plus, des travailleurs font l’objet d’intimidations pour quitter les syndicats.
Le mouvement syndical allemand a appelé le gouvernement à apporter rapidement les modifications juridiques nécessaires pour se conformer à la convention no 87 et demandé aux membres de l’Union européenne de tenir compte du respect des droits syndicaux lors des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
La membre travailleuse du Japon a déclaré que des mesures doivent être prises promptement pour amender la loi no 4688 et la Constitution afin de remédier à une série de problèmes relatifs au droit syndical des fonctionnaires. Il s’agit notamment de la privation du droit syndical pour un certain nombre de fonctionnaires; de la dissolution des organes directeurs d’un syndicat en cas de non-respect de critères énoncés dans la loi; de la destitution d’un dirigeant syndical de ses fonctions pour cause de changement de branche d’activité, de licenciement, ou simplement pour avoir quitté son travail; de l’interdiction de la grève dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme essentiels au sens strict du terme; ainsi que de lourdes sanctions, telles que des peines de prison, imposées aux travailleurs qui participent à des grèves illégales.
Le plus déconcertant est la tendance croissante à la persécution judiciaire des syndicalistes du secteur public. Seher Tumer, du Syndicat des fonctionnaires des services sociaux et de santé (SES), a été arrêtée l’an dernier et condamnée à plus de sept ans de prison, simplement au motif d’activités exercées de façon licite dans le mouvement syndical et le mouvement féministe. Meryem Ozogut, elle aussi du SES, ainsi que Metin Findik, Ferit Epozdemir et Bestas Epozdemir, tous trois membres du Syndicat des agents municipaux (Tum Bel Sen), ont eux aussi été arrêtés récemment pour des motifs similaires. En outre, beaucoup de travailleurs municipaux ont été forcés de démissionner de leur syndicat ou licenciés. Il est extrêmement regrettable qu’aucun progrès n’ait été fait en pratique, et la situation est très grave et critique.
S’agissant des mesures législatives, l’amendement à la Constitution ne semble pas conforme à la convention pour ce qui est du droit de grève et il a été adopté par le parlement sans consultation préalable des partenaires sociaux. Bien qu’une réforme constitutionnelle s’impose pour garantir intégralement le droit syndical, et notamment le droit de grève, il faut de toute urgence amender la loi no 4688. Les travailleurs ont suffisamment attendu et plus aucun retard ne peut être toléré. L’oratrice a prié le gouvernement de prendre par tous les moyens des mesures actives afin d’assurer un dialogue suffisant et sérieux en vue de s’attaquer efficacement à toutes les questions relevant de la convention no 87, en droit comme dans la pratique, notamment en garantissant le droit d’organisation et le droit de grève aux fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’Etat.
Le représentant gouvernemental a indiqué qu’il souhaitait répondre à certains commentaires faits pendant la discussion. S’agissant des allégations de licenciements pour des raisons de discrimination antisyndicale, la Constitution et la législation du travail comprennent des dispositions garantissant une protection contre la discrimination antisyndicale. Les actes de discrimination antisyndicale commis par des employeurs sont considérés comme une infraction qui peut être punie d’une peine d’emprisonnement allant de un à trois ans en vertu du Code pénal, et qui peut donner lieu à une indemnisation équivalente à au moins une année de salaire ainsi qu’à une réintégration. Pendant la crise économique, les licenciements et les actes de discrimination antisyndicale peuvent augmenter, et ce dans n’importe quel pays. Dans ce cas, les syndicats et les travailleurs disposent de moyens judiciaires pour contester ces actes, et se voient conseiller d’avoir recours aux moyens disponibles.
S’agissant du recours excessif à la force de la part des forces de sécurité, le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour prévenir les incidents de ce type, qui se produisent essentiellement pour deux raisons. La première est liée à l’infiltration d’organisations illégales lors de défilés et de manifestations organisés par les syndicats, l’autre au fait que les syndicats tiennent à organiser ces réunions dans des rues ou sur des places qui ne s’y prêtent pas. Dans les deux cas, les syndicats et les travailleurs disposent de tous les moyens légaux pour contester les actes des forces de sécurité.
Le représentant gouvernemental a déclaré que la Turquie est un pays confronté à des activités et des attaques séparatistes et terroristes. Au cours des trente dernières années, les activités terroristes ont coûté la vie à plus de 30 000 personnes en Turquie. L’arrestation de syndicalistes soupçonnés d’avoir des liens avec une organisation illégale ne devrait pas faire l’objet de critiques, car cela est tout à fait légal dans tous les pays du monde. Les syndicalistes ne doivent pas être considérés comme constituant une exception à cette règle. Les responsables de la KESK mentionnés au cours de la discussion ont été arrêtés en mai 2009 dans le cadre d’une opération visant des organisations terroristes en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme. Le tribunal a ordonné la libération des personnes détenues et une décision doit être rendue. Mme Ozogut et 13 associés ont été accusés d’appartenir à une organisation terroriste et de faire de la propagande pour cette organisation. Cela est sans rapport avec des activités syndicales.
Quant aux consultations avec les syndicats de salariés du public, deux ateliers sur les droits syndicaux des salariés du public ont été organisés en février et mars avec la participation de représentants de syndicats, de ministères et d’organisations publiques compétents et d’universitaires. Ces deux ateliers ont offert une enceinte pour examiner les modifications qui peuvent être apportées à la législation relative aux syndicats de salariés du public. De plus, un Conseil de consultation des fonctionnaires présidé par le ministre d’Etat a été créé avec la participation des trois organisations syndicales de salariés du secteur public les plus représentatives pour mettre au point une gestion participative et assurer une meilleure communication entre les décideurs et les syndicats. En conséquence, la consultation des syndicats de salariés du public a relevé pour l’essentiel du ministère d’Etat chargé des questions intéressant les fonctionnaires. De plus, les mesures convenues au cours des négociations collectives entre le Conseil des employeurs publics et les syndicats de salariés du public sont appliquées au moyen de circulaires des services du Premier ministre, comme les circulaires de juillet 2009 et de janvier 2010, ainsi qu’au moyen de lois si cela est nécessaire.
S’agissant de la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public, la modification de la Constitution va offrir un nouveau cadre à la négociation collective dans le secteur public et des modifications législatives feront suite à l’adoption de la Constitution. Le critère de représentativité de 10 pour cent sera supprimé lorsque le projet de loi sur les syndicats sera adopté. Enfin, la commission doit être assurée que les critiques concernant certains aspects de la législation seront prises en considération dans le projet de loi le plus récent. Les consultations vont se poursuivre et des améliorations restent possibles.
Les membres employeurs ont estimé que le gouvernement doit être félicité pour son action dans le cadre de la modification de la Constitution, les mesures pour régler la question de l’usage excessif de la force par la police et les dispositions législatives sur les droits syndicaux. Toutefois, les dispositions constitutionnelles et les réformes législatives proposées ne sont pas encore en vigueur. Les dispositions constitutionnelles entreront en vigueur au plus tôt en septembre 2010 selon les résultats du référendum. Les membres employeurs s’interrogent sur le moment où les modifications législatives aux lois nos 2821, 2822 et 4688 seront adoptées. Les propositions précédentes n’ont pas été adoptées. Elles posaient des problèmes en relation avec la convention. A sa décharge, le gouvernement a reconnu ce fait et a cherché à y remédier. Les membres employeurs espèrent que le gouvernement agira avec la même promptitude dans l’adoption tant des modifications législatives que des dispositions constitutionnelles. Entre-temps, le gouvernement devrait présenter à la commission d’experts un rapport sur les modifications de la Constitution et les dispositions législatives.
Les membres travailleurs ont déclaré que, de leur avis, la situation syndicale en Turquie est plus préoccupante que jamais. Le gouvernement doit immédiatement prendre des mesures pour cesser les agressions à l’encontre de syndicalistes et les ingérences dans les affaires des syndicats, et d’utiliser les lois contre le terrorisme à des fins antisyndicales. A cette fin, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement d’accepter l’assistance du BIT dans le processus de réforme de la loi sur les syndicats en vue de la rendre pleinement conforme avec la convention no 87. Rappelant qu’une telle requête a déjà été formulée l’année passée par la commission, les membres travailleurs ont insisté pour que cette assistance soit permanente et que le gouvernement présente un plan d’action, assorti d’un calendrier précis de révision de la législation sur les syndicats en consultation avec les partenaires sociaux. Enfin, le gouvernement est prié de faire rapport à la commission d’experts avant la fin de l’année sur les progrès réalisés.
Conclusions
La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le représentant gouvernemental, ainsi que de la discussion qui a suivi. Elle a également noté qu’une mission bipartite de haut niveau de l’OIT s’était rendue dans le pays du 3 au 5 mars 2010, suite à la demande faite par cette commission en juin 2009.
La commission a relevé que les commentaires de la commission d’experts portent depuis plusieurs années sur les divergences existant entre la législation et la pratique, d’une part, et la convention, d’autre part, en ce qui concerne les droits des travailleurs du secteur public et du secteur privé, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, ainsi que le droit des organisations de travailleurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants et d’organiser leurs activités sans intervention des autorités.
Elle a accueilli favorablement la déclaration du gouvernement selon laquelle le projet de loi modifiant la Constitution a été adopté le 7 mai 2010. Sous réserve d’un référendum qui aura lieu en septembre 2010, cette loi abrogera ou modifiera diverses dispositions qui restreignent le droit syndical. En particulier, les dispositions interdisant l’affiliation à plus d’un syndicat, de même que l’existence de plus d’une convention collective sur le même lieu de travail et pour une même période, seront abrogées; le droit des fonctionnaires à la négociation collective sera reconnu; une disposition interdisant les grèves politiques et de solidarité sera abrogée; les droits économiques et sociaux relèveront du champ d’application des conventions collectives; le droit des agents de la fonction publique d’introduire un appel devant une instance judiciaire lorsque des mesures disciplinaires sont prises à leur encontre sera assuré; et la protection des données personnelles sera garantie. En outre, le représentant gouvernemental s’est référé à la célébration du 1er mai en 2010, qui s’est déroulée dans un climat tout à fait pacifique. Le gouvernement a pris des mesures pour prévenir le recours excessif à la force par les forces de police et a lancé un programme de formation dans ce domaine.
Tout en prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement au sujet des mesures prises pour éviter les violences policières et les interventions indues de la police, la commission a noté encore une fois avec regret les allégations faisant état de restrictions importantes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des syndicalistes, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
La commission a rappelé une nouvelle fois l’importance qu’elle accorde au respect des libertés civiles fondamentales et a prié instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un climat exempt de violences, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit, de manière à permettre aux travailleurs et aux employeurs d’exercer pleinement et librement leurs droits en vertu de la convention. La commission a prié instamment le gouvernement de réexaminer, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, toute législation qui pourrait avoir été appliquée dans la pratique d’une manière contraire à ce principe fondamental, et d’envisager d’y apporter toute modification nécessaire ou de l’abroger.
La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a préparé un nouveau projet de loi sur les syndicats et que les consultations avec les partenaires sociaux se poursuivront dans le cadre de la réforme constitutionnelle, sur la base d’un calendrier précis. A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement, comme elle l’avait fait l’année précédente, d’élaborer un plan d’action assorti de délais précis, et de le soumettre à la commission d’experts afin d’en assurer le suivi, et de faire appel de manière continue à l’assistance du BIT afin d’assurer l’adoption rapide des amendements requis aux lois nos 2821, 2822 et 4688. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées et complètes sur tout progrès accompli sur ces points, ainsi que sur les résultats de la réforme constitutionnelle, et de communiquer tout texte législatif pertinent dans le rapport qu’il devra soumettre pour examen à la commission d’experts cette année.