National Legislation on Labour and Social Rights
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Un représentant gouvernemental, après avoir salué le travail de la commission, a indiqué que le gouvernement s’est engagé résolument depuis plusieurs décennies à lutter contre toutes les séquelles de l’esclavage, de mauvais traitements et d’exploitation, notamment par des réformes juridiques et institutionnelles ainsi que la mise en œuvre de programmes de développement économique et social pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Des réformes juridiques et institutionnelles sérieuses et audacieuses ont été adoptées en 2012. D’après la loi constitutionnelle no 2012-015 du 20 mars 2012, portant révision de l’article 13 de la Constitution de 1991, l’esclavage est défini comme un crime imprescriptible contre l’humanité et est puni comme tel. Cette loi vient notamment renforcer la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes. La loi de 2007 a ainsi défini pour la première fois l’esclave et l’esclavage et a institué la possibilité pour toute association des droits de l’homme légalement reconnue à dénoncer les infractions constatées et à apporter assistance aux victimes. Cela constitue une avancée de taille, qui expose les réfractaires éventuels à la loi à la vindicte populaire. En sus des mesures d’accompagnement à la loi qui ont été prises, le Parlement examine deux projets de loi. Le premier porte sur la loi relative à la lutte contre la torture qui abrogera et remplacera la loi no 2013-011 du 23 janvier 2013 portant répression des crimes d’esclavage et de torture en tant que crimes contre l’humanité. Le second projet de loi soumis au Parlement concerne l’ordonnance no 2006.05 du 26 janvier 2006. Il permettra aux personnes dont les ressources financières sont insuffisantes, ce qui est le cas des victimes des séquelles de l’esclavage, de défendre leurs droits devant la justice. Par ailleurs, l’orateur mentionne la décision de création d’un tribunal chargé de réprimer les crimes inhérents à l’esclavage et indique que les magistrats qui y travailleraient sont en train d’être sélectionnés afin d’être formés. Le gouvernement élabore des programmes dédiés à la lutte contre les séquelles de l’esclavage avec l’appui du BIT. Le 6 mars 2014, le gouvernement a adopté la feuille de route relative à la lutte contre les séquelles de l’esclavage suite à un consensus participatif. Cette stratégie est assortie d’un plan d’action qui s’articule sur les priorités dans les domaines juridiques, socio-économiques ainsi que la sensibilisation. Un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et comportant tous les départements concernés, a été institué et se réunit régulièrement afin de faire le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie. L’évaluation d’étapes de mai 2015 a constaté la réalisation de progrès réels dans le cadre du volet socio-économique, notamment par l’Agence Tadamoun, créée en mars 2013 pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, pour favoriser l’insertion et pour lutter contre la pauvreté. Les efforts de cette agence ont permis notamment la construction d’écoles, de dispensaires, de postes de santé et de logements sociaux ainsi que la distribution de terrains assainis et l’accès à l’eau potable dans des localités habitées pour l’essentiel par des personnes souffrant des séquelles de l’esclavage. Le gouvernement communiquera au BIT toutes les statistiques relatives aux réalisations de l’agence et leurs impacts sur la réduction des séquelles de l’esclavage. En outre, le gouvernement a lancé une large campagne d’information sur ces questions: une fatwa interdisant l’esclavage a été adoptée par l’Assemblée des Oulemas et a été largement diffusée. L’orateur indique que le négationnisme ne peut plus continuer à être perpétué par les détracteurs de cette politique. Le gouvernement continuera à œuvrer pour le renouveau, la modernité et l’Etat de droit, dont les premiers bénéficiaires sont les victimes des séquelles de l’esclavage. L’orateur souligne à cet égard que le gouvernement est en train d’élaborer, avec l’appui du BIT, deux programmes importants qui vont renforcer l’effort national mentionné. Le premier, qui porte sur l’élimination du travail des enfants, a mené à l’élaboration d’un plan d’action national d’élimination du travail des enfants en Mauritanie (PANET-RIM) qui a été adopté par le Conseil des ministres le 14 mai 2015. Le second programme tend également à éradiquer les séquelles de l’esclavage et sera élaboré avant la fin de l’année, et portera sur l’appui au changement législatif, le renforcement des institutions, le renforcement des capacités pour la mise en application de la loi, la recherche, la sensibilisation et le soutien aux victimes. L’orateur mentionne que, en dépit de ces nombreuses avancées, la Mauritanie fait à nouveau partie des cas individuels pour l’application de cette convention, en raison d’informations obsolètes ou incomplètes mises à la disposition de la commission. Il conclue en réaffirmant la détermination du gouvernement à éradiquer définitivement les séquelles de l’esclavage.
Les membres travailleurs ont regretté que les informations fournies par le gouvernement ne figurent pas dans un document écrit. La convention a été ratifiée par la Mauritanie en 1961 et, depuis, ce cas a été examiné par la présente commission de nombreuses fois. Suite aux discussions de la commission en 2002 et 2003, plusieurs missions ont eu lieu dans le pays (en 2004 et 2006) et une série de recommandations a été formulée. En 2010, la présente commission, tout en accueillant favorablement certains éléments, avait exhorté le gouvernement à jouer un rôle clé dans la sensibilisation pour faire comprendre à la population et aux autorités qu’il était impératif d’éradiquer l’esclavage. Elle avait également demandé l’adoption d’un plan national de lutte contre l’esclavage, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. Le gouvernement devait prendre des mesures afin de permettre aux victimes de s’adresser aux autorités judiciaires et policières et fournir des informations à cet égard, y compris des informations fiables, tant quantitatives que qualitatives, sur les caractéristiques de l’esclavage et de ses séquelles. A ce jour, la Mauritanie est l’un des derniers pays dans le monde où subsistent des formes traditionnelles d’esclavage. Les membres travailleurs ont relevé que la commission d’experts avait noté avec regret l’absence de rapports en 2013 et 2014. En outre, selon la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, malgré l’abolition de l’esclavage en 1981, sa qualification de crime contre l’humanité en 2012 et l’annonce de la création d’un tribunal spécial chargé de poursuivre les crimes d’esclavage, les lois et politiques pertinentes ne sont pas pleinement appliquées et le manque d’informations fiables est particulièrement préoccupant. Les membres travailleurs ont déclaré que l’esclavage ne peut tout simplement pas être toléré et que la Mauritanie doit s’engager sans délai dans la voie du changement. Bien que, selon la commission d’experts et la Rapporteuse spéciale, la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes ait fait l’objet d’une large publicité, les victimes continuent à rencontrer des difficultés pour faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes, ces dernières ne donnant pas suite aux plaintes. Il faut également rappeler que, pour qu’une enquête puisse être ouverte, une plainte doit être déposée. Or la loi n’autorise pas les organisations des droits de l’homme à porter plainte au nom des victimes. De plus, la police refuse de diligenter des enquêtes sur les allégations d’esclavage ou celles-ci se limitent à une confrontation entre les parties au cours de laquelle les victimes, qui se trouvent dans une position d’extrême vulnérabilité, se voient contraintes de modifier leurs dépositions, le cas étant alors requalifié en conflit du travail ou exploitation de mineurs. Les autorités judiciaires refusent aussi de poursuivre les esclavagistes présumés. Malgré l’obligation pour le procureur de notifier au plaignant la décision d’intenter ou non des poursuites dans un délai de huit jours, de nombreuses plaintes sont restées en suspens sans que le procureur ait donné d’informations aux plaignants. Les plaintes aboutissent rarement à un procès car les délais légaux sont systématiquement dépassés. A cet égard, SOS-Esclaves attire l’attention sur la réticence des juges, majoritairement issus de la communauté Beidan, à condamner les propriétaires d’esclaves et à accorder des réparations aux victimes, par peur d’être ostracisés au sein de leur propre communauté. Bien que la présente commission ait fait preuve de compréhension par rapport au poids des traditions, de la culture et des croyances, il convient de constater que les conclusions qu’elle a formulées en 2010 n’ont pas été suivies d’effet. Les victimes d’esclavage ignorent toujours que leur situation est illégale ou injuste et vivent dans l’acceptation de leur statut inférieur. C’est pour cette raison qu’il leur est très difficile de faire usage de la loi de 2007.
S’agissant de l’Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté (Agence Tadamoun), dont la création en 2013 a été saluée, la commission d’experts met en doute sa capacité institutionnelle et financière à mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, adoptée en 2014. Il semblerait qu’elle n’ait rien fait pour répondre aux problématiques de l’esclavage et que son mandat ait été limité aux séquelles de l’esclavage et non aux pratiques persistantes d’esclavage, ce qui démontre l’absence de volonté des autorités à cet égard. Quant à la feuille de route, elle représente une avancée positive mais ne prévoit pas de mesures de protection spécifiques pour les victimes, n’accorde pas le locus standi aux tiers et continue d’imposer le fardeau de la preuve à la victime. Elle prévoit toutefois la constitution d’un fonds d’urgence destiné à procurer une aide sociale et économique aux personnes libérées de l’esclavage et des actions positives en faveur des descendants d’esclaves. Le délai d’un an pour sa mise en œuvre était peu réaliste compte tenu de la situation. Les membres travailleurs ont tenu à souligner également la situation des enfants asservis qui travaillent pour un maître dès leur plus jeune âge et n’ont aucun accès à l’éducation. Considérés comme étant la propriété du maître, ils peuvent être loués, prêtés, offerts en guise de cadeau de mariage ou être laissés en héritage aux descendants du maître. En outre, les descendants d’esclaves qui ne sont plus sous le contrôle de leur maître ont généralement un accès limité à l’éducation dû à leur marginalisation. Ils n’acquièrent donc pas les compétences qui leur permettraient d’entreprendre des travaux autres que les travaux domestiques ou des activités liées à l’élevage de bétail ou à l’agriculture. Les syndicats ont mené une lutte active contre l’esclavagisme. Cependant, en janvier 2015, les autorités mauritaniennes sont intervenues pour empêcher la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) d’organiser une campagne de sensibilisation de l’opinion publique à la législation anti-esclavage, montrant ainsi qu’elles continuent à réprimer ceux qui osent dénoncer la persistance à grande échelle de ce fléau. La situation est extrêmement grave et le gouvernement semble peu disposé à abolir définitivement l’esclavage. Même si l’on peut comprendre qu’il y ait des obstacles politiques, culturels et économiques, le gouvernement doit agir sans délai.
Les membres employeurs ont indiqué que cette session de la présente commission examine la dix-huitième observation de la commission d’experts sur ce cas, qui est un exemple tragique d’esclavage persistant qui touche la population même du pays. Les membres employeurs ont remercié le gouvernement des informations fournies sur les mesures adoptées et de ses efforts pour lutter contre l’esclavage. Il est toutefois profondément préoccupant de constater que le gouvernement n’ait pas présenté de rapport en 2013 et en 2014, ce qui est en soi un grave manquement à ses obligations. La loi no 2007/48 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes a été adoptée et a fait l’objet d’une large publicité. Mais, comme l’indique la commission d’experts dans son observation, il demeure difficile pour les victimes de porter leur cas devant les instances administratives et judiciaires compétentes, comme en témoigne le fait qu’une seule personne ait été jusqu’à présent condamnée en application de la loi. Il est clair que le gouvernement ne fait preuve d’aucune volonté d’appliquer et de mettre en œuvre la loi, ce qui est contraire à l’article 25 de la convention. Les principales difficultés dans l’application efficace de la convention résident dans les obstacles culturels et la réticence dont fait preuve l’administration publique dans le traitement des cas d’esclavage. Mis à part le cas susmentionné de condamnation d’un individu, tous les autres cas n’ont pas donné lieu à des poursuites, compte tenu de l’absence de preuve ou des pressions exercées sur les victimes afin qu’elles retirent leur plainte. Cet état de fait constitue un déni de justice, d’égalité et de liberté et perdure depuis la ratification de la convention par la Mauritanie en 1961. Même si les explications apportées devant cette commission par le gouvernement sur les mesures adoptées depuis l’année dernière sont un élément positif, le gouvernement demeure néanmoins soumis à l’obligation, mais aussi à un devoir moral, d’agir immédiatement. Les membres employeurs l’ont donc appelé à adopter une stratégie globale de lutte contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, incluant: 1) en priorité, le renforcement de l’administration de la justice pour les cas d’esclavage, grâce à la création de juridictions spécialisées, la nomination d’inspecteurs et de procureurs et la mise en place de centres de soins pour les victimes; 2) des dispositions législatives relatives à la prévention; 3) des filets de sécurité pour les victimes (par exemple, centres de réinsertion, programmes de formation professionnelle et aide financière) et des programmes d’éradication de la pauvreté; et 4) des activités de sensibilisation en vue d’instaurer une conception partagée de l’esclavage comme phénomène inacceptable dans la société actuelle, de faciliter le signalement anonyme de cas par les victimes et les acteurs de la société civile et la gestion des traumatismes des victimes. Le gouvernement ne devrait pas pouvoir choisir de ne pas présenter de rapport sur l’application des conventions. Un nombre important de personnes en Mauritanie sont soumises à l’esclavage au moment même où cette commission se réunit, et l’échange de discours diplomatiques ne suffit plus.
Un membre travailleur de la Mauritanie a fait part de sa douleur de voir la Mauritanie traduite devant les instances internationales de façon récurrente. Le problème vient de la manière dont les politiques et les actes sont posés, gérés et évalués. Toute approche qui n’est pas participative ne produira pas les effets escomptés. Ainsi, il faut noter que l’Agence nationale Tadamoun est sous contrôle exclusif du gouvernement, sans que la population ni les organisations non gouvernementales (ONG) ne soient impliquées, et que les organisations syndicales n’ont pas été non plus impliquées dans le processus d’élaboration de la feuille de route. Ces dernières ont été invitées à la cérémonie d’ouverture du séminaire d’évaluation de la feuille de route, en mai 2015, mais on ne leur a pas permis de participer aux ateliers de travail. Il s’agit maintenant de poursuivre le dialogue social avec le gouvernement et toutes les organisations concernées et de définir des objectifs, en dehors des instances internationales. Lorsque le gouvernement explique que la loi de 2007 permet aux ONG de porter assistance aux victimes, il omet de préciser que le droit de constituer une organisation relève d’un régime d’autorisation préalable et que de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas pu se faire enregistrer; un dirigeant d’une organisation a même été emprisonné pour avoir géré une organisation illégale. Le dialogue doit être engagé de façon inclusive pour parvenir à une politique consensuelle et pour que la Mauritanie puisse tourner la page. A cet égard, la ratification du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, est un élément essentiel qui permettrait de donner un cadre cohérent à cette politique.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie a exprimé son total désaccord avec les interventions des membres employeurs et des membres travailleurs, car la situation qu’ils ont décrite ne reflète en aucun cas la réalité dans le pays. Certes, l’esclavage est un crime qui doit être dénoncé, mais il existe un complot autour de cette question au sein des instances internationales. Cette question ressort toujours pour faire pression sur le pays. Bien que persistent des séquelles de l’esclavage, il n’est pas possible d’accepter ce qui a été dit sur le pays. L’esclavage en Mauritanie a touché toutes les composantes de la population. Le gouvernement fait des efforts et ceux qui souhaitent l’aider sont invités à y participer. La Mauritanie est sortie de l’esclavage et il convient de parler désormais de séquelles de l’esclavage. L’orateur a conclu en protestant contre la façon dont la Mauritanie avait été traitée au sein de la présente commission.
Le membre employeur de la Mauritanie a déclaré soutenir toutes les mesures destinées à consolider l’Etat de droit car seules la démocratie, l’égalité et la justice pourront assurer l’avènement et la pérennité de la paix sociale dans tout le pays. Le gouvernement poursuit ses efforts pour éradiquer les séquelles de l’esclavage. En effet, de nombreuses réalisations, tant en milieu urbain que rural, ont été accomplies dans plusieurs domaines, dont l’éducation et la santé. Les efforts législatifs du gouvernement ont abouti à qualifier l’esclavage de crime imprescriptible contre l’humanité, et d’importantes mesures institutionnelles, dans le cadre d’un programme plus vaste et ambitieux de développement économique, ont été prises par le gouvernement. Ayant participé à la conception de l’essentiel de ces politiques et stratégies, l’orateur s’est félicité de la réelle volonté du gouvernement de déployer tous les efforts nécessaires pour éradiquer les séquelles de l’esclavage et a demandé au gouvernement de faire davantage car cet objectif n’est pas facile à atteindre et requiert des moyens humains et financiers importants. Dans sa contribution à l’éradication de l’esclavage, le BIT doit recueillir des informations plus complètes et objectives et se doit de soutenir les multiples efforts du pays. Le patronat mauritanien poursuivra, aux côtés du gouvernement et des partenaires sociaux, sa contribution à des politiques sociales en faveur de l’emploi et de la formation et contre la pauvreté.
La membre gouvernementale de la Lettonie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Albanie, de l’Arménie, de la République de Moldova, du Monténégro, de la Norvège, de la Serbie et de l’ex-République yougoslave de Macédoine, a rappelé l’engagement qu’avait pris la Mauritanie dans le cadre de l’Accord de Cotonou de respecter la démocratie, l’Etat de droit et les principes relatifs aux droits de l’homme, y compris les principes visés par la convention. S’il est vrai que des mesures juridiques ont été prises, notamment la loi no 2007/48 qui incrimine et sanctionne les pratiques analogues à l’esclavage, le gouvernement doit continuer de prendre des mesures, étant donné que les victimes du travail forcé peinent toujours à se faire entendre et à faire valoir leurs droits. L’oratrice a également encouragé le gouvernement à mettre pleinement en œuvre les 29 recommandations de la feuille de route, au moyen de mesures visant à obtenir des résultats spécifiques et rapides. Le gouvernement doit remplir ses obligations en matière de présentation de rapports en ce qui concerne les conventions de l’OIT. L’oratrice a rappelé que l’UE est disposée à coopérer avec le gouvernement afin de promouvoir le développement et la pleine jouissance de tous les droits de l’homme.
Le membre travailleur de l’Afrique du Sud, s’exprimant au nom des membres travailleurs de l’Angola, du Ghana, du Libéria, du Nigéria, de la Sierra Leone et du Swaziland, a souligné le rôle essentiel de cette commission dans la lutte contre l’esclavage. La situation des victimes de l’esclavage est comparable à celle des migrants. L’esclavage en Mauritanie est ancré dans son histoire et sa culture, et les personnes en quête de pouvoir le tolèrent. Bien que la loi no 2007/48 incrimine l’esclavage, sanctionne les pratiques analogues à l’esclavage et prévoit le rôle des défenseurs des droits de l’homme, l’esclavage continue de sévir et des personnes d’être réduites en esclavage et traitées comme des biens. L’existence persistante de l’esclavage est due à l’absence d’application de la loi et de politiques de tolérance zéro, comme le montre le fait que, depuis l’adoption de la loi no 2007/48, un seul cas d’esclavage a abouti à une condamnation. De plus, l’orateur a déploré l’attitude indulgente et partiale du gouvernement à l’égard des personnes pratiquant l’esclavage ainsi que l’intimidation dont sont l’objet les victimes qui demandent justice. En conclusion, il faut souligner la nécessité de mettre en place des programmes d’aide aux victimes pour les rendre moins dépendantes au moyen d’un emploi sûr et viable, avec la participation des institutions sociales, des autorités publiques et des partenaires sociaux.
La membre gouvernementale de l’Egypte a pris note des efforts déployés par le gouvernement afin de mettre un terme au travail forcé et de créer les conditions permettant aux travailleurs mauritaniens de travailler dans des conditions dignes et décentes. La législation pertinente, notamment la loi no 2007/48, a également été adoptée. Cette loi incrimine l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage et prévoit des sanctions à l’égard des coupables. L’oratrice a également mentionné la feuille de route pour combattre les vestiges de l’esclavage. L’objectif est de mettre un terme au travail forcé de sorte que le pays respecte les engagements qu’il a pris à l’égard des normes internationales du travail. Appuyant les efforts du gouvernement qui semblent prometteurs, l’oratrice a exprimé l’espoir que cette commission prenne dûment note de ce qui a été accompli à cet égard.
La membre travailleuse du Royaume-Uni, s’exprimant également au nom du membre travailleur du Mali, a déclaré que les textes de loi et les programmes adoptés pour incriminer l’esclavage, alors que 18 pour cent de la population mauritanienne sont dans cette situation, ont eu un impact minimal. Les victimes continuent de souffrir d’un esclavage ancré dans la société et la culture, comme l’ont noté des instances internationales telles que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage ou Anti-Slavery International. La loi no 2007/48 n’a apporté ni justice ni réparation aux victimes. Elle ne prévoit que des poursuites pénales contre le maître sans donner aux victimes les moyens d’échapper à la servitude. La loi n’autorise que la victime à intenter un recours, et la charge de la preuve lui incombe. Il s’agit d’une procédure juridique lourde pour les victimes parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers ni le niveau d’éducation nécessaires. L’instruction des plaintes aboutit souvent à un non-lieu. Les maîtres sont arrêtés et rapidement remis en liberté sous caution, comme ce fut le cas dans la seule affaire où une condamnation a été prononcée en application de la loi no 2007/48. Les interrogatoires de victimes en présence de leurs maîtres soumettent les victimes à une pression énorme. Les autres programmes n’ont guère fait progresser les choses. L’Agence nationale Tadamoun n’a pas été très active sur le thème de l’esclavage. Le processus de la feuille de route n’a associé ni les syndicats ni les employeurs à sa mise en œuvre et n’a pas provoqué de réelle évolution. Un projet de loi visant à remplacer la loi no 2007/48 est actuellement devant l’Assemblée nationale; il comporte certaines améliorations, dont la possibilité pour des ONG de porter plainte au civil pour le compte des victimes. L’oratrice a souligné que les dispositions légales sont insuffisantes et qu’il faudrait une réelle volonté de s’attaquer à cette pratique et des mesures concertées associant pleinement les partenaires sociaux pour pouvoir éradiquer le travail forcé et l’esclavage.
Le membre gouvernemental du Mali a pris note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour assurer l’application de la convention, éradiquer le travail forcé de manière générale et, plus particulièrement, lutter contre les séquelles de l’esclavage. Il faut reconnaître et encourager les efforts déployés et la détermination montrée par le gouvernement, au cours de ces dernières années, pour circonscrire le phénomène de l’esclavage, notamment grâce aux mesures suivantes: 1) la loi constitutionnelle incriminant l’esclavage; 2) le projet de loi pour lutter contre la torture; 3) le projet de loi sur l’aide judiciaire; 4) la création d’un tribunal spécial pour la répression des crimes liés à l’esclavage et la formation de magistrats; 5) l’adoption de la feuille de route pour combattre les séquelles de l’esclavage; et 6) les différents programmes établis avec l’appui du BIT. L’orateur a encouragé le gouvernement à poursuivre sans relâche ses efforts et a demandé au BIT de renforcer son assistance et sa coopération pour le soutenir.
La membre travailleuse de la France a souligné le besoin de cohérence et rappelé que, dans le cadre de l’Accord de partenariat économique entre les Etats de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), d’une part, et l’UE et ses Etats membres, d’autre part, la Mauritanie doit supprimer 75 pour cent de ses droits de douane, ce qui la privera de recettes budgétaires considérables et indispensables pour les populations locales. Cette politique commerciale agressive, qui affaiblit la compétitivité des exploitations agricoles et des petites industries locales, met une pression supplémentaire sur l’économie et peut aboutir à perpétuer les pratiques esclavagistes dénoncées par les syndicats et de nombreuses organisations de la société civile. L’UE ne doit pas, d’un côté, signer des accords commerciaux susceptibles de perpétuer les pratiques de travail forcé et, de l’autre, demander au gouvernement, comme elle l’a fait par une résolution du Parlement européen de décembre 2014, de poursuivre ses efforts en matière de lutte contre les formes contemporaines d’esclavage. Cette résolution souligne également que les défenseurs des droits de l’homme sont persécutés. En effet, trois militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) (MM. Brahim Jaddou, Yacoub Inalla et Salar Ould Houssein) ont été condamnés à plusieurs mois de prison, et M. Biram Dah Abeïd, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage dans le pays et reconnu comme tel, a été condamné en janvier 2015 à deux ans de prison ferme et risque aujourd’hui la peine de mort pour avoir organisé des réunions contre l’esclavage. Le Parlement européen, dans sa résolution, appelle le gouvernement à libérer M. Biram Dah Abeïd et à «permettre aux militants anti-esclavagistes de poursuivre leurs activités non violentes sans qu’ils aient à craindre de subir harcèlement et pratiques d’intimidation». Si des lois importantes ont été adoptées en 1981 et 2007, il est essentiel qu’elles soient mises en œuvre dans la pratique, ce qui inclut la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre l’esclavage.
Le membre gouvernemental du Maroc a souligné que les commentaires de la commission d’experts concernent l’application effective de la législation en matière de travail forcé de même que le cadre stratégique et institutionnel de lutte contre l’esclavage. Le gouvernement fournit des éléments de réponse à cet égard car les réformes juridiques et institutionnelles apportées au dispositif mis en place tendent à incriminer l’esclavage ou toutes formes d’asservissement de l’être humain. Deux projets de loi sont prévus, lesquels portent sur la lutte contre la torture et sur le droit des victimes des séquelles de l’esclavage de recourir à la justice. Par ailleurs, des programmes et des projets ont été initiés avec l’assistance des institutions des Nations Unies. Ces mesures démontrent la volonté du gouvernement d’harmoniser sa législation et sa pratique nationales avec les dispositions et les principes de la convention. Il faut donc soutenir les efforts déployés par le gouvernement et lui accorder davantage de temps afin qu’il puisse répondre aux demandes en suspens.
La membre gouvernementale de la Tunisie a pris note des efforts déployés par le gouvernement afin de lutter contre les séquelles de l’esclavage, de promouvoir les droits des travailleurs et de mettre en œuvre la convention. Les réformes juridiques et institutionnelles, les programmes de développement ainsi que la création d’un tribunal pour la répression des crimes liés à l’esclavage et la feuille de route adoptée en 2014 constituent des preuves irréfutables de l’engagement et de la détermination du gouvernement à lutter efficacement contre l’esclavage et ses séquelles. Convaincue que le Programme pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT et le programme d’appui à la feuille de route contribueront à réaliser les objectifs visés par le gouvernement, l’oratrice a appelé le BIT à continuer de fournir une assistance technique au gouvernement et a encouragé ce dernier à poursuivre ses efforts en vue d’éradiquer définitivement les séquelles de l’esclavage et de se conformer ainsi aux dispositions de la convention.
Le membre gouvernemental de l’Algérie a salué les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Selon les informations fournies par le gouvernement, des mesures juridiques et économiques sont prises à travers l’adoption de plusieurs textes afin d’interdire l’esclavage et d’indemniser les victimes. Plusieurs ministères mettent en œuvre des programmes de développement destinés aux populations vulnérables dans certaines zones. Il convient de noter avec intérêt la création de l’Agence Tadamoun, chargée de lutter contre les séquelles de l’esclavage et d’assurer la réinsertion des victimes. Ces mesures permettent l’application des normes internationales pertinentes. L’orateur a également tenu à souligner les efforts accomplis par le gouvernement et l’a encouragé à poursuivre sur cette voie. Dans ses conclusions, la présente commission doit tenir compte des informations fournies par le gouvernement, qui démontrent son entière disponibilité pour mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de garantir l’application effective de la convention.
Le membre gouvernemental du Qatar a pris note de la déclaration du gouvernement et des mesures qu’il a prises et l’a encouragé à poursuivre ses efforts afin d’appliquer pleinement la convention.
Le représentant gouvernemental a rappelé qu’il avait informé la commission des efforts déployés de concert avec l’OIT et d’autres organisations internationales. Il s’est déclaré choqué par la déclaration des membres employeurs, laquelle montre un tel manque de respect envers la Mauritanie qu’il a considéré qu’il s’agissait d’une provocation. Cela ne contribue pas à résoudre les problèmes. Quant au réquisitoire des membres travailleurs, il s’agit d’un ensemble de contre-vérités qui ne prend pas en compte les efforts consentis. En effet, des efforts importants ont été entrepris, tant sur le plan juridique qu’en ce qui concerne la mise en œuvre de programmes qui luttent efficacement contre le phénomène, ainsi qu’un ensemble de campagnes de sensibilisation. Le rôle important des autorités religieuses a aussi été relevé durant la discussion. L’orateur s’est félicité que les employeurs et les travailleurs mauritaniens aient reconnu les mesures positives prises par le gouvernement. Il les a assurés qu’aucun effort ne serait épargné pour leur réserver une place dans le dialogue en cours auquel il les a invités à participer. En Mauritanie, la liberté de la presse est assurée et un ensemble de débats ont lieu. Il est sidérant d’entendre dire qu’il n’y a, en Mauritanie, que des esclaves et que la seule perspective est l’émigration vers l’Europe. Si de nombreux Mauritaniens se rendent en Europe, cela représente une proportion de la population largement inférieure à un pour mille. En ce qui concerne l’application de la loi, 26 cas ont été traduits devant les juridictions mauritaniennes. Ce sont là de véritables efforts qui doivent être soulignés. La feuille de route a été élaborée de manière concertée, et les partenaires sociaux y ont été associés. La personne qui était la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage est d’ailleurs revenue en tant que consultante dans le cadre de l’assistance technique fournie par le BIT. C’est la preuve qu’elle estime qu’il est utile de continuer à soutenir les efforts du gouvernement. L’attitude du gouvernement démontre sa réelle volonté de mettre fin aux pratiques dénoncées. Le représentant gouvernemental a remercié tous ceux, dont le BIT, qui ont soutenu la Mauritanie dans la mise en œuvre des programmes susmentionnés.
Les membres employeurs ont déclaré avoir entendu les réponses du gouvernement et souligné que la situation était très préoccupante, en particulier en raison de la vulnérabilité des victimes de l’esclavage. Le gouvernement est prié de continuer à utiliser tous les moyens à sa disposition pour éliminer l’esclavage dans le pays. Il est invité instamment: 1) à appliquer de manière effective la loi de 2007 qui fait de l’esclavage un délit pénal, le Plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage (PESE) et la feuille de route, en mettant sur pied des procédures et une aide aux victimes ayant un caractère complet, par le renforcement des capacités des autorités chargées des poursuites et de l’administration de la justice s’agissant de l’esclavage, par des programmes de prévention, des programmes spécifiques permettant aux victimes de s’échapper et des programmes de sensibilisation, notamment en direction du grand public, des autorités centrales, des juges et des autorités religieuses; 2) à doter le PESE de ressources suffisantes et à inciter l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté à agir comme elle le doit; 3) à solliciter l’assistance technique du BIT; et 4) à rendre compte en détail de l’amélioration des mesures mises en œuvre à la session de la commission d’experts de novembre 2015.
Les membres travailleurs ont remercié le gouvernement pour les informations fournies mais ont souligné que l’important était l’envoi du rapport que le gouvernement devait fournir à la commission d’experts. En l’absence de ce rapport, on ne peut que fonder l’analyse de la situation sur les informations existantes par ailleurs, comme dans le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage. Les débats ont malheureusement démontré une situation extrêmement grave où les pratiques esclavagistes sont protégées, voire encouragées, par le gouvernement. L’important pour la Commission de l’application des normes est que les «haratines» représentent, non pas un groupe isolé, mais une majorité de la population. C’est un problème qui menace l’unité et la cohésion nationales. Ces travailleurs sont non seulement exploités mais discriminés dans tous les domaines de la vie professionnelle et civile: privation de promotion sociale, culturelle ou économique; déni du droit de propriété; absence d’infrastructures de base au détriment des travailleurs (école, centres de santé, routes, puits...). Le gouvernement doit prendre les mesures qui s’imposent pour assurer l’intégration sociale et économique des anciens esclaves dans la société. Il ne s’agit pas de dire que le gouvernement n’a rien fait mais il est important de souligner les problèmes existants. Le gouvernement entrave l’action des organisations de travailleurs de Mauritanie et de la CLTM en particulier alors que celle-ci s’efforce de dénoncer les faits mais aussi de mener des campagnes de sensibilisation. En 2010, la commission avait très précisément demandé au gouvernement de mettre en œuvre ces campagnes de sensibilisation. Il n’a pas donné suite efficacement à cette demande. Il est temps de faire prendre conscience aux bourreaux – et aux victimes également –, ainsi qu’aux autorités administratives et judiciaires, du caractère inhumain des pratiques d’esclavage. Le gouvernement doit comprendre que son inertie, dénoncée par tous depuis si longtemps, n’est plus excusable, surtout après les actions entreprises à l’initiative de cette commission et du BIT. L’objectif de la commission est de trouver des solutions constructives pour éradiquer ce fléau. Les membres travailleurs ont prié le gouvernement de recueillir des données détaillées sur la nature et l’incidence de l’esclavage en Mauritanie et de les fournir à la commission d’experts avant sa prochaine session. Il doit également tout mettre en œuvre pour que soit assuré un traitement rapide et efficace des plaintes en matière d’esclavage, en lien avec la loi de 2007 et la révision de la Constitution de 2012. Des magistrats indépendants doivent être nommés au tribunal spécialement chargé des plaintes en matière d’esclavage et celui-ci doit se doter de procédures garantissant un accès aisé et libre aux plaignants et à toutes les organisations représentatives qui les assistent. Autoriser les tiers à représenter les victimes de l’esclavage aidera à mettre les personnes exploitées à l’abri des pressions. De même, l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté devrait recevoir les moyens financiers et humains lui permettant d’exercer efficacement son mandat, lequel devrait être réorienté vers la lutte contre les dégâts liés à l’esclavage. Quant à la feuille de route de 2014, qui est une référence, elle devrait contenir un chapitre spécifique relatif à la protection des victimes et à la question de la charge de la preuve qui ne peut en aucun cas incomber aux victimes plaignantes. Les membres travailleurs ont prié le gouvernement d’apporter à la loi de 2007 les modifications permettant: a) d’accorder à des tiers, tels que les syndicats et les organisations des droits de l’homme, un droit à agir et à porter des accusations au nom des victimes; b) d’assurer que la charge de la preuve ne porte pas sur la personne considérée comme «l’esclave présumé»; c) d’aggraver la peine de prison pour le crime d’esclavage, afin de la faire concorder avec les normes internationales et la jurisprudence relatives aux crimes contre l’humanité. Le gouvernement devrait comprendre l’intérêt de collaborer plus systématiquement avec les organisations syndicales qui ont démontré leur capacité à mener des actions et des campagnes de sensibilisation bien structurées au lieu d’interférer dans leurs activités. Les membres travailleurs ont demandé l’envoi d’une mission de contacts directs, ceci étant la mesure la plus susceptible de permettre de trouver des solutions et de réaliser des activités de sensibilisation à la lutte contre l’esclavage et à la réparation des dégâts qu’il cause. Les membres travailleurs ont demandé la libération de M. Biram Ould Dah Abeïd, condamné à deux ans de prison ferme et qui risque la peine de mort. Au vu de la persistance du cas et du manque flagrant de résultats depuis de nombreuses années, ils ont également demandé l’inscription de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.
Conclusions
La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé qu’elle a déjà étudié le présent cas à six reprises et qu’une mission d’enquête s’est rendue en Mauritanie en 2006, à la demande de la Commission de la Conférence.
La commission a noté que les questions en suspens soulevées par la commission d’experts concernent la mauvaise application de la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, notamment le mal qu’ont les victimes d’esclavage à faire valoir leurs droits auprès des autorités de police et des autorités judiciaires compétentes, comme le montre le nombre peu élevé de procédures judiciaires engagées. Elles concernent également la nécessité d’engager des mesures de sensibilisation de la population et des autorités chargées de l’application de la loi de 2007 à l’illégalité et à l’illégitimité de l’esclavage, et la nécessité d’appliquer efficacement les différentes recommandations figurant dans la feuille de route, adoptées en mars 2014, qui vise à combattre les séquelles de l’esclavage.
La commission a noté que le gouvernement a donné les grandes lignes des lois et politiques mises en place pour combattre toutes les séquelles de l’esclavage. Cela inclut les modifications constitutionnelles ainsi que l’adoption et la mise en œuvre de la loi de 2007 qui définit l’esclavage pour la première fois et donne aux associations de défense des droits de l’homme les moyens de dénoncer les infractions à la loi de 2007 et d’aider les victimes. La commission a également noté que le gouvernement a indiqué qu’un projet de loi est à l’examen et qu’il prévoit notamment la création d’un tribunal spécial chargé des infractions liées à l’esclavage et aux pratiques assimilées à l’esclavage. Elle a également pris note des informations sur les différentes activités de sensibilisation menées et sur les mesures prises dans le cadre de programmes visant à réduire les inégalités économiques et sociales en améliorant les moyens d’existence et les conditions d’émancipation des groupes sociaux vulnérables touchés par l’esclavage et ses séquelles. Enfin, la commission a noté que le gouvernement déclare qu’il continuera à solliciter l’assistance technique du BIT afin de réaliser des avancées tangibles en ce qui concerne l’application de la convention.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement:
- d’appliquer de manière effective la loi de 2007 pour garantir que les responsables de pratiques esclavagistes font effectivement l’objet d’enquêtes, qu’ils sont poursuivis, sanctionnés et purgent une peine proportionnelle au crime commis;
- de modifier la loi de 2007 pour accorder à des parties tierces, notamment les syndicats, le locus standi leur permettant d’engager des poursuites au nom des victimes, d’envisager de transférer la charge de la preuve et d’alourdir les peines de prison pour le crime d’esclavage, en les portant à une durée conforme aux normes internationales relatives au crime contre l’humanité;
- de mettre pleinement en œuvre le Plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage (PESE) et la feuille de route pour lutter contre les séquelles de l’esclavage, comprenant des procédures et une aide aux victimes ayant un caractère complet. Ceci devrait comprendre les éléments suivants:
– renforcement des capacités des autorités chargées des poursuites et de l’administration de la justice s’agissant de l’esclavage;
– programmes de prévention liés à l’esclavage;
– programmes spécifiques permettant aux victimes de s’échapper;
– programmes de sensibilisation;
- de doter l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté des ressources nécessaires, et veiller à ce que ses programmes comprennent, entre autres, des programmes visant à lutter contre l’esclavage;
- d’élaborer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation en direction du grand public, des victimes d’esclavage, de la police, des autorités centrales, des juges et des autorités religieuses;
- de faciliter l’insertion sociale et économique des anciens esclaves dans la société, à court, à moyen et à long terme, et veiller à ce que les «haratines» et d’autres groupes marginalisés ayant été soumis à l’esclavage et à des pratiques assimilées à l’esclavage bénéficient d’infrastructures de base et de ressources économiques;
- de recueillir des informations précises sur la nature et l’incidence de l’esclavage en Mauritanie et mettre en place des procédures propres à surveiller et à évaluer la mise en œuvre de mesures visant à mettre fin à l’esclavage;
- de solliciter l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre ces recommandations;
- de rendre compte en détail des mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations, en particulier, pour faire appliquer la législation sur l’esclavage, à la réunion de la commission d’experts de novembre 2015.
La commission a décidé d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport.
Le représentant gouvernemental a pris bonne note des conclusions de la commission, et a déclaré que le gouvernement ferait tout son possible pour refléter ces conclusions dans la législation nationale et a exprimé le souhait que ces changements se reflètent dans une collaboration efficace avec le BIT.