National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Le gouvernement a communiqué les informations écrites suivantes.
L’Espagne a ratifié en 1970 la convention et l’a toujours respectée et appliquée résolument. La convention dispose que tout Membre de l’OIT devra mener à bien une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi, avec la participation des partenaires sociaux. Ces dernières années, l’Espagne a pris des mesures importantes dans ce sens, qui se sont traduites par des progrès et des résultats: dans un nouveau contexte de redressement de l’économie espagnole, il y a une tendance solide à la baisse du chômage et à la création de postes de travail. Cette évolution récente est quantitative mais aussi qualitative, dans un climat de dialogue social tripartite, en consultation avec les employeurs et les travailleurs. La stratégie économique et de l’emploi du gouvernement s’inscrit dans le cadre du Semestre européen. Elle correspond aux trois piliers de l’Examen annuel de la croissance 2015 pour la politique économique et sociale de l’Union européenne. Deux priorités ressortent qui se renforcent mutuellement: mener à terme les réformes engagées et faciliter le redressement économique et la création d’emplois.
Les décisions prises dans le cadre des politiques actives de l’emploi et de la formation professionnelle sont compréhensibles, étant donné la situation et les caractéristiques du marché du travail espagnol en décembre 2011, et l’inefficacité et les faiblesses structurelles que la crise économique de 2007 n’a fait qu’aggraver: rigidités trop importantes pour adapter les conditions de travail aux conditions économiques; excessive segmentation ou dualité du marché et productivité par travailleur inférieure à celle des autres pays européens. Ces problèmes structurels, accentués par l’intense crise économique, se sont traduits par des chiffres dramatiques. Entre le début de la crise et décembre 2011, le taux de chômage est passé de 8,6 à 22,9 pour cent. Le nombre des chômeurs a augmenté de 3,3 millions. Selon l’Enquête sur la population active (EPA), pendant cette période plus de 2,5 millions de postes de travail ont été détruits et le taux de chômage des moins de 25 ans est passé de 18,8 à 48,6 pour cent. En décembre 2011, le chômage de longue durée touchait la moitié des personnes sans emploi et le nombre de contrats à durée indéterminée diminuait de 22,5 pour cent par an.
Dans ce contexte, il était indispensable d’appliquer des réformes structurelles, dont une réforme du travail, pour que l’économie puisse s’accroître et créer des emplois. Ce programme de réformes a permis à l’économie espagnole de retrouver la confiance des marchés internationaux et de gagner en efficacité, en flexibilité et en compétitivité. La réforme du travail de 2012 a marqué le début en Espagne d’une profonde mutation du marché du travail, tout à fait conforme à la notion de flexisécurité qui sous-tend les principes directeurs de l’emploi de l’Union européenne. Il y a plus de flexibilité mais sans pour autant compromettre ni les droits des travailleurs ni le système de protection des chômeurs, qui est un élément essentiel de l’Etat-providence en Espagne. C’est ce qu’a considéré récemment le tribunal constitutionnel. Dans sa décision no 8/2015 du 22 janvier 2015, il a approuvé définitivement la réforme du travail et rejeté l’argument selon lequel cette réforme portait atteinte au droit à la liberté syndicale, à la négociation collective, au travail et à une protection constitutionnelle et judicaire effective. Selon des estimations du ministère de l’Economie et de la Compétitivité, la transformation du marché du travail a contribué à éviter la destruction de plus de 225 000 emplois pendant la première année d’application de la réforme. De plus, grâce à la réforme, pour la première fois, des emplois sont créés en Espagne alors que le taux de croissance économique est modéré. Les données disponibles mettent clairement en évidence l’amélioration du rapport emploi/PIB. Ainsi, en 2014, année pendant laquelle cet indicateur a évolué, le taux de croissance du PIB a été de 1,4 pour cent et, selon les chiffres de l’EPA, le taux d’emploi a augmenté de 2,5 pour cent par rapport à l’année précédente, et le nombre de personnes occupant un emploi de plus de 430 000. L’évolution interannuelle de l’affiliation à la sécurité sociale à partir de février 2014 a confirmé cette tendance. Pour la première fois depuis 2008, le taux moyen total d’affiliation a enregistré des résultats positifs. Fin 2014, il y avait plus de 417 000 affiliés de plus qu’un an avant, soit un taux de croissance dépassant 2,5 pour cent. On soulignera un des effets fondamentaux de la réforme du travail: pour la première fois des emplois sont créés en Espagne alors que les taux de croissance économique sont modérés.
Après la modernisation des normes applicables à la relation de travail, il fallait moderniser les politiques d’activation de l’emploi, dont le principal objectif est de créer un nouveau cadre de politiques de l’emploi dont tous les instruments sont axés sur l’activation et l’employabilité des travailleurs afin que la reprise aboutisse à des emplois stables et de qualité. Grâce aux efforts intenses déployés les années précédentes, un ensemble de mesures d’activation a été adopté en septembre 2014. Il comprend la nouvelle Stratégie espagnole 2014-2016 d’activation de l’emploi. Cette stratégie pluriannuelle établit de nouvelles modalités d’action pour tous les services publics sur tout le territoire: objectifs communs, flexibilité et spécificité pour atteindre ces objectifs, et nouveau système d’évaluation permanente, axé sur des résultats, l’objectif global étant de moderniser les services publics de l’emploi. Ces activités s’inscrivent dans des plans annuels afin de coordonner et de répertorier toutes les activités que les services publics de l’emploi programment pour chaque exercice, en fonction de ces objectifs communs. Depuis 2012, quatre plans déjà ont été adoptés. Le dernier a été présenté à la réunion d’avril 2015 de la Conférence sectorielle de l’emploi et des questions du travail avec les communautés autonomes. Ces plans précisent quelles activités sont menées et où, de façon à pouvoir les comparer et, surtout, en mesurer l’impact. A cette fin, grâce aux efforts considérables qu’ont déployés conjointement les diverses administrations, un système d’indicateurs a été élaboré. Approuvé par tous, il vise à évaluer les résultats des mesures afin de déterminer l’allocation de ressources financières pour les politiques actives, ressources que l’Etat attribue chaque année aux communautés autonomes. Ainsi, par exemple, les résultats obtenus en 2014 ont permis de distribuer 60 pour cent des fonds en 2015, soit près de 850 millions d’euros. La stratégie d’activation prévoit un ensemble d’éléments qui structurent l’activité des services de l’emploi. Ainsi, pour faciliter la transition vers l’emploi, l’Accord-cadre pour la collaboration publique-privée dans l’intermédiation du travail a été élaboré, conformément à la convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997. Il définit une architecture commune pour élaborer les projets de collaboration entre les quatorze services de l’emploi ayant accepté l’accord et les 80 agences de placement privées participantes. Le guichet unique de l’emploi est en place. Il canalise les offres d’emploi des différents services publics de l’emploi et des services privés qui participent au projet. En janvier 2015, le portefeuille commun de services a été créé au sein du système national de l’emploi. Il détermine l’ensemble des services de l’emploi qui doivent être assurés sur tout le territoire et qui constituent un droit pour tous les travailleurs. Le contenu et les conditions communes minima sont fixés pour chacun des services (orientation professionnelle, placement, formation et qualifications pour l’emploi, conseils aux entreprises et pour exercer une activité indépendante ou créer une entreprise). Des activités sont en cours avec les communautés autonomes en vue d’élaborer les protocoles de prestation qui seront approuvés d’un commun accord.
La crise récente a principalement touché les jeunes, dont le taux de chômage s’établit à 51,4 pour cent, soit 382 012 chômeurs de moins de 25 ans, même si le nombre de chômeurs a reculé d’environ 105 500 personnes depuis décembre 2011. Dans le cadre de la réforme du travail de 2012, des mesures ont été prises pour favoriser l’embauche des jeunes: le contrat de travail à durée indéterminée de soutien aux entrepreneurs, qui prévoit des incitations pouvant aller jusqu’à 3 600 euros pendant trois ans pour l’embauche à durée indéterminée de jeunes. Plus de 107 000 contrats de ce type ont été signés avec des jeunes de moins de 30 ans entre le début de la réforme du travail de 2012 et avril 2015; le contrat de formation et d’apprentissage a été modifié de sorte qu’il soit plus flexible et mieux adapté aux besoins quotidiens des entreprises et à leurs besoins en formation. Trois ans après sa modification, il s’agit d’un instrument bien établi qui permet aux jeunes d’accéder à la formation professionnelle en alternance et, partant, de se former tout en occupant un emploi. En 2014, environ 140 000 contrats ont été établis, ce qui représente une augmentation de 32 pour cent par rapport à 2013 et de 130 pour cent par rapport à 2012. Le rythme des progrès se maintient en 2015, représentant une augmentation de 25 pour cent d’une année sur l’autre. Entre le début de la réforme du travail de 2012 et avril 2015, plus de 355 000 contrats de formation et d’apprentissage ont été enregistrés.
En 2013, l’Espagne a adopté la Stratégie pour l’entreprise et l’emploi des jeunes 2013-2016, qui prévoit non moins de 100 mesures chocs, dont 85 pour cent ont déjà été mises en œuvre. A l’heure actuelle, plus de 400 000 jeunes de moins de 30 ans (402 908 personnes au 12 mai) bénéficient d’une des mesures de la stratégie pour l’entreprise et l’emploi, auxquelles il faudrait ajouter les mesures de formation, d’orientation et d’amélioration de l’employabilité élaborées par les communautés autonomes; 66 pour cent de ces jeunes bénéficient d’une incitation à l’embauche et les 34 pour cent restants bénéficient de mesures d’incitation à l’entrepreneuriat et au travail indépendant, notamment l’application du taux de cotisation de base pour la sécurité sociale, d’un montant de 50 euros, aux nouveaux travailleurs indépendants. L’amélioration du marché du travail commence à se faire sentir chez les jeunes. En 2014, le nombre de chômeurs chez les plus jeunes (moins de 25 ans) a diminué de 93 400 personnes, ce qui constitue une baisse de 10 pour cent par rapport à 2013. Le chômage des plus jeunes diminue pour la deuxième année consécutive, alors qu’il n’avait cessé d’augmenter entre 2007 et 2012. En 2014, le taux d’emploi de ces jeunes a augmenté de 1,6 pour cent, ce qui constitue la première hausse depuis 2006. Dans le cadre de la «Stratégie pour l’entreprise et l’emploi des jeunes», et comme suite à une recommandation du Conseil européen d’avril 2014, l’Espagne a adopté, en juillet 2014, le système national des garanties jeunes, dont l’objectif est de permettre aux jeunes de moins de 25 ans, qui sont sans emploi ou qui ne sont pas insérés dans les systèmes d’enseignement ou de formation, de recevoir une offre d’emploi ou de formation. Ce système permet aux jeunes de s’inscrire en ligne en tant que bénéficiaires des garanties jeunes, afin qu’ils puissent obtenir des informations sur les mesures du système. Il permet aussi de suivre et d’évaluer les résultats obtenus. Un catalogue de mesures y a également été défini aux fins de leur mise en place par l’Etat et la communauté autonome, suivant leurs compétences. Parmi ces mesures, on distingue celles qui visent à mieux faire coïncider les offres et les demandes d’emploi et à améliorer les compétences professionnelles des bénéficiaires. Au 30 avril 2015, 48 576 jeunes étaient inscrits. En outre, dans le cadre du Fonds social européen, le Programme opérationnel pour l’emploi des jeunes 2014-2020 a été mis au point. Il sera doté d’une enveloppe d’aide de plus de 2 360 millions d’euros afin de mettre en œuvre des mesures propres à favoriser l’accès des jeunes au marché du travail. Le 13 avril 2015, la 60e Conférence sectorielle sur l’emploi et les questions du travail, avec la participation des autorités ministérielles et des conseillers du travail des communautés autonomes, a convenu de relever, à titre exceptionnel, l’âge minimum pour l’accès au système national des garanties jeunes de 25 à 29 ans, jusqu’à ce que le taux de chômage de cette tranche d’âge intermédiaire (actuellement de 29,7 pour cent) soit inférieur à 20 pour cent. Enfin, aux fins de la lutte contre le chômage des jeunes, les mesures adoptées dans le but de mieux coordonner les politiques de l’emploi et les politiques de l’éducation ont toute leur importance: établir une procédure plus flexible facilitant la mise à jour du Catalogue national des qualifications professionnelles (titres de formation professionnelle et certificats d’aptitude professionnelle); promouvoir une formation professionnelle davantage axée sur le marché du travail et plus efficace, y compris l’introduction de la formation professionnelle de base (le nombre d’élèves suivant la formation professionnelle dispensée dans le système éducatif est passé de 462 492 en 2007-08 à 793 034 en 2014-15, soit une augmentation de 71,5 pour cent); lutter contre l’abandon scolaire précoce au moyen d’un plan spécial pour 2014-2020, en complément de la réforme de l’éducation. En Espagne, le taux d’abandon scolaire a progressivement diminué pour passer de 31,7 pour cent en 2008 à 21,9 pour cent en 2014 – l’objectif intermédiaire a été largement atteint. Cette baisse est supérieure à celle enregistrée pour la moyenne de l’Union européenne, qui est passée de 14,8 à 11,1 pour cent.
Le Programme extraordinaire d’activation pour l’emploi, approuvé en décembre de l’année dernière dans le cadre du dialogue social et de la collaboration avec les communautés autonomes, répond à la volonté de faire en sorte que la reprise bénéficie au plus grand nombre de travailleurs possible, notamment les personnes plus particulièrement touchées par la crise, comme c’est le cas des chômeurs de longue durée ayant des charges familiales qui ont épuisé toutes les possibilités que leur offre le système de protection face au chômage et qui s’acquittent de l’obligation de chercher activement du travail. Ainsi, le programme prévoit des stratégies d’activation qui améliorent l’employabilité de ces travailleurs, afin qu’ils puissent réintégrer le marché du travail le plus rapidement possible, ainsi qu’une aide temporaire, sous forme de soutien économique durant la période où ces travailleurs participent aux stratégies d’activation, et qui est compatible avec un contrat de salarié, ce qui constitue une double incitation innovante pour le bénéficiaire et pour l’employeur. Ce programme répond en outre à la nécessité de fournir des services d’emploi personnalisés et de promouvoir l’employabilité des personnes qui ont beaucoup de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail et qui s’acquittent de l’obligation de chercher activement un travail. Le programme rend compatible – ce qui est un élément nouveau – la perception de l’aide économique et un emploi, auquel cas le montant de l’aide devient une incitation économique pour les entreprises qui embauchent ces chômeurs.
L’Espagne souffre depuis longtemps d’un problème d’inadéquation entre les capacités que requiert notre économie et celles que possèdent les travailleurs. Notre système de formation professionnelle pour l’emploi, qui forme chaque année plus de trois millions de travailleurs et auquel participent près de 480 000 entreprises, répondait aux besoins d’un contexte économique et social donné, mais, depuis sa création en 1992, il ne s’est pas suffisamment adapté pour faire face aux demandes toujours plus complexes du tissu productif. Ainsi, la réforme du travail de 2012 avait déjà engagé une transformation progressive du système misant ouvertement sur une formation alignée sur les compétences et les capacités que requiert le système de production. C’est alors qu’a été reconnu expressément le droit individuel à la formation des travailleurs et qu’a été autorisé l’accès direct des centres de formation aux fonds disponibles qui auparavant étaient limités aux partenaires sociaux. Cette transformation progressive du système de formation, qui s’est également traduite dans la gestion et le financement des plans de formation gérés par les partenaires sociaux durant les trois dernières années, a abouti à la récente réforme du système de formation professionnelle pour l’emploi, approuvée par le décret royal législatif no 4/2015 du 22 mars. Les éléments les plus importants de cette réforme sont notamment: application à toutes les administrations publiques, au service d’entreprises et de travailleurs sur l’ensemble du territoire, favorisant l’unité nécessaire du marché; les partenaires sociaux et la négociation collective continuent à jouer un rôle essentiel; développement d’un système efficace d’observation et de prospection du marché du travail, dans un contexte de planification stratégique pluriannuelle, de sorte que la formation corresponde aux besoins, actuels et futurs, du tissu productif et des travailleurs; mise en place d’un compte de formation qui accompagnera le travailleur tout au long de sa carrière professionnelle; formation au sein de l’entreprise avec une flexibilité maximale; dans le cadre de la formation programmée par les administrations publiques, la gestion relèvera d’un système de concurrence et seulement entre les organisations qui dispensent la formation; la téléformation permettra de donner au système une plus grande efficacité et flexibilité; évaluation permanente de la qualité et de l’impact de la formation en termes d’amélioration des performances au travail et amélioration de la compétitivité des entreprises; principe de tolérance zéro contre la fraude, avec la création d’une Unité spéciale d’inspection et un nouveau régime de sanctions. Toutes ces nouveautés pourront être mises en place grâce au développement d’un système d’information complet qui garantit la traçabilité des activités de formation et la comparabilité, la cohérence et l’actualisation permanente de toutes les informations sur la formation professionnelle pour l’emploi. En définitive, ce nouveau modèle de formation professionnelle pour l’emploi est adopté alors que se confirme la tendance à la reprise économique (après six trimestres de croissance du PIB et avec une estimation de croissance d’environ 3 pour cent annuel depuis 2015 jusqu’en 2018), situation qui devrait permettre à ces bonnes prévisions économiques de se répercuter sur le marché du travail sous forme d’employabilité pour les travailleurs et de compétitivité pour les entreprises.
L’application par l’Espagne de la convention no 122 a donné lieu à un bilan positif, aussi bien en termes de quantité que de qualité, que l’on retrouve dans les réformes et les mesures mises en place depuis la réforme du travail de 2012, de même que dans les résultats qu’elles ont permis d’obtenir. Les données que nous constatons mois après mois et trimestre après trimestre nous confirment l’idée que la reprise économique est une réalité. Tous les systèmes qui mesurent la situation du marché du travail vont dans ce sens. Selon l’EPA, le premier trimestre de 2015 comptait 488 700 chômeurs en moins que le même trimestre de l’année précédente (soit 8,2 pour cent de moins d’une année à l’autre). On n’a pas connu une telle réduction du chômage depuis 2006. A cela s’ajoute la création de plus d’un demi-million (plus 504 200) d’emplois au cours de ce trimestre par rapport au même trimestre de l’année précédente, ce qui correspond à un rythme de plus de 3 pour cent, auquel il convient d’ajouter plus 2,6 pour cent enregistrés par le PIB. Jamais auparavant – et c’est là la grande nouveauté – la reprise de l’emploi s’est accompagnée de façon aussi intense et aussi rapide de la reprise du PIB. Selon les chiffres de chômage et d’affiliations enregistrés, le chômage enregistré a baissé, entre avril 2014 et avril 2015, de plus de 350 000 personnes (soit moins 351 285), qui est la baisse la plus importante que l’on ait connue d’une année à l’autre, le taux de réduction interannuelle se situant aux environs de 7,5 pour cent, mise à part l’augmentation de 12,5 pour cent enregistrée en mai 2012. Le nombre de nouvelles affiliations au système de sécurité sociale a augmenté pour sa part de près de 580 000 (plus 578 243). A cela, il convient d’ajouter que la baisse du chômage accumulé ces deux dernières années dépasse déjà les 650 000 personnes (moins 656 177) et le nombre d’affiliations au système de sécurité sociale dépasse les 750 000 personnes (plus 775 944). La tendance de fond, que révèlent les données corrigées des variations saisonnières, continue à être favorable. Ainsi, nous constatons une période de vingt-quatre mois d’affilés pendant lesquels, à l’exception de juillet 2014, le chômage a baissé en termes de variations saisonnières, ce qui ne s’était pas produit depuis 15 ans. Pour ce qui est des variations saisonnières, le taux de chômage a diminué de 50 160 personnes en avril. Il s’agit du meilleur chiffre enregistré pour un mois d’avril. Le chômage des jeunes de moins de 25 ans a diminué ces douze derniers mois de 33 965 personnes, ce qui correspond à une baisse interannuelle de 9,5 pour cent. Malgré ces données positives, le taux de chômage de l’Espagne continue à être élevé. Si l’on en croit le Programme de stabilité budgétaire 2015-2018, l’année en cours devrait s’achever avec un taux de chômage de 22,1 pour cent pour une augmentation du PIB de 3 pour cent au cours des prochaines années. Le taux de chômage devrait se réduire progressivement pour se situer aux alentours de 15,6 pour cent en 2018.
Conformément à la convention no 122, le dialogue social est une constante, une attitude permanente du gouvernement de l’Espagne dans une période de réformes particulièrement intense au cours de laquelle la recherche d’un accord entre les partenaires sociaux est un objectif systématique. En effet, seuls un outil aussi puissant que le dialogue social et la collaboration de tous permettent de faire face au plus grand des défis auxquels est actuellement confrontée la société espagnole: le défi de l’emploi. En dépit des divergences de ces trois dernières années sur l’état des lieux de la situation du marché du travail et les propositions formulées pour résoudre chacun des problèmes soulevés, toutes les parties ont accompli des efforts pour maintenir ouverts les canaux et les voies de communication. Le gouvernement de l’Espagne est pleinement conscient du travail irremplaçable accompli par les partenaires sociaux, un travail reconnu par la Constitution espagnole et d’une importance vitale pour le système démocratique. Par conséquent, et indépendamment des divergences qui peuvent s’exprimer de manière ponctuelle, le gouvernement entretient un climat de dialogue permanent avec les syndicats et les organisations d’employeurs, qui favorise sans aucun doute une protection plus efficace des droits et intérêts légitimes des travailleurs et des employeurs. Le dialogue social a ainsi été maintenu, que ce soit par des réunions de groupes de travail ad hoc ou au sein des organes compétents sur différentes questions et au sein desquels sont représentés les partenaires sociaux, notamment le Conseil national sur la responsabilité sociale des entreprises, le Conseil général du système national de l’emploi, ou bien le conseil d’administration de la Fondation tripartite pour la formation et l’emploi. Il convient de mentionner les thèmes suivants, qui ont fait l’objet d’un dialogue et d’un consensus parmi les partenaires sociaux: la Stratégie pour l’entreprise et pour l’emploi des jeunes, le Plan de mise en œuvre de la garantie jeune, la Stratégie de responsabilité sociale des entreprises, l’introduction de modifications au sous-système de formation professionnelle, les Plans annuels de politiques de l’emploi, la réglementation des certificats professionnels visant à compléter le Répertoire national et la modification de son décret-cadre, le contrat pour la formation et l’apprentissage, ou des questions plus particulières comme, en 2013 et 2015, la réduction du nombre de jours nécessaires pour obtenir la subvention ou le revenu agricoles. Cette attitude permanente d’ouverture à l’échange de points de vue et de propositions s’est également clairement exprimée dans la conclusion d’autres accord relatifs à l’emploi, comme l’Accord relatif aux propositions sur la négociation tripartite pour le renforcement de la croissance économique et de l’emploi de juillet 2014, l’Accord relatif au programme d’activation pour les chômeurs de longue durée signé le 15 décembre 2014 et, enfin, à l’issue d’un long et intense processus de négociation, un nouvel Accord tripartite dans le domaine de la formation. Il importe de souligner que les très nombreuses propositions et le travail d’analyse conjointe avec les partenaires sociaux et d’autres organisations représentatives de travailleurs indépendants, avec les entreprises elles-mêmes, les centres de formation et les experts du pays sur cette question ont été en grande partie intégrés.
En outre, devant la commission, une représentante gouvernementale a réitéré en grande partie les informations écrites fournies par le gouvernement et a indiqué qu’ont été prises ces dernières années des mesures importantes qui montrent qu’un coup de frein a été donné au processus de destruction d’emplois provoqué par la crise économique et que s’est amorcé un processus vigoureux de réduction du chômage et de création de postes de travail sur toile de fond de reprise économique. Le changement est à la fois qualitatif et quantitatif. Les politiques et réformes adoptées par le gouvernement ont pour but principal la création d’emplois stables et de qualité, d’une manière coordonnée, s’inscrivant dans le cadre de politiques économiques et sociales. S’agissant de l’article 3 de la convention, le gouvernement consulte obligatoirement les représentants des travailleurs sur les normes ou les programmes qui définissent les politiques de l’emploi, mais il les associe aussi aux différents organes de discussion et de dialogue social permanent, tant au niveau de l’Etat qu’à celui des communautés autonomes.
Tous les résultats mentionnés ci-dessus ont été obtenus dans le cadre d’un dialogue social permanent durant une période particulièrement intense de réformes, avec le souci constant de chercher un accord avec les partenaires sociaux. Seuls le dialogue social et la collaboration de tous permettent de relever le principal défi auquel est confrontée aujourd’hui la société: le défi de l’emploi. Le gouvernement est pleinement conscient du travail indispensable qu’accomplissent les partenaires sociaux. C’est la raison pour laquelle, indépendamment des divergences qui ont pu survenir, l’objectif a toujours été de maintenir un climat de dialogue avec les syndicats et les organisations patronales, ce qui s’est traduit par une défense plus efficace des droits et des intérêts légitimes des travailleurs et des employeurs, avec une vision plus complète du marché du travail qui permet de répondre aux besoins de l’économie, tout en respectant le système représentatif et le principe de coexistence que le gouvernement s’est fixé.
Les membres travailleurs ont rappelé que l’objectif de la convention de parvenir au plein emploi, productif et librement choisi reste plus que jamais d’actualité. Cette convention est le principal mécanisme d’orientation de la coopération et de la coordination des politiques sur les questions d’emploi au niveau national, concevant l’emploi non comme une résultante hypothétique des politiques économiques, mais comme l’objectif que devraient servir ces politiques. A ce titre, la convention est directement liée à l’Agenda du travail décent et représente une convention de gouvernance au sens de la Déclaration sur la justice sociale de 2008 aux côtés de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, qui fonde cette gouvernance sur le dialogue social notamment en matière de révision des politiques de l’emploi. Les objectifs de la convention, dans le respect des droits et principes fondamentaux, ont également été réaffirmés par le Pacte mondial pour l’emploi de 2009, la résolution de la CIT de 2010 concernant la discussion récurrente sur l’emploi ainsi que, plus récemment, la Déclaration d’Oslo de 2013. Il convient d’insister également sur la nécessité de promouvoir des stratégies qui améliorent la qualité de l’emploi, comblent l’écart salarial entre hommes et femmes, aident les demandeurs d’emploi en ciblant notamment les besoins des jeunes travailleurs et des travailleurs âgés, et l’activité des femmes. Une politique de plein emploi, productif et librement choisi au sens de la convention exige par conséquent le respect des conclusions de la Déclaration d’Oslo et la tenue de consultations effectives avec les partenaires sociaux en amont et à tout moment des évolutions de ces politiques. Le cas de l’Espagne doit également être analysé dans le contexte de la recommandation (nº 122) sur la politique de l’emploi, 1964, qui prévoit que les travailleurs et leurs organisations devraient examiner les rapports qui existent entre la politique de l’emploi et la politique économique et sociale afin qu’elles se renforcent mutuellement, notamment en ce qui concerne la qualité de l’emploi, les discriminations hommes/femmes, la situation précaire des jeunes, les travailleurs sans emploi, et le dialogue social. Au niveau européen, les partenaires sociaux ont adopté en 2013, au niveau interprofessionnel, une déclaration sur l’implication des partenaires sociaux européens dans la gouvernance économique. Par cette dernière, ils ont revendiqué, envers les Etats membres et l’UE, que des consultations des partenaires sociaux soient organisées en temps opportun afin de leur permettre de faire des propositions et de demander des analyses.
Rappelant les conclusions de la discussion au sein de la commission en 2013 sur le cas de l’Espagne, les membres travailleurs ont observé que la recommandation en vue de la promotion d’un dialogue social sincère et constructif entre toutes les parties concernées en vue de remédier à la situation du marché du travail n’a pas été réellement suivie d’effet. La tentation de se retrancher derrière la gouvernance économique pour écarter l’application des normes et des processus existants au sein de l’OIT ne saurait être admise. Le dialogue social est en outre encouragé au niveau européen, notamment en vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE, et la gouvernance économique n’est pas hiérarchiquement supérieure aux normes européennes et de l’OIT. En dépit des informations écrites transmises par le gouvernement, le dialogue social ne semble pas être une attitude permanente de celui-ci, qui n’a consulté les syndicats sur aucune norme pertinente en matière d’emploi ou relative à la modification du cadre des relations collectives en avançant le prétexte de l’urgence. Seul un dialogue bipartite a eu lieu en Espagne, accompagné d’une tendance à la décentralisation des négociations collectives. Malgré les protestations des organisations syndicales, le gouvernement n’y a apporté aucune réponse. Ainsi, dans le cadre du plan annuel pour l’emploi 2015, les organisations syndicales se sont vues remettre un document final concerté avec les communautés autonomes sans qu’aucune des propositions d’amendement, pourtant transmises dans le délai très court fixé, ne fût admise. Il en est allé de même en ce qui concerne la réforme du système de la formation professionnelle. L’Union générale des travailleurs (UGT) et la Confédération syndicale de commissions ouvrières (CCOO) ont signé avec les employeurs un accord interprofessionnel pour les années 2015 à 2017 sur le thème de l’emploi et de la négociation collective. Il s’agit de consolider une reprise économique plus juste après des années d’austérité, qui ont pesé sur les salaires des travailleurs, la qualité de leur emploi et les revenus de leurs familles. Cet accord interprofessionnel doit relancer la demande interne et la création d’emplois. Le succès de cet accord suppose que le gouvernement respectera les partenaires sociaux et les accords négociés en vue d’améliorer les conditions de travail. Pour sa part, le Comité de la liberté syndicale a, à de très nombreuses reprises et notamment dans le cadre de son rapport sur le cas no 2947 relatif à une plainte d’organisations syndicales espagnoles, attiré l’attention sur le fait que consulter les partenaires sociaux suppose des consultations menées suffisamment à l’avance. En outre, les règles touchant aux systèmes des relations de travail et à la négociation collective doivent être agréées autant que possible par les organisations de travailleurs et d’employeurs. En effet, le marché du travail en Espagne montre des signes alarmants en matière de chômage des jeunes qui atteint toujours plus de 50 pour cent et nécessite, pour être efficacement combattu, l’association des partenaires sociaux et pas seulement de la société civile. Le chômage de longue durée, surtout parmi les travailleurs les plus âgés et les moins éduqués, exige lui aussi des mesures adéquates, car il dépasse les 49 pour cent dans un contexte de segmentation du marché du travail nourrissant la précarité, la pauvreté et affectant la cohésion sociale. Il est urgent de mener une concertation avec les partenaires sociaux pour évaluer l’efficacité des mesures mises en place et les rendre plus accessibles. L’Espagne est confrontée à des défis économiques importants, et le besoin urgent de trouver de nouvelles bases pour la croissance n’est pas contesté. Cela doit néanmoins se faire dans le cadre d’une consultation structurée des partenaires sociaux afin d’éviter les approches déséquilibrées qui ont eu les faveurs du gouvernement ces dernières années. L’objectif doit être une croissance porteuse de création d’emplois plus nombreux et de qualité. Les questions de la formation, de l’éducation et l’inclusion par l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail doivent être favorisées, et il s’agit de replacer l’Agenda du travail décent au cœur des politiques économiques, ce qui est tout à fait dans le cadre de la convention.
Les membres employeurs ont rappelé que, en 2013, la commission s’était déjà dite préoccupée par la dégradation du marché de travail et avait recommandé au gouvernement de continuer à évaluer, avec les partenaires sociaux, les effets des mesures adoptées pour surmonter la crise. En août 2013, l’Organisation internationale des employeurs et la Confédération espagnole des organisations d’employeurs (CEOE) ont salué la réforme de 2012 visant à jeter les bases d’une future relance économique, à réduire les déséquilibres macroéconomiques, à instaurer un environnement propice à la création et au développement des entreprises, à améliorer la compétitivité et la productivité et à renforcer le secteur des exportations. Elles ont également salué la réforme du travail, validée par le Tribunal constitutionnel, qui rejoint la flexibilité appliquée dans les autres pays européens et qui est déterminée par le Pacte de stabilité et de croissance de l’UE. En ce qui concerne l’emploi des jeunes, les employeurs ont également salué la Stratégie relative à l’entrepreneuriat et à l’emploi des jeunes 2013-2016 qui contient 100 mesures en faveur de l’emploi des jeunes. Les employeurs ont souligné que le rôle de la commission d’experts et de la Commission de la Conférence, en ce qui concerne la convention, consiste à vérifier que l’Etat a l’intention expresse de garantir le plein emploi et l’emploi productif, qu’il existe des mesures et des institutions permettant d’atteindre cet objectif, que les partenaires sociaux sont consultés sur les politiques et mesures prises, et qu’il existe des mécanismes d’évaluation. La commission d’experts n’a pas compétence pour juger de la validité, de l’efficacité ou des raisons qui justifient les mesures adoptées. La convention est un instrument de promotion qui impose aux gouvernements d’adopter une politique de l’emploi sans en préciser la teneur. En effet, le plein emploi exige que les politiques soient ouvertes en matière de politique économique et qu’elles tiennent compte du contexte politique, économique et social, de l’inflation, ainsi que du respect des droits de l’homme et de la propriété privée. La création d’emplois passe également par le bon fonctionnement du marché du travail.
Un membre travailleur de l’Espagne a fait remarquer que, trois ans après la réforme du travail la plus agressive de l’histoire espagnole depuis le retour de la démocratie, la situation du chômage dans le pays est dramatique. L’Espagne compte plus de 5,5 millions de chômeurs, soit 24 pour cent de la population totale. Sur ce chiffre, 782 000 chômeurs ont moins de 25 ans. En effet, le chômage des jeunes s’établit à 51 pour cent. Plus de 3,3 millions de personnes, soit 61 pour cent des chômeurs, sont sans emploi depuis plus d’un an. Un chômeur sur quatre, soit 1,4 million d’individus, cherche un emploi depuis trois ans ou plus. Le chômage risque fort de devenir structurel. Plus d’un million de foyers ne perçoit aucun type de revenu et 29 pour cent de la population est menacée par la pauvreté ou l’exclusion sociale. En imposant la réduction des salaires, le chômage de masse, le sous-emploi, le marché du travail actuel est le moteur de l’inégalité. L’Espagne est l’un des pays où les inégalités ont le plus fortement augmenté en raison des écarts de rémunération et de la faible qualité de l’emploi. La réforme du travail de 2012 a facilité le licenciement et diminué son coût, et a permis aux employeurs de modifier le contrat de travail de manière unilatérale. Soixante pour cent des licenciements n’ont pas de motif valable et sont dépourvus d’une protection judiciaire suffisante. La convention prévoit l’obligation pour l’Etat d’adopter une politique active de promotion du plein emploi. Cependant, la réduction du budget de l’Etat de 48 pour cent, entre 2010 et 2014, montre que le plein emploi n’est pas une priorité pour le gouvernement. La détérioration du Service public de l’emploi témoigne aussi de l’importance accordée à la question. En ce qui concerne l’ampleur de la consultation avec les organisations de travailleurs au sujet de la politique de l’emploi, l’orateur a indiqué qu’il n’y a pas eu de place pour la négociation, ni dans le cadre de la réforme du travail ni dans le cadre de toute autre mesure économique adoptée. Preuve en est le nombre de plaintes et de réclamations soumises aux organes de contrôle. Pour donner suite aux allégations des employeurs selon lesquelles la commission d’experts et la présente commission ne sont pas compétentes pour évaluer les politiques de l’emploi, l’orateur a considéré que, si elles étaient avérées, l’OIT n’aurait plus de raison d’être. Les travailleurs réfutent cet argument.
Une autre membre travailleuse de l’Espagne, s’exprimant au nom de la CCOO et de l’UGT, et appuyée par l’Union syndicale ouvrière, a mentionné la situation difficile sur le marché du travail, marquée par une réduction très lente du chômage, la suppression insupportable de la protection des chômeurs et la hausse de la précarité. Même si le nombre de chômeurs enregistrés a augmenté, les dépenses liées aux prestations de chômage ont reculé de 7,7 milliards d’euros entre 2010 et 2014. Cette diminution se poursuit en 2015. Cette réduction brutale a fait chuter le taux de couverture de plus de 32 pour cent, privant 2 millions de chômeurs de toute protection. C’est pour cela que la CCOO et l’UGT ont proposé qu’un projet de loi soit élaboré en vue d’instaurer une prestation garantissant un revenu minimum. Les chiffres du régime général de la sécurité sociale confirment l’importante dégradation de la qualité de l’emploi: plus de la moitié (51 pour cent) des affiliés à ce régime ont un contrat précaire (37 pour cent sont titulaires d’un contrat temporaire et 25 pour cent d’un contrat à temps partiel); 95 pour cent des contrats signés en mai 2015 sont des contrats temporaires ou à temps partiel. En outre, le nombre d’emplois créés n’augmente que dans les secteurs à faible valeur ajoutée. Malgré les discours triomphalistes du gouvernement, la réalité montre que la structure de l’économie et de l’emploi ne change pas. Si l’on prend les 4,2 millions de chômeurs enregistrés et les 5,5 millions de chômeurs estimés (selon l’Enquête sur la population active (EPA)), une réduction du nombre de chômeurs de 2,7 pour cent n’est certainement pas suffisante. Pour sortir de la crise, le gouvernement continue à promouvoir un modèle productif fondé sur les services à faible valeur, où les activités industrielles sont peu importantes et où elles pèsent de moins en moins, ce qui condamne les travailleurs à des emplois précaires faiblement rémunérés, qui varient fortement selon les époques, et ne suffit pas pour offrir des possibilités d’emploi aux travailleurs. Face à cela, il est nécessaire d’adopter une politique budgétaire encourageant le changement structurel de l’appareil de production, l’utilisation efficace des ressources publiques à tous les niveaux de l’administration et le relèvement de la demande intérieure. Il faut également augmenter les investissements publics et les réorienter vers une amélioration de la qualité et de l’équipement technologique des entreprises. Il convient en outre d’adopter en urgence de nouvelles mesures améliorant la protection des chômeurs, en particulier des chômeurs de longue durée ayant charge de famille, comme le suggère l’étude du BIT intitulée España: crecimiento con empleo. Pour conclure, l’oratrice a souligné qu’il faut rompre avec les idées fausses selon lesquelles l’anéantissement des droits au travail ou de la négociation collective améliore le marché du travail, la diminution des dépenses publiques renforce l’efficacité du secteur public, tout emploi est bon même s’il ne sort pas le travailleur de la pauvreté, ou la réduction des salaires permet de construire une économie compétitive.
Le membre employeur de l’Espagne a estimé que la crise économique de ces dernières années a eu des répercussions considérables sur le monde du travail. A la fin de 2011, le taux de chômage s’élevait à 24 pour cent de la population active et à 48 pour cent chez les jeunes de moins de 25 ans. Le gouvernement a donc appelé les partenaires sociaux à entamer un dialogue social pour parvenir à un accord qui servirait de base à une réforme du travail plus que nécessaire. Il s’est ensuivi une période de négociations intenses qui n’a malheureusement pas débouché sur un accord. C’est pourquoi le gouvernement a adopté, le 10 février 2012, la réforme du travail à travers le décret-loi royal no 3/2012 portant mesures urgentes pour la réforme du marché du travail, en vue de créer des emplois moyennant des mesures de choc. Les employeurs espagnols apprécient favorablement cette réforme car elle est conforme à la politique de l’emploi de l’UE et contribue au processus de modernisation de la législation du travail tendant à la rapprocher de la flexibilité que connaissent les autres pays de l’UE. Cette réforme aurait même dû aller encore plus loin dans la convergence des conditions de travail de ces pays. Les données relatives à l’évolution de l’emploi en Espagne sont désormais positives, ces données semblant confirmer le bien-fondé de la réforme: en avril, le chômage a baissé de 120 000 personnes, et de 117 000 autres personnes en mai. L’UE et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) considèrent également que cette réforme est positive et estiment que les mesures prises favorisent la création d’emplois. En ce qui concerne le dialogue social, celui-ci a une place très importante dans la démocratie espagnole puisqu’il fait partie de la culture du pays. L’orateur s’est référé à différents moments forts du dialogue social depuis la réforme du travail en 2012, qui démontrent que non seulement le dialogue social existe dans le pays, mais également que celui-ci a porté ses fruits. C’est dans ce cadre qu’a été négociée la Stratégie de l’entrepreneuriat et de l’emploi des jeunes début 2013. Le 18 mars 2014, il a été convenu entre le Président du gouvernement et les plus hauts représentants d’organisations de travailleurs et d’employeurs de lancer des mesures visant à favoriser le changement de cycle économique, la création d’emplois et la cohésion sociale. Le 29 juillet 2014, un accord a été conclu de manière tripartite pour proposer une négociation tripartite dans l’optique de renforcer la croissance économique et l’emploi. Ce scénario a permis la signature, le 15 décembre 2014, de l’Accord sur le programme extraordinaire d’activation pour l’emploi qui vise l’employabilité des chômeurs ayant des besoins spéciaux. Enfin, il y a lieu de souligner que si l’objectif ultime du dialogue social est de parvenir à un accord, un dialogue intense peut aussi avoir cours sans pour autant atteindre ce résultat. Faire dépendre l’existence du dialogue social des résultats produits reviendrait à dénaturer le dialogue social de son essence même.
Le membre gouvernemental de la France, s’exprimant également au nom des membres gouvernementaux de l’Allemagne, de Chypre, de la Croatie, de l’Italie, du Luxembourg, du Portugal, de la Roumanie et de la Slovénie a indiqué que ces pays étaient engagés dans une démarche coordonnée au niveau de l’UE pour mener des politiques actives qui visent le plein emploi, productif et librement choisi et pour lutter contre le chômage. Les efforts déployés par l’Espagne à cet égard s’inscrivent tout à fait dans ceux menés dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’emploi, et l’Espagne est déterminée à combattre et à surmonter les effets négatifs de la crise économique et financière, ceci en pleine concertation avec les partenaires sociaux. Le gouvernement est encouragé à poursuivre ses efforts dans ce sens, conformément aux valeurs et aux principes de l’OIT, auxquels l’Espagne est particulièrement attachée comme en témoigne le nombre de conventions qu’elle a ratifiées. Il est évident que, sans le dialogue social, il ne peut y avoir de solution durable aux problèmes du marché du travail en Europe. En outre, l’orateur a souligné que l’OIT doit prendre toute sa place pour porter les enjeux sociaux des normes internationales du travail dans les systèmes multilatéraux à travers une collaboration accrue avec les autres organisations internationales, en particulier économiques et financières.
Le membre employeur du Royaume-Uni a souligné la nécessité de considérer la question de l’observation par l’Espagne de la convention dans le contexte de la crise économique en cours. Il faut rappeler aussi que les réformes de la législation du travail en Espagne ont été introduites dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE, qui met l’accent sur la réduction de la dette et des déficits publics lorsqu’ils deviennent excessifs. L’économie espagnole a commencé à se redresser au cours du deuxième semestre de 2014 et le taux de croissance du PIB devrait être de 2,5 à 3 pour cent en 2015. Même s’il n’aboutit pas toujours à des accords, le dialogue social est également actif. A cet égard, l’orateur exprime l’espoir que le gouvernement continuera à évaluer ses politiques sociales et de l’emploi avec les partenaires sociaux. Le problème du chômage des jeunes est complexe et le gouvernement prend des mesures pour y faire face. A cet égard, l’orateur a mis en doute la compétence de la commission d’experts pour superviser les politiques du gouvernement concernant le chômage des jeunes, ce qui, à son avis, relève de la souveraineté nationale. De plus, il a considéré que la commission n’est pas compétente pour remettre en question les décisions du Tribunal constitutionnel espagnol, qui a approuvé les réformes du travail de 2012. Il est donc préoccupant de constater que l’Espagne ait comparu deux fois devant cette commission au cours des trois dernières années pour son inobservation de la convention. Il n’est pas approprié que cette commission supervise l’application de la convention par l’Espagne et, ces prochaines années, elle ne devrait pas lui demander de se présenter à ce sujet, cela s’avérant d’autant moins justifié que le gouvernement entretient un dialogue constructif avec la commission d’experts.
Le membre travailleur de l’Allemagne a exprimé son soutien aux travailleurs espagnols et noté que l’actuelle grave crise économique frappe également la société et que les effets sociaux négatifs des politiques d’austérité touchent tout autant les régimes sociaux que les systèmes de santé et de retraite. Une grande partie de la population vit d’emplois précaires, tels que les contrats à court terme, et l’augmentation de l’insécurité professionnelle pousse de nombreux jeunes à quitter le pays. De plus, certains employeurs font de plus en plus preuve de créativité dans la rédaction de contrats flexibles, qui sont source d’inégalité puisque les travailleurs ne sont pas rémunérés comme ils devraient l’être. La situation qui résulte d’une souplesse excessive dans les contrats est en contradiction avec les principes de rémunération, de conditions de travail et de temps de travail équitables, de même qu’elle met en cause le concept de travail décent, que l’OIT encourage depuis sa création en 1919. Les emplois précaires provoquent l’inégalité et la pauvreté, et l’amélioration du dialogue social est un élément essentiel pour résoudre ce problème.
La membre employeuse de l’Allemagne a fait observer que la crise économique de 2008 avait révélé, entre autres, des faiblesses et des rigidités structurelles dans le marché du travail espagnol. Il est donc à la fois juste et important que, pour répondre à la crise, l’Espagne réforme son marché du travail afin d’accroître l’employabilité et de lutter contre le chômage de longue durée. Le gouvernement remplit ses obligations au titre de la convention et ce, en conformité avec les principes énoncés dans la Déclaration d’Oslo à laquelle les membres employeurs ont fait référence. Les effets positifs des politiques menées par l’Espagne peuvent être observés sans peine. Par exemple, l’an dernier, un demi-million d’emplois nouveaux ont été créés. L’oratrice a salué les résultats que l’Espagne a atteints en ce qui concerne la promotion de l’emploi et indique que le gouvernement devrait être encouragé dans les efforts qu’il poursuit pour réformer le marché du travail et rééquilibrer les finances publiques.
La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques et de l’Estonie, a indiqué que près d’une décennie de difficultés économiques et de mesures d’austérité avaient eu un impact négatif sur la société. Le chômage atteint des niveaux historiques accablants, notamment chez les jeunes qui sont nombreux à être contraints de quitter le pays en quête d’un avenir meilleur. En outre, une grand part de la population ne dispose que de contrats de travail précaires, tels que les contrats de courte durée. Ces difficultés devraient être traitées au moyen de politiques actives en matière de travail dans l’intérêt des travailleurs et des employeurs, et elles ne devraient pas servir de prétexte au démantèlement des politiques sociales, les normes internationales du travail devant également être respectées en temps de difficultés économiques. A cet égard, l’UE a lancé le Train de mesures sur les investissements sociaux en 2013 dans l’objectif de soutenir les mesures axées sur la politique sociale et les dépenses, notamment en ce qui concerne les jeunes, particulièrement dans le domaine de la formation et du soutien à la transition de l’éducation à l’emploi. L’oratrice a prié instamment le gouvernement de fournir les informations requises par la commission d’experts et d’agir concrètement pour réduire le chômage des jeunes, faciliter leur insertion sur le marché du travail et investir dans l’amélioration des programmes d’enseignement et de formation.
La membre employeuse de la France a souligné que la crise économique de 2008 a généré en Espagne une forte détérioration du marché du travail entraînant une augmentation de la dette publique, raison pour laquelle le gouvernement a dû établir un plan de consolidation fiscale. La crise a entraîné un chômage conséquent mais, grâce aux efforts de chacun, une reprise sensible de la croissance et une réduction des déficits publics sont en train d’être enregistrés. Depuis 2012, des réformes structurelles ont été effectuées afin de créer un climat favorable pour la création d’entreprises et donc la création d’emplois. Le Programme national des réformes présentées dans le cadre du semestre européen en 2013 ainsi que la stratégie espagnole de l’emploi vont permettre une reprise sensible et faire baisser le chômage. En mars 2014, une réunion tripartite a eu lieu afin de s’exprimer sur les mesures nécessaires à prendre pour favoriser la croissance et le renouveau économique. Le gouvernement a pris de multiples mesures, en particulier en matière de formation et d’apprentissage, destinées à favoriser l’emploi des jeunes. A cet égard, le lancement en mai 2013 d’une plate-forme de dialogue social tripartite sur l’avenir de la formation professionnelle a été positif. Depuis 1992, plusieurs accords entre partenaires sociaux ont été conclus concernant la formation, mais la CEOE est ouverte au dialogue pour éventuellement les adapter aux nécessités économiques et aux besoins sociaux actuels. Compte tenu de ces mesures, le gouvernement respecte la convention et doit être encouragé à poursuivre ses efforts afin de consolider la croissance et retrouver ainsi le plein emploi.
La membre employeuse de la Belgique a souligné que la crise économique de 2008 a demandé à tous les acteurs de consentir d’importants efforts afin de retrouver la croissance et l’emploi. A cet égard, les réformes structurelles du marché du travail qui ont dû être menées commencent à porter leurs fruits. Tant l’élaboration de ces réformes que leur mise en œuvre ont été accompagnées de consultations permanentes avec les partenaires sociaux. Il est cependant compréhensible que les acteurs tripartites ne partagent pas toujours le même point de vue, surtout lorsqu’il est nécessaire de prendre des mesures douloureuses. Par ailleurs, l’oratrice a considéré que l’article 3 de la convention n’a pas pour objet de porter atteinte à la souveraineté des Etats au moment de prendre les décisions qui s’imposent et que, compte tenu des éléments exposés, le gouvernement a pleinement respecté la convention.
La membre employeuse de l’Italie a fait observer que l’Espagne poursuivait les objectifs de la convention dans un contexte extrêmement difficile – celui de la crise économique actuelle avec laquelle son propre pays, l’Italie, est aux prises. Les faiblesses structurelles du marché du travail espagnol ont été exacerbées par la crise et ne peuvent être traitées que dans le cadre fourni par le Pacte de stabilité et de croissance de l’UE. Les informations détaillées que le gouvernement a communiquées montrent amplement que le pays est en bonne voie pour corriger les facteurs d’inefficacité dans le marché du travail tout en se consacrant au redressement économique. En outre, la stratégie qui consiste à lutter contre le chômage et la dualité du marché du travail avec la flexicurité – une approche qui cherche à accroître l’employabilité tout en garantissant des protections aux travailleurs – est louable. Notant avec approbation la volonté du gouvernement de maintenir le dialogue avec les partenaires sociaux, en ce qui concerne la formulation et la mise en œuvre de ses politiques de l’emploi, la membre employeuse a indiqué qu’il faudrait encourager le gouvernement à poursuivre les réformes du marché du travail qui ont déjà donné lieu à des résultats positifs.
La membre travailleuse de la Grèce, s’exprimant également au nom des membres travailleurs de la France et du Portugal, a rappelé que, selon la convention, les politiques de l’emploi sont essentielles pour promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi. Plus particulièrement, l’article 3 de la convention pose l’obligation du dialogue social, et la commission d’experts a régulièrement souligné l’importance d’une coopération pleine et entière avec les partenaires sociaux dans la formulation et la mise en œuvre des politiques de l’emploi. En outre, l’étude d’ensemble de 2010 sur les instruments relatifs à l’emploi et le rapport de mars 2014 du Comité de la liberté syndicale affirment que le dialogue social est d’autant plus indispensable en période de crise. L’oratrice a regretté que le gouvernement, même s’il reconnaît le rôle constitutionnel fondamental que jouent les syndicats et le dialogue social, n’ait pas consulté les partenaires sociaux concernant l’adoption des lois et règlements qui ont eu une incidence profonde sur les normes en matière d’emploi et le cadre de relations professionnelles. Plus particulièrement, au moment du débat parlementaire concernant l’adoption de la réforme du marché du travail en 2012, le gouvernement a fait valoir que le dialogue social n’était ni nécessaire ni obligatoire pour valider ces accords. Bien que la Commission de la Conférence ait exhorté le gouvernement en 2013 à faire tout son possible pour accroître le dialogue social, plusieurs lois et décrets ont été adoptés sans passer par le dialogue social au préalable, et c’est tout le système de relations professionnelles qui a été unilatéralement modifié. A cet égard, l’oratrice a regretté que le ministre du Travail n’ait pas pris en compte la lettre présentée par les deux syndicats les plus représentatifs qui appelaient à rétablir le dialogue social, rejetant ainsi les observations contenues dans la lettre concernant trois initiatives clés en matière de politiques de l’emploi, à savoir, le Plan annuel de la politique de l’emploi 2015, la Stratégie d’activation de l’emploi et le Portefeuille commun des services publics de l’emploi. Elle a également déploré que le cadre de formation pour l’emploi ait été modifié sans même qu’un accord ait été recherché. L’oratrice a fait observer que les partenaires sociaux s’efforcent de maintenir un dialogue bipartite, comme en témoigne l’Accord sur l’emploi et la négociation collective 2015-2017, quand le gouvernement rejette le dialogue social tripartite, décrédibilise le dialogue social bipartite et bouleverse les structures de négociation collective. Pour conclure, elle a demandé instamment au gouvernement de respecter la convention.
Le membre employeur du Danemark a déclaré que, bien qu’il soit important de remédier aux conséquences économiques de la crise pour les travailleurs et leurs familles, il est également nécessaire de tenir compte de la nécessité d’introduire des réformes du marché du travail, comme l’a fait le gouvernement. Au regard de toutes les informations mises à la disposition de la commission, il semble que le gouvernement s’acquitte de ses obligations découlant de la convention dans le respect du dialogue social. La convention elle-même stipule que les politiques de l’emploi doivent tenir compte du développement économique, et c’est précisément ce que fait le gouvernement. Ces politiques ont, de plus, déjà commencé à produire des résultats, bien que beaucoup reste encore à faire. Concernant la demande de la commission d’experts visant au renforcement du dialogue social, rien ne permet de dire que le dialogue social n’est pas convenablement conduit, si ce n’est le fait que les syndicats ne sont pas satisfaits des résultats produits. Le dialogue social est un principe fondamental de l’OIT, mais le droit d’y prendre part ne s’entend pas d’un droit de véto sur les réformes du marché du travail. Les politiques du marché du travail issues du dialogue social reflètent rarement l’ensemble des priorités des employeurs, mais ces derniers doivent toutefois s’y conformer. Les syndicats doivent donc eux aussi assumer leurs responsabilités et prendre part aux réformes indispensables.
Le membre travailleur de l’Argentine a affirmé que la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA Autonome) soutient les syndicats espagnols dans leur lutte pour le maintien des acquis et contre l’assujettissement de leurs droits. D’après l’arrêt du Tribunal constitutionnel, adopté à la majorité des voix, la réforme du travail de 2012 fait du paiement d’une indemnisation adaptée l’une des conséquences possibles de la cessation de la relation de travail sans motif, aux côtés de la réintégration dans l’emploi. De même, par l’arrêt no 119/2014 de juillet 2014, le Tribunal constitutionnel a rejeté un recours en inconstitutionnalité, confirmant ainsi la possibilité d’inscrire une période d’essai d’un an dans un contrat. Le tribunal motive son arrêt en disant que la promotion du plein emploi prévaut, au détriment des droits éventuellement acquis pendant la période d’essai. Cette décision ne va pas dans le sens des conclusions du rapport du comité tripartite de l’OIT qui a examiné la réclamation présentée en 2012 par les syndicats espagnols sur la convention (no 158) sur le licenciement, 1982. Il convient de souligner que le Tribunal constitutionnel n’a pas tenu compte des observations des organes de contrôle de l’OIT suite aux réclamations des syndicats espagnols quant à des éléments de fond de la réforme bien que, en vertu de l’article 96 de la Constitution espagnole, les traités internationaux fassent partie de l’ordre juridique interne et qu’ils priment les lois ordinaires relatives au travail. La réforme du travail de 2012 assouplit les principaux éléments du droit individuel au travail et affaiblit grandement la négociation collective en privilégiant les unités de négociation au niveau de l’entreprise par rapport aux conventions collectives par secteur ou par région. Dans les premiers temps de la crise, les contrats temporaires ont été les plus touchés du fait de leur flexibilité. Ensuite, période qui coïncide avec l’adoption de la réforme du travail, la destruction des emplois à durée indéterminée a fortement augmenté face à celle des emplois temporaires, par rapport aux années précédentes. Non seulement la réforme du travail de 2012 impose l’autorité indiscutable du chef d’entreprise en renforçant son pouvoir unilatéral, ce qui rompt l’équilibre déjà fragilisé entre le droit du travail et la liberté du marché, mais elle vise également à affaiblir les organisations syndicales. Ces arrêts affaiblissent davantage le consensus forgé par la Constitution espagnole en ce qui concerne le système des relations professionnelles, et réaffirment la subordination des droits des travailleurs au pouvoir discrétionnaire des autorités politiques.
Le membre employeur de la Colombie a indiqué que ce cas a déjà été analysé par la commission et d’autres organes de contrôle, et que les conclusions insistent toujours sur la nécessité de réagir de manière urgente face à la survenance d’une crise très grave. Le taux de chômage de la population active atteint en effet 26 pour cent et le taux de chômage des jeunes dépasse 50 pour cent. Ces chiffres viennent s’ajouter à une situation très sérieuse de déficit et de dette publics. Ces éléments participent d’une situation très préoccupante qui appelle des décisions urgentes. Aussi la commission d’experts a-t-elle, dans sa dernière observation, demandé au gouvernement d’accroître ses efforts pour renforcer le dialogue social. Le gouvernement a adopté des mesures de réduction des déséquilibres macroéconomiques et d’appui à la création et au développement des entreprises. Le Tribunal constitutionnel espagnol s’est livré à une analyse approfondie des mesures urgentes adoptées par le gouvernement, lesquelles ont également été examinées par diverses instances de l’UE. La mise en œuvre de ces mesures en mai 2015 a conduit à une augmentation significative du nombre d’affiliés au système de sécurité sociale. L’OCDE a pour sa part revu à la hausse ses prévisions de croissance économique pour l’Espagne, qui passent de 1,7 à 2,9 pour cent pour 2015, et de 1,9 à 2,8 pour cent pour 2016. Le taux de chômage diminue et des accords ont été conclus entre travailleurs et employeurs afin que les salaires soient fixés de façon coordonnée.
Le représentant gouvernemental a indiqué que le chômage est de toute évidence un problème pour la société espagnole. Le nombre de personnes ayant un emploi en 1996 était le même qu’en 1976, ce qui prouve que, au cours des vingt premières années de démocratie, aucun emploi nouveau n’a été créé. En 1996, un processus de création d’emplois a vu le jour, mais celui-ci n’était pas suffisant. Cette tendance s’est interrompue lors de la crise économique de 2007, et c’est à ce moment que le chômage a commencé à augmenter. Le gouvernement a dû alors recourir à des amortisseurs automatiques, mais la crise s’est avérée plus profonde que prévu. Pour faire face à la situation, différentes mesures ont été adoptées dans le cadre de la réforme du travail de 2012, dans le but de favoriser la création d’emplois et d’améliorer la capacité d’adaptation du marché du travail. En cela, l’Espagne est en conformité avec la convention. En 2014, le pays a été le leader de la zone euro dans la réduction du chômage et dans la création d’emplois, ce qui prouve l’impact positif qu’a eu la réforme du marché du travail de 2012 et les mesures qui s’en sont suivies. Ces douze derniers mois, le chômage a connu une baisse de 488 700 personnes, ce qui constitue la réduction annuelle la plus importante que le pays ait connue depuis 2002. En outre, l’emploi a augmenté de 504 200 personnes d’une année à l’autre, le taux d’augmentation de l’emploi étant ainsi de 2,97 pour cent supérieur à celui du PIB. Quant à la réforme du travail de 2012, elle a assoupli le marché du travail, mais ce pari en faveur de la flexibilité ne s’est pas fait au détriment de la sécurité de l’emploi. La flexibilité de l’emploi ne veut pas dire précarité de l’emploi; elle signifie que l’accent est mis sur le travailleur et non sur son poste de travail. Il convient de noter que les contrats à durée indéterminée sont en augmentation. Alors que, en 2006, deux postes sur trois étaient à durée indéterminée, en 2013, la proportion était de trois postes sur quatre, l’Espagne faisant mieux que le reste de l’UE. Il est ainsi possible de constater que les progrès accomplis en matière d’emploi se mesurent aussi bien en termes qualitatifs que quantitatifs. Par ailleurs, l’Espagne est le deuxième pays de l’OCDE en termes de dépenses de politiques d’emploi, aussi bien actives que passives. On citera pour exemple le programme PREPARA, qui est une mesure de politique active, accompagnée d’une aide économique. Plus récemment, le Programme d’activation pour l’emploi a été approuvé en décembre 2014, en vue de répondre aux besoins des chômeurs de longue durée ayant des charges de famille et ne bénéficiant plus depuis au moins six mois du régime de protection auquel ils avaient droit avant d’être chômeurs. Ces programmes ne sont pas une invention propre à l’Espagne. Ils s’inspirent de l’expérience et des possibilités offertes par les partenaires européens. Voilà plus de quinze ans que l’Espagne n’avait pas enregistré une période de vingt-quatre mois consécutifs pendant lesquels il y a eu création d’emplois. Cette réduction du chômage n’est pas seulement due aux actions du gouvernement. On la doit également au dialogue social qui est présent en permanence dans le pays.
Les membres employeurs ont indiqué que les débats de la commission soulignent la nécessité de développer des politiques actives de l’emploi, conformément aux prescriptions de l’article 1 de la convention. Les informations communiquées par le gouvernement démontrent que celui-ci se conforme à la convention, et à l’article 1 en premier lieu. Dans ce contexte, les réformes du travail de 2012 ont mis en place des mesures urgentes visant à créer des emplois et à surmonter la crise. La politique que le gouvernement a menée à bien est conforme au Pacte de stabilité et de croissance de l’UE, dont l’Espagne fait partie. De fait, dans le contexte européen, le gouvernement ne peut pas prendre de mesures isolées et doit se coordonner avec le reste des membres de l’UE. En conformité avec l’article 2 de la convention, la politique de l’emploi élaborée par le gouvernement fait partie intégrante d’une politique coordonnée et cohérente, aussi bien aux niveaux interne que régional. Les membres employeurs ont souligné l’importance des décisions rendues par le Tribunal constitutionnel espagnol qui vont pleinement dans le sens des réformes du travail lancées par le gouvernement; par conséquent, il n’incombe pas à la commission de formuler d’autres observations sur ces réformes. En outre, d’autres mesures ont été prises pour donner effet à la convention, comme les programmes destinés aux groupes les plus vulnérables, entre autres, les jeunes et les chômeurs de longue durée. De même, le système de formation professionnelle est progressivement remanié, de manière à pouvoir atteindre plus efficacement les objectifs de la politique de l’emploi. Tout cela est fait en pleine conformité avec l’article 3 de la convention qui prévoit la consultation des partenaires sociaux sur les mesures qui seront adoptées. Le dialogue social est un moyen de parvenir à des accords et non une fin en soi. Des résultats ont d’ailleurs été obtenus jusqu’à maintenant, comme la signature de l’Accord pour proposer une négociation tripartite dans l’optique de renforcer la croissance économique et l’emploi, signé le 29 juin 2014, et l’Accord relatif au programme d’activation pour l’emploi destiné aux chômeurs de longue durée, signé le 15 décembre 2014. Enfin, la CEOE, la CCOO et l’UGT sont en train d’achever les négociations qui déboucheront aujourd’hui même sur le troisième accord sur l’emploi et la négociation collective; celui-ci établira des orientations sur les augmentations de salaires et traitera de questions relatives à la stabilité dans l’emploi des jeunes. De tels accords sont des exemples concrets de dialogue social en matière de politiques actives de l’emploi. Néanmoins, le contenu de ces accords dépend de chaque Etat et, par conséquent, il n’incombe pas à cette commission d’examiner la façon dont ils doivent prendre effet. Plusieurs représentants de pays de l’OCDE et de l’UE ont fait une évaluation positive de la réforme du travail espagnole. C’est pourquoi, il conviendra d’intégrer les informations faisant ressortir cette évaluation positive dans les conclusions concernant ce cas, en soulignant les progrès accomplis et en reconnaissant que l’on peut encore mieux faire.
Les membres travailleurs ont souligné que les nombreux débats et interventions autour de ce cas démontrent que la commission est pleinement dans son rôle lorsqu’elle examine l’application de la convention. Ils se sont par ailleurs félicités de l’importance accordée par les employeurs à la négociation collective paritaire vis-à-vis des questions d’emploi. Depuis l’adoption de la convention en 1964, le monde du travail a d’abord été affecté par deux crises majeures à la fin des années soixante-dix et au cours des années quatre-vingt, entraînant l’apparition du chômage de masse dans les pays industrialisés ainsi que l’accroissement des inégalités dans un contexte de mondialisation et de dérèglementation où les normes sociales sont devenues les parents pauvres de l’économie. Face à cette situation, l’OIT avait pris l’initiative de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation puis adopté la Déclaration de 2008 sur la justice sociale. Pour faire face au déclenchement de l’actuelle crise financière et économique mondiale, l’OIT a adopté en 2009, avec le soutien de tous ses mandants, le Pacte mondial pour l’emploi. Ce Pacte, qui a pour but de remettre l’économie réelle au centre des politiques économiques, souligne la nécessité de respecter les principes et droits fondamentaux au travail ainsi qu’une série de conventions internationales du travail. Selon le Pacte, l’économie doit servir l’emploi décent et la demande intérieure, garantissant ainsi la durabilité des entreprises. A cet égard, le concept d’entreprise durable soutenu par les employeurs doit avoir pour corollaire la durabilité de l’emploi et l’existence d’emplois de qualité. Malheureusement, les prescriptions du Pacte semblent depuis lors avoir été oubliées, notamment en Europe où le dialogue social et la négociation collective font souvent les frais des urgences invoquées par les gouvernements pour répondre à la crise économique, tel qu’en attestent les conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale vis-à-vis de plusieurs cas. Le cas no 2947 concernant l’Espagne a en particulier permis de souligner l’importance de mener des consultations tripartites détaillées afin que les lois et programmes en matière d’économie et d’emploi disposent d’une assise plus solide et soient mieux appliqués. Les membres travailleurs ont noté avec intérêt les propos du membre employeur espagnol qui a fait part de son appréciation sur la politique économique et de l’emploi conduite par le gouvernement de son pays. En effet, si les travailleurs diffèrent dans l’appréciation de cette politique, il n’en demeure pas moins vrai que les différentes opinions exprimées démontrent que la commission exerce pleinement son mandat lorsqu’elle examine l’application de la convention sur la base des observations de la commission d’experts. En ce qui concerne les arrêts du Tribunal constitutionnel concernant la réforme de la législation du travail, il est étonnant que cet organe n’ait accordé aucune attention à la nécessité d’observer les conventions de l’OIT pertinentes ratifiées par l’Espagne ainsi que la Charte sociale européenne. L’arrêt mis en exergue par les employeurs a d’ailleurs donné lieu à un vote dissident très argumenté soutenu par trois magistrats du tribunal. Quant au concept de flexicurité, il n’a été repris dans aucune directive européenne et il n’existe pas à son égard de définition univoque agréée par les membres de l’UE et par les partenaires sociaux. La référence à la flexicurité ne peut en tout état de cause pas justifier d’écarter les normes de l’OIT ni permettre de dire que les obligations de la convention sont remplies par la seule invocation de ce mot. En vertu de la convention, la politique active de l’emploi doit constituer un élément essentiel de la politique macroéconomique, une attention particulière devant être attachée à l’élaboration et à l’application des mesures constituant cette politique. L’examen de la convention va donc au-delà d’un simple constat formel de l’existence ou non de mesures, mais suppose nécessairement d’aborder le contenu concret des politiques d’emploi. Par ailleurs, s’il ne s’agit pas de remettre en cause l’existence d’une gouvernance européenne, il convient en revanche de rappeler que l’UE n’est pas au-dessus des normes de l’OIT ni d’ailleurs de la Charte sociale européenne. Dans le cadre du suivi des débats autour de ce cas, les membres travailleurs ont considéré nécessaire de suivre la ligne des conclusions adoptées par la commission en 2013. Ils ont prié le gouvernement de reprendre le chemin du dialogue social tripartite pour discuter avec les partenaires sociaux de la formulation d’une politique d’emploi se conformant aux objectifs de la convention. Ces consultations doivent avoir lieu avant la prise de décisions et rendre effectivement possible la formulation de contrepropositions. En vertu de l’article 2 de la convention, le gouvernement doit continuer à évaluer avec les partenaires sociaux les résultats de la politique de l’emploi et les modifications de la législation relatives au marché du travail. Il devrait également s’attacher à garantir un large consensus sur les programmes liés à la formation, en particulier vis-à-vis des personnes les plus éloignées de l’emploi et des jeunes, sur la base de services publics forts. Les membres travailleurs ont finalement prié le gouvernement d’accepter l’assistance technique proposée en 2013 et d’informer la commission d’experts lors de sa prochaine réunion sur les étapes franchies pour respecter les obligations de la convention.
Conclusions
La commission a pris note des informations détaillées que la représentante gouvernementale a fournies, oralement et par écrit, et de la discussion qui a suivi sur les questions soulevées par la commission d’experts au sujet des mesures adoptées pour atténuer les effets de la crise; de la persistance de la situation de chômage qui touche principalement les jeunes; et des réformes relatives au travail adoptées qui contiennent des programmes de coordination des mesures sur l’éducation et la formation, offrant des opportunités d’emploi ainsi que la possibilité d’améliorer les niveaux de qualification.
La commission a pris note des informations fournies par la représentante gouvernementale concernant les mesures globales économiques et relatives à l’emploi que le gouvernement a prises pour surmonter la crise de l’emploi, ainsi que des réformes du travail lancées en mars 2012 conformément au concept de «flexicurité» que les directives sur l’emploi de l’Union européenne préconisent en priorité. La commission a noté les mesures actives du marché du travail, telles que la Stratégie espagnole d’activation de l’emploi 2014-2016, le Portail unique pour l’emploi et le Portefeuille commun des services, adopté en janvier 2015, afin de promouvoir l’utilisation des services publics et privés de l’emploi. Le taux de chômage des jeunes reste extrêmement élevé et un Programme extraordinaire pour l’activation professionnelle a été adopté en décembre 2014, qui s’adresse particulièrement aux travailleurs pour qui les besoins dus à la crise de l’emploi sont particulièrement cruciaux, comme c’est le cas par exemple des chômeurs de longue durée ayant des responsabilités familiales. La représentante gouvernementale a fourni également des informations sur les données positives relatives à l’emploi, qui indiquent qu’au premier trimestre de 2015 le nombre de chômeurs a diminué de 488 700, comparé au chiffre de l’année précédente, et que 504 200 emplois ont été créés au cours de ce même trimestre.
La commission a pris note des informations complètes que le gouvernement a fournies sur les mesures actives de l’emploi actuellement mises en place dans le cadre de la Stratégie pour l’économie et l’emploi adoptée par l’Union européenne pour lutter contre le chômage et les conséquences sociales de la crise.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a prié le gouvernement:
- de poursuivre un dialogue social constructif, en tenant dûment compte de l’expérience et des opinions des partenaires sociaux et avec leur entière collaboration, en vue de formuler les politiques concernant les objectifs figurant à l’article 1 de la convention, et d’obtenir l’appui nécessaire;
- conformément à la convention, d’évaluer, en collaboration avec les partenaires sociaux, les résultats de la politique de l’emploi et prendre les mesures requises, notamment, le cas échéant, l’élaboration de programmes en vue de l’application de la politique de l’emploi;
- de chercher à garantir l’obtention du consensus le plus large possible sur les programmes liés à la formation professionnelle et poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux sur la formation professionnelle pour les jeunes et les chômeurs, en se fondant sur des services publics solides;
- de fournir en 2015 un rapport sur l’application de la convention pour examen par la commission d’experts.