National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Une représentante gouvernementale a rappelé qu’en 2010, devant cette commission, le gouvernement avait précisé la nature de la Constitution canadienne, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral et les autorités des 10 provinces et trois territoires ont la compétence exclusive de légiférer sur les questions du travail qui relèvent de leurs juridictions respectives. A cette occasion, la commission avait considérablement insisté sur les difficultés qu’entraînait cette répartition des pouvoirs législatifs prévue par la Constitution. L’oratrice a souligné plusieurs initiatives et mécanismes destinés à remédier à cette question. Par exemple, le gouvernement agit avec les autorités des provinces et des territoires pour faciliter la mise en œuvre des obligations internationales du Canada en matière de travail. La principale instance pour ces discussions est l’Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière. De plus, un atelier annuel rassemble des fonctionnaires des autorités fédérales, provinciales et territoriales pour examiner des questions concernant l’OIT, y compris des rapports présentés à l’OIT sur l’application de conventions ratifiées, des commentaires des organes de contrôle de l’OIT et l’examen de conventions de l’OIT en vue de leur éventuelle ratification. Les partenaires sociaux y sont invités régulièrement. En outre, des réunions tripartites sur des questions du travail à l’échelle internationale se tiennent tous les ans, avec la participation de fonctionnaires de l’OIT. En novembre 2010, le ministre fédéral du Travail a institué le Conseil consultatif sur les questions relatives au travail et au lieu de travail, composé de représentants des employeurs et des travailleurs, une instance de discussion et de conseil qui aide le ministre pour les questions de ce domaine qui ont une portée fédérale, nationale et internationale.
S’agissant des observations de la commission d’experts, la représentante gouvernementale a indiqué, à propos des rapports détaillés du gouvernement de 2011 et 2012, qu’elle présenterait principalement les faits nouveaux survenus depuis le dernier rapport. En ce qui concerne les allégations soumises en juillet et août 2012 par la Confédération syndicale internationale (CSI), le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Confédération des syndicats nationaux (CSN), certaines portent sur des cas du Comité de la liberté syndicale (CLS) qui ont été clos, d’autres n’ont pas trait à l’application de la convention et d’autres encore seront traités dans les prochains rapports du gouvernement sur la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, la convention (nº 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, la convention (nº 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Pour ce qui est de l’allégation d’une recrudescence d’atteintes à la convention de la part du gouvernement fédéral, il n’y a pas eu dernièrement d’amendements à la législation sur les relations professionnelles. Cependant, depuis 2011, le gouvernement fédéral a adopté, à trois reprises, une législation visant à prévenir ou faire cesser les arrêts de travail qui compromettent l’intérêt public et l’économie canadienne. Deux de ces cas sont actuellement examinés par le CLS. Faisant suite à une recommandation contenue dans une étude indépendante sur les causes et conséquences des arrêts de travail dans le secteur privé au niveau fédéral, et au consensus des syndicats et des employeurs intéressés sur la nécessité d’améliorer leurs relations, le gouvernement a accru en 2011 les ressources allouées à son programme de médiation préventive, lequel prévoit des services, notamment des sessions de formation pour passer de la confrontation à des relations travailleurs-employeurs plus harmonieuses, des approches pour régler les différends, améliorer la capacité de négociation collective et mieux répondre aux revendications formulées sur le lieu de travail. Quant à la décision de 2007 de la Cour suprême Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, (ci-après B.C. Health Services) que les syndicats mentionnent, dans laquelle la cour a estimé que la protection de la liberté d’association prévue par la Charte des droits et libertés s’étend à la négociation collective, la représentante gouvernementale a souligné que, en 2011, dans son arrêt Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20 (ci-après Fraser), la Cour suprême a revu sa décision et restreint la protection de la négociation collective garantie par la charte. De ce fait, l’étendue de la protection offerte pour la charte a continué à faire l’objet de procédures.
En ce qui concerne le suivi par les gouvernements provinciaux, la représentante gouvernementale a indiqué qu’un cas récent devant le CLS concerne la législation de l’Ontario de 2012 (projet de loi no 115) qui imposait des contrats aux enseignants de l’Ontario. En janvier 2013, ce projet de loi a été refusé par le gouvernement de l’Ontario et les contrats imposés ont été modifiés depuis par des négociations collectives supplémentaires. En ce qui concerne le droit d’organisation des salariés à temps partiel des collèges publics, le gouvernement de l’Ontario tient à informer la commission que les demandes d’accréditation déposées par le Syndicat des salariés du secteur public de l’Ontario sont actuellement traitées par la Commission des relations de travail de l’Ontario, un organisme quasi judiciaire indépendant. Il y a eu d’importants retards dans le traitement de ces demandes en raison de nombreuses questions de procédure soulevées tant par le syndicat plaignant que par l’employeur, mais le dépouillement des bulletins de vote peut désormais être entrepris. Quant à l’exclusion, dans certaines juridictions, de certaines catégories de travailleurs, notamment les professions médicales, les dentistes, les architectes, les professions juridiques et techniques, les principaux et principaux adjoints des établissements d’enseignement, de la législation sur les relations professionnelles, ces catégories ont le droit de s’affilier aux organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts professionnels. En ce qui concerne les travailleurs domestiques, le gouvernement du Nouveau-Brunswick tient à informer la commission qu’il a poursuivi les discussions concernant les éventuels amendements à la loi sur les relations professionnelles visant à supprimer ou modifier l’exclusion concernant ces travailleurs. De plus amples informations seront fournies à la commission d’experts dans le prochain rapport. Le gouvernement de la Saskatchewan a également indiqué que, dans le cadre de l’examen de la législation du travail, la définition du terme «employé» a été précisée et une nouvelle définition du terme «employé de supervision» a été ajoutée confirmant le droit de ces derniers de s’organiser pour négocier collectivement dans des unités de négociation séparées de celles des employés qu’ils supervisent. En outre, en ce qui concerne les projets de loi 5 et 6 de la Saskatchewan, la loi sur les services essentiels dans la fonction publique et les amendements à la loi sur les syndicats, la Cour d’appel de la Saskatchewan a constaté, dans une décision rendue le 26 avril 2013, que les deux lois sont conformes à la Constitution. Une copie de cette décision sera communiquée avec le prochain rapport du gouvernement. Enfin, la commission d’experts a identifié un certain nombre de dispositions législatives qu’elle estime incompatibles avec la convention. Les partenaires sociaux au niveau national n’ont toutefois fait part d’aucune préoccupation au sujet de ces dispositions en vigueur depuis longtemps. La représentante gouvernementale a mentionné, à titre d’exemple: i) les lois de la Nouvelle-Ecosse, de l’Ontario et de l’Ile‑du‑Prince‑Edouard qui désignent des syndicats spécifiques comme agents négociateurs; ii) le système actuel d’arbitrage obligatoire en vertu de la loi sur les écoles publiques du Manitoba; et iii) l’article 87.1 de la loi sur les relations du travail du Manitoba qui permet d’imposer, à la demande d’une partie, l’arbitrage par le Conseil du travail après soixante jours d’arrêt de travail – il convient de noter que l’article 87.4 de la loi exige que le Comité d’étude des relations syndicales-patronales examine l’application de cet article tous les deux ans et fournisse au ministre un rapport faisant part de ses conclusions; le prochain examen sera effectué en 2013. La représentante gouvernementale a reconnu que le système canadien de relations professionnelles n’est pas parfait et qu’il y a encore à faire pour répondre à un certain nombre de problèmes d’application de la convention, comme le montre la législation de toutes les juridictions canadiennes qui reconnaissent la liberté syndicale et prévoient des mesures de protection du droit d’organisation. Toutefois, elle a souhaité rappeler à la commission l’engagement total du Canada en ce qui concerne l’application de la convention. Le gouvernement continuera à travailler afin de répondre aux commentaires de la commission d’experts, en collaboration avec les gouvernements des provinces et des territoires, et fournira des informations complémentaires dans son prochain rapport. L’oratrice a assuré la commission du soutien et de la collaboration continus de son gouvernement à l’égard des organes de contrôle de l’OIT.
Les membres employeurs ont indiqué que l’observation de la commission d’experts porte aussi sur d’autres conventions de l’OIT, comme la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011. Toutefois, ils ont indiqué qu’ils limiteraient leurs remarques à la convention no 87. Les membres employeurs se sont référés au fédéralisme canadien, unique en son genre, qui semble être à la base du présent cas dans la mesure où il traite d’un large éventail de questions qui, toutes, concernent les provinces plutôt que le gouvernement fédéral. La législation fédérale concerne moins de 5 pour cent des employeurs, les 95 pour cent restants tombant sous le coup des lois provinciales. La plupart des commentaires de la commission d’experts visent donc la législation des provinces. Depuis 1982, la Constitution canadienne reconnaît explicitement la liberté d’association et, depuis plus de trente ans, la Cour suprême du Canada et les juridictions suprêmes des provinces ont constitué un important corpus de jurisprudence sur la liberté d’association en interprétant la Constitution canadienne. Dans plusieurs de ses observations, la commission d’experts demandait au gouvernement de prendre des mesures par rapport à des textes de loi que les plus hautes juridictions du Canada n’avaient pas jugés constituer une violation du droit constitutionnel à la liberté syndicale. A titre d’exemple, la commission d’experts a demandé au gouvernement de s’assurer que le gouvernement de l’Ontario modifie la loi sur la protection des employés agricoles (LPEA), considérant qu’elle ne respecte pas la convention. Or, en 2011, la Cour suprême a déclaré la LPEA constitutionnelle. Un autre exemple concerne le droit de grève. La commission d’experts considère que les récents amendements à la loi sur les syndicats de la Saskatchewan violent le droit à la liberté syndicale et elle citait un cas qu’avait examiné le Comité de la liberté syndicale (CLS) en 2010. Les membres employeurs ont soulevé plusieurs points à cet égard. Premièrement, le CLS n’a pas pour mandat d’évaluer la conformité avec les conventions de l’OIT, et la commission d’experts, comme cette commission, devrait faire montre de circonspection dans l’examen des conclusions et recommandations du CLS. Deuxièmement, les membres employeurs ne partagent pas le point de vue de la commission d’experts sur le droit de grève et ils sont persuadés que la question du droit de grève relève de la législation nationale. Troisièmement, conformément à ce qui précède, la plus haute juridiction de la Saskatchewan, la Cour d’appel de la Saskatchewan, a récemment confirmé que les parties concernées de la loi sur les syndicats ne constituent pas une violation du droit à la liberté d’association tel que le consacre la Constitution du Canada.
Les membres travailleurs ont pris note des commentaires formulés par l’Organisation internationale des Employeurs (OIE) en 2012 et des discussions sur le mandat de la commission d’experts et le lien entre liberté syndicale et droit de grève. Après avoir rappelé les dispositions de la convention, ils ont souligné que la liberté syndicale est un droit de l’homme et constitue une condition préalable à une négociation collective et à un dialogue social sains au profit des employeurs, des travailleurs et de la paix sociale. La Commission de la Conférence et le Comité de la liberté syndicale (CLS) contribuent à résoudre les difficultés d’application de ce droit fondamental dans le monde entier, y compris au Canada. Les membres travailleurs ont souligné la complexité de la législation canadienne sur les droits syndicaux et se sont référés à l’analyse approfondie que la commission d’experts en a faite dans son commentaire. Le droit d’organisation reste entravé dans de nombreuses provinces pour toute une série de travailleurs, notamment les travailleurs agricoles en Ontario et en Alberta et les travailleurs domestiques qui sont exclus de toute protection légale en matière syndicale en Ontario et en Nouvelle‑Ecosse, en Alberta et en Saskatchewan. Selon les provinces, certaines professions libérales bénéficient ou non du droit de s’organiser. Des entraves à la liberté syndicale existent aussi dans l’enseignement dans plusieurs provinces. En l’Ontario et en Nouvelle‑Ecosse ainsi que dans l’Ile‑du‑Prince‑Edouard pour la fonction publique, un seul syndicat est reconnu pour la négociation. En Saskatchewan, un seuil de 45 pour cent de salariés est imposé pour être accrédité comme syndicat. S’agissant du droit des syndicats d’organiser leurs activités, les membres travailleurs ont rappelé les restrictions subies dans plusieurs provinces dans les secteurs de l’éducation (Colombie-Britannique, Manitoba, et bientôt Ontario) et de la santé (interdiction des actions collectives en Alberta). En outre, au Manitoba, l’arbitrage peut être imposé de manière unilatérale par une partie à la négociation et, au Québec, l’application de conventions collectives peut être imposée mettant ainsi fin aux négociations. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait qu’au Canada les atteintes aux droits syndicaux sont de plus en plus nombreuses et que les autorités provinciales ne semblent pas pressées d’appliquer la convention.
La membre travailleuse du Canada a observé que de nombreux commentaires de la commission d’experts étaient presque identiques d’un rapport à l’autre, ce qui indique que peu d’avancées ont été réalisées en matière d’amélioration de la législation ou de la pratique. Cette année, la commission d’experts a prié le gouvernement de répondre aux allégations selon lesquelles des violations de la liberté syndicale sont devenues la norme au Canada. A cet égard, l’oratrice a dénoncé la lenteur des autorités provinciales pour donner effet aux recommandations de la commission d’experts, comme le montrent les commentaires de longue date concernant l’exclusion des travailleurs domestiques, des architectes, des dentistes, des géomètres, des avocats, des ingénieurs et des médecins, en droit et en pratique, du droit d’organisation. Même si certains gouvernements provinciaux ont comblé cette lacune, d’importantes difficultés subsistent. Les avancées concernant les travailleurs domestiques se réalisent lentement, non seulement en Alberta et en Ontario mais aussi dans toutes les provinces. Il en va de même pour la situation des travailleurs agricoles et horticoles en Alberta et en Ontario, malgré une décision rendue par un tribunal de l’Ontario selon laquelle la LPEA reconnaît le droit des employés agricoles de constituer des associations d’employés ou de s’y affilier. En Alberta, les infirmières n’ont toujours pas le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. L’oratrice a également dénoncé la lenteur d’action en ce qui concerne les travailleurs de l’éducation en Alberta et les enseignants dans l’Ile‑du‑Prince‑Edouard, en Nouvelle-Ecosse et en Ontario. L’oratrice s’est également dite préoccupée par la stratégie discutable des autorités de l’Ontario concernant la certification du personnel enseignant et administratif à temps partiel, ainsi que par l’argument fallacieux selon lequel sa décision de ne pas faire obstacle à la résolution de l’affaire était partagée par le Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public. Elle s’est également dite préoccupée par la détérioration de la situation en matière de processus de négociation et d’abus dans la définition des «services essentiels», dans le secteur public, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba et du Québec. L’oratrice a également dénoncé le fait que le gouvernement fédéral a été à l’avant‑garde des attaques contre la négociation collective par ses menaces ou par sa législation obligeant les travailleurs à cesser la grève et à reprendre le travail, bien que le gouvernement ait reconnu le droit de grève dans d’autres instances, par exemple dans son accord commercial avec le Costa Rica où ce droit est explicitement mentionné. Elle s’est dite préoccupée par le projet de loi C-377, qui impose des obligations financières élevées relatives à l’établissement de rapports, donne aux employeurs accès à des informations détaillées sur les activités de négociation collective et d’organisation des syndicats et viole les garanties de protection de la vie privée. De plus, les autorités provinciales mènent des combats «au cas par cas» pour réduire le champ d’application d’une décision de la Cour suprême de 2003 d’après laquelle la négociation collective fait partie du droit d’association consacré par la Constitution. L’oratrice a également dénoncé plusieurs mesures prévues par le gouvernement fédéral, tels le projet de loi C-60 faisant du Conseil du Trésor le troisième participant à la négociation collective concernant les sociétés d’Etat, le projet de loi C‑525 portant modification des processus de certification et de révocation d’un agent négociateur dans la juridiction fédérale en rendant plus difficile l’obtention d’une représentation et plus facile la révocation des agents négociateurs, et la proposition d’éliminer le système de prélèvement à la source des cotisations au Canada, appelé «formule Rand», qui est un élément fondamental du système canadien de relations professionnelles.
Le membre employeur du Canada a, pour l’essentiel, fait siennes les observations de la représentante gouvernementale. Dans les 10 provinces canadiennes et au niveau fédéral, la législation du travail est très détaillée et vise à assurer des capacités égales de négociation aux employeurs et aux syndicats, et à promouvoir des négociations volontaires et des conventions collectives librement négociées. Cette législation donne aux deux parties des droits et des obligations dans le processus de négociation collective, et assure une aide du gouvernement aux fins de la négociation collective, notamment des services complets de conciliation, de médiation et de facilitation, ainsi qu’une protection solide contre les pratiques déloyales. Aspect important de ce système: il interdit les grèves et les lockouts tant qu’une convention collective est en vigueur et tant que la négociation collective n’a pas atteint certains stades. Le système canadien de relations professionnelles prévoit aussi des modalités exhaustives de règlement quasi judiciaire des différends – un arbitrage obligatoire des différends relatifs à l’interprétation des conventions collectives, des conseils tripartites des relations professionnelles pour interpréter et trancher les différends conformément à la législation sur les relations professionnelles et, le cas échéant, l’accès au système judicaire. La Charte canadienne des droits et libertés, élément essentiel de la Constitution canadienne, prévoit à l’article 2 d) que chacun jouit du droit fondamental de la liberté d’association. A propos des commentaires de la commission d’experts sur le respect par le Canada de l’article 3 de la convention, en particulier en ce qui concerne «le droit de grève», les tribunaux canadiens ont conclu qu’il n’y a pas de droit constitutionnel de grève. Depuis 2007, la Cour suprême a rendu deux décisions importantes au sujet de la portée de la protection accordée par la Constitution de la liberté d’association établie à l’article 2 d) de la Charte canadienne. Dans sa décision de 2007 B.C. Health Services, la Cour suprême a estimé que la protection constitutionnelle de la liberté d’association garantie par la charte comprend un processus de négociation collective. Toutefois, la Cour suprême a pris le soin de souligner que la protection constitutionnelle de la négociation collective se limite aux cas suivants: i) elle ne porte que sur les actes de l’Etat touchant la négociation collective; ii) elle ne garantit qu’un processus général de négociation collective; et iii) elle ne protège que contre les ingérences de l’Etat dans la négociation collective qui sont à ce point substantielles qu’elles découragent les travailleurs de négocier les conditions d’emploi; si l’ingérence de l’Etat est considérable mais assortie d’un processus de consultation de bonne foi qui prend en compte les principes de la négociation collective libre, il est improbable que la protection de la liberté d’association soit enfreinte. Dans sa décision Fraser de 2011, la Cour suprême a précisé la portée de la protection constitutionnelle de la liberté d’association dans le cadre des relations professionnelles. En particulier, la cour a établi que l’article 2 d) de la Charte canadienne prévoit que les associations d’employés (y compris les syndicats) doivent pouvoir participer à un véritable dialogue sur le lieu de travail avec l’employeur, qui comprend le droit de présenter des revendications collectives à l’employeur et de les voir prises en considération de bonne foi par l’employeur. La Cour suprême a indiqué aussi que seule une législation qui rendrait impossible dans les faits pour les employés et leur employeur la résolution de bonne foi des problèmes sur le lieu de travail serait considérée comme contraire à la liberté d’association. De plus, la cour a réfuté l’argument selon lequel la liberté d’association garantit aux employés l’accès à un modèle particulier de relations du travail, ou à des mécanismes spécifiques de règlement des différends choisis par eux. En fait, la liberté d’association garantit aux employés un canal de consultations et de négociations véritables avec leur employeur. Dans la décision Fraser, la Cour suprême a examiné les principes internationaux de la législation du travail et s’est fondée sur eux. Elle a réitéré la conclusion qu’elle avait formulée précédemment dans l’affaire B.C. Health Services, à savoir que les principes internationaux du travail précisent la portée de la protection de la liberté d’association prévue par la charte. Dans ces deux décisions, la cour a indiqué spécifiquement que demeure valable la jurisprudence selon laquelle la protection de la liberté d’association prévue par la charte n’inclut pas le droit de grève. La Cour suprême a considéré l’application des principes de la liberté d’association à la lumière du système canadien de relations professionnelles, qui se caractérise par la maturité, la stabilité et l’équilibre; soigneusement conçu, il est appliqué dans la pratique sans heurt et efficacement, et est respecté tant par les employeurs que par les syndicats. De l’avis des employeurs canadiens, la position de la commission d’experts sur le droit de grève cherche à imposer une vision unique de la liberté d’association, sans prendre en compte les caractéristiques particulières et bien ancrées du système canadien de relations professionnelles. Au vu de ce qui précède, et étant donné que le droit de grève n’est établi nulle part dans la convention, ni dans les autres conventions de l’OIT, les employeurs canadiens ont estimé qu’il serait tout à fait inapproprié de conclure que les restrictions soigneusement conçues qui s’appliquent à l’activité de grève, telles qu’adoptées par des législatures démocratiquement élues et constamment réaffirmées par des tribunaux indépendants, violent un «droit de grève».
Le membre travailleur de l’Allemagne a déclaré que cette commission doit aussi prendre en compte l’évolution de la situation et les conditions qui prévalent aussi bien en Allemagne qu’au Canada depuis plusieurs années, qui pèsent sur l’exercice de la liberté syndicale et sur le droit de grève: taux de chômage élevé, augmentation de l’emploi précaire et de l’emploi à bas salaire, nombre croissant de contrats à durée déterminée, augmentation du travail intérimaire, privatisation du secteur de la santé, etc. Ces facteurs font qu’un nombre considérable et sans cesse croissant d’employés, qui ne sont plus en mesure de survivre grâce à leur salaire, sont tributaires des prestations de sécurité sociale («les travailleurs pauvres»). Cette triste réalité réduit considérablement la capacité des syndicats à lutter pour défendre la liberté syndicale et le droit de grève.
Le membre travailleur du Nigéria a fait part de sa préoccupation quant à la situation du secteur public canadien et des vastes implications qu’elle ne manquait pas d’avoir sur la fourniture d’un service public efficace. Le Canada était auparavant un pays modèle dans la promotion des droits des travailleurs, mais ceci n’est plus le cas. Une législation a été adoptée afin de suspendre les droits à la négociation collective des travailleurs du secteur public. Le gouvernement est ensuite allé plus loin en attaquant directement le processus de négociation, en limitant les conditions de syndicalisation des travailleurs, ou en changeant l’usage du terme «services essentiels» afin de limiter les travailleurs ou les syndicats autorisés à faire grève. Le nombre élevé de cas où le droit de grève a été restreint dans le secteur public, en particulier à l’échelle fédérale, est troublant. Il est aussi inquiétant de voir que des pays comme le Canada, dont le service public du Nigéria s’est inspiré pour améliorer le sort des citoyens et des communautés du pays en leur offrant un service approprié, réduisent ainsi de façon considérable les acquis obtenus en dépit des difficultés économiques auxquelles les citoyens sont confrontés.
La membre travailleuse des Etats-Unis a déclaré que son syndicat, United Steelworkers, représentait les travailleurs des Etats-Unis et du Canada. Elle est troublée d’apprendre que certains législateurs canadiens souhaitent abolir la «formule Rand», ou encore le système de cotisations syndicales. De telles modifications de la législation ont pour but d’affaiblir les syndicats qui ont plus de mal à pourvoir à leurs besoins financiers. Les politiciens qui tentent d’éliminer le droit à négocier les cotisations syndicales invoquent le fait que cela créerait des emplois et favoriserait l’économie. Elle a souligné cependant qu’aux Etats-Unis les politiciens cherchaient à instaurer des lois similaires interdisant des clauses de sécurité syndicale dans certains Etats. Des études ont montré que ces lois n’ont eu aucun effet notable sur la création d’emplois. Des Etats qui appliquent de telles lois, tels que la Caroline du Nord, le Mississippi, la Caroline du Sud et le Nevada, sont parmi les Etats dont le taux de chômage est le plus élevé et le taux de syndicalisation le plus bas. Des Etats, tels que le Vermont et Hawaii, qui permettent des clauses de sécurité ont les plus bas taux de chômage. Elle a souligné également que les travailleurs américains des Etats où il n’existe pas de clauses de sécurité syndicale gagnent moins d’argent que ceux qui habitent dans les Etats autorisant de telles clauses. Elle a exprimé l’espoir que le gouvernement appliquera pleinement la convention et conservera le système de cotisations syndicales.
La membre travailleuse des Pays-Bas a souligné que les violations des droits syndicaux sont courantes dans le pays et touchent divers groupes de travailleurs, tant dans le secteur privé que public, notamment des travailleurs domestiques, des architectes, des avocats, des médecins, des travailleurs agricoles et des travailleurs de l’enseignement. Malgré la structure de gouvernance fédérale qui est propre au pays, il s’est avéré que les autorités fédérales et celles au niveau des provinces s’accusent mutuellement, tout en justifiant et en continuant à se rendre coupables de graves violations des droits syndicaux. Les gouvernements au niveau de la province ont été lents à mettre en application la convention, et le gouvernement fédéral n’a pas pris les devants pour faire en sorte que ces gouvernements provinciaux garantissent pleinement les droits des travailleurs à se syndiquer librement et à bénéficier de la protection nécessaire de leurs droits. Le respect des normes internationales du travail, y compris de la convention, à tous les échelons du gouvernement est particulièrement important compte tenu des négociations en cours entre le gouvernement et l’Union européenne dans le cadre de la coopération économique et commerciale. Toutes les parties à un accord à cet égard doivent s’engager à mettre pleinement et effectivement en application les normes fondamentales du travail de l’OIT, notamment celles relatives à la liberté syndicale et au droit à la négociation collective.
Le membre gouvernemental de la République islamique d’Iran a rappelé que la liberté syndicale et le droit de négociation collective sont des droits de l’homme et des principes au cœur du mandat de l’OIT. Il a déclaré que de plus en plus de violations de la liberté syndicale sont commises au Canada et sont devenues la norme pour ce qui est du gouvernement fédéral. Il a appelé le gouvernement à honorer ses obligations internationales, y compris celles en rapport avec la liberté syndicale.
Le membre travailleur de la Colombie a souligné qu’il était inadmissible que le gouvernement d’un pays développé entrave le libre exercice de la liberté syndicale en invoquant des arguments apparaissant absurdes aux yeux des classes laborieuses du monde entier, et en particulier de celles des pays en développement. Le respect de la liberté syndicale est une obligation pour tous les pays, même pour ceux qui s’y soustraient en ne ratifiant pas la convention. Le fait de contester le non-respect intégral de la convention suivant le type d’activité effectuée par les travailleurs n’est pas acceptable alors que l’OIT reconnaît elle-même dans une série d’instruments que les travailleurs des zones rurales font partie intégrante de la classe laborieuse, au même titre que les travailleurs de la santé, de l’enseignement, etc. Il a déclaré qu’il est dépourvu de sens le fait que le gouvernement invoque un accord volontaire de 1956 pour prétendre que les travailleurs ont renoncé à recourir au droit de grève, ce qui reviendrait à réduire à néant 57 années de concessions mutuelles. Comme l’économie s’est mondialisée, les droits eux aussi se sont internationalisés, raison pour laquelle il a revendiqué l’égalité de droits pour tous.
La représentante gouvernementale a indiqué que le rapport et les conclusions de la Commission de la Conférence seraient portés à la connaissance des autorités fédérales, provinciales et territoriales. Le gouvernement reste déterminé à collaborer pleinement avec l’OIT et le système de contrôle, et continuera de faire bon accueil à l’assistance technique et aux conseils du Département des normes internationales du travail sur l’application de la convention et des autres conventions. Consciente que la commission d’experts a identifié plusieurs points qui, de l’avis de la commission d’experts, ne sont pas strictement conformes à la convention, l’oratrice a souligné que ces anomalies existent dans un ample système de relations du travail et de droits de l’homme qui favorise le droit de s’organiser et qui soutient les organisations indépendantes de travailleurs et d’employeurs. Revenant à la question de la législation au Manitoba, qui autorise, après 60 jours d’arrêt de travail, le conseil du travail à imposer un arbitrage à force contraignante à la demande de l’une ou de l’autre partie, l’oratrice a souligné que les seules demandes à cet égard avaient émané de syndicats. En outre, aucune autorité publique au Canada n’a adopté une législation qui chercherait à revenir sur la «formule Rand». Lorsque, dans une province, une proposition dans ce sens a été formulée par un parti d’opposition, les autorités provinciales l’ont rejetée. Elle a indiqué que son gouvernement fournira un complément d’information en réponse à l’observation de la commission d’experts dans son rapport attendu en septembre 2013.
Les membres employeurs ont reconnu que, compte tenu des particularités du système fédéral canadien, le gouvernement fédéral peut difficilement donner des consignes aux gouvernements des provinces en matière de respect de la convention. Il s’avère que le gouvernement fait le nécessaire du point de vue de l’application de la convention. La Commission de la Conférence devrait limiter ses conclusions aux questions soulevées par la commission d’experts à propos de l’application de la convention par le Canada et ne pas s’occuper des questions soulevées par le Comité de la liberté syndicale (CLS) ou se rapportant à d’autres conventions. Les membres employeurs se félicitent de l’indication donnée par le gouvernement suivant laquelle il souhaiterait l’assistance technique du BIT.
Les membres travailleurs ont indiqué que la situation en matière de droits syndicaux au Canada s’est encore dégradée. Ils ont demandé au gouvernement de faire tout son possible pour persuader les autorités provinciales de rendre leurs législations conformes aux dispositions de la convention. Ils ont également formulé une demande qu’une liste soit dressée concernant les lois et règlements à revoir en lien avec la convention.
Conclusions
La commission a pris note des informations communiquées par la représentante du gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté que les questions en suspens portent sur un certain nombre de divergences dans plusieurs provinces entre la législation et la pratique, d’une part, et la convention, de l’autre. La commission a noté que les questions restant à résoudre touchent en particulier l’exclusion de différentes catégories de travailleurs du champ d’application de la législation relative aux relations professionnelles dans plusieurs provinces.
La commission a pris note de l’information fournie par la représentante du gouvernement, indiquant que, s’il est vrai que les travailleurs des différentes provinces et territoires canadiens ne sont pas tous couverts par la législation sur les relations professionnelles, ils jouissent en revanche tous du droit de s’affilier à des organisations de leur choix. De plus, le gouvernement a souligné à nouveau que certaines des divergences soulevées par la commission d’experts n’ont pas suscité de préoccupations à l’échelle nationale. La représentante du gouvernement a fait mention d’initiatives et de mécanismes visant à ce que les autorités territoriales et provinciales traitent conjointement avec les partenaires sociaux des thèmes liés à l’OIT et aux questions de travail de portée internationale, afin de faciliter l’application de leurs obligations internationales. La commission a noté également que, selon le gouvernement, en 2011, les ressources allouées à son programme de médiation préventive ont été accrues. Quant aux provinces, la commission a pris note avec intérêt des points suivants: le rejet du projet de loi no 115 de l’Ontario qui impose le règlement des contrats; l’indication du gouvernement du Nouveau-Brunswick selon laquelle il envisage d’éventuels amendements pour supprimer l’exclusion des travailleurs domestiques du champ d’application de la loi relative aux relations professionnelles ou pour modifier les modalités de leur exclusion; dans la législation du travail de la Saskatchewan, les précisions sur la définition du terme «employé» et l’ajout du terme «employé de supervision».
La commission n’a pas absorbé le droit de grève dans ce cas, les employeurs n’étant pas d’accord avec le fait que la convention no 87 reconnaisse le droit de grève.
La commission a rappelé que, dans certaines provinces, il faut modifier des textes législatifs afin de garantir la pleine application de la convention. En particulier, elle a souligné l’importance d’agir pour que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, aient le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission a demandé au gouvernement de continuer à signaler ces questions aux autorités provinciales, et a exprimé le ferme espoir que des solutions conformes à la convention seront trouvées, en pleine consultation avec les partenaires sociaux intéressés. La commission a demandé au gouvernement d’indiquer en détail les mesures prises à cet égard dans son prochain rapport à la commission d’experts.