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Caso individual (CAS) - Discusión: 2017, Publicación: 106ª reunión CIT (2017)

Convenio sobre la seguridad social (norma mínima), 1952 (núm. 102) - Reino Unido de Gran Bretaña e Irlanda del Norte (Ratificación : 1954)

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 2017-Royaume-Uni-C102-Fr

Une représentante gouvernementale a communiqué des informations sur le régime de protection sociale au Royaume-Uni. Des élections générales viennent d’y avoir lieu, les informations ne peuvent porter que sur la législation actuelle. Un complément d’information sera fourni dans le rapport sur l’application de la convention que le gouvernement remettra en prévision de la prochaine session de la commission d’experts, en 2017.

S’agissant des conclusions relatives aux articles 16, 22 et 62 de la convention sur la suffisance des prestations, le gouvernement est convaincu que son filet de sécurité en matière de prévoyance sociale est suffisant et qu’il concilie les critères d’un système de protection pérenne et abordable venant en aide aux éléments les plus vulnérables de la société. Le système de prestations basé sur les cotisations pour le chômage et la maladie n’est qu’un volet du système général de protection sociale qui comporte une combinaison de prestations calculées en fonction des revenus et de prestations d’assistance sociale, telles que des primes au logement et des crédits d’impôt. Les taux maximums de l’allocation de demandeur d’emploi (Jobseekers Allowance) et de l’allocation d’aide à l’emploi, deux régimes basés sur les cotisations, constituent un complément de revenu pour ceux qui n’ont pas de travail. Une aide complémentaire est offerte aux personnes à faible revenu et ayant peu de capital. En outre, le système de protection sociale est basé sur la situation des bénéficiaires des prestations et vise les plus nécessiteux. Pour évaluer le caractère adapté du système de protection sociale, il est important d’envisager le système d’aide dans sa totalité.

La commission d’experts a commenté le système de crédit d’impôt pour enfant (CTC, Child Tax Credits). Le CTC n’est pas à proprement parler une forme d’assistance sociale, il relève plutôt de la sécurité sociale. Il tombe dans le champ d’application de la convention et devrait de ce fait être repris par la commission d’experts dans les calculs correspondants lors du prochain examen de la conformité avec la convention. Il est utile de préciser que nombre des demandeurs de l’allocation de demandeur d’emploi et de l’allocation d’aide à l’emploi sont aussi demandeurs d’autres prestations, comme les primes au logement ou les primes d’autonomie personnelle. S’agissant de la demande de la commission d’experts d’effectuer une étude actuarielle, le gouvernement procède régulièrement à des évaluations des prestations qu’il verse, y compris des diverses prestations liées au revenu et des prestations d’assistance sociale proposées aux personnes à faible revenu et ayant peu de capital. Ces études ont montré que les prestations contributives pour personnes en âge de travailler et les prestations liées au revenu et prestations d’assistance sociale pour personnes en âge de travailler représentaient près de 3 pour cent du PIB du Royaume-Uni en 2016. Des explications détaillées sur le système de protection sociale britannique seront fournies en réponse aux commentaires formulés par la commission d’experts.

Les membres travailleurs ont rappelé que la sécurité sociale est l’une des principales institutions qui ait vu le jour durant le XXe siècle et représente, pour les travailleurs, l’une de leurs plus grandes réalisations et un acquis extrêmement précieux en ce qu’elle concrétise l’esprit de la Déclaration de Philadelphie et représente un outil de lutte contre la pauvreté qui constitue un danger pour la prospérité de tous, où qu’elle existe. La sécurité sociale constitue un acte de civilisation affirmant qu’une société réellement moderne ne peut accepter que des femmes et des hommes puissent être livrés sans protection au risque et au besoin. Le cas du Royaume-Uni indique à quel point ces notions et principes doivent être rappelés et soulignés, y compris dans les pays les plus industrialisés, où la sécurité sociale a représenté, et représente toujours, un acquis majeur pour mettre les travailleurs à l’abri des aléas de la vie, notamment en leur assurant un revenu lorsqu’ils sont privés d’emploi. A vrai dire, l’importance des régimes de sécurité sociale n’est pas contestée. Ce qui fait plus souvent débat, ce sont les modalités et les moyens utilisés pour réaliser les objectifs assignés et dans quelle mesure ceux-ci sont atteints.

A cet égard, la convention no 102 est un instrument particulièrement original qui a établi une définition internationalement acceptée du principe même de la sécurité sociale moyennant la fixation d’objectifs à atteindre et non pas uniquement des moyens à mettre en œuvre. Il s’agit donc d’une obligation minimale de résultat attendu des Etats, et la convention permet de mesurer les progrès effectués sur la base des résultats concrets obtenus. Une autre caractéristique importante de cette convention est qu’elle est dotée d’une grande souplesse et offre un large éventail d’options et de clauses de souplesse, permettant une mise en œuvre progressive en fonction du développement économique. En outre, chaque pays a la possibilité de combiner prestations contributives et non contributives, régimes publics et professionnels, de sorte à assurer la protection minimale garantie. Elle a servi de modèle à l’élaboration du Code européen de sécurité sociale, instrument du Conseil de l’Europe, intégrant les normes minimales consacrées par la convention comme base initiale et dont l’application est contrôlée par la commission d’experts, ce qui témoigne de l’indépendance, l’impartialité et l’objectivité de celle-ci.

Le système de sécurité sociale du Royaume-Uni s’articule autour de trois éléments: des prestations basées sur les cotisations, des prestations basées sur le revenu et, enfin, différents crédits d’impôts et prestations d’assistance sociale en fonction des ressources offrant une protection supplémentaire contre la pauvreté. Ce dernier aspect de la protection sociale a subi récemment une réforme qui a abouti à ce que l’ensemble des crédits d’impôts et prestations d’assistance sociale en fonction des ressources ont été fusionnés en un régime dénommé «crédit universel», considéré comme une prestation de l’assistance sociale plutôt qu’une prestation de sécurité sociale qui ne relèverait donc pas du champ d’application de la convention. S’il est vrai qu’un Etat Membre est libre de déclarer à l’égard de quelles prestations fournies par le système national de sécurité sociale il accepte les obligations découlant de chaque partie de la convention ratifiée, cette souplesse n’autorise pas le gouvernement à soutenir que les prestations d’assistance sociale ne relèvent pas du champ d’application de la convention, car l’article 67 de la convention a précisément été intégré pour évaluer si le taux de telles prestations est suffisant pour répondre aux exigences de cet instrument. La commission d’experts a constaté que, en ne tenant pas compte des prestations servies par le crédit universel, le Royaume-Uni viole la convention en ce qui concerne les indemnités de maladie, les prestations de chômage et les prestations des survivants. Le deuxième point de l’observation porte sur le fait que les prestations basées sur les cotisations n’atteignent pas le seuil du risque de pauvreté fixé par EUROSTAT. Le gouvernement semble s’en accommoder puisque, dans la réponse qu’il adresse à ce propos, il estime qu’il maintient un filet de sécurité «approprié». Or une politique qui vise à maintenir le niveau de vie élémentaire des personnes qui reçoivent des prestations et qui ne travaillent pas en dessous du seuil de pauvreté absolu a pour effet d’utiliser la sécurité sociale comme un moyen de coercition économique à l’emploi. Cette politique appartient à une ère révolue qui est incompatible avec une vision moderne de la sécurité sociale dont un des objectifs est précisément de prévenir ou de réduire la pauvreté.

Certes, les remarques mentionnées ont été émises dans le cadre du Code européen de sécurité sociale, mais elles gardent toute leur pertinence dans le cadre de cette discussion. Il convient d’inviter le gouvernement à procéder aux calculs nécessaires pour établir le coût en termes de pourcentage du PIB qu’engendrerait un relèvement de ces prestations, de sorte que le Royaume-Uni puisse satisfaire à ses obligations. Il convient d’observer également que le régime du crédit universel risque de s’avérer insuffisant pour assurer aux personnes concernées un revenu décent car, selon les dernières estimations, la réforme entraînera une diminution de revenus pour un plus grand nombre de foyers (3,2 millions) et bénéficiera à moins de foyers que prévu (2,2 millions). Il s’agit d’un signal d’alarme à prendre au sérieux. Les nouvelles formes de travail et la multiplication des situations précaires doivent conduire à un renforcement de la protection sociale et non pas à un affaiblissement de ses dispositifs. Le gouvernement est dès lors invité à prendre les mesures nécessaires, de sorte à éviter que ce pays, qui a été le deuxième à avoir ratifié la convention no 102, ne devienne aujourd’hui un piètre exemple en ce qui concerne son application.

Les membres employeurs ont accueilli favorablement l’annonce du gouvernement qu’il fournira un rapport plus complet sur l’application de la convention à temps pour la prochaine session de la commission d’experts et qu’il y inclura des informations sur la révision en cours du système de sécurité sociale. L’inclusion de cette convention technique dans les cas individuels examinés par la Commission de la Conférence est appréciable. La convention a été adoptée lors de la Conférence internationale du Travail de 1952, et le gouvernement l’a ratifiée en 1954. Le Royaume-Uni a accepté les parties II à V, VII et X de la convention. Depuis 1995, la commission d’experts a examiné l’application de la convention par le Royaume-Uni à sept reprises, y compris dans ses plus récentes observations en 2016. C’était la première fois que l’application de la convention par le Royaume-Uni était examinée par la Commission de la Conférence.

La convention est longue et complexe, ce que révèlent également les commentaires adoptés par la commission d’experts. Il convient d’insister sur le rôle de la commission d’experts qui est de faire des observations sur l’application des conventions ratifiées, dans le cas présent exclusivement sur la convention no 102. Le fait que la commission d’experts fasse référence à d’autres instruments contraignants ou non contraignants (tels que le Code européen de sécurité sociale et la Charte sociale européenne), de même qu’à l’évaluation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, crée une certaine confusion quant aux normes par rapport auxquelles le gouvernement est évalué. Même s’il existe un accord entre l’OIT et le Conseil de l’Europe, l’application du Code européen de sécurité sociale est soumise à un mécanisme d’établissement de rapports propre au Conseil. Le mandat de la commission d’experts par rapport aux travaux de fond de la Commission de la Conférence constitue la base sur laquelle les conventions doivent être examinées. L’évaluation des obligations résultant des conventions doit être faite de façon claire et transparente. Toutefois, la manière dont les observations actuelles ont été rédigées par la commission d’experts suscite la confusion, en partie parce qu’elle fait indistinctement référence au code et à la convention, sans fournir aucune explication à propos du «code» ou des raisons de s’y référer. Afin de veiller à la transparence et à l’accessibilité du système de contrôle de l’OIT, il est souhaitable que la commission d’experts tienne compte de ces éléments.

Quant aux obligations découlant de la convention, il convient de noter que la commission d’experts a identifié deux points principaux qui requièrent une réponse de la part du gouvernement. Le premier point consiste à déterminer si les prestations non contributives et si les prestations d’assistance sociale relèvent ou pas du champ d’application de la convention. Le deuxième point consiste à déterminer si le niveau des prestations est inférieur au minimum requis par la convention. En fonction de la réponse apportée au premier point, une analyse du second s’impose. Il serait utile de savoir quels salaires minimums s’appliquent de façon à pouvoir considérer de façon plus exhaustive les obligations découlant de la convention. En outre, au moment de déterminer les niveaux des prestations sociales, le gouvernement a cherché à trouver un équilibre entre, d’une part, les véritables prestations et, d’autre part, les incitations à travailler. Il semble que la commission d’experts se montre critique vis-à-vis de ce motif qu’elle estime dépassé et déraisonnable. S’efforcer de préserver un équilibre entre de véritables prestations et des incitations au sein d’un système durable semble en réalité constituer un objectif valable et raisonnable de la part du gouvernement. La convention est un instrument souple et, du point de vue de l’orateur, permet ce genre de considérations. Pour conclure, les informations et les données que le gouvernement doit fournir avant la prochaine session de la commission d’experts sont attendues avec impatience afin de pouvoir mieux saisir la conformité avec la convention.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a déclaré que les prestations actuelles de sécurité sociale au Royaume-Uni ne satisfont pas aux prescriptions minimales de la convention. Reconnaissant que l’examen par la Commission de la Conférence des informations sur la sécurité sociale au Royaume-Uni n’a pas lieu au meilleur moment étant donné la proximité des élections nationales, l’oratrice a souligné que les questions techniques soulevées dans ce cas portent sur des déficiences dans les dispositions existantes de sécurité sociale au Royaume-Uni.

Quatre sujets préoccupants sont à prendre en considération. Tout d’abord, les prestations actuelles de sécurité sociale ne garantissent pas un filet de sécurité approprié aux personnes les plus vulnérables de la société et n’atteignent même pas le taux le plus bas du seuil de risque de pauvreté fixé par EUROSTAT, qui est de 40 pour cent du revenu médian ajusté, au Royaume-Uni et dans l’ensemble de l’Union européenne. Les conclusions de la commission d’experts sont d’ailleurs corroborées par les dernières statistiques nationales, qui confirment que 70 pour cent des adultes en âge de travailler, dans des familles qui travaillent, se trouvent en situation de pauvreté. En outre, la valeur des prestations de non-emploi n’a pas suivi l’évolution des revenus et est passée d’environ 20 pour cent des revenus moyens dans les années 70 à moins de 15 pour cent aujourd’hui. Deuxièmement, les conclusions de la commission d’experts sont focalisées sur les prestations de non-emploi, mais le Royaume-Uni enregistre actuellement des niveaux sans précédent de pauvreté au travail, et plus de 7 millions de personnes, dont 2,6 millions d’enfants, sont en situation de pauvreté alors qu’ils vivent dans une famille qui travaille. Troisièmement, rien n’est fait pour essayer d’améliorer la protection sociale. Au contraire, de récentes propositions du gouvernement visent à abaisser le niveau de protection ces prochaines années, et beaucoup de taux de prestations versées aux personnes en âge de travailler devraient être gelés jusqu’en 2020, et l’aide aux familles ayant des enfants devrait diminuer. Dans ce contexte, il y a lieu de s’intéresser à l’introduction du crédit universel au Royaume-Uni qui sera nettement moins généreux que les crédits d’impôt actuels et qui comporte une baisse du niveau proposé d’abattements liés à l’emploi. Quatrièmement, le système de sécurité sociale n’a pas suivi l’évolution des mutations du marché du travail au Royaume-Uni, en particulier l’expansion de formes de travail précaire, par exemple les contrats zéro heure, le travail intérimaire et l’émergence du travail par le biais des plates-formes numériques (appelée la «gig economy»). Les personnes occupant un emploi précaire ont considérablement plus de chances de bénéficier de prestations liées à l’emploi, compte tenu de leur faible taux de rémunération, mais elles connaissent de graves difficultés pour accéder aux prestations à cause du caractère fluctuant de leur temps de travail.

L’oratrice a également attiré l’attention sur la préoccupation que suscite le fait que le système fiscal actuel du Royaume-Uni risque d’inciter les employeurs à recourir davantage à des formes de travail précaire pour réduire leurs coûts et pour ne pas être tenus de payer des cotisations liées à l’emploi, sous la forme de cotisations d’assurance à l’échelle nationale. Il se peut aussi que les employeurs réduisent le montant des impôts dont ils sont redevables en occupant des personnes en tant que travailleurs indépendants, ou même en les plaçant de manière inappropriée dans la catégorie des travailleurs indépendants. Elle s’est exprimée aussi sur la question de l’interprétation des conventions de l’OIT soulevée par les membres employeurs, en se référant au mandat de la commission d’experts sur lequel les partenaires sociaux s’étaient entendus en février 2015 et en mars 2017. Ce consensus confirme que la commission d’experts peut effectuer une analyse impartiale et technique de la manière dont les conventions sont appliquées en droit et dans la pratique par les Etats Membres, tout en ayant à l’esprit les différents systèmes et les différentes réalités à l’échelle nationale.

En conclusion, l’oratrice a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter la convention, y compris en accroissant les niveaux des prestations. Le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux nationaux, devrait procéder à un examen des modalités de sécurité sociale existantes pour faire reculer la pauvreté, déterminer si les règles en vigueur incitent à recourir au travail précaire et s’assurer que tous les travailleurs bénéficient d’une protection sociale effective. Les conclusions de cet examen devraient être communiquées à la commission d’experts.

Le membre employeur du Royaume-Uni a demandé à la commission de tenir compte de la situation que traverse actuellement le pays suite aux élections qui ont eu lieu la veille du jour où elle a discuté le cas. En effet, après la dissolution du Parlement et jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement, les fonctionnaires ne peuvent prendre de mesures ou faire la moindre annonce qui révélerait leur appartenance à un parti politique (c’est ce que l’on appelle les règles «Purdah»), ce qui restreint par la force des choses la marge de manœuvre du gouvernement en ce qui concerne le cas soumis à la commission. Celle-ci devrait à l’avenir tenir compte du calendrier électoral en cours des pays lorsqu’elle sélectionne les cas qu’elle devra contrôler, compte tenu du risque évident de préjudice pour le pays concerné, en particulier dans le cas des pays dont le règlement est similaire aux règles «Purdah». Les membres employeurs du Royaume-Uni précisent qu’ils n’ont pas sollicité le contrôle du cas en question.

En outre, la commission d’experts ayant décidé d’examiner le Code européen de sécurité sociale, il est urgent de clarifier la question de savoir si les partenaires sociaux peuvent faire des observations portant non seulement sur l’application de la convention, mais aussi sur le code. Des éclaircissements doivent également être portés concernant l’état d’avancement des notes techniques rédigées par le Bureau sur l’état de l’application des dispositions relatives à la sécurité sociale des traités internationaux sur les droits sociaux que le Royaume-Uni a ratifiés. L’observation de la commission d’experts contient des références au Code européen de sécurité sociale et à la Charte sociale européenne, selon des dispositions prises entre l’OIT et le Conseil de l’Europe. Cependant, le mandat de la Commission de l’application des normes de la Conférence est limité au contrôle des seules conventions et recommandations de l’OIT, et le gouvernement a été inscrit sur la liste restreinte uniquement pour la présente convention. Il n’est donc pas du ressort de la Commission de l’application des normes de contrôler l’observation de la commission d’experts concernant le Code européen, ce rôle revenant au Conseil de l’Europe. Bien qu’il comprenne la logique d’une analyse cohérente du Code européen en même temps que de la convention, le fait que la commission d’experts procède à cette double observation rend difficile le contrôle de l’application de la convention.

Lors de l’entrée en vigueur de la convention, en 1955, le groupe des employeurs avait insisté sur le fait que l’option consistant à sélectionner des branches de sécurité sociale est incompatible avec le principe relatif à des obligations spécifiques et comparables tel qu’il est prévu dans la Constitution de l’OIT, et que différentes conventions devraient être prévues pour chaque branche de la sécurité sociale. Plus de soixante ans après, il apparaît qu’appliquer aux circonstances nationales de 2017 les obligations en termes de contrôle, établies en 1955, est clairement insatisfaisant. La question se pose donc de savoir si la convention est toujours d’actualité et si elle doit être soumise au mécanisme d’examen des normes.

La commission d’experts a observé que les indemnités de maladie, les indemnités de chômage et les prestations dont bénéficient actuellement les survivants sont en deçà du niveau autorisé prescrit par la convention. On peut donc comprendre que le gouvernement n’ait pas donné son accord sur ce point puisqu’il insiste sur le fait que les indemnités en matière d’assistance sociale ne sont pas des indemnités liées à la sécurité sociale, en conséquence de quoi elles ne devraient pas être reprises dans le calcul des niveaux globaux de protection. On se trouve donc de toute évidence devant un conflit d’interprétation, les experts semblant admettre que les prestations sociales ne sont pas comprises dans ce calcul, ce qui est inquiétant, car les experts n’ont pas à déterminer le sens des dispositions de la convention pour ensuite les appliquer. Tout en anticipant le fait que le gouvernement examinera les commentaires de la commission d’experts, qui offrent des orientations non contraignantes, ainsi que les conclusions de cette commission en ce qui à trait uniquement à la convention no 102, l’orateur insiste sur le fait que le gouvernement peut trouver un équilibre entre un régime de sécurité sociale défini à l’échelle nationale, qui respecte cependant ses obligations internationales.

Le membre travailleur de l’Australie a indiqué que la mutation la plus importante du monde du travail est le phénomène de précarisation de l’emploi de ces vingt dernières années. En 2011, selon les estimations, la moitié des emplois dans le monde étaient considérés comme précaires. L’essor considérable du travail précaire pose une série de défis pour les régimes de sécurité sociale. Par exemple, lorsque le régime est basé sur un modèle d’emploi permanent à temps plein, il peut exclure les travailleurs précaires lorsqu’ils sont au chômage, malades, handicapés ou à la retraite. Même lorsque les travailleurs précaires sont officiellement protégés, le manque de continuité de l’emploi peut entraîner une couverture insuffisante ou des prestations limitées durant la période de chômage et la retraite. Des lacunes de ce type dans la protection sociale ne font que renforcer la précarité, les travailleurs étant obligés d’accepter des emplois non réglementés pour subvenir à leurs besoins. Ce qui n’est pas conforme aux obligations que prévoit la convention.

Il est par conséquent indispensable que les gouvernements revoient les régimes de sécurité sociale pour faire en sorte que les filets de protection sociale assurent le soutien nécessaire aux travailleurs en situation précaire ou occupant un emploi précaire. Etant donné le niveau de précarité de l’emploi au Royaume-Uni, une analyse et une révision doivent être réalisées pour veiller à ce que ces travailleurs soient protégés par les filets de sécurité sociale. Le nombre de travailleurs au Royaume-Uni susceptibles de perdre leur emploi dans un délai très court ou du jour au lendemain a progressé de près de 2 millions au cours des dix dernières années. Plus d’un travailleur sur dix est soumis désormais à des conditions d’emploi précaire. La moitié du groupe le plus important de travailleurs précaires, les travailleurs indépendants, touchent de faibles rémunérations et ramènent à la maison moins des deux tiers du revenu médian. Deux millions de travailleurs indépendants touchent désormais moins de huit livres de l’heure. Les partenaires sociaux au Royaume-Uni doivent par conséquent procéder à une révision du système de sécurité sociale pour faire en sorte que les travailleurs précaires, en nombre croissant, soient suffisamment couverts par le système de sécurité sociale.

La membre travailleuse de la France a considéré fondamental de rappeler les dispositions du préambule de la Constitution de l’OIT et de la Déclaration de Philadelphie qui affirment qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale, et que la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous. La commission d’experts a considéré que le niveau des prestations de chômage est bien en dessous du taux minimum garanti par la convention. Une recherche indépendante menée par la Fondation Joseph Rowntree a démontré que les bénéficiaires de la prestation de chômage vivent avec un revenu bien inférieur au standard minimum permettant de vivre dans des conditions acceptables, de couvrir les besoins essentiels et de participer à la vie de la société. Les dernières statistiques officielles montrent que 70 pour cent des adultes en âge de travailler dans des familles au chômage vivent dans la pauvreté (évaluée à moins de 60 pour cent du revenu médian après déduction des coûts de logement). Les jeunes adultes ont des niveaux de prestations particulièrement bas. En 2016, une personne en âge de travailler et célibataire demandant l’allocation chômage recevait 39 pour cent du revenu nécessaire à un niveau de vie minimum. Cette allocation a baissé de 41 pour cent depuis 2010. Les couples avec enfants reçoivent quant à eux 61 pour cent du revenu standard minimum, soit 62 pour cent de moins qu’en 2010. Les prestations de chômage, dans leur niveau et modalités, ont été modifiées par des réformes d’austérité qui ont participé à la paupérisation de la population. La presse a fait état de plus de 2 000 banques alimentaires au Royaume-Uni, lesquelles ont apporté trois repas par jour à 1,1 million de personnes en situation de pauvreté extrême, dont 436 938 enfants. Ce nombre de gens dépendant des banques alimentaires a augmenté et prouve que le niveau de pauvreté a augmenté, en partie notamment à cause de ce système de calcul de la prestation de chômage qui réduit les allocations comme peau de chagrin. Cumulée aux règles drastiques encadrant l’octroi des prestations de chômage (par exemple, l’obligation de trente-cinq heures de recherche d’emploi par semaine au Job Center, ou bien l’interdiction d’arriver avec plus de dix minutes de retard au rendez-vous du Job Center sous peine de voir sa prestation supprimée), la situation des chômeurs est d’une immense précarité. Les politiques d’austérité, en complète contradiction avec les dispositions de la partie IV de la convention, contredisent également les textes fondateurs de l’OIT qui stipulent que «la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous» et que «la lutte contre le besoin doit être menée avec une inlassable énergie au sein de chaque nation et par un effort international continu et concerté dans lequel les représentants des travailleurs et des employeurs, coopérant sur un pied d’égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun».

Un observateur, représentant la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) ainsi que la Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations professionnelles, a souligné que, de nos jours, la protection offerte par la convention est plus que jamais nécessaire. Le nombre de travailleurs indépendants au Royaume-Uni a augmenté de 26 pour cent au cours des dix dernières années pour s’établir à 4,8 millions, desquels 1,7 million recevraient une rémunération inférieure au salaire minimum national. Un nombre toujours plus grand de travailleurs sont classés à tort comme entrepreneurs indépendants, étant donné que de nombreuses entreprises de «l’économie des plates-formes numériques (ou «économie des petits boulots» ou «gig economy» ne reconnaissent pas l’existence de relations d’emploi avec leurs travailleurs, les privant ainsi de leurs droits, notamment de leurs droits à la sécurité sociale. Des tribunaux nationaux ont reconnu cette situation dans certains cas, statuant que des travailleurs avaient été classés à tort comme travailleurs indépendants. L’administration fiscale britannique a également déclaré qu’elle prendra toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les entreprises qui attribuent délibérément un faux statut à leurs travailleurs versent les cotisations idoines à la sécurité sociale. L’orateur a demandé au gouvernement de préciser le droit, de façon à empêcher le classement erroné des travailleurs de l’économie des plates-formes numériques en renforçant les voies de recours et les mesures de coercition pour lutter contre cette pratique, et en établissant une solide présomption légale de la qualité de salarié. S’agissant de la protection sociale, au lieu de refaçonner le système de sécurité sociale pour s’adapter à la flexibilité toujours plus grande demandée par les employeurs, le gouvernement devrait réduire au minimum l’insécurité de l’emploi. Même si les chauffeurs rattachés à une plate-forme sont classés comme «travailleurs», ils sont souvent considérés comme travailleurs indépendants à des fins fiscales. En outre, s’agissant du crédit universel, on ne sait pas bien si un «travailleur» sera considéré comme un entrepreneur indépendant ou comme un salarié. Le gouvernement doit prendre des mesures urgentes pour faire en sorte que les travailleurs rattachés à une plate-forme numérique soient dûment couverts par le système de sécurité sociale. A cet égard, l’orateur a demandé au gouvernement de mener un examen tripartite du système de sécurité sociale et d’envisager des solutions innovantes, notamment le renforcement des avantages transférables gérés par le gouvernement ou négociés par le travailleur, afin de veiller à ce que les travailleurs de l’économie des plates-formes numériques bénéficient de la protection sociale qu’ils méritent.

La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom des syndicats des pays nordiques, a approuvé les remarques de la commission d’experts indiquant que le niveau de sécurité sociale au Royaume-Uni est bas et n’atteint pas les taux minima requis par la convention. Beaucoup de données montrent que les personnes bénéficiant d’indemnités de maladie ont un revenu inférieur à la norme de revenu minimum requise pour accéder à un niveau de vie décent. Le système de sécurité sociale prévoit différentes formes de prestations assujetties à divers critères d’éligibilité pour ceux qui ne peuvent pas travailler pour cause de maladie. Ces prestations présentent de graves problèmes: i) le niveau légal de l’indemnité de maladie est bas; ii) ceux qui ont un travail peu rémunéré et non sécurisé risquent de perdre l’indemnité de maladie; iii) le droit aux prestations est lié au revenu, et les travailleurs salariés doivent gagner 113 livres par semaine pour être éligibles; iv) ceux qui sont employés à un travail non sécurisé, y compris au titre des contrats de zéro heure et d’un travail intérimaire, sont souvent exclus parce que leur rémunération est insuffisante au regard des conditions d’éligibilité à cette prestation; et v) l’indemnité de maladie ne s’applique qu’à partir du quatrième jour de maladie.

Il faut déplorer que, en dépit des préoccupations suscitées par le fait que le niveau existant des prestations contribue à des niveaux élevés de pauvreté, le gouvernement ait procédé à de nouvelles coupes en 2017. Les travailleurs qui perçoivent une allocation d’aide à l’emploi et qui étaient supposés reprendre le travail dans un délai relativement court ont vu leurs prestations réduites d’environ 30 pour cent depuis avril 2017. Alors que la convention prévoit une élévation progressive du niveau de sécurité sociale, au Royaume-Uni l’évolution semble aller dans la direction opposée. En ce qui concerne les commentaires faits par les membres employeurs du Royaume-Uni à propos du statut de la convention, l’oratrice a rappelé que, bien que la convention ait été adoptée en 1952, le cas en question prouve que la convention et son application sont d’une grande nécessité pour vivre dans la dignité en cas de maladie. L’oratrice a instamment demandé au gouvernement de revoir la législation nationale en vue de la mettre en conformité avec les exigences de la convention.

La représentante gouvernementale a remercié la Commission de la Conférence pour son examen approfondi des questions soulevées par la commission d’experts ainsi que des informations fournies par le gouvernement. Ce dernier prend bonne note de tous les commentaires et toutes les questions posées et s’efforcera d’y répondre, comme il convient, dans le rapport à la commission d’experts.

Les membres employeurs ont pris note de la brièveté des déclarations du gouvernement compte tenu des circonstances nationales ayant entouré les récentes élections. Le gouvernement est encouragé à fournir à la commission d’experts les informations demandées, y compris les statistiques demandées, afin de lui permettre de mieux analyser la situation concernant l’application de la convention par le Royaume-Uni. Ils sont très intéressés de connaître le résultat de l’examen de l’application de la convention, une fois que ces informations auront été fournies.

Les membres travailleurs ont souhaité revenir sur certaines positions exprimées durant la discussion, selon lesquelles la convention serait devenue «obsolète», en indiquant que, si chaque pays qui ne respecte pas une convention invoquait cet argument, aucune convention ne serait respectée. En outre, ils ont considéré utile de rappeler que la recommandation no 202 sur les socles de protection sociale réaffirme l’importance de la convention no 102 et indique, dès son préambule, que ces normes conservent toute leur pertinence et continuent d’être des références importantes pour les systèmes de sécurité sociale tout en encourageant à davantage de ratification de cette convention à jour. Comme cela a encore été réaffirmé durant la dernière réunion du mécanisme d’examen des normes d’octobre 2016, il a été à nouveau recommandé d’encourager la ratification de cet instrument. Quant au mandat de la commission d’experts, celui-ci est décrit en détail dans son rapport, et les employeurs et travailleurs en ont reconnu l’étendue. Dans le cas du Royaume-Uni, la commission d’experts s’est contentée de rappeler l’existence de l’article 67 de la convention et le sens de cette disposition sur la base des documents préparatoires. Il ressort de cet examen que la signification à donner à cette disposition ne peut souffrir d’aucune discussion. Le seul point qui doit retenir l’attention est la violation de la convention par le Royaume-Uni et l’invitation qui doit être faite au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour respecter la convention. Cela passe par une révision du régime actuel de sécurité sociale en concertation avec les partenaires sociaux, avec comme objectif de réduire sensiblement les niveaux de pauvreté via une augmentation des prestations de sécurité sociale; et de s’assurer que le système actuel n’entraîne pas une augmentation des formes de travail précaires, mais plutôt garantit à tous les travailleurs une protection sociale effective et efficace. Il est primordial que le gouvernement accorde toute la priorité à ce dossier, car la question de la pauvreté et l’état de dénuement ne peuvent être laissés sans réponse. Il en va de la cohésion sociale et de l’équilibre de l’ensemble de la société.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a encouragé le gouvernement du Royaume-Uni à transmettre à la commission d’experts les informations supplémentaires demandées, y compris les statistiques pertinentes, afin de permettre aux experts de procéder à une nouvelle évaluation de l’application de la convention dans le pays.

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