ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1990, Publication : 77ème session CIT (1990)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 2016)

Autre commentaire sur C029

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Un représentant gouvernemental a déclaré que la situation décrite dans le rapport de la commission d'experts ne correspond plus à la réalité depuis déjà plusieurs années. L'esclavage n'existe plus dans son pays, tous les citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le problème qui se pose est celui de la mise en conformité de l'ordonnance no 81-234 portant abolition de l'esclavage. Cette ordonnance renvoie en effet, pour son application, à la publication d'un décret qui devrait donner effet à son article 3 prévoyant une compensation des ayants droit. Pour verser la compensation prévue par l'article 3 de cette ordonnance, un décret serait donc nécessaire. Le gouvernement est conscient de la nécessité de prendre les dispositions indispensables à la mise en oeuvre de ladite ordonnance, et il étudie actuellement la question de savoir s'il doit abroger l'article 3 relatif à la compensation des ayants droit ou lui donner effet. Le gouvernement a déjà démontré sa bonne foi et sa volonté de tenir compte des observations de la commission d'experts en donnant aux autorités régionales des instructions relatives aux sanctions appliquées aux contrevenants aux dispositions législatives et réglementaires qui interdisent l'esclavage. L'article 56A du Code pénal prévoit des sanctions pénales pour les infractions en la matière. La question qui préoccupe la présente commission est donc à l'étude et celle-ci peut être assurée que son gouvernement y apportera une solution conforme aux observations de la commission d'experts. S'agissant de la réquisition de main-d'oeuvre, l'orateur a réitéré ses déclarations antérieures selon lesquelles des mesures sont envisagées pour mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de l'article 2 de la convention. La réimplantation des structures syndicales permettra de soumettre au Conseil national du travail le projet de Code du travail élaboré avec le concours du BIT. Une fois adopté, ce code permettra de régler plusieurs problèmes en suspens. Son gouvernement a "demandé" l'assistance du BIT pour réexaminer l'ensemble du projet à la lumière de l'évolution de la situation.

Les membres employeurs ont déploré devoir réitérer leurs remarques de l'année précédente puisque la Mauritanie n'a pas présenté de rapport. Depuis longtemps, de nombreuses informations indiquent que l'esclavage n'a pas totalement disparu dans les faits bien que depuis 1963 le travail forcé soit interdit par le Code du travail et passible de sanctions pénales. En outre, en 1980 et 1981, une ordonnance sur l'abolition de l'esclavage et une ordonnance prévoyant le versement de compensations à ceux qui jusque-là avaient des esclaves ont été adoptées. Or aucune disposition d'application n'ayant été prise pour dédommager ceux qui devaient perdre leurs esclaves, de ce fait, ils continuent d'exiger le travail de ces derniers. Le gouvernement refuse maintenant de donner suite à ses propres intentions et de prendre des dispositions pour le versement de compensations car ceci étant interdit n'aurait pas besoin d'être compensé financièrement. Cela paraît logique, mais la pratique semble montrer que le problème ne peut pas être résolu ainsi. Le représentant gouvernemental n'a fait que répéter ce que la présente commission a déjà entendu auparavant, à savoir que le problème n'existe pas dans la pratique, mais que le gouvernement fera de son mieux pour le résoudre. La politique du gouvernement n'est pas conséquente et ne dénote aucune volonté de prendre les mesures nécessaires pour l'élimination effective de l'esclavage. Se référant à la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la question est à l'étude, les membres employeurs ont rappelé que la présente commission a déjà été saisie du problème en 1984, en 1986 et en 1989, sans résultat semble-t-il. Qu'en est-il en particulier de la question importante des compensations dont le représentant gouvernemental n'a pas soufflé mot aujourd'hui? En tout état de cause, il faut absolument mettre fin à la pratique de l'esclavage. Par ailleurs, en ce qui concerne la réquisition de la main-d'oeuvre, le gouvernement prétend depuis fort longtemps reconnaître la nécessité de réviser la législation et il n'est que temps qu'un projet soit déposé et que l'on dépasse le stade des proclamations d'intention.

Les membres travailleurs ont exprimé leur accord total avec les membres employeurs. En ce qui concerne la question des compensations, il ressort du rapport de la commission d'experts que le gouvernement entend supprimer cette disposition, car il serait aberrant de prévoir des compensations pour une activité déclarée illégale. Il faudrait savoir quelle est exactement la position du gouvernement sur cette question. Est-il disposé oui ou non à verser les compensations prévues?

Le représentant gouvernemental, en réponse aux interventions des membres employeurs et travailleurs, a réaffirmé que l'esclavage n'existe pas en Mauritanie et qu'il est en désaccord avec les observations de la commission d'experts sur ce point précis. Par contre, il est tout à fait exact que l'ordonnance no 81-234 n'est pas conforme à la présente convention et qu'il faut y remédier. En ce qui concerne la question des compensations, la question est à l'étude, cela suppose l'intervention tant du gouvernement que de l'Assemblée nationale. L'alternative sur ce point est la suivante: soit supprimer l'article 3 de l'ordonnance 81-234 qui prévoit l'octroi de compensations par le biais d'un décret d'application, auquel cas l'ordonnance deviendrait conforme à la convention, soit adopter un décret d'application de l'article 3, afin de verser des compensations, ce qui mettrait également l'ordonnance en conformité avec la convention. Ainsi, quelle que soit la solution retenue, elle sera conforme aux exigences de la convention.

Les membres employeurs ont déclaré que le caractère imprécis des déclarations du représentant gouvernemental montrait que le gouvernement n'avait pas encore défini la manière dont il s'acquitterait de ses obligations. En conséquence, les membres employeurs ne peuvent qu'exprimer leur très profonde préoccupation face à la persistance du problème qui a déjà été discuté plusieurs fois par la présente commission.

Les membres travailleurs ont souscrit totalement aux remarques des membres employeurs et se sont associés à l'expression de leur préoccupation. Il faut insister sur le fait qu'il ne suffit pas à un pays qui a ratifié la convention d'interdire l'esclavage, ce pays a aussi l'obligation d'assurer que les sanctions sont réellement efficaces et strictement appliquées. Les demandes d'informations précises de la commission d'experts n'ont reçu aucune réponse sur ce point. En ce qui concerne le problème de la réquisition de la main-d'oeuvre, il est indiqué dans le rapport de la commission d'experts qu'en 1986 le représentant gouvernemental à la présente commission avait annoncé que les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la convention avaient été prises. Or aujourd'hui ce problème serait toujours à l'étude. Des précisions seraient utiles en la matière.

Le représentant gouvernemental, en réponse à l'intervention des membres employeurs, a déclaré que son gouvernement ferait tout son possible pour donner satisfaction à l'ensemble des observations de la présente commission. En ce qui concerne la remarque des membres travailleurs sur les mesures prises en matière de réquisition de main-d'oeuvre pour donner effet à la convention, des retards sont intervenus en raison de la réimplantation des structures syndicales qui n'a pris fin qu'en avril 1989, puis des incidents qui ont éclaté aux frontières du pays.

Le membre travailleur du Sénégal a déploré qu'il subsiste en Afrique un pays où l'esclavage soit pratiqué. Il a soutenu les interventions des membres employeurs et des membres travailleurs et a demandé à la commission d'insister fermement sur la nécessité d'appliquer cette convention.

Le membre travailleur du Botswana a demandé des informations plus précises sur les intentions du gouvernement au sujet de l'article 3 de l'ordonnance 81-234 et du versement de compensations. Par ailleurs, des assurances peuvent-elles être données à la présente commission que des informations seront communiquées au BIT en ce qui concerne les poursuites engagées contre ceux qui violent les dispositions interdisant l'esclavage et les sanctions qui leur ont été infligées? Enfin, le gouvernement peut-il communiquer au BIT tout instrument qui porterait abrogation de l'article 3 de l'ordonnance susmentionnée?

Le représentant gouvernemental a, en réponse à ces questions, réitéré l'engagement de son gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que la législation nationale soit conforme à la convention.

Les membres travailleurs, exprimant à nouveau leur très grande préoccupation, ont déclaré qu'il fallait insister auprès du gouvernement pour qu'il prenne sans retard des mesures concrètes et envoie les informations concrètes demandées par la commission d'experts. Ils ont exprimé l'espoir que, sur la base de ces informations, la commission pourrait, l'année prochaine, constater des progrès, faute de quoi elle se verrait dans l'obligation de parvenir à des conclusions différentes.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement mais elle a déploré que celui-ci n'ait pas été plus précis, notamment sur les points soulevés par la commission d'experts. Elle a également pris note de la demande adressée au Directeur général du BIT d'envoyer une mission dans le pays qui pourrait aider à modifier la législation de manière à assurer la mise en oeuvre de la convention. Profondément préoccupée, la commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement serait, dans un très proche avenir, en mesure de donner des informations complètes et détaillées sur la législation et la pratique. Elle a fait observer qu'elle pourrait aboutir à des conclusions de nature différente si le gouvernement manquait de le faire, et elle a prié le gouvernement d'envoyer un nouveau rapport détaillé à temps pour examen par la commission d'experts, de sorte que la présente commission puisse discuter de la situation en 1991.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer