National Legislation on Labour and Social Rights
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Une représentante gouvernementale s’est déclarée satisfaite que l’on ait noté avec intérêt les mesures adoptées dans le cadre de la mise en application de la convention no 29 et de la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et qu’ait été reconnu le processus d’élaboration d’une Stratégie nationale de prévention du travail forcé. Le travail forcé est considéré comme un crime dans le droit national; pour autant, pour en terminer avec ce fléau, les Etats doivent favoriser l’autonomisation des groupes vulnérables, notamment celle des peuples indigènes. Les particularités géographiques du Chaco paraguayen entravent les initiatives publiques, cette région représentant 60 pour cent du territoire national et à peine 2 pour cent de la population, qui se compose de plus d’une douzaine de peuples indigènes, de grandes colonies mennonites et de petits et grands producteurs, entre autres. Les progrès accomplis depuis la dernière réunion de la commission d’experts: la loi contre la traite des personnes (no 4788 du 13 décembre 2012) qui comprennent des définitions spécifiques de la traite des personnes, du travail forcé, de l’exploitation économique et des situations de servitude; la Stratégie nationale de prévention du travail forcé qui est en cours d’élaboration avec la participation active de syndicats, d’organisations d’employeurs et avec l’appui du programme d’action spécial de l’OIT pour combattre le travail forcé (SAP-FL); l’inscription et l’octroi de documents d’identité à plus de 6 000 autochtones dans le cadre du programme d’inscription au registre civil; la tenue d’ateliers de sensibilisation et de diffusion des normes relatives au travail forcé dans diverses localités de l’intérieur du pays, y compris dans la région du Chaco; la formation de 898 autochtones par le Service national de promotion professionnelle et de 325 autochtones par le Système national de formation professionnelle; et la formation de plus de 200 femmes à la pêche et au travail domestique par la Direction de la promotion sociale de la travailleuse. Ont été effectuées 78 inspections du travail dans la région du Chaco qui ont touché 62 entreprises et 808 travailleurs; dans ce cadre, les fonctionnaires qui sont intervenus n’ont décelé aucune situation relevant du travail forcé ni de la servitude pour dettes. Un processus de renforcement et de modernisation des services d’inspection du travail a été engagé avec l’appui du BIT. En ce qui concerne l’adoption de mesures législatives, une loi portant création d’un ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale est actuellement à l’étude à la Chambre des députés du Congrès national. Une loi organique pénitentiaire a été en partie adoptée par la Chambre des députés et est actuellement devant le Sénat.
Certaines des questions abordées par la commission d’experts dans son observation sur la convention no 29 ont été traitées par le gouvernement dans les rapports transmis en 2012, notamment dans le rapport relatif à la convention (nº 95) sur la protection du salaire, 1949, et à la convention no 169. Les observations formulées à propos du travail forcé ont été traitées par le gouvernement, avec la participation d’un grand nombre d’institutions publiques, de partenaires sociaux et d’organisations non gouvernementales (ONG). L’oratrice a précisé certains aspects mentionnés dans le rapport de la commission d’experts, à savoir: le fait d’avoir pris note de la plainte de la Centrale unitaire des travailleurs-Authentique (CUT-A) et de la Confédération syndicale internationale (CSI), en dépit du fait que le gouvernement n’a reçu qu’une plainte de la CUT-A; les réunions ordinaires tenues par la Commission nationale des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé, établie par la résolution no 230 de 2009; la création de la Commission technique pour la modernisation des processus administratifs d’inspection du travail; la création future d’une unité spécialisée d’inspecteurs pour la détection du travail forcé; les activités de diffusion et de sensibilisation sur les droits des travailleurs réalisées par la Direction régionale du travail du Chaco; la signature d’un accord de collaboration générale entre le ministère de la Justice et du Travail (MJT) et l’Association rurale du Paraguay (ARP), pour l’inscription et la délivrance de documents d’identité aux citoyens ainsi que la régularisation des travailleurs. Il est par ailleurs envisagé de créer une direction du travail indigène au sein du ministère, qui sera chargée de la coordination du système de médiation, des services d’inspection et de la formation des travailleurs, en tenant compte de la nécessité de consulter de manière préalable, libre et éclairée les peuples indigènes en ce qui concerne toutes les mesures en cours d’exécution et celles qui doivent être mises à exécution. L’oratrice a également réitéré la demande adressée aux centrales syndicales et aux ONG en vue d’identifier les établissements et les localités où auraient été décelées des situations de travail forcé, et ce afin de procéder aux vérifications qui s’imposent.
Les membres employeurs ont indiqué que nombre d’éléments contenus dans le rapport de la commission d’experts étaient des sujets de longue date qui avaient même fait que cette commission avait examiné ce cas au cours des années précédentes. Différents thèmes figurent dans les informations contenues dans le rapport, en particulier la situation au cours des années précédentes au Chaco. Même si des informations détaillées figurent dans le dernier rapport, en particulier sur le Programme national pour les peuples indigènes (PRONAPI) et les activités menées dans le cadre des visites d’inspection – au cours desquelles, comme l’a dit la représentante gouvernementale, aucune situation de travail forcé n’a été constatée –, il est évident que des amendes sont infligées en cas d’infraction à la législation du travail et que des infractions à cette législation sont commises. Il existe également un rapport d’une source externe, dont le BIT a eu connaissance, dans lequel il est indiqué que le travail forcé a cours au Paraguay. De même, les membres employeurs ont estimé que, même si le gouvernement a présenté des informations relativement complètes dans son dernier rapport, il existe des sujets sur lesquels le rapport de la commission d’experts appelle des explications complémentaires. En ce qui concerne les sanctions, des ajustements sont nécessaires aux niveaux administratif et pénal ainsi qu’en ce qui concerne le projet de loi pénitentiaire transmis au Congrès. Le gouvernement déploie des efforts pour se conformer à la demande de la commission d’experts ainsi que pour aligner sa législation avec l’esprit et la lettre de la convention. Toutefois, il est nécessaire d’approfondir les activités décrites dans les commentaires et, pour ce faire, l’offre d’assistance technique du BIT dans le cadre des programmes mis en œuvre peut constituer une mesure adéquate.
Les membres travailleurs ont indiqué que, depuis 1997, la commission d’experts formule régulièrement des commentaires concernant la servitude pour dettes dans les communautés indigènes du Chaco. Lors de l’examen de ce cas en 2008, la présente commission avait souligné la situation ingérable des paysans sans terre et leur grande vulnérabilité à la mendicité et à la prostitution, lorsqu’ils doivent quitter leurs terres en raison de la culture intensive du soja pour aller vivre en ville. La commission avait également souligné la situation des enfants exerçant des activités dangereuses, telles que la production de briques et de chaux ou la maçonnerie, et des activités dans l’économie informelle ainsi que les violences commises envers l’Organisation nationale des paysans (ONAC). La commission avait exprimé le ferme espoir que des mesures utiles seraient prises d’urgence, et le gouvernement avait sollicité l’assistance technique du BIT. L’élection du nouveau Président, qui avait annoncé une réforme agraire, une réforme de l’éducation et de la santé ainsi qu’un développement de la production pour mettre fin à la pauvreté et aux migrations forcées, avait en effet suscité l’espoir de voir la législation mise en conformité avec les normes de l’OIT. Une politique d’investissements étrangers transparents avait également été annoncée. Pourtant, la situation n’a pas évolué favorablement: les violations constatées pourraient relever tant de la convention no 29 que de la convention no 169 ou même de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, ou encore d’autres conventions puisqu’il s’agit aussi de situations de discrimination. Soulignant les particularités du Paraguay en matière de migration, les membres travailleurs se sont référés au rapport du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles (avril 2012), attestant de nombreuses violations, et à celui du Comité contre la torture (novembre 2011) qui continuait à exprimer sa préoccupation quant à la persistance de situations d’exploitation au travail des peuples indigènes vivant au Paraguay. En outre, l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones a conclu, au terme d’une mission au Paraguay en 2009, qu’il existe un système de travail forcé dans la région du Chaco et émis des recommandations concernant notamment la servitude pour dettes et la question de la restitution des titres fonciers, qui est à l’origine de l’appauvrissement des communautés indigènes et de leur endettement. Les membres des communautés indigènes ont perdu leurs terres au profit de grandes entreprises agro-industrielles, et l’écosystème caractéristique de leurs terres ancestrales a quasiment disparu.
Les membres travailleurs ont toutefois indiqué que la Constitution du Paraguay reconnaît les droits des peuples autochtones de jouir de systèmes politiques, sociaux, économiques, culturels et religieux qui leur sont propres et que les langues indigènes sont protégées. De plus, une politique nationale des peuples indigènes a été adoptée, et l’Institut des peuples indigènes du Chaco a été créé. S’agissant de la pratique, l’orateur a décrit le système de travail auquel les membres des communautés indigènes sont soumis: transport vers des lieux de travail éloignés de leur communauté d’origine, absence de tout document établissant leurs conditions de travail, menaces de représailles en cas de dénonciation, absence de salaire dans certains cas, etc. Se référant au commentaire de la commission d’experts, les membres travailleurs ont rappelé les observations formulées par la CUT-A et la Centrale nationale des travailleurs (CNT) relatives au travail forcé dans les exploitations agricoles et les usines du Chaco et à l’absence de mesures de la part du gouvernement pour mettre fin à ces pratiques, et ont souligné que l’application de sanctions efficaces est un élément essentiel de la lutte contre le travail forcé. S’agissant du travail pénitentiaire, les membres travailleurs ont souligné que le gouvernement s’était engagé à modifier la loi pénitentiaire (loi no 210 de 1970), en vertu de laquelle les personnes soumises à des mesures de sûreté dans un établissement pénitentiaire ont l’obligation de travailler, dans le cadre de l’adoption d’un Code pénitentiaire puis d’un nouveau Code de procédure pénale. Il n’a fourni cependant aucune information sur l’état d’avancement de ces réformes. Une simple assistance technique ne suffira pas à dépasser la méfiance qui n’a pas manqué de s’installer entre les peuples du Chaco et le gouvernement; il faudra prévoir des mesures associant tous les acteurs sur le terrain. Les membres travailleurs ont déclaré que des mesures sévères devraient être envisagées.
Un membre travailleur du Paraguay a déclaré que les autorités sont parfaitement au courant des violations de la convention sur le travail forcé ainsi que de la convention relative aux peuples indigènes et tribaux. Quatre-vingt-quinze pour cent des terres du Paraguay appartiennent à de grandes exploitations, et le modèle de développement du pays, fondé sur les exportations de produits agricoles, s’est intensifié ces dernières années au détriment des peuples originaires. Le gouvernement a fourni peu, voire pas du tout, d’informations sur la question de la servitude pour dettes des communautés indigènes. Le membre travailleur a attiré l’attention sur le manque de volonté politique de l’Etat de prendre des mesures efficaces pour éradiquer le travail forcé. Le problème le plus grave du moment est l’expulsion des indigènes de la région du Chaco et le fait que les travailleurs s’endettent pour pouvoir se nourrir parce que ce sont les employeurs qui fixent les prix des denrées alimentaires. Le membre travailleur a souligné la situation particulièrement grave des femmes employées comme domestiques ainsi qu’une situation d’extrême pauvreté et d’indigence, en particulier dans les populations ethniques du Chaco, et il a insisté sur la nécessité d’un accord pour éradiquer le travail forcé dans le pays.
Le membre employeur du Paraguay a souligné que la délégation des employeurs partage le point de vue exposé par le représentant gouvernemental et a souligné l’engagement des employeurs à contribuer à éliminer définitivement le travail forcé. Il a fait valoir que ce problème touche le Chaco paraguayen, une région importante et difficilement accessible qui compte peu d’habitants, dans laquelle les inspections et les contrôles sont rares, compte tenu du manque de ressources et de personnel. Les employeurs du pays soutiennent le projet de loi portant création d’un ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale dans l’objectif de régler ces problèmes et participent au travail tripartite fondé sur la loi no 4788 de décembre 2012 contre la traite des personnes. Il a indiqué que sur les 78 inspections réalisées aucune situation de travail forcé n’a été constatée, et a insisté sur le rôle de la formation technique du BIT pour parvenir à éliminer complètement cette pratique. Il a fait état des progrès réalisés dans l’application de politiques publiques grâce à la création du bureau régional dans la localité d’Irala Fernández, région du Chaco, mais il est d’avis qu’il faudrait créer d’autres bureaux encore. Il a aussi fait état du travail de sensibilisation portant sur la législation du travail et sur les questions de sécurité sociale, réalisé auprès de la Fédération de la production, de l’industrie et du commerce, en mettant en exergue les programmes de lutte contre le travail des enfants dans les plantations de canne à sucre et les usines de montage de matériel de construction mis en œuvre par l’Union industrielle paraguayenne (UIP) – membre de la fédération susmentionnée –, ainsi que de sa participation au groupe pour l’égalité des chances entre hommes et femmes dans l’emploi, avec l’appui du ministère de la Justice et du Travail. Il a aussi mentionné les programmes de responsabilité sociale de nombreuses entreprises et la sécurité juridique qui prévaut dans le pays et a exhorté les membres de la commission d’experts à constater par eux-mêmes les réalités du pays. Il a également réaffirmé la volonté des employeurs de collaborer avec les syndicats et les autorités nationales en vue de respecter pleinement les droits fondamentaux.
La membre gouvernementale de la Colombie, s’exprimant au nom des membres gouvernementaux de la commission qui sont membres du Groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a souligné que la commission d’experts a pris note des différentes mesures prises par le gouvernement pour prévenir le travail forcé, notamment la création en 2009 d’une Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé, dans le cadre de laquelle un plan d’action a été élaboré, qui comprend des mesures de sensibilisation, la formation des inspecteurs du travail et la mise en place d’un bureau de la Direction du travail dans la localité du Chaco central. Elle a réaffirmé l’engagement des pays du GRULAC à éliminer le travail forcé dans toute la région et a encouragé le gouvernement à poursuivre ses efforts en ce sens. Elle a aussi exprimé l’espoir que le BIT continuerait de fournir son assistance afin de donner pleinement effet à la convention.
Le membre travailleur du Brésil a rappelé que le problème du travail forcé n’est pas nouveau au Paraguay. Le phénomène de la servitude pour dettes dans la région du Chaco est évoqué dans les discussions de la commission d’experts depuis 1998. La plupart des indigènes travaillant dans la région du Chaco n’ont que des emplois temporaires, sont embauchés par des intermédiaires et transportés vers des lieux de travail éloignés de leurs communautés. Leurs contrats de travail sont des engagements verbaux, ce qui veut dire qu’en cas de rupture de contrat ils n’ont aucun moyen de recours adéquat et ne peuvent défendre leurs droits. Parmi les cas les plus graves figurent ceux constatés dans des fermes d’élevage où des travailleurs ont travaillé toute leur vie sans autre rémunération que le fait d’être nourris. Ces fermes utilisent aussi comme travailleuses domestiques des femmes dont la rémunération ne suffit pas à payer le transport les amenant de leur communauté. Ces fermes pratiquent aussi le travail des enfants. Le fait de ne disposer d’aucune terre est à la base de la vulnérabilité de ces peuples indigènes car 82 pour cent des terres du pays sont aux mains de 2 pour cent de propriétaires terriens. Le gouvernement a adopté des mesures de sensibilisation mais il est nécessaire de prendre des mesures pour combattre le travail forcé et protéger les victimes.
La membre travailleuse de la République bolivarienne du Venezuela a indiqué que son pays est vivement préoccupé par la situation des indigènes de la région du Chaco parce que le fait d’endetter une personne pour ensuite la contraindre à travailler contre sa volonté constitue une violation non seulement de la convention, mais aussi des droits humains les plus fondamentaux. Elle a ajouté que ce cas est d’autant plus grave qu’il s’agit de peuples indigènes du continent américain et qu’il constitue un grand retour en arrière du point de vue de la justice sociale inscrite dans le Préambule de la Constitution de l’OIT. Elle s’est demandé ce qui différencie l’esclavage de l’époque coloniale des pratiques inhumaines auxquelles sont soumis les travailleurs de la région du Chaco et leurs familles qui, souvent, travaillent exclusivement pour le gîte et le couvert. Elle a indiqué que la concentration des terres entre les mains des grands propriétaires accroît la vulnérabilité des peuples autochtones de la région et que la corruption empêche les pouvoirs publics de jouer correctement leur rôle et de restituer les terres ancestrales, ce qui favorise les violations à la convention. Les politiques font preuve de complaisance envers les propriétaires terriens et exploitants agricoles, une situation qui s’est encore aggravée avec le coup d’Etat et qui affecte en particulier les indigènes, les paysans, les ouvriers et les familles pauvres et vulnérables. L’oratrice a exhorté, au nom des travailleurs vénézuéliens, cette commission à prendre les mesures adéquates pour rétablir les droits des indigènes du Chaco soumis à des conditions de travail inhumaines.
Le membre travailleur des Etats-Unis a souligné que les entretiens menés par la Confédération syndicale internationale (CSI) au Paraguay en 2012 ont montré que de grands propriétaires terriens, en particulier de la communauté mennonite, ont été impliqués dans des cas de travail forcé, ce qu’ont confirmé des rapports émanant de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. La communauté mennonite est l’un des principaux entrepreneurs agricoles et a acquis de grands domaines fonciers dans le centre du Chaco. Cela a forcé les populations indigènes à vivre dans des zones de plus en plus restreintes et ne leur a laissé d’autre choix que celui de travailler comme ouvriers agricoles dans des exploitations appartenant aux communautés mennonites. Ces travailleurs, dont des femmes et des enfants, sont assujettis à des conditions de travail forcé. Le gouvernement a indiqué à l’OIT que les inspections effectuées dans de petites ou grandes exploitations agricoles n’ont pas permis d’identifier des situations de travail forcé. Toutefois, le gouvernement n’a jamais fourni de statistiques sur le nombre des cas dans lesquels des infractions au Code du travail ont été relevées, sur les amendes infligées à des employeurs ou sur les indemnisations versées à des travailleurs. Les institutions publiques, y compris les services d’inspection du travail et de santé, ne sont pas présentes dans plusieurs zones du centre du Chaco. Malgré plusieurs recommandations visant à ce que le gouvernement adopte un plan régional d’action pour lutter contre le travail forcé, rien n’a été fait à cet égard. Ce plan doit porter aussi sur la participation de la communauté mennonite. De plus, il faut une aide internationale pour la société civile paraguayenne et pour le gouvernement.
Un autre membre travailleur du Paraguay a indiqué que la situation des travailleurs au Paraguay a toujours fait l’objet d’observations de la commission d’experts et que le cas examiné aujourd’hui concerne l’une des pires formes de travail et d’exploitation. Il a fait état de la solidarité pleine et entière de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) avec les travailleurs soumis au travail forcé et a demandé instamment au gouvernement de prendre des mesures plus radicales et plus efficaces pour que les services du ministère de la Justice et du Travail se rapprochent des zones les plus reculées du pays, où des compatriotes et des étrangers pourraient être victimes de cette pratique. Il a demandé l’appui des employeurs pour élaborer une feuille de route tripartite, qui permettra de prévenir et d’éliminer le travail forcé au Paraguay, et a souligné l’importance de la collaboration de tous les partenaires sociaux et du BIT. Le travail forcé touche non seulement les indigènes du Chaco mais aussi les populations de la zone de Caaguazú, Alto Paraná et Canindeyú.
La représentante gouvernementale a indiqué que son gouvernement a placé parmi 100 priorités la création d’un ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Cet organisme doit dépasser le caractère passager d’un gouvernement et s’inscrire dans la durée, d’autant plus que la commission d’experts et les centrales syndicales en ont recommandé la création. De plus, on a considéré nécessaire de créer la Direction du travail indigène et l’Unité spécialisée des inspecteurs chargés de détecter les cas de travail forcé, dans le cadre du ministère de la Justice et du Travail, une fois que les peuples indigènes auront été informés puis consultés librement. En ce qui concerne la lutte contre le travail forcé, l’oratrice a fait mention d’activités menées en collaboration avec le bureau local de l’OIT au Paraguay: i) une étude sur la législation en vigueur qui porte sur le travail forcé, en la comparant à la législation sur le travail des enfants; ii) des ateliers régionaux pour réunir des informations en vue de la stratégie nationale de prévention du travail forcé, l’accent étant mis sur la consultation préalable des peuples indigènes afin que ceux-ci puissent proposer la feuille de route la plus appropriée et la plus cohérente pour traiter cette question; à cette fin, des consultations auront lieu dans le Chaco central, dans le département de Itapúa, dans la localité de Juan Caballero et dans la capitale. Se tiendront aussi des ateliers spécifiques avec des représentants d’organisations indigènes, d’employeurs, de syndicats et de la société civile; iii) des réunions avec la directrice du Département des normes internationales du travail du BIT et avec les spécialistes du Bureau responsables des questions du travail forcé et des peuples indigènes et tribaux. L’oratrice a souligné certains résultats de son gouvernement, par exemple l’approbation par le pouvoir exécutif du décret portant sur le plan national des droits de l’homme, avec la participation de la société civile et en collaboration avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Ont été organisés aussi divers cours de perfectionnement et de formation professionnelle afin que les intéressés, en particulier les jeunes en âge de travailler et les membres des communautés natives du Chaco et de la région orientale, puissent acquérir des capacités et des qualifications pour accéder à un travail décent. En outre a été réorganisée la commission chargée de faire appliquer les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de donner suite aux recommandations de la Commission interinstitutionnelle chargée d’appliquer les mesures nécessaires pour le respect des sentences internationales (CICSI); ainsi, la législation nationale sera adaptée de façon à trouver une solution effective pour que les terres ancestrales soient restituées aux communautés indigènes. Actuellement, la législation nationale ne prévoit pas de moyens de procédure permettant de restituer ces terres. Le gouvernement dispose de projets mais aussi d’instruments pour défendre les droits des travailleurs et prévenir le travail forcé, par exemple la loi no 4788 contre la traite des personnes et la convention (nº 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, qui a été ratifiée. L’oratrice a réaffirmé l’engagement du gouvernement dans la lutte contre le travail forcé, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et l’OIT, et a demandé que l’OIT institue un bureau permanent au Paraguay afin de combattre fermement le travail forcé et d’améliorer les conditions de travail.
Les membres employeurs ont pris note de la bonne volonté du gouvernement pour surmonter les difficultés actuelles, en particulier l’adoption récente de mesures visant à éviter la traite, la poursuite du programme tripartite de prévention du travail forcé, les ateliers de sensibilisation des fonctionnaires et des peuples indigènes et le renforcement des capacités des travailleurs des secteurs de la pêche et des services domestiques. Ils ont également pris note du renforcement de l’inspection du travail dans la région du Chaco, en particulier dans la localité de Teniente Irala Fernández, et de la disposition – qui sera bientôt adoptée – relative à la création du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, qui comportera une division spéciale pour les peuples autochtones. Ils ont également pris note de la demande des travailleurs du Paraguay qui souhaitent que davantage de mesures visant à éviter le travail forcé soient adoptées et que l’on accorde un appui aux communautés autochtones, en particulier dans le secteur sucrier, en matière de travail domestique et dans l’élevage. Le gouvernement devrait appliquer un plan régional d’action pour renforcer la structure institutionnelle et s’appuyer sur les interlocuteurs sociaux afin d’offrir des possibilités aux peuples indigènes en vue d’éviter le travail forcé et le travail des enfants. Le gouvernement récemment élu devra continuer à recevoir l’assistance technique du BIT afin d’harmoniser pleinement la législation et la pratique nationales avec la convention. Les membres employeurs ont espéré que, dans son prochain rapport, le gouvernement pourra faire part des avancées réalisées. De même, ils ont demandé au Bureau de faire figurer des informations sur le Paraguay dans son rapport général sur la coopération technique dans le monde.
Les membres travailleurs ont indiqué qu’il y avait pour eux deux problèmes majeurs: la question de la servitude pour dettes et, plus largement, les problèmes qui touchent aux droits des peuples indigènes de la région du Chaco; ainsi que la question du travail des détenus et de la conformité de la loi no 210 avec la convention. En ce qui concerne ces deux points, ils ont déploré les manquements récurrents au respect des dispositions de la convention no 29 et l’inertie du gouvernement qui perdure. Les membres travailleurs ont demandé que l’assistance technique soit renforcée et élargie, en incluant toutes les parties intéressées, y compris les peuples indigènes qui forment une alliance avec les organisations syndicales. Cette assistance technique pourrait être utilement axée autour des quatre points suivants: élaborer un plan d’action régional tripartite en vue de renforcer les actions déjà entreprises mais qui sont insuffisantes du point de vue de la prévention, de la répression et de la protection des victimes du travail forcé et de servitude pour dettes; accroître les moyens de l’inspection du travail, particulièrement en relation avec le travail dans les exploitations agricoles; permettre que les autorités compétentes disposent des ressources matérielles et humaines suffisantes pour recevoir les plaintes des travailleurs et les dénonciations relatives au travail forcé; garantir, en relation avec l’application de la convention nº 169, des consultations des peuples indigènes sur les mesures administratives et législatives qui les affectent, en particulier à propos des questions territoriales et de sécurité sociale. Les membres travailleurs ont fait part de leur accord avec les membres employeurs pour inviter le gouvernement à préparer un rapport sur l’application de la convention et à le communiquer le plus vite possible.
Conclusions
La commission a pris note de la déclaration de la représentante gouvernementale ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé qu’elle avait discuté ce cas en 2008 et, en particulier, la situation des travailleurs indigènes du Chaco paraguayen qui sont piégés dans des situations de servitude pour dettes. La commission a noté que les questions en suspens portent sur la nécessité de prendre des mesures pour renforcer l’action des différentes entités engagées dans la lutte contre la servitude pour dettes dans la région du Chaco.
La commission a pris note des informations complètes fournies par la représentante gouvernementale qui décrivent les nombreuses mesures prises pour combattre la servitude pour dettes dans la région du Chaco, notamment la formulation d’une stratégie nationale de prévention du travail forcé et le développement d’activités de sensibilisation et de formation. Concernant la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les travailleurs indigènes, la commission a pris note des informations fournies par la représentante gouvernementale au sujet des mesures prises pour lutter contre la pauvreté, y compris les cours de perfectionnement et de formation professionnels et le programme d’inscription au registre civil. Enfin, la commission a noté que le gouvernement s’emploierait à trouver une solution effective pour que les terres ancestrales soient restituées aux communautés indigènes.
La commission a également noté les sérieuses préoccupations exprimées par plusieurs orateurs au sujet de l’exploitation économique à laquelle continuent d’être soumis les travailleurs indigènes dans certains secteurs et, en particulier, dans l’agriculture. Par conséquent, la commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement prendra des mesures immédiates et efficaces dans le cadre d’une action coordonnée et systématique pour protéger les communautés indigènes du Chaco de l’imposition de travail forcé. La commission a souligné l’importance d’adopter un plan d’action régional tripartite qui définisse des priorités et des objectifs précis en ce qui concerne les mesures de prévention et de protection des victimes et qui identifie les entités responsables de la mise en œuvre de ces mesures.
Tout en estimant que les mesures adoptées pour lutter contre la pauvreté sont importantes, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement tiendra compte du fait que les programmes mis en œuvre doivent se fixer pour objectif de garantir l’indépendance économique des victimes de la servitude pour dettes et prévoir des mesures d’assistance et de réinsertion. La commission a prié le gouvernement de prendre des mesures pour améliorer la situation économique des catégories les plus vulnérables de la population, de manière à ce qu’elles puissent sortir du cercle vicieux de la dépendance.
En ce qui concerne la question des poursuites judiciaires engagées à l’encontre des personnes qui imposent du travail forcé, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face au manque d’information au sujet des affaires soumises à la justice. La commission a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour s’assurer que, dans la pratique, les victimes sont en mesure de recourir aux autorités judiciaires compétentes. A cet égard, la commission a rappelé qu’il est essentiel que la législation nationale contienne des dispositions suffisamment précises pour permettre aux autorités compétentes de poursuivre pénalement et punir les auteurs de ces pratiques. La commission a également exhorté le gouvernement à prendre des mesures pour renforcer la capacité des autorités publiques compétentes, en particulier l’inspection du travail, de manière à leur permettre de donner efficacement suite aux plaintes reçues, d’identifier les victimes et les réinstaurer dans leurs droits afin que ces dernières ne se retrouvent plus prises au piège de situations de travail forcé. A cet égard, la commission a souligné que, compte tenu des particularités géographiques de la région du Chaco, il est important de s’assurer que l’inspection du travail dispose des ressources adéquates pour atteindre les travailleurs dans les zones isolées.
En ce qui concerne la nécessité de mettre la loi pénitentiaire (loi no 210 de 1970) en conformité avec la convention, en garantissant que les prisonniers en attente de jugement et les personnes détenues sans avoir été jugées ne soient pas soumis à l’obligation de travailler en prison, la commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin de s’assurer que, dans le cadre de l’adoption du nouveau code de procédure pénale, la législation nationale sera mise en conformité avec la convention.
Notant que le gouvernement a réaffirmé son engagement à mettre un terme à la servitude pour dettes dans les communautés indigènes du Chaco paraguayen ainsi que dans d’autres régions du pays susceptibles d’être touchées, la commission a exprimé l’espoir que la commission d’experts serait en mesure de constater les progrès tangibles accomplis lors de sa prochaine session en 2013. Elle a également demandé au Bureau de fournir une assistance technique renforcée et étendue qui inclut toutes les parties concernées, y compris les peuples indigènes.