National Legislation on Labour and Social Rights
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Informations écrites fournies par le gouvernement
En référence à votre lettre jointe à la liste préliminaire des cas individuels qui seront examinés à la 108e session de la Conférence internationale du Travail, dont le cas de l’application par l’Egypte de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
J’ai l’honneur de vous informer des mesures prises par le gouvernement pour donner suite aux commentaires formulés par la commission d’experts, en particulier après l’adoption de la nouvelle loi sur les syndicats et la tenue d’élections syndicales.
Premièrement: en ce qui concerne la réduction du nombre minimum requis de travailleurs pour constituer un syndicat et l’abolition des peines de prison imposées en cas d’infractions, nous avons soumis ces commentaires au Conseil supérieur du dialogue social, qui a approuvé la modification de la loi et en a informé le Conseil des ministres, le 22 mai 2019. Le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi sur les syndicats et l’a communiqué au Parlement. Les modifications sont notamment les suivantes:
a) Réduction de 150 à 50 du nombre requis de travailleurs pour constituer un comité syndical; de 15 à 10 du nombre requis de comités syndicaux pour constituer un syndicat général; de 10 à 7 du nombre requis de syndicats généraux pour constituer une fédération; de 20 000 à 15 000 du nombre requis de travailleurs pour constituer un syndicat général; et de 200 000 à 150 000 du nombre requis de travailleurs pour constituer une fédération. Il convient de noter que, la population active en Egypte étant de plus de 30 millions de personnes, l’application de ces dispositions ne représente aucune difficulté dans la pratique.
b) Abolition des peines de prison prévues par la loi. La loi a été modifiée par le gouvernement pour remplacer les peines de prison par des amendes.
Deuxièmement: la commission d’experts souligne l’importance de garantir l’égalité de chances à toutes les organisations syndicales dans la nouvelle loi et dans la pratique, compte tenu en particulier du fait que, pendant longtemps, l’ancienne loi a imposé dans le système un monopole syndical.
– Le gouvernement affirme que la loi garantit l’égalité de traitement à toutes les organisations syndicales, en les mettant sur le même pied par le biais de processus de réconciliation et en leur accordant un statut juridique égal en ce qui concerne l’ensemble des droits, obligations, immunités et privilèges nécessaires pour exercer leurs activités syndicales.
– Dans la pratique, le gouvernement garantit l’égalité de traitement à toutes les organisations syndicales. Les anciens syndicats sont les plus représentatifs des travailleurs, et les syndicats modernes ont été admis au Conseil suprême du dialogue social. Le ministère de la Main-d’œuvre les invite à participer à tous les événements et activités organisés par des travailleurs, à assister aux réunions axées sur l’élaboration de plans nationaux dans le domaine du travail et à participer aux commémorations liées au travail telles que la Fête du travail, les jours fériés et les événements nationaux. Le ministère leur fournit aussi si nécessaire le soutien technique voulu.
– Le gouvernement se soucie tout particulièrement des organisations syndicales qui ne sont pas affiliées à la Fédération des syndicats égyptiens (ETUF) afin de promouvoir la culture de la liberté syndicale et d’assurer tous les travailleurs du fait que le gouvernement traite toutes les organisations de travailleurs sur un pied d’égalité et développe la confiance entre lui et les organisations syndicales.
– Les organisations syndicales modernes font partie de la délégation égyptienne officielle à la 108e session de la Conférence internationale du Travail.
Troisièmement: en ce qui concerne les communications que la commission a reçues de certaines organisations de travailleurs qui font état entre autres de la privation de la pratique des activités syndicales et de pressions exercées pour adhérer à l’ETUF, le gouvernement réaffirme que ces allégations ne sont pas précises et ne se fondent sur aucune preuve. Le gouvernement a invité ces organisations à donner des informations plus détaillées au sujet des questions qui les préoccupent afin que le ministère puisse les examiner et y apporter une solution, ce qui a été le cas pour certaines de ces questions. Toutefois, beaucoup de ces organisations ne l’ont pas fait à ce jour, et le ministère continue à les inviter à fournir des informations.
– Le ministère de la Main-d’œuvre a invité le bureau de l’OIT au Caire à envoyer un représentant du Bureau pour qu’il assiste aux réunions du ministère avec les organisations de travailleurs et leur fournisse l’appui technique nécessaire.
– Enfin, veuillez noter que le ministère de la Main-d’œuvre a mis en place un comité indépendant pour examiner les plaintes déposées par des organisations syndicales ou par des travailleurs qui souhaitent créer des organisations syndicales. Le ministère fait bon accueil aux commentaires ou communications qu’il reçoit et est pleinement disposé à les examiner en présence de représentants du bureau de l’OIT au Caire. Le ministère se félicite également de la poursuite du dialogue et de la coopération technique entre lui et le Bureau dans le but d’obtenir les meilleurs résultats.
Discussion par la commission
Représentant gouvernemental – Le gouvernement égyptien a toujours accueilli favorablement les propositions visant à modifier nos méthodes de travail à la lumière du document D.1. Néanmoins, nous espérons que de plus vastes modifications seront encore apportées. Nous avons déjà soulevé ce point à plusieurs occasions, entre autres points, car nous souhaitons parvenir à une meilleure équité et à une plus grande transparence pour améliorer encore les travaux du BIT. Ces propositions concernent, entre autres, les critères appliqués pour élaborer la liste des cas individuels. Selon nous, ces critères sont encore très ambigus et inéquitables. Nous souscrivons aussi à la nouvelle proposition de souligner les cas de progrès, entre autres propositions actuellement examinées.
Permettez-moi de vous dire que l’Egypte est l’un des plus anciens Membres de l’Organisation. Nous avons rejoint l’OIT en 1936. L’Egypte a ratifié 64 conventions du travail, dont les conventions fondamentales, et nous nous sommes toujours efforcés de présenter les rapports périodiques en temps voulu.
Les autorités politiques égyptiennes ont toujours fait fond sur les normes internationales du travail dans tous les domaines, notamment ceux de la santé et du travail pour ne citer que ceux-ci, nous ne comprenons donc pas très bien pourquoi l’Egypte figure sur cette liste; nous saisissons néanmoins cette occasion pour présenter quelques exemples des progrès que l’Egypte a accomplis dans l’application de la convention no 87.
La présente commission a déjà examiné le cas de l’Egypte et nous avons tenu compte de ses recommandations. Nous nous sommes employés à réviser notre législation dans ce domaine jusqu’en 2011, période à laquelle notre région est entrée dans une phase d’instabilité qui nous a contraints d’interrompre nos travaux. Nous avons malgré tout entamé l’élaboration d’un nouveau Code du travail, et un projet de nouveau Code du travail a vu le jour en avril 2017. Depuis lors, le BIT nous fournit une assistance technique. En effet, nous lui avons présenté le projet de nouveau Code du travail qui a donné lieu à des commentaires de sa part. Le texte a ensuite été révisé en tenant compte de ces commentaires, parce que l’Egypte a toujours respecté les conventions internationales du travail et qu’elle s’est toujours efforcée de veiller à l’application de toutes les conventions qu’elle a ratifiées. La nouvelle loi a été promulguée en 2017. Après de longues discussions avec le BIT, nous avons rencontré un représentant de l’Organisation à plusieurs reprises. La loi a été promulguée en 2017 et c’est alors que des manifestations ont été organisées pour protester contre cette loi. Celle-ci autorise l’existence de toutes les organisations syndicales, qu’elles soient nouvelles ou anciennes et qu’elles soient ou non conformes à la précédente loi; et ce parce que le gouvernement égyptien tient réellement à mettre en place une loi sur les syndicats qui protège tous les travailleurs et toutes les organisations syndicales afin de leur assurer le plein exercice du droit d’organisation.
Deuxièmement, nous avons promulgué la loi sur les élections syndicales. Les syndicats attendaient cette loi depuis plus de douze ans. Pourtant, le gouvernement égyptien a fait l’objet d’attaques par des organisations qui n’avaient rien à voir avec l’activité syndicale. Nous avons essayé à plusieurs reprises de déterminer les causes de ces accusations et de ces attaques. Certaines entités soutiennent qu’elles ont constitué un syndicat avec plus de 7 000 affiliés et que, bien qu’elles aient présenté à plusieurs reprises les documents nécessaires, elles n’ont toujours pas pu établir un seul comité syndical. L’entité dont je veux parler a refusé de présenter les documents demandés, et la personne en question a simplement accusé le gouvernement et l’Etat égyptien de ne pas respecter les textes internationaux.
Permettez-moi de dire devant cette auguste assemblée que la nouvelle loi en place réglemente plus favorablement les syndicats. Cette loi permet l’établissement de syndicats indépendants et de comités syndicaux. Elle bénéficie à plusieurs syndicats et organisations apparentées. Plus de 75 syndicats sont désormais légaux, alors qu’ils ne l’étaient pas en vertu de la précédente loi. Ces organisations coopèrent maintenant avec le gouvernement, en présentant tous les documents nécessaires et en attestant du nombre réel de membres syndicaux affiliés. Le gouvernement reçoit encore des documents de différentes entités, et quiconque souhaite former un syndicat de n’importe quel type peut présenter ces documents. D’ailleurs, le mois dernier, un nouveau syndicat a été créé. Il s’agit d’un syndicat général qui a présenté les documents nécessaires à la mise en place de ses comités syndicaux. Le mois dernier, ce syndicat a été créé car il a suivi l’intégralité de la procédure. Il est donc manifeste que le gouvernement égyptien vient en aide aux organisations syndicales et il est aujourd’hui fermement résolu à permettre la formation de syndicats réels et indépendants. Depuis plusieurs années maintenant, nous agissons dans un esprit de transparence et de crédibilité. En ce qui concerne les accusations portées contre le gouvernement, je laisserai à ceux qui les ont portées le soin de présenter les éléments qui ont motivé ces accusations. Selon les dires, la loi contient certains paragraphes susceptibles de restreindre les activités syndicales. Les dispositions en question ont été soumises au Conseil suprême et un groupe tripartite a été récemment formé pour examiner les différents amendements proposés. Le groupe tripartite a déjà présenté ses recommandations au Comité suprême pour le dialogue social récemment créé, et ses recommandations ont été approuvées en mai 2019. Le Parlement a approuvé ces amendements le 9 juin 2019.
Passons maintenant à la question de l’égalité des chances entre toutes les organisations syndicales. Le nouveau Code du travail a été élaboré en tenant compte des observations formulées par la commission à l’occasion de la mission de contacts directs en Egypte. Tous les syndicats qui étaient conformes à la loi sont désormais traités de la même façon que les syndicats qui ne l’étaient pas. Tous les syndicats, quelle que soit la loi en vertu de laquelle ils ont été créés, sont traités de la même manière, et je peux confirmer que le gouvernement traite toutes les organisations syndicales égyptiennes sur un pied d’égalité.
Nous avons aussi des éléments qui prouvent que toutes les organisations syndicales ont participé de manière juste et équitable aux élections qui se sont tenues, et ce sans tenir compte de l’appartenance ou non des candidats à la Fédération des syndicats égyptiens (ETUF) ou à d’autres syndicats. Tous les syndicats sont toujours invités aux manifestations syndicales, quelle que soit la fédération à laquelle ils appartiennent. Il existe aujourd’hui un certain nombre de syndicats indépendants en Egypte qui ne font pas partie de l’ETUF. Cela étant dit, l’ETUF est encore aujourd’hui l’organisation de travailleurs la plus représentative, ce qui est conforme à la convention; et, bien qu’elle soit l’organisation majoritaire, nous invitons d’autres organisations, quelles que soient leur taille et leur affiliation, à toutes les manifestations syndicales.
Nous avons à cœur de prendre toute mesure qui nous permettra d’appliquer pleinement cette convention et tous les instruments internationaux. Nous sommes prêts à coopérer avec le BIT pour respecter les conclusions de la présente commission et apporter les changements qui garantiront le plein respect des conventions internationales. Nous ne cessons d’insister sur l’importance du dialogue social. Nous respectons ce principe et nous demandons à cette commission d’examiner le mécanisme de traitement des plaintes en vigueur, sans tenir compte de la partie qui présente la plainte. Cette plainte doit s’accompagner de preuves, car nous ne pouvons pas examiner de questions sur de simples allégations ou réclamations non justifiées.
Je souhaiterais aussi que l’on tienne compte des Etats qui déploient d’importants efforts. Peut-être devrions-nous parfois remercier ces pays. Je pense que chacun sait ce que le gouvernement égyptien a réalisé ces trois dernières années. Et vous n’ignorez pas non plus les mesures prises par l’Egypte, s’agissant de la loi sur le travail, au cours de la récente période.
Nous ne ménageons aucun effort pour garantir la pleine conformité de notre législation avec les instruments nationaux et internationaux. Le gouvernement égyptien est déterminé à respecter tous les instruments internationaux.
Membres travailleurs – Le cas de l’Egypte revient de nouveau devant notre commission. Vous vous souviendrez que nous l’avons examiné lors de notre avant-dernière session et nous avons adopté à ce moment-là des conclusions très claires. Le fait que ce cas revienne à nouveau signifie qu’entre-temps la situation ne s’est malheureusement guère améliorée.
Certes, comme cela vient d’être mentionné par le gouvernement dans son discours, une nouvelle loi encadrant l’activité syndicale a été adoptée. Des modifications ont encore été proposées la semaine passée, soit après que l’Egypte a été placée sur la liste préliminaire. Pour ceux qui en douteraient encore, cela constitue une preuve évidente de l’efficacité des mécanismes de supervision de l’OIT. Manifestement, la perspective que le cas soit examiné par notre commission suscite l’enthousiasme et redouble les ardeurs. Malgré l’adoption de cette nouvelle loi, la législation égyptienne demeure incompatible avec la convention no 87. Cette non-conformité se vérifie sur plusieurs aspects, que nous allons détailler maintenant.
D’abord, sur le plan général, la nouvelle loi portant le numéro 213 se caractérise par une forte volonté d’organiser en détail tous les aspects de l’organisation syndicale. Une législation aussi détaillée n’est pas conforme à l’article 3 de la convention qui prévoit que «les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action». Cet article précise également que les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.
Sans être exhaustif, je me permets de citer à ce stade plusieurs dispositions qui illustrent cette incompatibilité. Commençons par l’article 5 de la loi qui prévoit qu’une organisation syndicale ne peut être fondée sur une base religieuse, idéologique, politique, partisane ou ethnique. Cette exigence va à l’encontre de l’article 2 de la convention qui garantit aux travailleurs le droit de constituer les organisations de leur choix. La liberté de choix implique de pouvoir fonder une organisation sur la base de l’un de ces critères et le droit des travailleurs de donner à leurs organisations l’orientation qu’ils souhaitent. Si toutes les organisations devaient suivre une seule et unique ligne sans aucune distinction, ce serait le règne de la pensée unique et l’absence de tout pluralisme syndical. Le fait qu’une organisation se donne une orientation bien précise ne signifie nullement qu’elle peut discriminer ses membres sur cette base. Elle affirme uniquement son identité et se distingue ainsi des autres organisations.
L’article 7 de la loi donne au ministre le droit de saisir le tribunal compétent en vue de dissoudre le conseil d’administration d’une organisation en cas de faute grave dans la gestion administrative ou financière. Ce faisant, la loi donne aux autorités le droit de contrôler la gestion des organisations, ce qui va à l’encontre de l’article 3 de la convention qui leur garantit le droit de gérer librement leurs activités. Si des erreurs ou des fautes graves devaient être commises, c’est aux seuls affiliés qu’il appartient de saisir la justice pour engager la responsabilité des administrateurs, pour peu bien évidemment qu’ils aient commis quelque chose de répréhensible.
Dans le même ordre d’idées, l’article 58 qui soumet la comptabilité des organisations à un contrôle de l’organe central de la comptabilité aussi représente une ingérence dans leur gestion. En effet, l’organe est une institution publique qui à la base est principalement chargée de contrôler les comptes publics, c’est-à-dire des organismes qui gèrent les deniers publics. On ne voit pas en quoi cet organe est habilité à contrôler la comptabilité des organisations syndicales qui ne gèrent pas de l’argent public. Rappelons à cet égard que la commission d’experts a eu l’occasion de préciser que le fait d’imposer un contrôle financier de la comptabilité par les autorités publiques n’est pas conforme à la convention.
L’article 41 de la loi prévoit une série de conditions d’éligibilité pour les dirigeants syndicaux. A nouveau, nous sommes contraints de constater que cette disposition ne respecte pas l’article 2 de la convention. Le fait, par exemple, d’exiger que le candidat au conseil d’administration doive disposer d’un diplôme, ne soit pas en congé sans solde ou ne soit pas un travailleur intérimaire constitue une ingérence dans la liberté d’élection des travailleurs.
J’attire particulièrement l’attention sur la condition relative à la réalisation du service militaire. En effet, étant donné que celui-ci ne s’applique qu’aux nationaux, cette condition implique de facto que les migrants ne peuvent pas prétendre aux fonctions de dirigeants syndicaux, ce qui à ce titre est également incompatible avec la convention, comme la commission d’experts a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises.
Nous observons par ailleurs que l’article 30 contient des dispositions très détaillées sur les compétences du conseil d’administration. L’article 35 décrit également de manière minutieuse la procédure d’élection des assemblées générales. Ces deux éléments sont des illustrations importantes de l’ingérence systématique des autorités qui fixent par voie législative l’essentiel du fonctionnement des organisations syndicales.
Certes, l’article 65 de la loi leur donne une autonomie quant au droit de rédiger leurs statuts et d’élire leurs représentants. Mais que reste-t-il de cette autonomie lorsque tous ces aspects sont réglés par la loi? Il en résulte que cette pseudo-garantie est en réalité tout à fait illusoire.
La commission d’experts relève dans son rapport que la législation prévoit toujours une limitation du droit de s’affilier à plusieurs syndicats. Contrairement à ce que prétend le gouvernement, cette disposition existe toujours dans la législation, puisqu’elle est reprise à l’article 21 de la nouvelle loi.
La commission d’experts dans son rapport a pointé le problème persistant que constitue le seuil de représentativité dans la législation égyptienne. La loi que j’ai commentée ici ne prévoit pas de modification à ce propos. Nous regrettons que ce point n’ait pas été solutionné lors de l’adoption de la loi no 213 alors que le gouvernement sait pertinemment que les exigences qu’il formule ne sont pas compatibles avec la convention. Nous apprenons néanmoins que des modifications sont actuellement en discussion sur ce point au sein du Parlement. Nous examinerons dans quelle mesure ces adaptations verront le jour ainsi que leur degré de conformité avec la convention.
La commission d’experts a par ailleurs relevé que la législation nationale prévoit toujours des peines d’emprisonnement et d’amendes pour une série d’infractions à la loi. Les modifications qui sont actuellement en discussion au Parlement semblent vouloir supprimer les peines d’emprisonnement, mais en aggravant néanmoins les peines d’amendes. Toutefois, il convient de rappeler que cela constitue également une peine pénale. Le fait de vouloir les aggraver illustre que l’intention est de retirer d’une main ce qu’on donne de l’autre. L’examen détaillé des dispositions dont le non-respect entraîne ces sanctions montre la volonté des autorités de mettre en place un arsenal visant à limiter la liberté syndicale.
A titre d’exemple, le non-respect de l’article 5 que j’ai déjà évoqué et qui concerne la constitution d’un syndicat sur une base politique, religieuse ou partisane est sanctionné pénalement. Il en va de même du non-respect de la procédure d’exclusion d’un membre du conseil d’administration qui donne lieu à une sanction pénale. Cette matière relève pourtant purement et simplement de l’autonomie syndicale.
Citons enfin l’article de la loi relatif aux moyens financiers des organisations. Cette disposition énumère une série de sources de financement et criminalise tout ce qui n’en relève pas. Or le principe est que tout est licite, sauf ce qui est interdit. La loi inverse ce principe en énumérant ce qui est permis, et tout ce qui n’est pas mentionné est par définition interdit et même criminalisé.
Notre commission n’est pas seulement chargée de vérifier la conformité des législations aux conventions, mais aussi d’examiner la conformité dans la pratique. A cet égard, nous devons constater que, comme le note la commission d’experts, de nombreux problèmes continuent à se poser. C’est ainsi que, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle loi, des élections syndicales ont eu lieu. Celles-ci furent malheureusement émaillées de nombreuses irrégularités.
En effet, malgré toutes ces imperfections, la nouvelle loi n’est pas correctement appliquée. Plusieurs organisations syndicales ne sont toujours pas enregistrées, soi-disant parce que leur dossier serait incomplet. En réalité, les autorités continuent dans les faits de faire preuve d’arbitraire dans l’enregistrement des organisations syndicales. Elles refusent de rencontrer les 29 organisations qui ont déposé plainte. D’autres collègues du groupe des travailleurs auront l’occasion d’y revenir en détails.
Avant de clore mon propos, force est de constater qu’en Egypte, que ce soit sur le plan légal et, comme nous le verrons également, sur le plan pratique, la situation reste encore éloignée des normes de l’OIT.
La nouvelle loi que nous avons commentée ici s’intitule «loi sur les organisations syndicales et sur la protection du droit syndical». En réalité, une appellation plus précise voudrait qu’on ajoute à cet intitulé «loi organisant la tutelle sur les organisations syndicales et entravant le droit syndical».
Or le but de l’Etat ne peut pas être de confisquer la liberté syndicale ou de la soumettre à une tutelle. Sa mission est au contraire de préserver et de développer les libertés fondamentales.
A cet égard, je souhaiterais partager avec vous une réflexion du philosophe Spinoza qui écrivait que «la fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle d’animaux ou d’automates. Au contraire, le but de l’Etat est de faire en sorte que les citoyens développent leur corps et leur esprit, fassent librement usage de leur raison pour qu’ils ne rivalisent pas entre eux de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’Etat est donc en réalité la liberté.»
Membres employeurs – Je remercie le représentant gouvernemental pour sa présentation, et je suis particulièrement satisfaite d’entendre le gouvernement dire devant cette commission qu’il cherche à respecter pleinement les normes internationales du travail. Il est satisfaisant d’entendre le gouvernement dire qu’il est prêt à accepter les conclusions de la commission afin de garantir le plein respect des normes internationales du travail, et il est particulièrement satisfaisant de l’entendre réaffirmer son engagement à l’égard du dialogue social. C’est une façon très positive d’entamer cette conversation, et nous accueillons favorablement ces commentaires introductifs. Le cas de l’Egypte a été examiné pour la dernière fois par notre commission en 2017 et celle-ci avait alors appelé le gouvernement à accepter une mission de contacts directs. Cette mission avait pour objectif d’évaluer les progrès accomplis à la lumière des conclusions de la commission, lesquelles demandaient que le projet de loi sur les syndicats soit élaboré en conformité avec la convention no 87 et que tous les syndicats en Egypte puissent exercer leurs activités et élire leurs bureaux comme le prévoit la convention et fonctionner conformément à l’esprit de celle-ci, tant en droit que dans la pratique.
Le groupe des employeurs note avec satisfaction que la mission de contacts directs a eu lieu en novembre 2017 et qu’un certain nombre de recommandations ont été formulées à cette occasion. Nous notons également que le BIT a lancé en Egypte en juin 2017 un programme pilote intitulé «Better Work» qui a pour vocation de mettre en place par la suite la version complète de ce programme, pour autant que les conditions soient réunies, et cela n’était pas encore le cas en mars 2019 d’après ce que nous comprenons.
Le groupe des employeurs prend note des efforts positifs déployés par le gouvernement, en particulier ceux visant à promouvoir un environnement durablement propice aux entreprises, et il est encourageant de constater de tels efforts et progrès. Le groupe des employeurs invite le gouvernement à poursuivre le dialogue social à cet égard ainsi que ses efforts pour instaurer un environnement durablement propice aux entreprises, avec la coopération des partenaires sociaux.
Le groupe des employeurs doit néanmoins relever que, selon les observations de la commission d’experts, certains problèmes persistent en Egypte. Nous croyons comprendre qu’il est question en particulier du respect des obligations du gouvernement découlant de la convention, d’une part, et, d’autre part, du cadre législatif national qui réglemente les organisations syndicales en Egypte. Le groupe des employeurs croit aussi comprendre que la nouvelle loi sur les syndicats, adoptée en décembre 2017, suscite des préoccupations quant à sa compatibilité avec les obligations du gouvernement découlant de la convention.
La commission d’experts a fait part de ses préoccupations face aux obstacles que pose la nouvelle loi sur les syndicats à l’enregistrement de syndicats indépendants ou autonomes qui n’appartiennent pas à l’ETUF. Ces préoccupations ont été suscitées, entre autres, par des allégations indiquant l’impossibilité, pour certains syndicats, de s’enregistrer et d’élire leurs comités, des demandes injustifiées de documentation pour l’enregistrement, et des reports dans l’acceptation des demandes d’enregistrement et des retards dans la délivrance des certificats.
Le porte-parole du groupe des travailleurs a décrit dans les moindres détails les restrictions que ce groupe considère comme une ingérence dans le libre fonctionnement des syndicats. Le groupe des employeurs note avec intérêt que le gouvernement fait part de son intention d’établir cette nouvelle loi en l’adaptant aux prescriptions de la convention en matière d’enregistrement et d’élections.
Le groupe des employeurs souhaiterait donc rappeler à ce stade que, en vertu de la convention, les organisations de travailleurs et d’employeurs sont libres de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et la question dont nous sommes saisis aujourd’hui porte essentiellement sur la nécessité, pour le gouvernement, de respecter la liberté et l’autonomie des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités.
Le groupe des employeurs demande donc au gouvernement d’examiner attentivement ces questions importantes et de prendre sans délai des mesures pour réviser la loi sur les syndicats, entre autres, afin de régler immédiatement ces questions et de se pencher sur la réglementation indue des affaires et de l’organisation internes des syndicats. Nous demandons au gouvernement de faire état, à la session de 2019 de la commission d’experts, des progrès accomplis au regard de ces mesures.
Pour nous, c’est essentiellement cette question qu’il conviendra d’examiner entre toutes celles soulevées par la commission d’experts concernant le projet de Code du travail. Le groupe des employeurs ne se penchera pas sur l’interdiction des actions collectives puisque, selon nous, cette question ne relève pas des quatre points que nous devons examiner concernant ce cas.
Pour terminer, nous insistons sur la détermination du gouvernement à entretenir un dialogue social, à garantir le plein respect des obligations découlant de la convention et à régler les quelques questions qui font que notre commission constate toujours l’absence de conformité pleine et entière avec la convention. Nous attendons avec intérêt d’observer les progrès à cet égard ainsi que d’avoir toutes les informations concernant ces mesures.
Membre travailleur, Egypte – Nous remercions le BIT et la commission de l’intérêt qu’ils portent à la situation des travailleurs égyptiens et à la nécessité de leur garantir l’exercice de leurs droits syndicaux. Nous aurions préféré que les travailleurs égyptiens soient encouragés plutôt que de voir le cas de l’Egypte inscrit sur la liste des cas examinés par la commission cette année. Nous sommes membres de l’organisation la plus représentative de travailleurs, l’ETUF, et nous croyons fermement en la liberté syndicale. Les travailleurs sont les réels bénéficiaires de la nouvelle loi égyptienne sur les syndicats en ce que celle-ci est plus favorable aux syndicats que ne l’était la loi no 35 de 1976. Nous avons tous pâti de la loi no 35, en vertu de laquelle nous étions tous sous la tutelle de la fédération générale. La nouvelle loi a amélioré la situation des syndicats et nous pouvons désormais œuvrer pour assurer la liberté syndicale et l’application des conventions de l’OIT. Nous estimons que les travailleurs ont le droit à leur propre sécurité et le droit de se retirer des fédérations, dans le respect des normes de l’OIT dans la pratique. C’est notre organisation qui a demandé en premier lieu la modification de la loi no 35 de 1976, sur la base des observations de 2008. Nous pouvons retrouver ces faits dans le Compte rendu des travaux de la session de la commission de cette année-là. C’est nous qui avons demandé la modification de cette loi. La liberté syndicale a un rôle fondamental à jouer, en ce que c’est l’assurance que les investissements réalisés profiteront à notre pays et créeront de nouvelles opportunités d’emploi pour les travailleurs égyptiens. Dans ses conclusions sur l’Egypte, la commission d’experts fait part de ses préoccupations quant à l’entrave que constitue la nouvelle loi pour la constitution et l’enregistrement de nouveaux syndicats et indique que cette nouvelle loi n’est pas conforme à la convention. Pourtant, si l’on parle de restrictions à la liberté syndicale, il faut rappeler que le niveau de représentation a largement augmenté en 2017 par rapport à celui de 2008, cela démontrant clairement la conformité de la situation avec la convention, depuis la promulgation de la loi de 2017. La situation des syndicats s’est considérablement améliorée par rapport à celle qui prévalait avec la loi no 35 de 1976, puisque celle-ci conférait la représentativité aux organisations émanant des autorités. La loi a été modifiée en 2008 et la nouvelle loi est bien plus favorable aux syndicats que ne l’était la précédente. La nouvelle loi permet l’existence de syndicats à tous les niveaux. Elle permet aussi aux syndicats de présenter leurs listes et leurs statuts lors de leurs assemblées ainsi que d’organiser des élections libres sans aucune intervention de l’administration ni d’une représentation de haut niveau, ce qui a réglé les problèmes que posait la précédente législation. La nouvelle loi érige en délit l’exclusion de tout responsable par des moyens illégaux. Il existe une réelle liberté de s’affilier à un syndicat. Plusieurs articles prévoient l’enregistrement des syndicats par l’intermédiaire du Conseil suprême dans toutes les provinces, ce processus ayant été accepté par les travailleurs et approuvé par le gouvernement. Ces articles ont été renvoyés devant le Parlement et font actuellement l’objet d’un examen. Cela a également été accepté par la Commission du travail. Concernant les observations sur la loi du travail, un dialogue a eu cours et une nouvelle loi a été acceptée par le Conseil suprême. Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur l’application pratique de la loi sur les syndicats. Il a aussi été décidé d’un commun accord d’organiser prochainement de nouvelles élections, ce qui permettra aux organisations syndicales qui n’ont pas été en mesure de régulariser leur situation jusque-là de le faire à l’avenir. Différents autres accords ont aussi été conclus. Une commission est en cours de mise en place pour traiter les plaintes relatives à la liberté syndicale. On peut donc conclure, au vu de ce qui précède et des résultats des dernières élections, que la situation s’est réellement améliorée avec la nouvelle loi: environ 1 500 nouveaux comités ont été constitués dont 145 n’auraient pas pu l’être en vertu de la loi no 35. De nouveaux syndicats ont été créés, en particulier dans les secteurs juridique et de la santé. Ceux-ci ont pu s’affiler à l’ETUF. Il en va de même pour une organisation du secteur du transport. Pour la liberté syndicale, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Pour ce qui est des fédérations, plusieurs fédérations ont été enregistrées, de nouvelles entités ont été créées sans aucune intervention des autorités et, dans certains cas, 80 pour cent des membres sont des femmes et des jeunes, ce qui témoigne d’une plus grande liberté dans tous les secteurs.
Nous estimons que les employeurs font preuve de coopération en faveur de la liberté syndicale, et cela nous donne l’assurance qu’employeurs et travailleurs parviendront à un accord qui permettra de réaliser tous les objectifs et de respecter les intérêts des uns et des autres; les travailleurs égyptiens pourront ainsi exercer leur droit et bénéficier de nouvelles opportunités d’emploi. Tout cela stimulera aussi l’économie, en conformité avec les deux conventions. Nous espérons que le BIT fournira une assistance technique pour nous aider à répondre aux attentes de tous les travailleurs égyptiens au travers de l’application des conventions. Nul doute qu’il s’agit là de signes très positifs. La nouvelle loi a apporté des modifications importantes, et d’autres modifications législatives sont encore à l’examen devant le Parlement. Par conséquent, nous espérons que cette commission prendra les mesures nécessaires et que les futures conclusions prendront en considération les progrès actuellement accomplis. Nous espérons également que l’Egypte sera retirée de la liste restreinte. Les travailleurs égyptiens sont les grands bénéficiaires de cette nouvelle loi. Nous convenons que certains articles pourraient être amendés en collaboration avec les employeurs. Cela nous aiderait à concrétiser ce que nous voulons pour les travailleurs égyptiens.
Membre employeur, Egypte – Je représente la Fédération des industries égyptiennes qui compte 60 000 employeurs. Nous sommes convaincus qu’une évolution très positive et progressive est en cours en matière de liberté syndicale. Et ce simplement parce que nous disposons désormais d’une nouvelle loi, cinquante ou soixante ans après la précédente. Cette loi est-elle parfaite? Pouvons-nous dire que nous avons en Egypte une liberté syndicale parfaite dans une situation parfaite? Evidemment non. La question est de savoir si nous sommes sur la bonne voie. Oui, assurément. Sommes-nous dans une situation très satisfaisante? Oui, mais nous avons évidemment tous besoin d’avancer main dans la main pour parvenir à notre objectif ultime et nous rapprocher d’une situation parfaite. A cet égard, nous saluons les efforts déployés par le ministre de la Main-d’œuvre pour mettre en place des mécanismes et des activités de dialogue social afin d’examiner et de négocier ensemble les nouveaux amendements.
Nous sommes aussi convaincus qu’il existe une volonté politique et une bonne volonté de la part des organisations d’employeurs. En quelques semaines, nous avons pu procéder à un nouvel examen législatif, ce qui signifie que, depuis deux ans, nous nous sommes attelés à la réglementation, et une nouvelle modification de la loi se trouve maintenant devant le Parlement égyptien, notamment pour faire suite à certaines recommandations de la commission d’experts.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation? Simplement parce que nous ne pouvons pas passer brutalement d’un extrême à l’autre sans connaître une période de transition. C’est pourquoi nous pensons être sur la bonne voie. Après cinquante à soixante ans d’immobilisme, il est impossible de tout mettre en œuvre comme il faut depuis le début. Il est évident que toute nouvelle législation donne lieu à l’adhésion ou au rejet d’individus ou de parties. Grâce aux points de vue et aux recommandations de la commission d’experts, nous pouvons améliorer notre façon de faire. Encore une fois, il va de soi que nous ne sommes pas dans une situation parfaite. Nous nous efforçons d’améliorer la mise en œuvre des recommandations, et c’est pourquoi nous avons demandé à l’Organisation internationale des employeurs (OIE) de nous fournir l’appui technique nécessaire afin de mieux comprendre et mettre en œuvre correctement les recommandations de la commission d’experts.
Au lendemain de la révolution égyptienne, et suite à l’adoption de cette loi, nous sommes face à des défis politiques, sociaux et économiques. Nous avons besoin de temps pour trouver les solutions qui nous permettront de relever ces défis, faute de quoi nous connaîtrons le chaos. Les employeurs sont très satisfaits de la situation actuelle et, si nous n’avons pas encore atteint notre objectif ultime, nous sommes convaincus d’être sur la bonne voie.
Autre membre employeur, Egypte – Je n’ajouterai rien aux propos du représentant gouvernemental. Son intervention était complète. Mes collègues ont aussi fait de bonnes interventions, je vais donc brièvement exposer quelques idées.
La législation est l’expression de la Constitution, et la dernière Constitution de l’Egypte prévoit l’établissement de syndicats sans ingérence extérieure; par conséquent, une loi contraire à la Constitution doit être considérée comme nulle et non avenue. Ce principe est assez clair.
Quand le vice-président des travailleurs affirme que la loi prévoit qu’une organisation syndicale ne peut être fondée sur une base partisane, politique ou religieuse, la question que je me pose alors est de savoir si dans un secteur donné, le secteur de la production de pétrole par exemple, on pourrait disposer d’un syndicat pour les chrétiens, un autre pour les musulmans ou un syndicat appartenant à un parti politique ou à un autre. Selon moi, l’approche qui prévaut actuellement est rationnelle parce que les syndicats sont là pour servir les intérêts des travailleurs, non en tant que représentants d’un mouvement socialiste, capitaliste, musulman ou chrétien, ou de toute autre idéologie, mais en tant que syndicats de travailleurs. Nos syndicats ne peuvent donc être fondés sur de telles spécificités et il conviendrait de le reconnaître car ce serait, sinon, aller en dépit du bon sens.
Des peines de prison ont été évoquées. Là encore, c’est faire une interprétation contraire de la loi car, si des documents non conformes à la loi sont présentés, il est évident que la loi doit s’appliquer dans ce domaine.
En Egypte, la main-d’œuvre représente aujourd’hui 13 millions de personnes, 10 millions desquelles sont membres de syndicats. Dans le secteur informel, nous travaillons en collaboration avec la fédération des travailleurs et d’autres fédérations pour faire en sorte que les activités du secteur informel passent dans le secteur formel. Nous essayons de compter sur des organisations qui protègent les travailleurs et défendent leurs intérêts et non les intérêts des employeurs. Il se peut évidemment que les employeurs et les travailleurs aient parfois des avis contraires, mais les organisations en question protègent les intérêts des travailleurs. Si nous sommes en présence de 10 000 travailleurs avec cinq comités syndicaux différents et que chacun cherche à orienter les travailleurs, je ne pense pas que cela nous mène dans la bonne direction, alors que c’est le cas lorsqu’un seul comité syndical existe, mais c’est une autre question.
Sur la question des fonds publics, c’est la Cour des comptes qui supervise la gestion des fonds. Et l’objectif ici n’est pas de servir les intérêts du gouvernement, mais d’assurer un contrôle financier efficace. L’absence de contrôle risquerait d’entraîner une mauvaise utilisation des fonds, en toute infraction à la législation.
Les dispositions en question ont été établies pour servir les intérêts des membres des organisations syndicales. Il s’agit simplement d’un rapport comptable qui peut être présenté à la Cour des Comptes, lequel sert ensuite aux experts pour évaluer si les fonds servent effectivement les intérêts des travailleurs et des syndicats. Lorsqu’un comité est établi avec 100 ou 1 000 travailleurs qui paient leurs cotisations, cet argent doit être correctement géré. Il appartient au gouvernement de contrôler ces activités. Et il conviendrait de ne pas totalement les supprimer.
Membre gouvernementale, Sénégal – Le Sénégal salue les efforts entrepris par l’Egypte et présentés par le représentant de son gouvernement pour donner plein effet à la convention. Tout en réaffirmant son attachement aux idéaux et objectifs universels de l’OIT ainsi que la nécessité pour tout Etat Membre d’assurer le respect des droits et libertés syndicaux de tous les travailleurs, au sens de la convention, le Sénégal exhorte le gouvernement égyptien à poursuivre les progrès réalisés et les moyens importants déployés pour améliorer la situation de sa législation et de sa pratique nationales en matière de respect et de protection des droits syndicaux des travailleurs.
Le Sénégal invite le gouvernement égyptien à renforcer la coopération étroite avec le BIT en vue de donner plein effet à la convention.
Observatrice, Internationale des services publics (ISP) – Nous sommes très préoccupés par les conditions qu’impose la loi no 213 de 2017 sur l’organisation des syndicats et l’oppression qui règne depuis l’application de cette loi fin 2017. Nous saluons la décision du ministre d’adopter le projet de loi d’amendements proposé et qui doit encore être approuvé par le Parlement. Néanmoins, nous soutenons que ces amendements ne suffiront pas à corriger les déficiences ni à combler les insuffisances de la loi. Il s’agit là d’une évolution législative attendue de longue date qui confère aux syndicats indépendants le droit de s’organiser, mais cette loi étouffe encore une fois ce droit en imposant les mêmes ressorts de contrôle de l’Etat, menaçant ainsi l’existence même de syndicats indépendants puissants.
Les syndicats indépendants continuent de faire de réels efforts pour régulariser leur situation à la lumière des dispositions de la nouvelle loi, dans les délais qui leur sont impartis. Mais ces syndicats se heurtent à des pratiques répressives, en violation de la loi elle-même. Le gouvernement a refusé de régulariser de nombreuses organisations indépendantes (par exemple, Syndicat des services fiscaux pour l’immobilier, Syndicat des travailleurs de Telecom Egypt, Syndicat des travailleurs de la bibliothèque d’Alexandrie), n’a pas autorisé la mise en place de la plupart des syndicats indépendants créés après l’adoption de la loi (par exemple, Comité syndical des travailleurs de la société de confection de vêtements d’Alexandrie, Comité syndical des travailleurs de la société Leoni) et a aussi rejeté les statuts présentés par des syndicats, en forçant leurs membres à les remplacer par des directives émises par le ministère de la Main-d’œuvre.
Beaucoup de syndicats n’ont donc pas encore régularisé leur situation alors qu’ils remplissaient les conditions requises par la loi pour être enregistrés et qu’ils avaient présenté tous les documents nécessaires. La plupart de ces syndicats subissent des pressions récurrentes de différentes instances gouvernementales pour rejoindre les rangs de l’ETUF. Le droit fondamental des syndicats à régler leurs affaires et à élire librement leurs représentants est opprimé par le ministère de la Main-d’œuvre. Des instances gouvernementales interviennent dans différentes situations pour empêcher la tenue des assemblées générales des syndicats, et le ministère de la Main-d’œuvre refuse de reconnaître les décisions de l’assemblée générale, qu’il s’agisse de l’élection du conseil exécutif ou de décisions concernant d’autres questions. En conséquence de quoi le statut de beaucoup d’organisations syndicales est en suspens (par exemple, Comité syndical des pêcheurs de Damiette, Comité syndical des travailleurs de Suez et Comité syndical des services de transport à Qaluobia). Pourtant, ces six derniers mois, 29 organisations ont fait tout leur possible pour négocier avec le gouvernement. Elles se sont entretenues avec le ministère de la Main-d’œuvre, lui ont présenté leurs demandes et ont eu recours à différentes instances gouvernementales (Cabinet, ministère de l’Investissement et ministère du Commerce et de l’Industrie). Toutefois, ces entités n’avaient manifestement pas l’intention d’aller dans la même direction. En application de la nouvelle loi sur les syndicats, des élections syndicales ont eu lieu en 2018, mais il est difficile de savoir s’il s’agissait de véritables élections.
Membre gouvernementale, Zimbabwe – Le gouvernement du Zimbabwe tient à remercier le gouvernement égyptien d’avoir fait part à la commission des progrès actuellement accomplis pour combler les lacunes législatives relevées par la commission d’experts ainsi que des mesures pratiques faisant suite aux plaintes de certains syndicats qui concernaient le processus d’enregistrement des organisations de travailleurs. Il est satisfaisant de constater que la réforme de la législation du travail est en cours en Egypte. Il conviendrait donc de féliciter le gouvernement égyptien d’avoir présenté au Parlement égyptien, en mai 2019, un projet de loi visant à amender certaines dispositions de sa législation.
Le gouvernement égyptien a aussi fait part de son engagement à l’égard des organisations syndicales qui ont des difficultés à être enregistrées et à reconnaître les syndicats, tant en droit que dans la pratique. Ces engagements devraient aussi être salués, d’autant plus qu’ils sont sous le contrôle des fonctionnaires du bureau de l’OIT au Caire.
Enfin, nous appelons les fonctionnaires du BIT à continuer de collaborer avec le gouvernement égyptien et les syndicats de tous les secteurs. Le gouvernement égyptien a déclaré avec sincérité que les questions soulevées par la commission d’experts seraient réglées via un dialogue social.
Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je tiens tout d’abord à indiquer que la Confédération syndicale arabe doit faire preuve de solidarité et défendre la liberté syndicale, et c’est pourquoi je prends la parole au nom de la Fédération syndicale démocratique égyptienne afin d’exposer les problèmes que rencontrent les militants syndicaux. La classe ouvrière fait face à de nombreux problèmes en Egypte, et c’est particulièrement vrai pour ceux qui sont affiliés à l’organisation syndicale démocratique égyptienne. Des mesures sont prises à notre encontre. Des fonctionnaires gouvernementaux qui travaillent avec le ministère du Travail entravent les activités syndicales, et ce même après l’approbation de la loi 2017 et son règlement d’application de 2018. Tout cela fait obstacle aux activités syndicales.
Notre syndicat émet des réserves en ce qui concerne cette loi. Malgré nos efforts pour parvenir à un accord acceptable pour toutes les parties, les représentants gouvernementaux ont finalement ignoré les amendements proposés, y compris en ce qui concerne le nombre minimum d’affiliés requis pour pouvoir constituer un syndicat ou un comité syndical.
Dans le préambule de la loi que j’ai déjà mentionnée, des dispositions prévoient l’indépendance des syndicats et nous pensions tous que la loi encouragerait l’indépendance des syndicats, leur conférerait un statut juridique particulier permettant à tout un chacun de s’y affilier ou de s’en retirer sans aucune intervention de l’administration. Malheureusement, dans la réalité, la situation est toute autre; le règlement du gouvernement a été élaboré de manière à mettre à mal les droits des travailleurs prévus par cette convention et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. La loi est favorable aux travailleurs mais le règlement prime entièrement sur ses dispositions. Des interventions non écrites ont également eu lieu et, à l’évidence, cela transcende également l’effet de la nouvelle loi. Cette loi a aussi été violée à plusieurs reprises, par exemple par l’interprétation de l’article 24 qui permet aux fédérations syndicales créées en vertu de la précédente loi de conserver leur statut juridique.
Membre gouvernemental, Algérie – Le gouvernement égyptien nous a bien démontré qu’il avait la volonté politique d’appliquer les recommandations de la commission d’experts, de façon à ce que les lois soient mises en conformité avec les normes internationales en la matière.
La délégation algérienne a pris note des informations communiquées par l’Egypte de toutes les mesures qu’elle a adoptées et tient à exprimer sa satisfaction quant aux amendements proposés, notamment en matière de réduction du nombre de travailleurs requis pour former un comité syndical ou une fédération syndicale.
L’Algérie considère aussi qu’une collaboration accrue avec le Bureau international du Travail est essentielle pour accélérer la mise en œuvre du cadre juridique fixant les modalités d’exercice du droit syndical en Egypte.
Nous restons déterminés à soutenir l’Egypte dans la poursuite du dialogue et des consultations tripartites pour pouvoir donner pleinement effet à la convention. Nous appuyons les efforts de l’Egypte pour développer la culture de la liberté syndicale et du pluralisme syndical et nous remercions l’Egypte d’accepter l’hommage que nous tenons à rendre aux mesures et aux efforts déployés par ce gouvernement, et nous demandons à la commission de soutenir les réformes engagées par l’Egypte.
Membre travailleuse, Espagne – Le gouvernement égyptien prétend avoir modifié certaines dispositions de la loi no 213 de 2017 pour donner effet à la convention. Alors que personne ne sait quand ces dispositions entreront en vigueur ou même si le Parlement va réellement les promulguer, ce n’est pas, selon nous, un moyen suffisant d’obliger le gouvernement à remplir ses engagements vis-à-vis des normes dont l’application est examinée par la présente commission. La loi en question a été promulguée le 17 décembre 2017. Alors que le cadre législatif déjà en place n’était pas favorable aux syndicats égyptiens, le nouveau texte non seulement ne garantit pas le droit syndical mais le restreint encore davantage, voire le supprime presque complètement.
S’agissant de la lutte ouvrière de longue date en Egypte, on constate encore une fois que la loi impose à la classe ouvrière la tutelle de la fédération syndicale gouvernementale dont la nature est plus proche d’une institution gouvernementale que d’une organisation syndicale.
Dans ce contexte de répression évidente de la liberté syndicale en Egypte, les procédures dont nous débattons aujourd’hui manquent de crédibilité. A titre d’exemple, l’article 11 proposé initialement prévoyait un minimum de 50 membres pour pouvoir former un comité syndical; cependant, après avoir été examiné par le Parlement, le nombre minimum requis a été porté à 150 membres, et ce nombre a de nouveau été abaissé juste avant le début de la Conférence de 2019. S’il faut modifier les articles 11 et 12 de la loi, il faudrait aussi modifier les articles 21 et 54 ainsi que les dispositions du chapitre 10 de la loi (qui concerne les sanctions). Le volet pénal de la loi impose de graves peines de prison pour toutes sortes de violation.
Le mouvement syndical indépendant en Egypte est toujours opprimé et fait toujours face à l’arbitraire et à la privation de ses droits au regard de ses activités syndicales. L’entrée en vigueur de la loi est une violation même de la convention. Pourquoi réduire le nombre minimum requis pour former un syndicat alors que les syndicats qui remplissaient déjà cette exigence n’arrivaient pas à obtenir leur statut juridique ni à aller au bout des procédures? Pourquoi réduire le nombre minimum requis pour former un syndicat quand le gouvernement impose un statut type et contraint les syndicats à modifier les dispositions de leurs statuts au motif qu’ils ne sont pas conformes aux dispositions prévues par le ministère?
Il est regrettable de constater, une fois de plus, que la classe ouvrière égyptienne, après des décennies de lutte contre la répression dans le pays, ne peut toujours pas jouir de son droit à la liberté syndicale ni établir de syndicats indépendants ni obtenir de personnalité juridique. C’est une nouvelle période de répression qu’elle est en train de vivre.
En Egypte, aujourd’hui, toute activité en faveur des libertés démocratiques est réfrénée; militants, journalistes, universitaires, étudiants et syndicalistes, entre autres groupes, sont traqués et en définitive quiconque tente de défendre les libertés fondamentales dans le pays.
Membre gouvernemental, Ghana – Le Ghana tient à exprimer sa gratitude à la commission d’experts et à cette commission pour leurs travaux visant à faire respecter les normes par les Etats Membres. La liberté syndicale est un droit fondamental des travailleurs prévu par la convention, et le gouvernement égyptien a ratifié cette convention depuis 1957. Le gouvernement du Ghana soutient tout effort visant à assurer le respect mutuel, le dialogue social tripartite, la justice sociale et la coopération entre le gouvernement et ses partenaires sociaux. Nous espérons que le gouvernement égyptien et les représentants des travailleurs, ainsi que les employeurs, œuvreront dans un esprit cordial pour remplir leurs engagements, en conformité avec la convention. Le Ghana est d’avis que la priorité du gouvernement égyptien de revoir et de consolider la législation du travail, notamment la loi sur les syndicats, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’appui du BIT va dans la bonne direction. Fort de notre expérience pour ce qui est de garantir la liberté syndicale, la démocratisation et une plus grande participation des syndicats aux questions touchant les travailleurs, le gouvernement du Ghana encourage les partenaires sociaux à continuer sur la voie du dialogue social, avec l’appui du BIT. Nous demandons instamment au BIT de fournir au gouvernement égyptien l’appui technique dont il a besoin pour réformer sa législation et la mettre en conformité avec la convention. Nous sommes convaincus que le gouvernement égyptien pourra alors prendre les mesures nécessaires à la mise en conformité de sa législation et de sa pratique, en conformité avec les commentaires de la commission d’experts. Le gouvernement égyptien doit continuer à traiter les questions relatives au travail et à l’emploi à la lumière de ses obligations découlant de la convention, dans un respect mutuel.
Membre travailleuse, France – C’est à travers un cas concret évoqué comme cas d’école par Frontline Defenders que nous souhaitons illustrer les graves manquements auxquels se livre le gouvernement égyptien et la répression syndicale extrêmement dure qui règne dans ce pays.
En mai 2016, des centaines d’ouvriers de l’Alexandria Shipyard Company (chantier naval d’Alexandrie) ont organisé un sit-in illimité pour protester contre les bas salaires, qui selon eux étaient largement en dessous du salaire mensuel minimum national. Plus d’une vingtaine d’ouvriers ont été arrêtés et accusés d’être à l’origine de cette grève; ils ont été placés en détention pendant des mois et contraints à démissionner de leurs emplois. Près de deux ans plus tard, ils sont toujours jugés devant un tribunal militaire.
Lors du sit-in de mai 2016, les travailleurs d’Alexandria Shipyard affirmaient manifester en faveur d’un salaire minimum pour l’obtention de tenues et de matériel de sécurité que l’usine leur refusait, et contre une baisse de leur prime annuelle pour le Ramadan. Selon l’avocat des ouvriers, les responsables de l’armée ont décidé que les ouvriers employés dans une usine appartenant à l’armée n’avaient droit qu’à des primes alignées sur celles versées à d’autres employés du ministère de la Défense, renforçant ainsi leur traitement comme du personnel militaire. Les ouvriers ont employé une tactique syndicale classique: ils n’ont pas stoppé complètement la production, mais ils travaillaient et manifestaient par équipes. Des unités de la police militaire et des forces centrales de sécurité ont été déployées dans et autour du chantier naval, et la direction a décrété un blocage renforcé par l’armée afin d’empêcher les ouvriers d’entrer dans l’usine pour travailler. Les 2 300 personnes qui travaillent dans l’usine ont ainsi été suspendues indéfiniment.
Fin mai, les ouvriers se sont rendus au poste de police local pour porter plainte contre le blocage de la direction, cherchant à savoir pourquoi ils n’étaient pas autorisés à travailler. Au poste de police, ils ont appris que l’armée avait ouvert une enquête sur la participation présumée de 15 travailleurs au sit-in. Le parquet militaire a convoqué 26 ouvriers pour une enquête (l’affaire est classée 2759/2016). Parmi eux, six étaient connus pour avoir plaidé par le passé en faveur de réformes du travail dans l’usine. Quatorze des ouvriers convoqués se sont rendus au parquet pour l’enquête, où ils ont ensuite été placés en détention et interrogés.
Le parquet a refusé de libérer les ouvriers et a indiqué qu’ils seraient transférés vers les postes de police de leurs quartiers et libérés plus tard. Cependant, les ouvriers ont été détenus quatre jours ou plus. Le parquet militaire a accusé les ouvriers d’incitation à la grève et d’avoir perturbé le fonctionnement de l’entreprise. Il a accusé les ouvriers civils d’avoir violé l’article 124 du Code pénal égyptien, selon lequel les fonctionnaires qui s’abstiennent délibérément d’exercer leur devoir peuvent être emprisonnés ou condamnés à payer une amende. A ce jour, les 26 ouvriers sont toujours sans emploi, hors de prison et dans l’attente du verdict du tribunal militaire. Le verdict a été reporté plus de 30 fois en deux ans, et des centaines d’employés du chantier naval sont toujours interdits de pénétrer dans l’usine.
Il est temps que le gouvernement égyptien applique la convention. Il doit agir rapidement pour répondre à ces préoccupations fondamentales du groupe des travailleurs et de la communauté internationale.
Membre gouvernementale, Iraq – Nous tenons à remercier le gouvernement égyptien des efforts qu’il déploie pour appliquer la convention. Nous saluons ses efforts en ce qui concerne la nouvelle loi, applicable à tous les travailleurs égyptiens, quel que soit le type d’activités ou le secteur dans lequel ils travaillent. Cette loi prévoit de nombreux avantages, par exemple le respect du pluralisme syndical. Le gouvernement égyptien a fait fond sur les recommandations du BIT pour élaborer cette loi, avec la participation des partenaires sociaux. Il a également consulté la société civile. L’Egypte a respecté les recommandations de la commission d’experts. Compte étant tenu de ce qui précède, nous estimons que la loi, telle que modifiée, est parfaitement conforme aux normes internationales du travail. N’oublions pas non plus que la Magna Carta de l’Egypte, autrement dit la Constitution, prévoit la liberté syndicale et le droit d’organisation. Certes, c’est à Genève que l’OIT a son siège, mais c’est en Egypte que l’Organisation arabe du travail a le sien. Ces deux organisations sont apparentées, et c’est là l’assurance que l’Egypte ne peut échapper à ses obligations internationales. Bien au contraire, l’Egypte est fermement déterminée à respecter toutes les conventions internationales du travail.
Membre travailleur, Royaume-Uni – Je m’exprime au nom du Royaume-Uni et de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Puisque la commission permet désormais aux gouvernements de présenter des documents additionnels et autres éléments de preuve pour examen par celle-ci, il est indispensable de tous nous tenir au courant des derniers événements. Malheureusement, dans le cas de l’Egypte, ces événements témoignent d’un climat de répression permanente de la liberté syndicale, et le gouvernement doit agir beaucoup plus énergiquement pour se conformer à la convention.
Le gouvernement indique qu’aucun exemple n’illustre les allégations des syndicats selon lesquelles ils subiraient des pressions lorsqu’ils critiquent ouvertement la politique gouvernementale ou qu’ils ne sont pas du même avis que les syndicats qui y sont favorables. C’est avec plaisir que nous présenterons quelques exemples.
Tout au long de 2018, le Syndicat égyptien des marins (ESU) a demandé l’enregistrement d’une antenne locale dans le port d’Alexandrie, et cette demande a été constamment refusée. Cette antenne a dû suspendre ses activités. Ce syndicat avait déjà été sérieusement affaibli par la loi no 213 de 2017, permettant au gouvernement de dissoudre pratiquement toute la structure de l’ESU, seules les antennes de Suez et Port-Saïd ayant été maintenues. Il conviendrait de prendre immédiatement des mesures pour rétablir les droits des travailleurs portuaires de constituer des syndicats de leur choix ou de s’y affilier, sans ingérence de l’Etat.
Nous faisons observer que les travailleurs portuaires ne font pas partie du groupe exclu de la convention; ils ne font pas partie non plus, selon toute interprétation raisonnable, de la police ni des forces armées.
L’année dernière, des travailleurs d’une usine de production de céramique et d’articles sanitaires ont participé à une grève pour revendiquer, entre autres choses, des congés payés, cette grève ayant été organisée sans tenir compte de la législation égyptienne du travail. Les revendications portaient aussi sur une augmentation du salaire annuel, une indemnisation en cas de travaux dangereux, l’accès aux soins de santé et un changement dans le processus électoral des comités syndicaux. En ce qui concerne ce dernier point, le fait qu’une société cherche à contrôler ce processus est en soi une violation de la convention.
Plutôt que de négocier, la société de céramique a fermé l’usine et a appelé la police, puis lui a donné toutes les coordonnées des travailleurs grévistes. Le 17 février 2018, sept travailleurs grévistes ont été arrêtés. Lors de cette arrestation, un travailleur a chuté de trois étages et s’est gravement blessé. Il a malgré tout été arrêté. Le 25 mai, les travailleurs ont été accusés d’incitation à la grève, le département du travail ayant rétrospectivement déclaré la grève illégale – en toute coïncidence –, juste à temps pour permettre de condamner les travailleurs à quinze jours de prison ce jour-là. Les travailleurs ont ensuite été contraints, via des négociations avec le ministère de la Main-d’œuvre, d’indiquer qu’ils allaient abandonner leurs revendications, en contrepartie de quoi la police a mis en fin aux poursuites d’autres grévistes. Dans le cadre de cet accord, le ministère a aussi contraint les travailleurs à signer un accord de renonciation à la grève.
Les fabricants de céramique et d’articles sanitaires ne font pas partie de la liste des services essentiels prévue par l’OIT.
Enfin, en avril 2018, les travailleurs d’une usine de biscuits sont entrés en conflit avec leur direction à propos de la répartition des bénéfices découlant d’une année productive et satisfaisante pour l’usine. Les travailleurs sont entrés en grève le 29 avril 2018 et, au bout de sept jours, les services de sécurité ont arrêté six travailleurs au motif qu’ils avaient organisé une protestation sans autorisation. La production de biscuits ne fait pas non plus partie de la liste des services essentiels de l’OIT.
Ces exemples sont bien la preuve que l’ingérence de l’Etat dans les activités syndicales perdure encore aujourd’hui et qu’il faut examiner les promesses de réforme en tenant compte du fait que le gouvernement et les forces de sécurité n’ont pas du tout changé de comportement.
Membre gouvernemental, Brésil – Le Brésil remercie le gouvernement égyptien d’avoir présenté les informations détaillées qu’examinera la commission. Le Brésil partage le point de vue de l’Egypte au regard de différents aspects du système de contrôle, et en particulier concernant les méthodes de travail de cette commission. Le fonctionnement de cette commission est loin de correspondre aux meilleures pratiques du système multilatéral. Il n’est ni transparent ni impartial ni objectif, n’est pas tripartite dans la maison du tripartisme et ne favorise pas le dialogue social dans la maison du dialogue social. L’absence de notification en temps utile et l’opacité qui entoure la sélection des cas et la négociation des conclusions freinent dans une large mesure nos efforts pour instaurer un dialogue constructif et examiner comme il se doit les informations soumises par les différentes parties.
La construction d’une OIT forte, efficace, légitime et apte à répondre aux défis du monde du travail et du multilatéralisme d’aujourd’hui est dans notre intérêt à tous, gouvernements, travailleurs et employeurs confondus. Cela passe par la coopération, le dialogue et le partenariat. Les informations communiquées par le gouvernement démontrent clairement les efforts qu’il consent pour le dialogue social ces dernières années, et les modifications de la loi sur les syndicats, approuvées par le Conseil des ministres le mois dernier, constituent une évolution prometteuse. Encore une fois, nous réaffirmons le point de vue du Brésil selon lequel toute question ou demande d’éclaircissements dans le cadre de cette commission ne devrait concerner que les normes clairement définies auxquelles souscrivent les gouvernements via un processus de ratification formel.
Le Bureau, la présente commission et l’OIT dans son ensemble devraient reconnaître le rôle important que jouent les gouvernements, les institutions et les organisations nationales dans l’interprétation des normes, afin de tenir compte des circonstances et des capacités nationales.
Membre travailleur, Belgique – Tout d’abord, je voudrais encore une fois attirer l’attention sur le corps mutilé de l’étudiant italien, Giulio Regeni, qui a été retrouvé il y a trois ans; il avait 28 ans et menait des recherches sur l’organisation des syndicats en Egypte. Nous examinons le cas de l’Egypte aujourd’hui parce qu’il s’agit des syndicats, de la liberté syndicale elle-même et de la protection du droit d’organisation.
Comme l’a indiqué la commission d’experts dans son rapport, le gouvernement assure qu’il continuera à travailler en toute transparence et en coopération avec le BIT afin de surmonter les défis auxquels est confrontée l’Egypte dans l’instauration d’une nouvelle liberté syndicale, liberté que le pays n’avait pas connue depuis longtemps. Mais il n’y a pas de liberté syndicale lorsque les travailleurs et les syndicalistes craignent d’être arrêtés, que des disparitions forcées se produisent dans le cadre d’une procédure devant un tribunal militaire, que des licenciements et différentes mesures disciplinaires sont imposées pour le seul exercice du droit à la grève et à constituer des syndicats indépendants. Qualifier ces actes de graves obstacles au plein exercice de la liberté syndicale de tous les travailleurs est un euphémisme. Plus grave encore, plusieurs infractions à la loi sur les syndicats sont passibles de peines de prison. Citons encore la terrible mise au secret qu’infligent les autorités égyptiennes aux prisonniers en tant que peine additionnelle et qui a été largement documentée par les organisations des droits de l’homme; cette nouvelle liberté syndicale dont parle le gouvernement est loin d’être une réalité sur le terrain et semble n’exister que sur le papier. A titre d’autre exemple du mépris total des autorités égyptiennes à l’égard des travailleurs et des syndicats, on peut citer la détention arbitraire de l’avocat spécialisé dans le droit du travail, Haytham Mohamdeen, qui a eu lieu le mois dernier; il avait été placé en liberté surveillée après des mois de détention arbitraire pour des motifs fallacieux d’incitation à des manifestations pacifiques contre les mesures d’austérité. Plutôt que d’intensifier la répression en procédant à une nouvelle vague de détentions arbitraires, les autorités devraient immédiatement garantir à leurs citoyens l’exercice pacifique de leur droit à la liberté syndicale et protéger le droit d’organisation.
Membre gouvernemental, Etat plurinational de Bolivie – L’Etat plurinational de Bolivie remercie le gouvernement égyptien d’avoir présenté les informations relatives à l’application de la convention. La liberté syndicale et la protection du droit syndical constituent l’un des piliers fondamentaux de l’Organisation internationale du Travail. C’est pourquoi la Bolivie reconnaît le droit des travailleurs et des travailleuses à constituer des syndicats, en application de la loi. Nous saluons donc la commission d’experts d’avoir accueilli favorablement l’adoption de la nouvelle loi sur les syndicats en Egypte, laquelle ne prévoit plus l’affiliation à une fédération syndicale unique mais permet aux organisations de s’affilier à d’autres fédérations, d’en constituer ou d’agir de manière autonome, comme l’indique le gouvernement égyptien.
Nous notons également que le gouvernement est prêt à aider les organisations qui n’ont pas pu régulariser leur situation à ce jour, afin qu’elles puissent être enregistrées conformément à la législation. Nous encourageons le gouvernement égyptien à continuer de prendre des mesures visant à promouvoir et à protéger le droit syndical.
Membre gouvernemental, Bahreïn – Je m’exprime au nom des gouvernements des pays arabes (Algérie, Bahreïn, Iraq, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Mauritanie, Maroc, Oman, Qatar, Arabie saoudite, Soudan, République arabe syrienne, Tunisie, Emirats arabes unis et Yémen). Le groupe des pays arabes de l’OIT félicite le gouvernement égyptien d’avoir déployé des efforts pour assurer la pleine application de la convention et mettre en œuvre également les recommandations de la commission. Ces deux dernières années, le gouvernement a mis en place un conseil pour le dialogue social auquel participent les partenaires sociaux, et un effort pour entretenir un très large dialogue social a été consenti. Des élections syndicales ont aussi été organisées en toute transparence. Tout cela démontre l’importance qu’attache l’Egypte à la convention et à la protection de la liberté syndicale. Nous encourageons l’Egypte à continuer de coopérer avec l’OIT. Les Etats Membres du groupe des pays arabes notent que les efforts déployés par l’Egypte sont très récents, les initiatives qu’il a prises étant toutes très récentes. Il faut donc laisser le temps à celles-ci de porter leurs fruits. Nous remercions l’Egypte pour tous les efforts consentis, et nous attirons l’attention en particulier sur la coopération efficiente qui a actuellement cours entre les partenaires sociaux pour assurer la stabilité de l’Egypte et de ses lieux de travail.
Membre gouvernemental, Ethiopie – Ma délégation prend dûment note des observations de la commission d’experts concernant l’application de la convention en droit et dans la pratique, dans lesquelles elle invite le gouvernement égyptien à fournir des informations. La commission a également appelé le gouvernement égyptien à prendre des mesures pour veiller à ce que tous les travailleurs jouissent pleinement de leur droit fondamental de s’organiser librement et, en particulier, pour garantir l’indépendance des syndicats et l’élimination de toutes les formes d’ingérence dans les organisations de travailleurs.
La commission a aussi demandé au gouvernement d’abaisser le nombre minimum de membres requis pour former un syndicat au niveau de l’entreprise, de manière à garantir le droit des travailleurs à constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Au vu de ce qui précède, le gouvernement égyptien a fourni les informations demandées relativement aux progrès accomplis pour donner pleinement effet à la convention, en tenant compte des observations de la commission.
Nous avons noté avec un vif intérêt que les dispositions pertinentes de l’actuelle loi sur les syndicats ont été amendées concernant les points suivants: nombre de travailleurs requis pour constituer un syndicat; nombre de syndicats requis pour constituer un syndicat général; et nombre de syndicats généraux requis pour constituer une fédération, entre autres choses. Le gouvernement égyptien nous a également indiqué que les amendements à la loi en question ont eu pour effet de supprimer les peines de prison qu’elle prévoyait, celle-ci n’imposant plus que des amendes aux syndicats pour pratiques illégales. On nous a également dit que le Cabinet des ministres a approuvé le projet de loi amendée, lequel a été présenté au Parlement pour adoption, ce qui selon nous est une étape positive.
Pour terminer, au vu des progrès accomplis par le gouvernement égyptien et des mesures louables qu’il a prises pour mettre sa législation nationale en conformité avec la convention, nous espérons que la commission tiendra compte de cette évolution dans ses conclusions.
Membre gouvernementale, Soudan – Nous remercions le représentant gouvernemental et sa délégation. Nous avons pris note des efforts déployés par le gouvernement et des mesures prises pour mettre la législation en conformité avec la convention. Il est indispensable d’appuyer les efforts du gouvernement afin qu’il puisse appliquer la loi amendée de 2017, mise en conformité à la demande de la commission. Grâce à cette loi, qui a supprimé les restrictions à la liberté syndicale, beaucoup de syndicats ont été créés. Les initiatives et les efforts du gouvernement vont encore plus loin. Nous avons entendu qu’il existe maintenant un organe chargé d’aider les syndicats et les fédérations à s’enregistrer et pour d’autres questions.
Le gouvernement a donc beaucoup progressé dans l’application de la convention. Nous saluons les initiatives du gouvernement égyptien et l’encourageons à solliciter l’assistance technique du BIT.
Représentant gouvernemental – Permettez-moi tout d’abord de remercier tous ceux qui ont participé à la discussion. Je tiens à remercier chacun d’entre eux pour leurs contributions positives. Nous souhaitons réellement parvenir aux meilleurs résultats possibles. Nous avons également pris note de tous les commentaires et nous allons en tenir compte.
Je tiens à dire en particulier qu’il n’y a pas un seul Etat dans le monde qui remplisse les critères et respecte les normes à 100 pour cent, ni en droit ni dans la pratique. Toutefois, certains pays sont mieux à même que d’autres de prendre des décisions, d’améliorer leur conformité avec les normes internationales, et nous répétons encore une fois que l’un de nos objectifs prioritaires est de nous conformer aux normes en vue de parvenir à la justice sociale, à la stabilité et à la paix.
Nous croyons en le développement du mouvement syndical égyptien, et nous sommes fiers des changements qui ont eu lieu, même s’ils sont encore insuffisants peut-être, mais nous pouvons dire que nous sommes sur la bonne voie.
A l’occasion de la mission de contacts directs de haut niveau, j’ai indiqué qu’il y a aujourd’hui en Egypte des chances que chacun peut saisir. Les syndicats peuvent désormais envisager de créer un mouvement syndical, après des années d’absence.
Différents points ont été soulevés sur lesquels je voudrais revenir. Par exemple, le représentant des travailleurs a dit que le gouvernement avait apporté certains amendements à la législation uniquement parce que nous étions inscrits sur la liste des cas examinés à cette commission. Ce n’est pas la réalité. Je souhaiterais rappeler qu’une mission de haut niveau du BIT s’est rendue en Egypte en août 2018 et que le Conseil supérieur pour le dialogue social s’est ensuite réuni le 9 octobre 2018. Cela était prévu et c’est ce qui avait été promis à la mission de haut niveau. Nous avons indiqué que des amendements seraient élaborés pour examen. Ceux-ci ont été examinés. Cet examen a été confié à un comité technique chargé d’améliorer ces amendements, lesquels ont ensuite été renvoyés au Conseil supérieur pour le dialogue social. En décembre 2018, nous avons envoyé une lettre faisant état de ces amendements. Ces changements ont été apportés pour nous permettre de remplir plus largement nos obligations internationales. Nous rejetons donc catégoriquement les propos selon lesquels des changements auraient été apportés à la dernière minute parce que nous étions inscrits sur la liste des cas.
Nous souhaitions amender la législation égyptienne afin d’en améliorer la conformité avec la convention, et ce à la demande de la commission d’experts. Le représentant du groupe des travailleurs a mentionné une série d’articles de la nouvelle loi. Sans entrer dans le détail, je peux vous dire qu’il y a des erreurs d’interprétation de ces dispositions. Quelqu’un a demandé au groupe des travailleurs de faire des commentaires et, ce faisant, il a fait une interprétation personnelle et déformée de ces dispositions.
Mais nous sommes ouverts à la discussion avec les travailleurs sur ce point et nous pouvons rectifier l’interprétation de ces dispositions, y compris de celles qui, selon eux, violent les dispositions de la convention. Nous souhaitions rétablir les choses et, si certaines dispositions sont contraires à la convention, nous pouvons facilement amender ces articles pour les mettre en conformité.
Plusieurs autres orateurs ont fait état de revendications ou d’allégations. La mission du BIT a pu constater par elle-même la situation réelle en Egypte. Prenons quelques exemples. Il y aurait une ingérence de l’Etat dans les élections syndicales. Ces élections se sont déroulées sous contrôle judiciaire, et personne ne s’est ingéré dans un quelconque processus électoral syndical.
C’est une première chose. La deuxième chose concerne l’allégation selon laquelle des travailleurs ont été arrêtés sur un chantier naval d’Alexandrie, puis détenus. En réalité, des manifestations, des perturbations et des confrontations ont eu lieu dans une société du port d’Alexandrie, et celle-ci a fait appel aux autorités, lesquelles se sont rendues sur place et ont pris des décisions conformes à la législation en vigueur.
D’autres allégations indiquent que nous faisons obstacle à la création de l’organisation des travailleurs égyptiens. J’ai déjà abordé le sujet à plusieurs reprises. J’en ai parlé avec vos collègues qui se sont rendus en Egypte, et cela à plusieurs occasions. Nous avons aussi débattu de la question hier, et je continue de réaffirmer notre position à l’égard du syndicat des travailleurs démocratiques égyptiens, lequel se félicite de compter plus de 700 000 affiliés. Nous nous sommes penchés sur la question avant l’adoption de la loi et donc avant d’avoir une législation sur les syndicats, et nous avons ensuite essayé, pendant la période de réconciliation, d’entrer en contact avec eux. Le problème est qu’aucun comité syndical ne nous a dit être affilié à cette confédération. Il semblerait donc que, malgré ses 700 000 affiliés, l’organisation n’ait pas été en mesure de fournir des documents justifiant l’affiliation d’un seul syndicat.
A l’occasion du centenaire de l’OIT, je me suis entretenu avec le président de cette confédération syndicale. Je lui ai demandé de nous fournir les documents pertinents et que l’on ferait valoir sa demande; notre ministère ne peut donc pas être accusé de bloquer l’enregistrement de cette organisation; néanmoins, nous n’avons pas eu de nouvelles, malgré nos diverses tentatives d’entrer en contact avec elle.
Par conséquent, comment ce syndicat peut-il prétendre avoir autant d’affiliés? Cette confédération prétend avoir des affiliés mais ne fournit la preuve d’aucune affiliation.
Nous souhaitons donc dire à cette commission que, conformément à la recommandation de la commission d’experts, une entité technique est en cours de mise en place pour examiner toutes les plaintes présentées par les syndicats, et nous examinons aussi la possibilité de créer de nouvelles organisations. Nous avons demandé au bureau de l’OIT au Caire qu’un représentant siège à ce comité technique afin de fournir l’appui nécessaire au traitement des demandes. Sur la question de M. Regeni, cette affaire est actuellement devant les tribunaux égyptiens. Les autorités égyptiennes et italiennes collaborent dans cette affaire. Je pense qu’il n’y a aucun fondement à examiner ce cas ici. Nous sommes là pour débattre de questions de travail. Nous aurions pu aussi évoquer des cas de travailleurs égyptiens qui ont été assassinés dans d’autres pays, mais nous ne l’avons pas fait car ce n’est pas l’endroit approprié.
Hier, certaines personnes ont demandé si nous allions réellement présenter des amendements et si nous avions de bonnes intentions. Je peux vous assurer que tout est fait comme il faut. Le Parlement a approuvé la législation. Les employeurs font partie des consultations en cours. Les employeurs font évidemment partie de ces consultations. Rappelons-nous que l’Egypte connaît une croissance économique et que nous avons dû modifier la législation en conséquence. C’est donc avec plaisir que nous répondrons à toute autre question. Nous avons pris des mesures pour nous adapter à l’évolution de la situation. Nous avons à cœur de coopérer avec le BIT et de continuer de bénéficier de son assistance technique.
Membres employeurs – Je tiens à remercier le représentant gouvernemental pour ses commentaires et tous ceux qui ont pris la parole pour participer à la discussion concernant ce cas.
De l’avis des employeurs, ce cas porte sur la question, plutôt restreinte, de savoir s’il y a des obstacles en droit et dans la pratique au fonctionnement libre et autonome des syndicats. Nous espérons donc que l’esprit dans lequel le gouvernement a présenté ses interventions témoigne d’un réel désir d’œuvrer de manière constructive avec les partenaires sociaux, les organisations d’employeurs et de travailleurs, au niveau national, pour faire évoluer la situation et tenter de régler certaines questions portées à son attention, ainsi que d’éliminer les obstacles en droit et dans la pratique à l’enregistrement des syndicats.
Les employeurs estiment que nous avons pu observer des progrès en la matière et qu’il s’agit là de développements très positifs; le groupe des employeurs est donc prêt à participer à ce processus.
Nous pensons donc qu’il conviendrait d’encourager le gouvernement à rester ouvert et à démontrer sa volonté d’entendre les préoccupations des parties prenantes sur ces aspects du cas, ainsi qu’à rester ouvert et à démontrer sa volonté d’éliminer les obstacles qui perdurent avec la nouvelle législation sur les syndicats.
Membres travailleurs – Je remercie d’abord toutes celles et ceux qui ont pris la parole pour illustrer les discordances qu’il y a quand même entre la description que fait le gouvernement et la réalité.
Le gouvernement égyptien n’est pas content d’être sur la liste. Mais, je peux le rassurer, je ne connais pas un seul gouvernement qui serait content d’être sur la liste. Pourtant, il apparaît clairement que les nombreuses dispositions de la nouvelle loi que j’ai mentionnées ne sont pas conformes à la convention. Il en résulte que la présence de l’Egypte sur la liste se justifie pleinement.
Le représentant des employeurs égyptiens a fait part de certaines réflexions qu’il convient de rencontrer. D’abord, concernant l’interdiction de fonder des syndicats sur une base religieuse, politique ou idéologique. L’honorable membre semble ignorer que, dans de nombreux pays dans le monde, il y a des syndicats socialistes, chrétiens, communistes et même libéraux. Votre serviteur est lui-même président d’un syndicat chrétien.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a que les chrétiens qui peuvent s’affilier à notre organisation puisque nous comptons parmi nos membres des affiliés de toutes les religions ainsi que des athées. Cela signifie simplement que les organisations ont le droit, sur la base de la convention, de donner à leur organisation la ligne idéologique qu’ils souhaitent sans devoir subir aucune ingérence. C’est ce qu’on appelle la liberté et le pluralisme.
Le deuxième point concerne le contrôle financier. L’organe central de comptabilité est une institution publique rattachée à la Présidence de la République et chargée de contrôler l’argent public. Contrairement à ce que soutient l’honorable membre, les cotisations syndicales n’en font pas partie. L’argent public est ce qui est prélevé sur une base obligatoire par voie d’impôt. Les cotisations syndicales sont payées sur une base volontaire suite à une affiliation à un syndicat. Ce n’est donc pas de l’argent public. Si on devait étendre ce raisonnement, toutes les sociétés commerciales devraient également être contrôlées sur cette base. Il s’agit donc d’un raisonnement absurde.
Ces éléments témoignent néanmoins d’une attitude paternaliste insupportable qui prétend connaître l’intérêt des travailleurs mieux qu’eux. On les traite comme des mineurs, des brutes ou des automates, des ignorants. Il semblerait que le gouvernement ait choisi d’appliquer la célèbre maxime de Di Lampedusa: tout changer pour que rien ne change.
En effet, il s’agit pour lui de persister à ne pas respecter la convention tout en faisant croire que les changements introduits garantissent la liberté syndicale. Le rôle du groupe des travailleurs est d’exercer un devoir de vigilance en brisant les miroirs aux alouettes.
Il ne suffit pas d’adopter une nouvelle loi pour garantir la liberté syndicale. Il faut encore et surtout que son contenu soit conforme en tous points à la convention. Dans mon discours d’introduction, j’ai fait de nombreuses références aux dispositions légales qui continuent à poser problème. Nous insistons notamment pour que l’article 5 qui interdit de fonder des syndicats basés sur les critères énumérés par cet article soit abrogé.
Il en va de même des dispositions qui donnent au ministre la possibilité d’initier une procédure de dissolution en cas de faute grave dans la gestion financière et administrative. Nous insistons sur le fait qu’il n’appartient pas aux autorités de fixer les conditions d’éligibilité pour les candidats dans les instances syndicales.
Dans le même ordre d’idées, le groupe des travailleurs invite le gouvernement à retirer les dispositions qui déterminent les compétences des conseils d’administration et qui réglementent l’élection des assemblées générales.
En outre, le problème persistant quant à l’impossibilité de s’affilier à plusieurs syndicats doit être résolu.
Enfin, nous invitons le gouvernement égyptien à abroger les dispositions prévoyant des sanctions pénales, en ce compris les amendes. On ne voit pas quel est l’intérêt de prévoir des sanctions pénales en cas de non-respect d’une procédure d’exclusion par exemple.
Nous invitons le gouvernement à inscrire toutes les organisations syndicales qui en ont fait la demande et de recevoir sans délai celles qui ont déposé des plaintes.
Nous demandons également au gouvernement de transmettre à la commission d’experts, pour septembre 2019, un rapport détaillé quant aux suites qu’il réservera aux demandes de notre commission.
Eu égard au fait que nous parlons de problèmes persistants depuis plusieurs années, que cela concerne un aspect fondamental qu’est la liberté syndicale, nous demandons par conséquent au gouvernement d’accepter qu’une mission de haut niveau se rende sur place.
Le cas de l’Egypte a été traité à plusieurs reprises par notre commission. A chaque fois, le gouvernement a choisi la voie des restrictions et des entraves de toutes sortes avec, à chaque fois, des résultats négatifs. Il est peut-être venu pour lui le moment d’essayer la voie du respect de la liberté syndicale, car toutes les autres mènent incontestablement à des impasses avec toutes les conséquences.
Conclusions de la commission
La commission a pris note des déclarations orales du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté que, en dépit de l’adoption de la loi sur les syndicats et du décret ministériel no 35, plusieurs divergences de longue date entre la législation nationale et les dispositions de la convention subsistent.
La commission a exprimé sa préoccupation par la persistance de restrictions imposées au droit des travailleurs de s’affilier à des organisations, fédérations et confédérations syndicales de leur choix et d’en constituer, et par l’ingérence continue du gouvernement dans les élections et les activités syndicales.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission demande au gouvernement de:
- s’assurer qu’aucun obstacle n’existe, en droit ou dans la pratique, à l’enregistrement des syndicats, conformément à la convention;
- agir avec célérité afin de traiter les demandes d’enregistrement de syndicats en suspens;
- s’assurer que tous les syndicats peuvent exercer leurs activités et élire leurs dirigeants en toute liberté, en droit et dans la pratique, conformément à la convention;
- modifier la loi sur les syndicats pour s’assurer que:
– le seuil minimum d’adhérents exigé au niveau de l’entreprise, de même que celui exigé pour la constitution de syndicats généraux et de confédérations syndicales, ne représente pas un obstacle au droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales libres et indépendantes de leur choix et de s’y affilier;
– les travailleurs ne sont pas emprisonnés pour avoir exercé leurs droits prévus dans la convention;
- transmettre des copies du projet de Code du travail à la commission d’experts avant sa prochaine session de novembre 2019.
La commission invite le gouvernement à accepter l’assistance technique du BIT pour l’aider à mettre en œuvre ces recommandations. La commission prie instamment le gouvernement de rendre compte de ses progrès à la commission d’experts avant sa session de novembre 2019.
Représentant gouvernemental – Nous avons pris bonne note des conclusions de la commission et nous remercions tous ceux qui ont participé à la discussion. Nous accueillons favorablement les conclusions de la commission et nous tenons à lui assurer que, comme le ministre l’a longuement expliqué lors de la discussion du cas, le gouvernement de l’Egypte a modifié sa législation. Je constate que les suggestions formulées dans les conclusions sont en réalité déjà incluses dans les amendements que nous avons présentés au Parlement et sont actuellement examinées pour adoption. Une copie de cette nouvelle loi sera évidemment envoyée au secrétariat de l’OIT.
Le gouvernement s’emploie également à résoudre les problèmes des organisations syndicales qui souhaitent régulariser leur situation en leur apportant un soutien technique, et a demandé au bureau de l’OIT au Caire de participer à ce processus.