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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Maurice (Ratification: 1969)

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Cas individuel
  1. 2016
  2. 2015

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 2016-Mauritius-C098-Fr

Un représentant gouvernemental a indiqué que les séminaires et les discussions concernant la négociation collective dans les zones franches d’exportation (ZFE) et dans le secteur du textile ont été menés de manière permanente par les départements de l’information, de l’éducation et de la communication du ministère du Travail, ciblant les travailleurs des différents secteurs professionnels, y compris ceux des ZFE et du secteur du textile. Entre juillet 2015 et avril 2016, 39 ateliers de formation et de sensibilisation ont été mis en place. Trois cent douze employés et quatre cent trente employées du secteur des ZFE/du textile en ont bénéficié. Ces ateliers mettent l’accent sur les dispositions légales et le droit au travail, y compris le droit à la négociation collective et à l’affiliation syndicale, garantis par le droit du travail. De plus, la sensibilisation des travailleurs à la question de leurs droits au travail, y compris le droit à la négociation collective et à l’affiliation syndicale, a également été menée de manière continue lors de visites d’inspection sur les lieux de travail. Entre 2009 et 2015, 757 inspections ont été faites dans le secteur des ZFE, touchant quelque 102 127 travailleurs (38 376 hommes et 63 751 femmes). Dans le même laps de temps, 2 059 visites d’inspection ont été réalisées (actuellement 30 468 travailleurs migrants sont employés dans le secteur manufacturier – 20 455 hommes et 10 013 femmes). Lors de ces visites, les travailleurs ont été sensibilisés à leur droit à la négociation collective et à l’affiliation syndicale. En ce qui concerne la question de la compilation statistique sur les conventions collectives, il faut noter que, depuis février 2009, la législation prévoit que toute convention collective soit enregistrée au ministère du Travail dans les trente jours suivant sa signature. Le gouvernement a transmis à la commission une liste complète des 62 conventions collectives enregistrées au ministère du Travail entre mai 2010 et mai 2016, et il convient de relever que 4 de ces conventions collectives concernent le secteur des ZFE. Le gouvernement a pris bonne note des remarques de la commission au sujet de l’ingérence dans les négociations collectives ainsi que celles sur l’arbitrage obligatoire, et il faut souligner qu’aucune intervention de ce genre n’a eu lieu depuis. De plus, la loi du travail, actuellement examinée en consultation avec les partenaires sociaux, doit être finalisée fin 2016. Dans ce contexte, les recommandations de la commission sur la meilleure manière d’encourager et promouvoir le développement de la négociation collective seront, dans la mesure du possible, prises en compte. Enfin, l’assistance technique en relation avec les problèmes soulevés par la commission sera demandée au BIT en vertu de la seconde édition du programme de promotion du travail décent, dont l’élaboration est en cours.

Les membres employeurs ont rappelé que la commission a examiné ce cas pour la dernière fois en 2015 et que, depuis 1995, la commission d’experts a formulé 11 commentaires à ce sujet. En 2016, les commentaires de la commission d’experts ont porté principalement sur les trois domaines suivants: la discrimination antisyndicale; la négociation collective dans les ZFE; et l’ingérence du gouvernement dans la négociation collective. En ce qui concerne ce dernier point, les membres employeurs se disent surpris par la déclaration du gouvernement dans laquelle il nie l’existence de cette ingérence, et restent préoccupés par la persistance de l’ingérence dans la négociation collective. Le pays dispose d’un vaste système lié à la négociation collective et aux normes minimales en matière d’emploi. Le Conseil national des rémunérations (NRB) a promulgué des ordonnances sur le salaire minimum et les conditions d’emploi dans 30 secteurs, et il a périodiquement révisé ses ordonnances de manière à assurer leur adéquation. L’ordonnance sur les rémunérations établit un plancher et les employeurs et les travailleurs peuvent alors négocier de meilleures conditions. Si les parties négocient de bonne foi mais qu’elles ne parviennent pas à un accord, elles peuvent convenir volontairement d’entamer une procédure de règlement des différends. Bien que ce mécanisme ne soit pas contraire à la convention, sa mise en œuvre pratique est assez problématique. En 2010, les partenaires sociaux de l’industrie du sucre ont négocié un accord collectif, mais les parties ne se sont pas conformées aux conditions de l’ordonnance sur les rémunérations. Plusieurs semaines après, le NRB a entrepris un examen partiel des ordonnances sur les rémunérations applicables à l’industrie du sucre, en s’attachant aux questions qui n’avaient pas fait l’objet d’accords pendant la négociation collective. Le gouvernement a retiré les questions devant être examinées par le NRB en août 2012. Néanmoins, en 2014, les mêmes problèmes se sont à nouveau posés. Après l’expiration de l’accord collectif dans l’industrie du sucre, et après des mois de négociations, le syndicat a entamé une grève. Les employeurs et le syndicat ayant conclu ultérieurement un accord collectif, le gouvernement a renvoyé les questions non résolues devant le NRB, comme il l’avait fait en 2010. Le gouvernement avait également imposé un arbitrage aux partenaires sociaux, ce qui n’est pas permis par la législation nationale. L’ingérence du gouvernement dans la négociation collective porte manifestement atteinte à la convention. Les membres employeurs ont estimé que la déclaration du gouvernement ne répond pas pleinement aux commentaires de la commission d’experts, et ils encouragent le gouvernement à le faire.

Les membres travailleurs ont rappelé les principes fondamentaux sur lesquels est basée la convention et souligné que la vie économique à Maurice repose essentiellement sur la ZFE et sur la culture de la canne à sucre. En effet, la zone franche de Port-Louis est un maillon central de l’économie nationale avec près de 300 entreprises employant quelque 60 000 travailleurs. Les zones franches sont un enjeu syndical majeur à la fois par le nombre de travailleurs qu’elles regroupent – plus de 65 millions selon l’OIT – et par les difficultés que les travailleurs y rencontrent. Le droit des travailleurs des zones franches à la négociation collective ne doit pas être réduit en raison du statut spécial de ces zones comme le rappelle la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, adoptée par le Conseil d’administration du BIT en 1977. Or la liberté syndicale et le droit de négociation collective sont violés dans la zone franche de Port-Louis comme dans presque toutes les zones franches du monde alors même que les pays qui les ont mis en place sont Membres de l’OIT. Dans ses observations successives depuis 2002, la commission d’experts a noté que les syndicats et la négociation collective sont inexistants ou en très faible nombre dans les ZFE en raison des violations répétées par les employeurs des principes et droits fondamentaux des travailleurs, et de l’absence de protection législative adéquate; que la discrimination antisyndicale est répandue dans le secteur du textile, notamment à l’égard des travailleurs migrants; et que les syndicats y ont des difficultés à rencontrer les travailleurs. Trop souvent, lorsque des syndicats sont mis en place dans les zones franches, les représentants syndicaux font face à du harcèlement, de l’intimidation, des menaces, des discriminations et des licenciements injustifiés. Parfois, des organisations de substitution sont mises en place par les employeurs, en violation des dispositions des normes de l’OIT. Or la reconnaissance du droit de négociation collective a une portée générale et lorsque ce droit n’est pas effectif, les autorités nationales doivent prendre des mesures concrètes pour promouvoir la négociation collective comme demandé par la commission de la Conférence et la commission d’experts et il est déplorable que le gouvernement n’ait fourni aucune information à ce sujet. En outre, en ce qui concerne le droit de négocier collectivement les salaires dans le secteur de la canne à sucre, la commission d’experts fait état d’interventions du gouvernement dans le processus de négociation collective ayant eu pour effet de soumettre à l’arbitrage obligatoire, contrairement aux normes de l’OIT, les 21 questions n’ayant pas pu être résolues par la négociation collective. Les autorités nationales avaient justifié l’ingérence dans la négociation collective dans un courrier adressé à l’OIT en 2011, ce qui a fait l’objet de discussions devant cette commission en 2015. Dans les faits, la prévalence des engagements économiques vis-à-vis du marché européen a justifié une immixtion dans la négociation collective, en violation des conventions de l’OIT. Or l’imposition de l’arbitrage est inacceptable même eu égard à la situation économique ou au nom d’une politique d’ajustement structurel. Les restrictions à la négociation collective doivent être appliquées comme des mesures d’exception rendues nécessaires uniquement par des raisons impérieuses d’intérêt national économique, mais ne doivent pas dépasser une période raisonnable et nécessitent d’être assorties de garanties appropriées pour protéger effectivement le niveau de vie des travailleurs concernés, notamment ceux qui risquent d’être le plus touchés. Dans le cas présent, l’agriculture, dont le secteur de la canne à sucre fait partie, ne représente plus que 6 pour cent de l’activité économique nationale, et un conflit collectif dans ce secteur n’aurait pas mis en péril l’intérêt économique national. L’intervention dans la négociation collective n’était donc pas justifiée, et le gouvernement aurait dû respecter l’autonomie des partenaires sociaux.

Le membre travailleur de Maurice a déclaré que la discrimination antisyndicale continue d’exister au moyen de commissions disciplinaires fictives et partiales dans des entités publiques et privées. A cet égard, il est fait référence au cas de M. Alain Edouard, président de l’Association des travailleurs maritimes de Port-Louis (PLMEA), qui a été licencié à la suite de la décision d’une commission disciplinaire. En réalité, son licenciement a fait suite à la lutte qu’il a menée contre la privatisation potentielle de certaines des activités de la Cargo Handling Corporation (CHC). Malgré l’intervention du ministre du Travail, M. Edouard n’a pas été réintégré. Il a été fait mention aussi de la discrimination antisyndicale dans l’entreprise Mauritius Post Limited. Rappelant les obligations du gouvernement en vertu de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention no 98 de l’OIT, l’orateur a instamment prié ce dernier de fournir des garanties solides contre le licenciement injustifié de travailleurs et de dirigeants syndicaux, et de veiller à la réintégration immédiate des victimes de ces pratiques. En ce qui concerne la négociation collective dans les ZFE, quelque 60 000 Mauriciens et 15 000 étrangers travaillent dans ce secteur. La négociation collective n’y existe pratiquement pas parce que les employeurs remettent en question la reconnaissance des syndicats. Le taux de syndicalisation est extrêmement faible dans le secteur privé (environ 15 pour cent de la main-d’œuvre). La législation du travail donne le droit aux travailleurs étrangers de s’organiser mais aucun ne s’est affilié à un syndicat pour des raisons évidentes: ils sont liés par des contrats de travail à durée déterminée et ils craignent qu’on les expulse ou que leur contrat de travail ne soit pas renouvelé. Dans les unités où les syndicats sont reconnus, les employeurs ont recours à la menace et à leur pouvoir économique pour contraindre les travailleurs à quitter les syndicats. En outre, les syndicats ne peuvent pas accéder facilement aux lieux de travail. Le ministère du Travail a déjà entamé des procédures pour modifier la législation du travail. A la lumière des amendements proposés par les organisations de travailleurs, celles-ci escomptent que la nouvelle législation garantira une protection solide aux travailleurs. Néanmoins, il est à craindre que les employeurs ne s’opposent à la plupart de ces amendements législatifs. L’orateur a rappelé que la négociation collective n’existe pas du tout dans le secteur public. Les salaires des fonctionnaires sont fixés unilatéralement par le bureau d’étude sur les salaires, qui est une entité mise en place par le gouvernement, et les conditions de service sont déterminées à l’issue de réunions bipartites du ministère de la Fonction publique et du bureau d’étude sur les salaires sans la participation des syndicats. Il n’y a pas de négociation tripartite de bonne foi et véritable sur les salaires et les conditions de service. Par conséquent, le gouvernement est prié instamment de promouvoir un mécanisme approprié de négociation collective dans le secteur public, et de retirer au bureau d’étude sur les salaires sa capacité arbitraire de prendre des décisions sur les conditions de service, et plutôt de le transformer en un organe facilitant la consultation tripartite. En ce qui concerne l’ingérence du gouvernement dans la négociation collective en 2010 et 2014, l’orateur a indiqué en conclusion que, au vu du contenu des débats et du fait que le gouvernement n’a tenu aucunement compte des recommandations formulées par cette commission en 2015, les questions à l’examen ne relèvent plus du domaine de l’assistance technique.

Le membre travailleur de l’Allemagne a indiqué que le développement économique, social et industriel de l’Allemagne n’aurait pas été possible sans les plus de 71 000 conventions collectives qui offrent des solutions et des conditions adaptées aux divers secteurs et entreprises. Rappelant que la négociation collective libre entre employeurs et leurs fédérations, d’une part, et les syndicats, d’autre part, constitue le fondement des conventions collectives, l’orateur a déclaré que ces conventions garantissent une rémunération juste et de bonnes conditions de travail aux travailleurs, et que le respect des conventions collectives constitue pour les employeurs une assurance importante de relations professionnelles pacifiques. Tout en encourageant le gouvernement, les travailleurs et les employeurs à régir les conditions de travail au moyen de conventions collectives, l’orateur a déploré que le gouvernement n’ait pas été en mesure d’adopter une nouvelle législation sur la négociation collective. L’orateur a affirmé que deux conditions essentielles sont nécessaires pour exercer le droit de négociation collective: la liberté de constituer des syndicats, ce qui comporte aussi une protection contre la discrimination, et la négociation de conventions collectives sur un pied d’égalité. A ce sujet, l’orateur a prié le gouvernement d’établir un cadre national pour faire appliquer la convention. Faisant observer que, en Allemagne, la loi fondamentale garantit la liberté syndicale et le droit à la négociation collective sans ingérence du gouvernement, l’orateur a salué la capacité du gouvernement de peser ponctuellement sur la fixation des salaires minimaux dans certains cas, par exemple lorsque la structure du marché du travail a encore besoin d’être développée. Se félicitant que le gouvernement ait fait état d’initiatives et de propositions pour la fixation du salaire minimum, l’orateur a souligné l’importance du dialogue social à cet égard et demande aux employeurs de Maurice de respecter la liberté syndicale des travailleurs.

Le membre travailleur du Togo, après avoir souligné qu’il intervenait également au nom des travailleurs du Bénin, du Burkina Faso, du Congo, de la Côte d’Ivoire, de l’Ethiopie, du Mali, du Niger et du Tchad, a déploré l’absence totale de négociation collective dans les ZFE à Maurice. Les salaires et les conditions d’emploi des 60 000 Mauriciens et 15 000 étrangers travaillant dans les ZFE sont moins favorables que celles existantes dans d’autres domaines du secteur privé du pays. La négociation collective est quasi inexistante du fait que les employeurs contestent la reconnaissance des syndicats et, pendant que cette question est débattue devant le tribunal des relations de travail, ils contraignent les travailleurs à renoncer à leur affiliation syndicale par le biais d’intimidations et de sanctions. De plus, les syndicats ont difficilement accès aux lieux de travail au sein des ZFE, ce qui y rend les activités syndicales presque impossibles. Par ailleurs, en dépit de la transposition des dispositions protectrices de la convention no 87 dans les lois de Maurice, la législation du travail accorde une ample marge de manœuvre aux employeurs pour licencier leur personnel. Les travailleurs sont ainsi dissuadés de s’affilier aux syndicats, ces derniers étant donc pratiquement absents des ZFE. Dans ce contexte, si la législation du travail accorde aux travailleurs étrangers le droit de s’organiser en syndicat, aucun de ces derniers n’exerce ce droit en raison des menaces qu’ils reçoivent de ne pas voir leur contrat de travail à durée déterminée renouvelé ou d’être expulsés du pays. L’orateur a par ailleurs affirmé que, dans les entreprises du secteur des ZFE où la négociation collective existe, les employeurs en retardent délibérément le processus compromettant ainsi les possibilités d’une négociation constructive. Les employeurs entravent en particulier la négociation des salaires et ils menacent de réduire la main-d’œuvre au cas où le conflit serait réglé en faveur des travailleurs par la Commission de conciliation et de médiation du travail. L’orateur a finalement souligné que les travailleurs dans les ZFE souhaiteraient aborder une série de questions telles que les prestations de maternité, la santé et la sécurité, les indemnisations pour accidents du travail, la gestion et la rémunération des heures supplémentaires, etc. Cependant, l’absence d’un environnement propice à la négociation collective maintient ces travailleurs dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis de leurs employeurs et perpétue l’existence de conditions de travail inacceptables.

La membre travailleuse de la Norvège, s’exprimant au nom des syndicats des pays nordiques, a déclaré que, depuis la discussion de la commission sur ce cas en 2015, pratiquement aucune amélioration n’a été réalisée. Le nombre de conventions collectives est tenu délibérément à un niveau très faible, et la négociation collective est inexistante dans le secteur public. Les représentants syndicaux peuvent certes exprimer leurs points de vue, mais il n’existe pas de négociations réelles. En conséquence, le gouvernement est instamment prié de prendre des mesures afin d’autoriser de réelles négociations dans le secteur public, qui pourraient donner lieu à des conventions collectives. En outre, il n’existe pas de cadre juridique qui permette la négociation collective dans les ZFE. Tout en saluant l’engagement du gouvernement à promouvoir des négociations volontaires entre les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs dans les ZFE, elle a rappelé que la condition préalable à la négociation collective est que les syndicats aient accès aux ZFE, ce qui n’est pas le cas à Maurice. Une autre difficulté dans les négociations tient au fait que les syndicats n’ont droit à la reconnaissance, en tant qu’agents négociateurs dans une unité de négociation au sein d’une entreprise ou d’une industrie, que s’ils ont reçu le soutien d’au moins 30 pour cent des travailleurs de cette unité. L’oratrice a insisté sur le fait que, dans les pays nordiques, les travailleurs ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et de s’y affilier, de même qu’ils ont le droit à la négociation collective. Dans lesdits pays, la négociation collective a lieu dans le secteur public, aussi bien à l’échelle nationale que locale. Les salariés du secteur public au niveau national bénéficient également du droit de grève. D’après elle, il devrait en être de même pour les travailleurs de Maurice, conformément à la convention. Rappelant qu’une législation et une pratique solides en matière de négociation collective constituent la garantie que les syndicats sont à même de convenir, avec les employeurs, des conditions de travail détaillées et favorables, elle a prié instamment le gouvernement de promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges possibles des mécanismes et des lois qui régissent la négociation collective, dans le secteur privé comme dans le secteur public, afin d’accroître le nombre de travailleurs qui bénéficient dans le pays de conventions collectives effectives. Ceci est particulièrement important pour les travailleurs vulnérables employés dans les ZFE, y compris les travailleuses dans le secteur du textile et les travailleurs migrants.

Le membre travailleur de l’Australie, s’exprimant également au nom des travailleurs de la Nouvelle-Zélande, a souligné que le gouvernement fait preuve d’ingérence dans la négociation collective dans l’industrie sucrière, qui est un secteur dans lequel les parties à la négociation ont pourtant de l’expérience et de la maturité. Or, le moment choisi pour les négociations est important pour le processus de négociation, car la période de récolte et de broyage de la canne à sucre n’a lieu qu’une fois par an et est très courte. Il a noté que, dans ce processus, toute ingérence extérieure peut avoir un impact sérieux sur la force respective des parties dans la négociation ainsi que sur l’issue de celle-ci. Reconnaissant que la loi mauricienne des relations professionnelles de 2008 prévoit que les conventions collectives doivent être négociées par les parties elles-mêmes, il a souligné que le recours aux processus d’arbitrage, en vertu de l’article 63 de la loi, ne peut avoir lieu qu’en cas d’accord des parties, ce qui n’a pas été le cas dans les événements auxquels se réfère la commission d’experts dans son observation. Il a insisté sur le fait que l’imposition d’une solution dans la négociation collective n’est pas conforme à la convention. Il a donc prié instamment le gouvernement de modifier la loi et l’a encouragé à solliciter l’assistance technique du BIT à cet égard.

Le représentant gouvernemental a rappelé les mesures que le gouvernement a prises pour donner effet à la convention. Le NRB résout les conflits et détermine les salaires minima applicables au niveau des secteurs. Les organisations d’employeurs et de travailleurs prennent une part active à ce processus. En outre, la négociation collective entre employeurs et travailleurs et leurs organisations est une réalité. Se référant à la déclaration qu’il a faite en guise d’introduction, il a rappelé que 62 conventions collectives ont été signées depuis le 1er mai 2010, dont 4 dans les ZFE. Une liste de conventions collectives signées et enregistrées pendant la période comprise entre le 1er mai 2010 et le 31 mai 2016 a été communiquée à la commission. Aux termes de la loi sur les relations professionnelles, les travailleurs sont libres de s’affilier à des syndicats et de mener une négociation collective avec les employeurs. Il est un fait reconnu que le gouvernement s’est ingéré dans la négociation collective dans l’industrie sucrière, en 2010 et en 2014, mais l’orateur a précisé que le gouvernement l’a fait en toute bonne foi, à la demande d’une des parties, dans le but d’aider les parties à parvenir à un accord. Suite aux conclusions de la Commission de la Conférence de 2015 au sujet de ce cas, le gouvernement évite maintenant, conformément à l’article 4 de la convention, d’intervenir de quelque manière que ce soit dans la négociation collective entre des employeurs et des travailleurs. En outre, certaines organisations mènent leurs activités syndicales pendant le temps de travail des employés, ce qui crée des difficultés avec les employeurs concernés. Le gouvernement n’intervient pas dans ces affaires. En ce qui concerne les ordonnances sur les rémunérations, les salaires ne peuvent être fixés en deçà des salaires minima. Quant à la négociation collective dans les ZFE, les travailleurs mauriciens et étrangers peuvent librement s’affilier à un syndicat et négocier collectivement. Des cours sont proposés aux travailleurs, y compris en matière de négociation collective. Les conditions de travail ne sont pas moins favorables dans les ZFE. La discrimination sectorielle n’existe pas. A titre d’exemple, le congé de maternité est de quatorze semaines dans les ZFE, ce qui est comparable à la durée qui prévaut dans d’autres secteurs.

Les membres travailleurs ont tout d’abord relevé que, au cours de son intervention, le gouvernement a pris des positions qui sont propres à celles des employeurs alors que son rôle de régulateur social lui impose de conserver une position équilibrée. Ils ont ensuite insisté sur l’importance du respect de la convention dont les principes sont pertinents, tant pour la situation des ZFE que pour celle de la canne à sucre. La reconnaissance du droit de négociation collective a une portée générale tant dans les secteurs privé que public et seules peuvent être exclues de ce droit les forces armées et la police, des modalités particulières pouvant être prévues pour les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’Etat. Les travailleurs des ZFE doivent donc pouvoir négocier collectivement. Les membres travailleurs ont ensuite affirmé que, au-delà des statistiques fournies par le gouvernement et de sa référence à certains règlements en vigueur, ce dernier doit prendre des mesures concrètes pour faire face aux représailles antisyndicales existant dans les ZFE et pour y promouvoir l’exercice du droit de négociation collective. Ces initiatives constitueront un signal important pour les zones franches du monde entier qui ne doivent pas être assimilées à des zones de non-droit et au sein desquelles les organisations syndicales peuvent jouer un important rôle de garde-fou. Les membres travailleurs ont souligné que, en vertu de la convention, l’intervention des autorités publiques dans la négociation collective n’est possible qu’à certaines conditions, la commission d’experts ayant fixé à cet égard des critères très précis dont l’utilité a été reconnue par tous, y compris par les membres employeurs de cette commission. L’intervention des autorités publiques dans la négociation collective ne devrait être possible que si elle est rendue nécessaire par des raisons impérieuses d’intérêt national économique et ne devrait s’appliquer qu’à titre exceptionnel, se limiter à l’indispensable, ne pas dépasser une période raisonnable et s’accompagner de garanties destinées à protéger effectivement le niveau de vie des travailleurs intéressés. Les membres travailleurs ont affirmé que, même si le gouvernement a clamé sa bonne foi, son intervention dans la négociation collective du secteur sucrier était malvenue. Il convient maintenant que le gouvernement respecte pleinement l’autonomie des partenaires sociaux, tel qu’il découle des engagements qu’il a souscrits par le biais de la ratification de la convention. Le gouvernement doit promouvoir des mécanismes de négociation adaptés et apporter des réponses aux craintes de représailles antisyndicales dont souffrent les travailleurs. Tout en ayant noté l’engagement du gouvernement à respecter la convention, les membres travailleurs ont prié celui-ci de faire part, dans un rapport pour la session de 2016 de la commission d’experts, des mesures et des progrès concrets obtenus à cet égard.

Les membres employeurs, indiquant que la confusion continue de régner à propos des faits et des allégations d’ingérence du gouvernement dans le processus de négociation collective, ont souligné que, en 2010, le gouvernement est intervenu dans le processus volontaire de négociation collective dans l’industrie du sucre en renvoyant 21 questions restées sans solution devant le NRB. De plus, en novembre et décembre 2014, après de long mois de négociations collectives volontaires, qui ont abouti à une grève suivie de la signature d’une convention collective avec l’intervention du ministère du Travail, trois questions sans solution ont été renvoyées devant le NRB. Tout en demandant des informations supplémentaires au gouvernement concernant le rôle joué par le NRB à propos des salaires minima, les membres employeurs ont souligné le principe fondamental selon lequel le gouvernement ne doit pas intervenir dans le processus de négociation collective en imposant des conditions. L’examen sélectif des ordonnances sur les rémunérations en fonction de l’issue de la négociation collective doit cesser immédiatement car il constitue une ingérence abusive dans la négociation collective à caractère volontaire. Le gouvernement est encouragé à engager le dialogue social avec les partenaires sociaux au sujet de la négociation collective et du fonctionnement du NRB. Les membres employeurs attendent avec intérêt les informations supplémentaires qui seront fournies dans le prochain rapport que le gouvernement doit envoyer à la commission d’experts, et encouragent le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la convention en droit et dans la pratique.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission a noté avec intérêt les informations du gouvernement concernant les mesures prises pour favoriser la négociation collective dans les zones franches d’exportation, mais s’est déclarée préoccupée par le fait que le gouvernement n’a respecté la négociation collective dans l’industrie du sucre.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement de:

  • - cesser d’intervenir dans les processus de négociation collective libre et volontaire entre les employeurs et les travailleurs de l’industrie sucrière;
  • - prendre des mesures concrètes pour promouvoir et encourager la mise en place et le recours accru aux procédures de négociations volontaires entre, d’une part, les employeurs/organisations d’employeurs et, d’autre part, les organisations de travailleurs, dans le but de réglementer les conditions d’emploi par le biais de conventions collectives. Cela inclut la négociation collective dans les zones franches d’exportation, dans le secteur de la confection et dans l’industrie sucrière;
  • - fournir des informations détaillées sur l’état actuel de la négociation collective dans les zones franches d’exportation et sur les mesures concrètes destinées à la promouvoir dans ces zones;
  • - s’abstenir d’enfreindre l’article 4 de la convention et se garder de commettre pareille violation à l’avenir;
  • - cesser toute ingérence dans la négociation collective au sein du secteur privé en ce qui concerne les principes relatifs à l’arbitrage obligatoire;
  • - accepter l’assistance technique du Bureau pour la mise en œuvre de ces conclusions.

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