National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a indiqué que, comme reconnu dans la politique nationale du travail, «avec un taux de pauvreté écrasant de 39 pour cent, de nombreux ménages déscolarisent leurs enfants lorsqu’il y a un choc économique et les obligent à gagner de l’argent, les contraignant ainsi à travailler». De ce fait, la question du travail des enfants n’est pas uniquement une question d’application de la législation, mais aussi un problème fondamental qui doit être compris de manière globale et qu’il convient de résoudre au moyen d’un dispositif solide. D’un point de vue institutionnel, plusieurs textes de loi, réglementations et cadres d’orientation ont été élaborés pour fournir un socle à la lutte contre le travail des enfants, notamment dans la Constitution, la loi du travail, la loi sur les établissements correctionnels et de réadaptation pour enfants, la loi interdisant le recrutement d’enfants dans les forces armées, la loi sur la tutelle des enfants, la loi sur les voies de réparation en cas d’atteinte aux droits de l’enfant et la loi sur la lutte contre la traite des enfants et les enlèvements. Parmi les moyens concrets figurent la stratégie de protection sociale, la stratégie de protection des enfants des rues contre le travail et la stratégie nationale de protection des enfants vulnérables. Des enquêtes nationales ont également été menées pour déterminer la nature et les types de travail des enfants, ainsi que les facteurs contraignant les enfants au travail, et pour les analyser et les comprendre. De plus, des modalités relatives au recrutement et aux conditions de travail ont été élaborées afin d’empêcher le recrutement d’enfants dans les pires formes de travail. De la même manière, en application de l’article 120 de la loi sur le travail, une liste des occupations préjudiciables interdites aux enfants de moins de 18 ans a été établie, en consultation avec les partenaires sociaux. Un projet de plan d’action relatif à la prévention des pires formes de travail des enfants a été élaboré pour donner effet aux dispositions de la convention, en consultation avec les partenaires sociaux et des représentants du ministère de la Santé publique et d’autres organismes concernés. Des réseaux de protection de l’enfance ont été créés dans une centaine de districts de 33 provinces d’Afghanistan. Ces deux dernières années, ces réseaux ont traité plus de 5 417 cas concernant des enfants vulnérables, dont 492 pour lesquels certaines pires formes de travail des enfants ont pu être évitées. Afin de toucher les groupes vulnérables de la société, en particulier les enfants, le Département des travailleurs sociaux du ministère du Travail a été créé et chargé d’agir en particulier sur la prévention des pires formes de travail des enfants. De plus, un nouveau système de réinsertion des enfants vulnérables au sein de leur famille a été mis en place au ministère du Travail: plus de 264 enfants vulnérables ont retrouvé leur famille entre 2014 et 2015. Le ministère du Travail a conclu un mémorandum d’accord avec 22 organisations internationales et un mémorandum d’accord avec le ministère de l’Education afin d’apporter un soutien à l’alphabétisation rapide des enfants des rues dans ses centres d’accueil de jour pour enfants. Entre 2014 et 2015, plus de 19 000 enfants des rues ont été admis à l’école grâce aux programmes d’alphabétisation rapide.
En ce qui concerne les enfants soldats, l’application de la loi interdisant le recrutement d’enfants dans les forces armées (2014), ainsi que d’autres instruments y afférents, a permis d’éviter le recrutement de 496 enfants dans les rangs de la police nationale et locale en 2017. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur, en coopération avec les organismes gouvernementaux compétents, met effectivement en œuvre le décret présidentiel no 129 qui interdit la torture, les mauvais traitements et l’utilisation ou le recrutement d’enfants dans les rangs de la police. Des commissions interministérielles chargées d’empêcher le recrutement d’enfants dans les rangs de la police nationale et locale ont été créées à Kaboul et dans les provinces. De plus, des centres d’accueil pour enfants ont été créés dans 20 provinces, et des efforts sont actuellement déployés pour établir des centres similaires dans les autres provinces. En 2017, plus de 47 agents de sécurité ont été poursuivis pour atteinte aux droits de l’homme dans des agences de sécurité. Les programmes menés par la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan mettent particulièrement l’accent sur les droits de l’enfant, y compris la sensibilisation aux préjudices causés aux enfants recrutés par des groupes armés. La direction nationale de la sécurité a récemment publié l’arrêté no 0555 qui interdit le recrutement de mineurs, progressivement appliqué dans toutes les institutions de sécurité; son respect est contrôlé par des organisations nationales et internationales des droits de l’homme. Les programmes de formation du personnel de sécurité sont également revus et actualisés afin d’y ajouter des heures consacrées aux droits de l’enfant.
Le gouvernement prend également des mesures pour lutter contre la pratique du bacha bazi (littéralement «les garçons qui dansent»): application de la loi, mesures de sensibilisation et autres mesures de dissuasion. Les agences de sécurité mettent l’accent sur le repérage de tout acte constitutif d’une violation des droits de l’homme, y compris l’exploitation de garçons par des hommes ayant une position d’influence, sur la condamnation des auteurs de tels actes et sur l’arrêt de ces agissements. Dans la loi sur la protection de l’enfance, qui doit être soumise au Parlement pour adoption, la pratique du bacha bazi est considérée comme un crime passible de sanctions. Des mesures fortes sont prises contre les auteurs d’une telle exploitation et contre les familles qui, en connaissance de cause, contraignent leurs enfants à se prostituer, y compris à la pratique du bacha bazi. Un recul marqué de cette pratique est attendu ces prochaines années grâce à la poursuite de l’application de la loi et des activités de sensibilisation. Le gouvernement est décidé à appliquer la convention pour garantir une protection efficace à tous les enfants contre les pires formes de travail et compte sur la collaboration avec les partenaires nationaux et internationaux à cet égard.
Les membres employeurs ont noté que l’Afghanistan se trouve depuis plusieurs décennies dans une situation de conflit armé. Malgré quelques modestes progrès, de nombreux problèmes subsistent. Dans son observation, la commission d’experts a soulevé la question du recrutement d’enfants dans le conflit armé. Une loi, entrée en vigueur en 2014, érige en infraction le recrutement d’enfants par les forces de sécurité du gouvernement. Depuis 2014, les problèmes liés au recrutement concernent principalement les Talibans. Même si le gouvernement n’a qu’une capacité limitée pour s’attaquer à ce problème, il reste responsable de tout ce qui se passe à l’intérieur des frontières du pays. En ce qui concerne les questions de l’exploitation sexuelle et de la pratique culturelle des «garçons qui dansent», plusieurs institutions et organismes se sont exprimés sur le sujet, ce qui prouve bien la réalité du problème. Bien qu’un projet de loi ait été mentionné, le gouvernement doit fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour régler ce problème. En ce qui concerne la question de l’accès à l’éducation, en particulier des filles, les problèmes qui se posent trouvent principalement leur cause dans les décennies de conflit, ainsi que dans le fait que les Talibans, et d’autres acteurs antigouvernementaux, restreignent l’accès des filles à l’éducation dans les territoires qu’ils contrôlent. Cela étant dit, le gouvernement garde la responsabilité de tout ce qui se passe à l’intérieur des frontières. Dans sa demande directe, la commission d’experts a soulevé des problèmes de conformité de la législation nationale avec les dispositions de la convention. S’il est vrai que l’Afghanistan dispose d’une loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, celle-ci ne définit pas le terme «enfant». Dans la mesure où la majorité des victimes de traite dans le pays sont des enfants, il est nécessaire que le terme «enfant» soit défini afin de préciser qu’il s’applique à toutes les personnes de moins de 18 ans, conformément à la convention. La législation nationale ne prévoit aucune interdiction légale générale de la prostitution des enfants et de la pornographie les mettant en scène. Cette question est à mettre en lien avec le problème des «garçons qui dansent». La loi interdit uniquement le fait de forcer des mineures à se livrer à la prostitution. Il est fait référence à une commission qui a été créée pour traiter ce problème, de même qu’à un projet de loi: le gouvernement doit donner plus d’informations sur ce sujet. Enfin, en ce qui concerne les travaux dangereux, une question se pose, à savoir le fait que les inspecteurs du travail ne sont pas autorisés à imposer des sanctions en cas d’infraction à la réglementation sur le travail des enfants, ce qui n’est pas conforme à la convention. En particulier, l’un des principaux types de travail dangereux concerne le secteur de la briqueterie, où il existe des cas de travail d’enfants en situation de servitude. Certes, l’Afghanistan est dans une situation difficile et certaines des questions posées dépassent ce que le gouvernement est en mesure de faire dans l’état actuel des choses. Cependant, d’autres problèmes, tels que celui des «garçons qui dansent» ou l’exploitation sexuelle des enfants, relèvent de l’autorité du gouvernement. C’est pourquoi les membres employeurs s’attendent à ce que le gouvernement prenne des mesures immédiates et fermes pour mettre un terme à cette exploitation et veiller à ce que la législation et la pratique nationales soient pleinement conformes à la convention.
Les membres travailleurs ont fait part de leur profonde préoccupation face à la situation et face au nombre d’enfants impliqués dans le conflit armé. Les cas dénoncés étant fort probablement inférieurs à la réalité, il est possible que les données disponibles ne reflètent pas précisément le niveau réel du recrutement et de l’utilisation d’enfants par les parties au conflit. Le recrutement forcé d’enfants par des groupes armés non étatiques et par les forces armées afghanes est déplorable. La convention interdit l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution et dispose que les Membres qui l’ont ratifiée doivent prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. La pratique largement répandue des «garçons qui dansent», qui suppose l’exploitation sexuelle de garçons âgés souvent de moins de 16 ans par des hommes au pouvoir, y compris des fonctionnaires gouvernementaux, est consternante. Si le Code pénal condamne l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution et la production de matériel pornographique, il n’existe apparemment pas de disposition qui incrimine l’utilisation d’un enfant par un client à des fins d’exploitation sexuelle ou qui interdise l’utilisation, le recrutement ou l’offre de garçons à des fins de prostitution. En outre, en dépit de l’adoption, en 2014, d’une liste des travaux dangereux interdits aux enfants, des familles afghanes entières sont piégées dans des situations de servitude pour dettes dans le secteur de la briqueterie. Des informations font état de l’utilisation répandue du travail en servitude impliquant des enfants dans le secteur de l’agriculture et dans d’autres activités économiques informelles. Aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect des dispositions relatives à l’interdiction de travaux dangereux pour les enfants de moins de 18 ans. En outre, le nombre d’inspecteurs du travail, actuellement de 18, est insuffisant. Quoiqu’il en soit, les inspecteurs du travail n’ont pas l’autorité légale de faire appliquer la législation relative au travail. La convention impose aux Etats qui l’ont ratifiée de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour garantir l’accès à l’éducation de base gratuite et, lorsque cela est possible et approprié, à la formation professionnelle, pour tous les enfants qui auront été soustraits des pires formes de travail des enfants. Les données disponibles indiquent qu’environ six millions d’enfants ne sont pas scolarisés dans le pays et que 42,8 pour cent des garçons suivent un enseignement secondaire, contre 21,1 pour cent chez les filles. De plus, les écoles restent la cible d’attaques violentes, entraînant de nombreux décès de civils et nuisant à l’accès des enfants à l’éducation. L’utilisation d’installations scolaires à des fins militaires par des parties au conflit armé a également été signalée. Les membres travailleurs sont extrêmement préoccupés par la persistance des pires formes de travail des enfants dans le pays et sont conscients de la situation de conflit armé qui prévaut en Afghanistan, ainsi que des défis sérieux qui se posent dans le cadre de l’application de la législation nationale aux groupes armés non étatiques. Cela étant dit, il apparaît clairement que les forces armées afghanes ne se privent pas non plus d’abuser des enfants et de les exploiter, ce qui est horrible et inacceptable. Malgré certaines initiatives prises par le gouvernement et la communauté internationale, l’utilisation répandue des pires formes de travail des enfants reste un problème pressant dans le pays qui doit être traité en urgence. Le gouvernement est instamment prié de redoubler d’efforts afin de protéger les enfants des pires formes de travail des enfants et de veiller à ce que des enquêtes soient menées et des poursuites énergiques engagées contre les auteurs de ces actes, et à ce que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient infligées dans la pratique pour lutter contre l’impunité.
Le membre travailleur de l’Afghanistan a souligné que certaines des pires formes de travail des enfants sont une réalité quotidienne en Afghanistan. Il faut plutôt parler d’«esclavage des enfants» que de «travail des enfants» pour illustrer la gravité de la situation dans le pays. Des groupes mafieux envoient des enfants mendier dans les rues. Des enfants travaillent dans des secteurs dangereux comme l’industrie minière et l’agriculture, ainsi que dans d’autres secteurs, par exemple des ateliers de tissage de tapis et de réparation de voitures. L’utilisation d’enfants dans une guerre est le problème le plus grave. Des groupes terroristes et d’autres groupes extrémistes recrutent des enfants et les contraignent à devenir soldats ou kamikazes. Comme l’a souligné la commission d’experts, des enfants ont également été recrutés par les forces gouvernementales de sécurité et tués lors d’opérations militaires. Par conséquent, le gouvernement doit mettre fin de toute urgence au recrutement d’enfants par ses agents; il ne peut pas se contenter d’attirer l’attention sur les agissements des acteurs non étatiques. Bien que la législation interdise strictement les violences sexuelles sur des enfants, ce problème demeure. La pratique du bacha bazi, pratique culturelle qui expose les garçons à des violences sexuelles et à la prostitution, existe également chez certains éléments des forces de sécurité. Il est donc urgent que le gouvernement prenne des mesures pour mettre fin à cette pratique parmi ses forces de sécurité, et plus largement dans la société.
Si la Constitution reconnaît l’éducation comme un droit de chaque citoyen, l’accès à une éducation de base gratuite n’est pas garanti dans la pratique. La situation est légèrement plus favorable en zone urbaine qu’en zone rurale, où la pauvreté domine. Les parents peuvent vendre leurs enfants à des fins de prostitution forcée en raison de leur pauvreté. Il n’y a pas assez d’écoles dans les zones rurales. L’eau potable, les installations sanitaires ou les livres font souvent défaut. La situation est souvent plus difficile pour les filles en raison des menaces qui pèsent sur celles qui vont à l’école. Les groupes extrémistes exercent également des pressions sur les familles. En raison des problèmes de sécurité, de nombreux établissements scolaires sont fermés, et plus de 400 000 élèves sont privés d’enseignement dans tout le pays. La qualité de l’enseignement est un autre aspect du problème: les enseignants non qualifiés sont nombreux et les programmes et supports pédagogiques peu développés, ce qui expose les enfants inscrits dans des écoles religieuses à la radicalisation. L’orateur a demandé au gouvernement d’accorder une attention particulière aux problèmes soulevés et de s’acquitter de ses obligations au titre de la convention. Si les mesures recommandées par la commission d’experts ne sont pas mises en œuvre, il sera difficile de faire évoluer la situation critique dans laquelle les enfants afghans se trouvent. Le gouvernement doit donc prendre un engagement fort.
Le membre gouvernemental de Malte, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Norvège et de la Serbie, a lancé un appel en faveur de la protection et de la promotion de l’ensemble des libertés et des droits de l’homme et a redit le ferme engagement de l’Union européenne en faveur de l’éradication du travail des enfants, notamment dans ses pires formes. Le dialogue UE-Afghanistan sur les droits de l’homme contient des résultats attendus et des indicateurs concernant les droits de l’enfant, ainsi que sur l’application de la loi interdisant le recrutement d’enfants soldats. La signature récente de l’accord de coopération en matière de partenariat et de développement confirme l’engagement de l’Union européenne en faveur du développement de l’Afghanistan et son soutien à une réforme globale dans le pays. L’engagement pris par le gouvernement et les progrès qu’il a réalisés pour prévenir et mettre un terme au recrutement des enfants dans les forces nationales doivent être salués. La loi qui incrimine le recrutement d’enfants dans les forces de sécurité est entrée en vigueur en 2014. Le gouvernement a également adopté une feuille de route afin d’accélérer l’élimination et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants par les forces nationales, ainsi que des lignes directrices relatives à la prévention du recrutement. Trois unités supplémentaires ont été créées dans différentes régions et intégrées dans le centre de recrutement de la police afin de prévenir le recrutement d’enfants. Les informations disponibles montrent que ce sont les groupes d’opposition et non les forces nationales qui effectuent en majorité ce type de recrutement; toutefois, comme tous les cas ne sont pas dénoncés, le nombre total de cas est vraisemblablement beaucoup plus élevé. Même si les défis que l’Afghanistan doit relever doivent être pris en compte, le gouvernement est prié de poursuivre ses efforts pour faire cesser le recrutement d’enfants dans les forces armées et dans la police. Des mesures supplémentaires doivent être prises pour prévenir l’enrôlement dans des groupes armés. Les enfants soldats doivent être démobilisés, des enquêtes approfondies menées, des poursuites judiciaires engagées et des peines dissuasives appliquées. La situation des «garçons qui dansent» impose l’adoption de mesures efficaces dans un délai déterminé, y compris l’interdiction en droit et l’incrimination de cette pratique. Le gouvernement est appelé à fournir une assistance à la réadaptation et à la réinsertion sociale des victimes et à garantir l’accès à l’éducation de base gratuite à tous, en particulier aux filles, souvent privées de ce droit.
Le membre travailleur du Pakistan a souligné que, sur les nombreux problèmes abordés en lien avec les pires formes de travail des enfants en Afghanistan, le plus grave est celui qui a trait à l’utilisation d’enfants dans des attaques suicides. Il n’y a aucune infrastructure d’enseignement élémentaire dans de nombreuses zones rurales. Les pires formes de travail des enfants se produisent non seulement dans le cadre du conflit armé, mais aussi dans le secteur de l’agriculture et dans les chaînes d’approvisionnement. Le gouvernement n’affiche pas la volonté politique nécessaire pour résoudre le problème comme il se doit. Les obligations découlant des conventions relatives au travail des enfants et à la discrimination n’ont pas donné lieu à l’adoption d’une législation du travail spécifique. Elles sont couvertes de manière très limitée dans des lois générales. Compte tenu de l’importance de l’inspection du travail dans l’application des dispositions légales, il convient de s’interroger sur la façon dont le petit nombre d’inspecteurs en Afghanistan pourrait efficacement couvrir toutes les provinces et les vastes zones rurales. En outre, si l’Afghanistan a bien ratifié la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, il n’existe pas de comité tripartite fonctionnel aux niveaux central ou provincial. Le manque de respect envers le tripartisme et le rôle des partenaires sociaux se note également dans le fait que l’Afghanistan n’a pas envoyé de délégation complète à la Conférence et dans les plaintes déposées dans le cadre d’autres procédures de l’OIT. Enfin, l’absence de progrès accomplis au niveau du projet de politique sur le travail démontre un manque de volonté politique.
La membre gouvernementale de la Suisse a soutenu la déclaration prononcée au nom de l’Union européenne et a souligné que les enfants sont particulièrement touchés par le conflit armé en Afghanistan. Ils sont privés de leurs droits par la persistance des pratiques de recrutement et d’utilisation des enfants par les forces nationales de sécurité afghanes et par les groupes armés. Il est inquiétant que le nombre d’enfants victimes augmente et que les attaques d’hôpitaux et d’écoles ainsi que l’exploitation sexuelle des enfants perdurent. La Suisse soutient les conclusions et recommandations de la commission d’experts et encourage le gouvernement à prendre toute mesure pour garantir la protection et la démobilisation des enfants, la poursuite des personnes engagées dans leur recrutement ainsi que l’intégration sociale des enfants. L’importance de l’éducation de base pour toutes les filles et tous les garçons doit également être soulignée. La Suisse encourage le gouvernement à continuer ses efforts à cet égard.
La membre travailleuse de la Norvège, s’exprimant au nom des syndicats des pays nordiques, a fait observer qu’en Afghanistan les enfants sont toujours victimes de graves violations des droits de l’enfant. Ces faits ont été confirmés par la commission d’experts et dans les rapports d’autres organismes des Nations Unies. Des enfants sont engagés dans toutes les formes de travail, entre autres les opérations militaires, la mendicité dans les rues, le travail domestique, l’agriculture, le commerce et d’autres secteurs. Beaucoup d’enfants sont victimes d’exploitation sexuelle et sont utilisés à des fins de prostitution. Des enfants sont intégrés aux rangs des forces nationales. Des allégations de recrutement d’enfants par des groupes armés, notamment ceux associés aux Talibans, ont été enregistrées. Des cas d’enfants qui commettent des attentats suicides au nom des Talibans ont aussi été avérés. Les enfants déplacés ou vivant dans des zones de conflit isolées sont particulièrement à risque. A Kunduz, les Talibans utilisent les écoles pour dispenser une formation militaire aux enfants âgés de 13 à 17 ans. Des enfants sont kidnappés, ou encore contraints, menacés ou vendus par leurs parents en vue d’être enrôlés dans des groupes armés. En 2011, le gouvernement a signé un plan d’action avec les Nations Unies pour prévenir l’utilisation d’enfants par les forces armées nationales, et pour y mettre fin, et il a adopté une feuille de route et des directives pour le suivi de ce plan. Des mesures appropriées doivent être prises pour mettre en œuvre ce plan d’action. Les syndicats des pays nordiques se sont dits profondément préoccupés par cette situation et ont instamment prié le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin au recrutement forcé et obligatoire d’enfants aux fins de leur utilisation dans des conflits armés, et de garantir leur démobilisation. Le gouvernement doit aussi s’attaquer à la question des enfants occupés à des travaux dangereux, en procédant à des enquêtes et en renforçant l’inspection du travail. A cet égard, il faut mettre en place des sanctions, et les faire exécuter, lorsque des enfants sont utilisés dans des conflits armés et pour des travaux dangereux, ainsi qu’aux fins de prostitution. L’OIT et la communauté internationale ont été appelées à poursuivre leur aide humanitaire et à aider le pays à améliorer la situation sécuritaire, ainsi qu’à prendre des mesures pour réduire la pauvreté et donner pleinement effet à la convention.
Le membre travailleur de l’Australie a souligné que transformer des enfants en marchandise aux fins de prostitution forcée constitue une abomination. Il a évoqué de nombreux cas qui mettent en évidence la traite généralisée d’enfants à des fins sexuelles en Afghanistan. En ce qui concerne la prostitution de jeunes garçons, en particulier de «garçons qui dansent», il a dénoncé l’implication de personnalités publiques et d’hommes au pouvoir, ainsi que de criminels de guerre. Cette culture s’est répandue à tous les niveaux de la société. Les agressions sexuelles causent non seulement de graves traumatismes, mais entraînent aussi souvent le décès de la victime. Il n’existe pas de loi spécifique interdisant la traite de mineurs à des fins sexuelles. L’orateur a appelé les partenaires sociaux à travailler avec les organes chargés de l’application de la loi, les organisations non gouvernementales et d’autres acteurs non étatiques pour élaborer un plan global visant à éradiquer ces pratiques atroces et à garantir la sécurité des garçons et des filles afghans.
La membre travailleuse du Canada, s’exprimant également au nom du membre travailleur des Etats-Unis, a indiqué que, selon les informations disponibles, 3,7 millions de garçons et de filles, soit un tiers des enfants afghans d’âge scolaire, ne sont pas scolarisés en 2017, du fait de l’insécurité et des violences liées au conflit, ainsi que du niveau élevé de pauvreté chronique. Ce chiffre devrait augmenter étant donné l’intensification de la violence entre les forces afghanes et les Talibans. Par ailleurs, en raison du nombre croissant de réfugiés afghans revenant dans le pays, il existe un risque que les services de l’éducation déjà débordés soient submergés. Les enfants qui ne vont pas à l’école sont exposés à de plus grands risques de mariage précoce, d’exploitation lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail, d’enrôlement dans des groupes armés ou de traite. Les informations sur les restrictions imposées par des acteurs non étatiques limitant l’accès des filles à l’éducation font notamment état d’interdiction complète de toute éducation pour les filles, d’une restriction de la scolarisation des filles au-delà d’une certaine année ou de l’interdiction pure et simple pour les filles d’aller à l’école si l’enseignant n’est pas une femme. Parmi les autres formes de violence constatées figurent les menaces et les actes d’intimidation contre les enseignants et les élèves, l’incendie de bâtiments scolaires, les attaques et les enlèvements. La convention reconnaît le rôle que joue l’éducation pour éviter que les enfants ne soient victimes des pires formes de travail des enfants. Le gouvernement doit par conséquent prendre des mesures pour défendre le droit à l’éducation que consacre la Constitution nationale. Il doit en outre veiller à ce que les auteurs des attaques contre les institutions, le personnel et les élèves, en violation flagrante du droit international humanitaire et des droits de l’homme, répondent de leurs actes.
Le représentant gouvernemental a dit apprécier les commentaires, les recommandations et le soutien exprimés pendant la discussion. Il a réaffirmé la détermination de l’Afghanistan à éliminer le travail des enfants, en particulier sous ses pires formes. Des progrès significatifs ont été accomplis et des programmes exhaustifs ont été élaborés. Le gouvernement a l’intention de constituer une unité spéciale de la police en charge de la protection de l’enfance, à l’échelon central ainsi que dans les provinces, et qui exercerait une supervision sur les cas constituant des violations des droits de l’enfant. Il procéderait aussi à un examen des mesures existantes afin de s’assurer que le cadre juridique et politique corresponde bien à la situation du pays et soit conforme aux conventions nationales qui ont été ratifiées. Soulignant les progrès accomplis par le gouvernement, avec le soutien des partenaires internationaux, en vue d’améliorer la situation de tous les Afghans, l’orateur a mentionné plus spécialement l’augmentation du taux d’alphabétisation et du nombre d’enfants scolarisés au cours des dix dernières années, y compris pour les filles. Il faut rappeler que les incendies d’écoles et l’interdiction de fréquenter les écoles imposée par les Talibans dans les zones qu’ils contrôlent empêchent les filles et les enfants d’aller à l’école. Le gouvernement va poursuivre avec audace ses efforts pour garantir les droits de l’homme et il continuera à collaborer avec ses partenaires pour remédier aux causes profondes du travail des enfants. C’est un travail qui doit se faire par étapes. Malgré le combat livré contre le terrorisme, les récentes attaques ont témoigné de l’ampleur du conflit et de ses ancrages régionaux.
Les membres travailleurs ont estimé que l’Afghanistan n’a pas réussi à prendre des mesures efficaces pour garantir l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants. Le recrutement d’enfants dans le conflit armé, la prostitution des enfants et le manque d’accès à une éducation de base gratuite sont généralisés. Le gouvernement s’est employé à rassurer la Commission de la Conférence en disant qu’il a pris des mesures pour traiter ces questions. Cependant, davantage peut et doit être fait pour respecter la convention. En ce qui concerne les «garçons qui dansent», le gouvernement a indiqué qu’une interdiction juridique expresse entrerait prochainement en vigueur; le problème reste néanmoins entier. Il est attendu du gouvernement qu’il démontre son engagement à remplir ses obligations pour garantir l’application de la convention dans la pratique. Premièrement, cela implique de prendre des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin, dans la pratique, au recrutement d’enfants de moins de 18 ans par des groupes armés et les forces armées, ainsi que des mesures garantissant la démobilisation des enfants impliqués dans les conflits armés. Deuxièmement, le gouvernement doit prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir que des enquêtes approfondies seront menées, des poursuites efficaces engagées contre les personnes qui recrutent de force des enfants de moins de 18 ans dans le conflit armé, et des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives imposées dans la pratique. Troisièmement, le gouvernement doit prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour extraire les enfants des groupes et forces armés et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Quatrièmement, il doit prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour éliminer la pratique du bacha bazi afin de soustraire les enfants de l’une des pires formes de travail des enfants et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfin, il doit prendre les mesures nécessaires à l’amélioration du fonctionnement du système éducatif et assurer l’accès à une éducation de base gratuite, notamment en prenant des mesures visant à augmenter le taux de scolarisation, au primaire et au secondaire, en particulier celui des filles. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles le gouvernement est confronté en raison des groupes armés qui opèrent dans le pays, l’orateur a mis l’accent sur les obligations que le gouvernement a librement contractées en ratifiant la convention en 2010, laquelle requiert que la lutte contre les pires formes de travail des enfants soit traitée en priorité et de toute urgence.
Les membres employeurs ont accueilli avec satisfaction la déclaration du gouvernement d’après laquelle il progresse par étapes vers le respect de la convention et constaté que la volonté politique est bien présente. Toutefois, le chemin est encore long pour éliminer le travail des enfants et il est évident que davantage doit être fait à ce propos. L’orateur a dit partager les conclusions proposées par les membres travailleurs dans leurs remarques finales.
Conclusions
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.
Tout en prenant acte de la complexité de la situation qui règne sur le terrain et de la présence d’un conflit armé, la commission a vivement déploré la situation actuelle dans laquelle les groupes armés, en particulier ceux qui ont prêté allégeance aux Talibans, contraignent les enfants à suivre une formation militaire et religieuse. De plus, la commission a vivement déploré la situation des enfants, en particulier des filles, qui sont privés d’éducation du fait de la situation dans le pays, où de nombreuses écoles sont fermées, endommagées et utilisées comme installation militaire ou lieu de détention, ce qui empêche les enfants d’aller à l’école.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a instamment prié le gouvernement:
- de prendre de toute urgence des mesures pour garantir la démobilisation totale et immédiate de tous les enfants et de mettre un terme, dans la pratique, au recrutement forcé d’enfants dans les forces armées et les groupes armés;
- de prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir que des enquêtes approfondies seront menées, que des poursuites seront engagées contre toutes les personnes qui ont recruté de force des enfants pour le conflit armé et que des peines suffisamment efficaces et dissuasives seront imposées en droit et dans la pratique;
- de prendre des mesures immédiates et efficaces pour éliminer la pratique du bacha-bazi (garçons qui dansent);
- de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour assurer la réadaptation et l’intégration sociale des enfants contraints de rejoindre des groupes armés et/ou victimes d’exploitation sexuelle, et de fournir des informations sur les mesures prises à cet effet et sur les résultats obtenus.
A cet égard, la commission invite le gouvernement à demander l’assistance technique du BIT pour donner suite à ces recommandations.
La commission a invité l’OIT, la communauté internationale, les organisations d’employeurs et de travailleurs à collaborer dans le but d’éliminer toutes les formes de travail des enfants, y compris les pires formes de travail des enfants, sans retard.