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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2019, Publication : 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Libye (Ratification: 1961)

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 2019-LBY-C111-Fr

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental – Nous souhaiterions tout d’abord féliciter la Libye à l’occasion du centenaire de l’OIT, qui représente un point de repère dans l’histoire de l’Organisation. Nous apprécions également hautement les efforts de votre commission qui consacre les principes sur lesquels l’OIT a été fondée dans de nombreux domaines du travail, en plus de soutenir la stabilité, la protection et la justice sociale.

En ce qui concerne les remarques continues dans le rapport pour 2019 concernant la Libye et l’application de la convention no 111, nous aimerions vous informer que l’Etat libyen, sur la base de ses dogmes religieux, a banni toutes les formes de discrimination et mis en application la convention par le biais de la loi no 12 sur les relations professionnelles de 2010 et son règlement. Le Code pénal libyen a incriminé toutes sortes de discrimination et, d’après vos remarques, qui portent essentiellement sur certains cas isolés d’actes répréhensibles, nous souhaiterions affirmer à nouveau que le gouvernement de l’Accord national a fait tout ce qui était possible pour mettre en œuvre la législation susmentionnée. Par exemple, nous avons dynamisé le rôle des inspecteurs du travail et leur avons accordé le statut d’officiers de la police judiciaire, afin qu’ils puissant surveiller ces infractions et les cas de violation des conventions. Nous aimerions vous prier de classer la Lybie comme étant un pays instable, qui connaît encore dans de nombreuses régions des divisions politiques et des guerres, dont les derniers événements sont les combats encore en cours dans les banlieues de la capitale. Notre gouvernement s’engage à fournir dès que possible un rapport détaillé sur toutes les questions et toutes les remarques contenues dans le rapport.

Pour conclure, nous souhaiterions affirmer à nouveau que l’Etat libyen tient tous ses engagements depuis de nombreuses années et collabore avec tous les Etats Membres pour obtenir ce que nous cherchons tous. De plus, nous sommes confiants que votre commission, accompagnée de tous les Etats Membres, fournira le soutien et l’assistance technique dont nous avons besoin dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons aujourd’hui, conformément à ce qu’elle a l’habitude de faire. Nous souhaiterions remercier à nouveau la présente commission ainsi que la commission d’experts.

Membres employeurs – Le groupe des employeurs souhaite remercier le gouvernement pour ses commentaires et déclarations formulés aujourd’hui. La Libye a ratifié en juin 1961 la convention nº 111. Cette convention fondamentale vise à garantir la dignité humaine et l’égalité de chances et de traitement de tous les travailleurs en interdisant toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale.

Aujourd’hui, c’est la première fois que la Commission de l’application des normes examine l’application de cette convention par la Libye en droit et en pratique. La commission d’experts avait formulé deux observations à ce sujet précédemment, en 2008 et en 2010, et a décidé cette année de marquer ce cas d’une double note de bas de page.

La Libye a adhéré à l’OIT en 1952 et a ratifié au total 29 conventions, y compris les huit conventions fondamentales, deux conventions de gouvernance et 19 conventions techniques.

Nous notons que le gouvernement, soutenu par l’ONU, continue de lutter pour exercer un contrôle sur le territoire détenu par des factions rivales qui intensifient les divisions géographiques et politiques entre l’est, l’ouest et le sud du pays.

Nous soulignons que le Bureau fournit une assistance technique continue au gouvernement libyen pour améliorer la situation de la main-d’œuvre. Nous soulignons en particulier que trois projets d’assistance technique du BIT sont en cours pour investir dans le capital humain en Libye:

1. Projet RBSA: «Renforcement des capacités des mandants libyens et des acteurs nationaux pour s’attaquer aux formes de travail inacceptables et promouvoir des politiques équitables et efficaces en matière de migration de main-d’œuvre». Il s’agit d’un projet de reconstruction qui s’attaque aux formes inacceptables de travail, en particulier le travail des enfants, le travail forcé et la traite. Des résultats sont attendus sur l’éradication du travail des enfants et du travail forcé par un plan d’action, notamment sur l’évaluation et l’amélioration du marché du travail, sur le renforcement des capacités des autorités libyennes en matière de gouvernance des migrations de travailleurs et, last but not least, sur le rôle des partenaires sociaux dans la stabilité économique et la résolution des conflits sociaux.

2. Projet, en cours, de mobilisation de ressources: «Des emplois pour la paix et la résilience». Ce projet, soutenu par le Bureau, a pour but de continuer à mobiliser les ressources pour prolonger le travail déjà réalisé par le précédent projet.

3. Projet: «Appui à une migration équitable pour le Maghreb». Ce projet de trente-six mois en collaboration avec le Bureau et l’Italie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, est destiné à améliorer les capacités des acteurs gouvernementaux et des partenaires sociaux. La migration économique et la promotion du dialogue social sont au cœur des formations sous-régionales organisées par ce projet.

Nous encourageons le gouvernement libyen à poursuivre son engagement et sa coopération avec le Bureau dans des domaines tels que la non-discrimination, le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et la migration de travail.

Passons maintenant aux principaux problèmes de non-conformité en droit et en pratique identifiés par le comité d’experts dans son rapport sur la Libye.

Le premier problème est d’ordre législatif. Pour rappel, l’article 1 de la convention no 111 définit la discrimination comme englobant toute discrimination, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. Cette disposition couvre de manière générale toute discrimination pouvant affecter l’égalité de chances et de traitement en droit ou en pratique, directement ou indirectement. La commission d’experts a observé que plusieurs législations nationales relatives au principe de l’égalité devant la loi et à l’égalité de chances ne sont pas pleinement conformes à la définition et aux motifs de discrimination de la convention.

Premièrement, l’article 6 de la Déclaration constitutionnelle de 2011 ne contient aucune référence aux motifs de race, de couleur et d’ascendance nationale. Deuxièmement, l’article 7 du projet de Constitution n’inclut pas les motifs de race, d’ascendance nationale et d’origine sociale et ne vise que les citoyens libyens. Troisièmement, l’article 3 de la loi de 2010 sur les relations de travail interdit la discrimination fondée sur «l’appartenance à un syndicat, l’origine sociale ou tout autre motif discriminatoire», tandis que les motifs de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinion politique et d’ascendance nationale ne sont pas explicitement mentionnés. De plus, cette disposition n’inclut pas de définition de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

Dans sa communication à la commission, le gouvernement a indiqué qu’il participait pleinement aux projets d’assistance technique.

Le groupe des employeurs souscrit aux observations formulées par la commission d’experts et appuie leurs quatre recommandations visant à assurer la conformité de la législation nationale avec la convention.

Première recommandation: envisager de modifier l’article 7 du projet de Constitution pour faire en sorte que les motifs de race, d’ascendance nationale et d’origine sociale soient inclus parmi les motifs de distinction illicite.

Deuxième recommandation: inclure une définition du terme «discrimination» figurant à l’article 3 de la loi de 2010 sur les relations de travail. Comme le rappellent les experts, une définition claire et complète de la discrimination dans l’emploi et la profession est primordiale pour identifier les nombreuses situations dans lesquelles des discriminations peuvent se produire et afin de pouvoir y remédier.

Troisième recommandation: confirmer que les motifs de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinion politique et d’ascendance nationale seraient inclus dans les termes «tout autre motif discriminatoire» de l’article 3 de la loi de 2010 et réviser l’article 3 pour que cela soit apparent.

Quatrième recommandation: fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour garantir que la discrimination directe et indirecte fondée sur tous les motifs énumérés à l’article 1 de la convention est interdite en droit et en pratique.

De plus, le groupe des employeurs recommande aux autorités gouvernementales de consulter les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs lorsqu’elles apporteront les modifications et les réformes législatives recommandées.

Le deuxième problème concerne l’absence de mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la discrimination à l’égard des travailleurs migrants. En effet, de graves discriminations visent les travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne, qui seraient vendus comme esclaves. Cette pratique constitue la conséquence extrême et inacceptable d’une discrimination fondée sur la couleur. Nous regrettons que le rapport du gouvernement à la commission d’experts soit resté muet sur cette question sensible et cruciale en termes de droits humains.

Le groupe des employeurs souscrit donc aux recommandations des experts, à savoir: premièrement, prendre des mesures immédiates pour remédier à la situation de discrimination raciale et ethnique à l’égard des travailleurs migrants originaires de l’Afrique subsaharienne (y compris les travailleuses migrantes), en particulier pour mettre fin aux pratiques de travail forcé. Deuxièmement, fournir des informations détaillées sur toutes les mesures prises pour prévenir et éliminer la discrimination raciale et ethnique en droit et dans la pratique, dans tous les aspects de l’emploi et du travail. Troisièmement, fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour promouvoir la tolérance, la compréhension et le respect entre les citoyens libyens et les travailleurs d’autres pays africains.

Je conclus provisoirement ce cas en insistant auprès des autorités libyennes, d’une part, pour qu’elles mettent en conformité leur législation avec la définition de la non-discrimination et avec l’ensemble des motifs de non-discrimination protégés par la convention. D’autre part, le groupe des employeurs appelle les autorités gouvernementales à prendre sans délai les mesures nécessaires pour éradiquer toute discrimination raciale et ethnique à l’égard des travailleurs migrants originaires de l’Afrique subsaharienne, conformément aux engagements internationaux de la Libye. Le gouvernement est encouragé à continuer à collaborer de manière efficace et constructive aux différents projets d’assistance technique du Bureau.

Membres travailleurs – Avant d’entamer mon propos, je souhaiterais signaler qu’une plainte a été introduite auprès de la Commission de vérification des pouvoirs au sujet de l’absence de consultations tripartites organisées par le gouvernement afin de composer la délégation des travailleurs libyens.

La convention no 111 a été adoptée en 1958. Comme le signale la commission d’experts dans son étude d’ensemble de 2012, certains types de discrimination revêtent aujourd’hui des formes plus subtiles, moins visibles. Dans le cas libyen, nous ne traiterons pas de telles formes subtiles de discrimination. En effet, les formes de discrimination dans le cas libyen sont flagrantes et ont des conséquences très graves pour ceux qui en sont les victimes.

L’objectif central de la convention est d’éliminer toutes les formes de discrimination dans tous les aspects de l’emploi et de la profession, en mettant en œuvre de manière concrète et progressive l’égalité de chances et de traitement, en droit et dans la pratique.

La convention définit la discrimination comme toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. La convention renvoie également à toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession.

Si la convention laisse à chaque pays une importante marge de manœuvre s’agissant d’adopter les méthodes les plus appropriées du point de vue de leur nature et de leur calendrier, les objectifs à poursuivre ne tolèrent aucun compromis. L’Etat ne peut pas rester passif, et la mise en œuvre de la convention se mesure à l’efficacité de la politique nationale et à l’aune des résultats obtenus.

La Libye connaît également une situation de conflit qui rend malheureusement très difficile la résolution des problèmes que nous allons aborder. Comme nous avons déjà pu le dire dans cette commission, le gouvernement libyen, qui assume la responsabilité de se présenter devant notre commission, est celui qui devra veiller à remplir les engagements pris par la Libye par la ratification de la convention. C’est la conséquence de la souveraineté reconnue au gouvernement qui se présente devant nous.

La convention énumère un certain nombre de critères sur la base desquels les discriminations dans l’emploi et la profession sont prohibées et que nous venons de citer.

La Déclaration constitutionnelle d’août 2011 établissant la base de l’exercice du pouvoir en Libye, pendant la période transitoire jusqu’à l’adoption d’une base permanente, prévoit une disposition consacrant l’égalité de traitement des Libyens. Cette disposition contient également une énumération de critères. Un certain nombre de critères de discrimination n’apparaissent toutefois pas dans cette déclaration constitutionnelle, la rendant ainsi lacunaire. Il s’agit des critères de race, de couleur et d’ascendance nationale.

Un autre critère figurant dans la déclaration constitutionnelle, celui du «statut social», apparaît comme restrictif par rapport à celui consacré dans la convention, à savoir le critère de l’«origine sociale», qui peut être interprété plus largement.

Le projet de Constitution en attente d’adoption par la voie d’un référendum omet également un certain nombre de critères, à savoir ceux de race, d’ascendance nationale et d’origine sociale.

La commission d’experts souligne par ailleurs que la protection contre la discrimination ne couvre que les citoyens libyens. Or, comme le rappelle la commission d’experts dans l’étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, aucune disposition de la convention ne limite le champ d’application en ce qui concerne les individus. La convention vise en effet à protéger «toute personne», sans distinction aucune.

Par ailleurs, le gouvernement libyen a affirmé dans le rapport soumis à la commission d’experts que la législation nationale interdit la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion et l’ascendance nationale, en renvoyant vers l’article 3 de la loi no 12 de 2010 promulguant la loi sur les relations professionnelles. Cette loi ne semble toutefois couvrir que les critères d’appartenance syndicale, d’origine sociale ou tout autre motif discriminatoire. Ne figurent donc pas ici explicitement dans cette législation les critères de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinion politique et d’ascendance nationale. Il conviendrait que les dispositions légales énumèrent l’ensemble des critères de discrimination énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention.

Conformément à l’article 1, paragraphe 1 b), de la convention, il sera également utile que le gouvernement consulte les partenaires sociaux et d’autres organismes appropriés sur les amendements à apporter aux normes juridiques précitées à mettre en conformité avec la convention et envisager un éventuel élargissement des critères de non-discrimination.

Cette loi sur les relations professionnelles ne reprend par ailleurs aucune définition explicite de la discrimination. Il est pourtant régulièrement rappelé qu’une définition claire et complète de ce qui constitue une discrimination dans l’emploi et la profession permet d’identifier les nombreuses situations dans lesquelles des discriminations peuvent se produire et ainsi d’y remédier.

Je l’évoquais au début de mon intervention, certains types de discrimination revêtent aujourd’hui des formes plus subtiles, moins visibles. Ce n’est donc pas le cas de la situation en Libye. En effet, des discriminations flagrantes s’opèrent à l’encontre d’un groupe très spécifique de personnes. Il s’agit des travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne. Si des discriminations sont observées à l’encontre de l’ensemble des travailleurs étrangers, le rapport de 2017 du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Libye indique que les ressortissants d’Afrique subsaharienne sont particulièrement exposés à des actes de violence inspirés de la discrimination raciale. Il est d’ailleurs rapporté que ces personnes sont vendues sur des marchés d’esclaves en Libye, font l’objet d’une discrimination raciale fondée sur leur couleur et subissent des pratiques de travail forcé.

Il est urgent que ces discriminations flagrantes cessent. Malgré la situation difficile dans laquelle se trouve actuellement la Libye, il faut que le gouvernement agisse et prenne les mesures nécessaires en vue de faire cesser ces violations flagrantes des droits fondamentaux d’une part importante de la population en Libye.

Membre gouvernemental, Roumanie – C’est au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres que je m’exprime aujourd’hui. Les pays candidats à l’adhésion à l’UE, à savoir la Macédoine du Nord, le Monténégro et l’Albanie, ainsi que la Géorgie, souscrivent à cette déclaration. L’UE et ses Etats membres sont déterminés à promouvoir, protéger et respecter les droits de l’homme et les droits du travail, tels que consacrés par les conventions fondamentales de l’OIT et autres instruments des droits de l’homme. Nous soutenons le rôle indispensable que joue l’OIT dans le développement, la promotion et le contrôle de l’application des normes internationales du travail et, en particulier, des conventions fondamentales. L’UE et ses Etats membres s’engagent également dans la promotion de la ratification universelle, la mise en œuvre effective et l’application des normes fondamentales du travail.

L’interdiction de la discrimination est l’un des principes les plus importants de la législation internationale en matière de droits de l’homme. Dans les traités fondateurs de l’UE, dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, ainsi que dans la Convention européenne des droits de l’homme, l’interdiction de la discrimination constitue un principe fondamental. La convention no 111 est fondée sur ce même principe.

L’UE, ses Etats membres et la Libye sont des partenaires, et nous restons attachés à la Libye et à sa transition vers un Etat démocratique, fondé sur le droit. Rappelant que la solution militaire n’est pas une solution à la crise en Libye, l’UE prie instamment toutes les parties à engager à nouveau le dialogue politique facilité par les Nations Unies et à œuvrer en faveur d’une solution politique globale. A cet égard, l’UE réaffirme son soutien total aux travaux du Représentant spécial du Secrétaire général et de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). En ce qui concerne l’escalade récente du conflit armé, nous affirmons une nouvelle fois que seule une solution politique menée par les Libyens et leur appartenant peut apporter à la Libye et aux Libyens la sécurité, la stabilité politique et économique et l’unité nationale, et que celle-ci doit passer par un processus politique inclusif mené par les Nations Unies et impliquant l’entière participation des femmes, dans le respect total du droit international, y compris des droits de l’homme. A cet égard, le respect de la convention no 111 est essentiel.

Une législation nationale conforme aux normes internationales du travail est indispensable. La Déclaration constitutionnelle de la Libye d’août 2011, qui reste en vigueur jusqu’à ce qu’une constitution permanente soit adoptée, prévoit que: «Les Libyens sont égaux devant la loi» (art. 6) et que «l’Etat garantit l’égalité des opportunités, œuvre pour garantir un niveau de vie convenable […] pour tout citoyen» (art. 8). Cependant, comme le souligne la commission d’experts, les motifs liés à la race, l’ascendance nationale et l’origine sociale ne font pas partie des motifs d’interdiction de la discrimination contenus dans le projet de Constitution, et cette interdiction ne concerne que les citoyens. De même, l’Accord politique libyen de 2015 confirme dans son Principe directeur 8 le principe de l’égalité en termes de jouissance des droits civiques et politiques et de l’égalité des chances, et le rejet de toute discrimination entre eux quel qu’en soit le motif. Ces contraintes juridiques sont également présentes dans la loi de 2010 sur les relations professionnelles, qui n’interdit pas la discrimination et ne spécifie pas les motifs liés à la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique et l’ascendance nationale comme figurant dans la liste des motifs interdits. C’est pourquoi nous prions instamment le gouvernement d’apporter toutes les modifications nécessaires pour mettre ces textes législatifs en conformité avec la convention, de manière à couvrir toutes les formes de discrimination.

Comme l’a indiqué la commission d’experts, la discrimination dans l’emploi et la profession est particulièrement rude à l’encontre des travailleurs migrants, notamment ceux qui sont originaires de l’Afrique subsaharienne, qu’elle soit fondée sur la race, la couleur, ou l’ascendance nationale. La Libye est un pays à la fois de destination et de transit pour les migrants. Alors que beaucoup d’entre eux souffrent de violations des droits de l’homme et d’abus au cours de leur voyage, les migrants, une fois arrivés en Libye, continuent à être parmi les personnes les plus exposées, notamment à la détention et à la privation de leur liberté, souvent dans des conditions inhumaines. Certains d’entre eux sont également soumis à une exploitation financière ou au travail forcé, ce qui est clairement une infraction à la convention no 29, en lien avec la convention no 111, laquelle fait l’objet du présent examen. Les Noirs des pays subsahariens sont vendus dans les marchés aux esclaves en Libye et font l’objet d’une discrimination fondée sur la couleur de leur peau. Sur la base de données récentes de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Libye compte actuellement plus de 666 700 migrants, parmi lesquels 5 333 sont en détention.

Certes, la situation dans le pays se détériore et les problèmes liés à la sécurité augmentent. Il n’en reste pas moins que les violations des droits de l’homme et la violence à l’encontre des citoyens, y compris les réfugiés et les migrants, sont purement et simplement inacceptables et doivent être dénoncées dans les termes les plus fermes qui soient. Nous prions instamment le gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre la situation et mettre un terme aux pratiques de travail forcé.

L’UE et ses Etats membres collaborent étroitement avec les Nations Unies en vue d’aider la Libye à améliorer la situation et la protection de ses citoyens, les réfugiés et les migrants. Nous continuerons également à aider les Libyens à relever les défis liés à la migration, en luttant notamment contre le trafic et la traite d’êtres humains et en soutenant la résilience et la stabilisation des communautés hôtes.

Compte tenu de l’évolution actuelle de la situation, et bien qu’ayant pour objectif la suppression totale du système actuel des centres de détention, nous cherchons en premier lieu à évacuer d’urgence les réfugiés et les migrants détenus dans les centres de détention. Lorsque cela est possible, nous leur donnons les moyens de trouver la sécurité en dehors de la Libye. Nous nous félicitons des progrès accomplis à ce jour dans le cadre de l’Equipe spéciale trilatérale Union africaine-Union européenne-Nations Unies, qui a permis de faciliter le retour volontaire de migrants dans leur pays d’origine.

L’UE et ses Etats membres continueront à apporter leur soutien au gouvernement dans ses efforts en vue de contrôler la situation dans le pays.

Membre travailleur, Italie – De nombreux rapports de la BBC et d’autres médias internationaux montrent clairement le nouveau drame du XXIe siècle que vit actuellement la Libye, en particulier pour les migrants. Mais, en tant qu’Italienne, j’ai également d’autres informations plus directes, qui m’ont été fournies par des rapports ou des récits, concernant ces personnes qui ont pu sauver leur vie lors de leur traversée de la Méditerranée et sont arrivées vivantes dans mon pays. Je parle de ceux qui ont survécu aux abus qu’ils ont subis dans les camps de détention libyens, dans lesquels sont encore enfermés des milliers de migrants subsahariens. La population subsaharienne subit actuellement en Libye une réelle extermination: des êtres humains sont tués, kidnappés, torturés, condamnés à la mort par épidémie et abandonnés à leur sort sans traitement. Les médecins des hôpitaux de Lampedusa ont vu des personnes dont les membres inférieurs étaient fracturés, car elles ont été jetées des étages de bâtiments, dans lesquels elles étaient soumises au travail forcé pour s’être rebellées ou pour ne pas avoir payé l’argent qui leur était demandé. Les techniques d’élimination visant les migrants noirs sont utilisées aussi bien par des acteurs étatiques que non étatiques, dans un climat d’anarchie totale; nous assistons à un génocide à connotation de plus en plus raciale. Le mot couramment utilisé en Libye pour parler des Noirs est aujourd’hui «abidat», qui se traduit par «esclaves».

Au cours des visites de contrôle régulières de prisons et de centres de détention qu’elle a effectuées entre 2012 et avril 2018, la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a observé à maintes reprises des pratiques discriminatoires à l’encontre de détenus d’Afrique subsaharienne en termes de conditions de détention et, occasionnellement, concernant leur traitement, en comparaison avec les détenus arabes et libyens. Par exemple, dans certains centres, les détenus arabes ont des lits et/ou des matelas, alors que les détenus de l’Afrique subsaharienne dorment par terre, sur des couvertures. De plus, dans certains lieux de détention, les détenus arabes et libyens ont accès plus souvent et plus régulièrement aux cours de prison.

Le fait que les femmes soient détenues dans des centres où les gardiens sont des hommes et non des femmes facilite d’autant l’abus et l’exploitation sexuels. Des douzaines de femmes somaliennes et érythréennes sont violées par des policiers et des milices libyens. Ce sont des viols invisibles, dont personne ne parle, et qui ne seront connus que s’ils sont traités correctement.

D’après le rapport de 2018 de la MANUL et du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), nous constatons que la loi libyenne condamne l’entrée irrégulière dans le pays, le fait d’y rester ou d’en sortir, par une peine d’emprisonnement dans l’attente d’une expulsion, sans que les circonstances individuelles ou les besoins en termes de protection soient pris en considération. Les étrangers en situation de vulnérabilité, y compris ceux qui ont survécu à la traite et les réfugiés, font partie des personnes soumises à la détention arbitraire obligatoire et indéfinie. La Libye ne possède pas de système d’asile, n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et ne reconnaît pas officiellement le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR), tout en autorisant de facto ce dernier à enregistrer certains demandeurs d’asile et certains réfugiés provenant d’un nombre limité de pays. Dans la pratique, les migrants et les réfugiés sont dans leur grande majorité détenus de façon arbitraire, car ils n’ont jamais été accusés ou jugés en vertu de la législation libyenne en matière de migration. Ils sont maintenus indéfiniment en détention jusqu’à ce qu’ils reviennent dans leur pays par l’intermédiaire de l’OIM ou du HCR.

Les migrants et les réfugiés sont soumis à une violence extrême, parfois filmés, tandis que les membres de leur famille assistent à cela, dans l’agonie. Parmi les méthodes le plus fréquemment utilisées, on citera les coups donnés avec divers objets, le fait d’être suspendus sur des barres, le fait de répandre de l’essence, de l’eau bouillante ou des produits chimiques sur le corps des victimes, des chocs électriques, des coups donnés avec des objets coupants, l’arrachage des ongles, l’application sur la peau de métaux chauffés, et des coups de fusil tirés, en particulier, dans les jambes.

Nous ne comprenons et ne connaissons qu’une seule race, à savoir la race humaine, et prions instamment les autorités libyennes de respecter la législation et les normes en matière de droits de l’homme. Pour ce faire, elles doivent s’efforcer de mettre un terme à la détention obligatoire, automatique et arbitraire des migrants et des réfugiés, de faire cesser la torture et les mauvais traitements, la violence sexuelle et le travail forcé en détention. Nous prions également instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour lutter contre la situation de discrimination raciale et ethnique à l’encontre des travailleurs migrants, y compris des femmes, en mettant un terme aux pratiques de travail forcé; de prévenir et d’éliminer, dans la loi comme dans la pratique, les cas de discrimination ethnique et raciale dans tous les aspects de l’emploi et de la profession; et de fournir des informations détaillées sur toutes les mesures qu’il prend à cette fin.

Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Merci de me donner l’occasion de parler de la Libye, le pays où il y a trois gouvernements, des centaines de milices de groupes armés qui continuent de se disputer le pouvoir et le contrôle du territoire des routes commerciales lucratives et des sites militaires stratégiques.

Le nombre d’immigrants et de demandeurs d’asile ayant transité par la Libye en route vers l’Europe est toujours considérable, tandis que le nombre de personnes décédées qui tentaient de rejoindre l’Europe, via la soi-disant route de la Méditerranée centrale, a augmenté en flèche. Ceux qui se sont retrouvés en détention en Libye ont été soumis à des mauvais traitements et à des conditions inhumaines de la part des gardiens des centres de détention officiels gérés par l’un des gouvernements rivaux et des lieux de détention non officiels contrôlés par des milices ou des trafiquants et des passeurs. Ils ont été victimes de violations générales et systématiques des droits de l’homme et de violations de la part d’agents du centre de détention, des gardes-côtes libyens, des passeurs des groupes armés. Certains ont été arrêtés après avoir été interceptés par les gardes-côtes libyens en mer alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée pour se rendre au Maroc. Selon des estimations, près de 20 000 personnes seraient détenues dans les centres de détention en Libye gérés par la Direction de la ligue contre la migration illégale.

D’autre part, journalistes, militants et défenseurs des droits de l’homme sont actuellement exposés au harcèlement, aux attaques et à la disparition forcée par des groupes armés et des milices alliées avec diverses autorités et gouvernements rivaux.

Les femmes libyennes ont été particulièrement touchées par le conflit en cours qui a affecté de manière disproportionnée leur droit de se déplacer librement et de participer à la vie politique et publique.

Pour tout cela, nous demandons en urgence une assistance technique en Libye pour mettre fin à tout genre de discrimination.

Membre gouvernementale, Canada – Le Canada remercie le gouvernement libyen pour les informations qu’il a données. Tout le monde a le droit d’être traité équitablement, avec dignité et d’être à l’abri de la discrimination. Dans ce contexte, le Canada est préoccupé de noter les observations de la commission d’experts concernant l’incapacité à la fois du projet de Constitution libyenne et de la loi de 2010 sur les relations professionnelles à prévenir réellement la discrimination dans l’emploi, de même que le contenu d’autres rapports indiquant que les travailleurs libyens sont confrontés à une violation des droits de l’homme et à des pratiques de travail discriminatoires, en particulier les femmes, les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les journalistes et les militants.

Le Canada reste très préoccupé par les rapports continus relatant la discrimination raciale et ethnique à l’encontre de travailleurs migrants – en particulier le travail forcé infligé à des travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne – et, apparemment, l’absence de mesures réelles prises par le gouvernement pour lutter contre la discrimination, de même que les violations des droits de l’homme et du travail perpétrées à l’encontre de ces personnes. Le Canada condamne sévèrement toutes formes de travail forcé, de traite de personnes et d’esclavage, y compris à l’encontre de migrants vulnérables à la recherche d’un nouveau foyer et d’une vie meilleure.

Bien que reconnaissant la complexité de la situation politique en Libye et le conflit armé en cours dans le pays, le Canada prie toutefois instamment le gouvernement libyen à:

i) veiller à ce que toutes les personnes se trouvant en Libye soient protégées contre toute discrimination directe ou indirecte dans l’emploi et la profession, dans la loi comme dans la pratique, y compris contre la discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, le genre et l’opinion politique;

ii) remédier à la situation actuelle de discrimination fondée sur le sexe, la race et l’origine ethnique à l’encontre de toutes les personnes, y compris les Libyens et les travailleurs migrants;

iii) mettre un terme aux pratiques de travail forcé, y compris à la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice;

iv) promouvoir la tolérance et le respect parmi les divers membres de la population libyenne et à l’égard des travailleurs migrants, y compris ceux qui proviennent des pays de l’Afrique subsaharienne.

Le Canada attend avec impatience le moment, dans un proche avenir, où le gouvernement libyen rendra compte en détail de toutes les mesures qu’il aura prises pour atteindre ces objectifs.

Observateur, Fédération syndicale mondiale (FSM) – La convention no 111 constitue un levier important dans la lutte contre toutes les formes de discrimination dans le domaine du travail. Aussi, cette convention ne va pas à l’encontre des profondes convictions du peuple libyen qui a déjà adopté, et ce depuis des siècles, des normes morales favorisant l’égalité entre les êtres humains.

Nous insistons sur l’unité du destin et sur la fraternité millénaire entre les travailleurs tunisiens et libyens, et nous considérons qu’ils sont en réalité le prolongement stratégique l’un de l’autre. De ce fait, nous encourageons sans réserve le gouvernement à adopter des lois qui respectent l’esprit de la convention et qui jettent les fondements juridiques civils de la liberté syndicale et de l’égalité entre les êtres humains. Nous croyons aussi que c’est le moment opportun pour adopter ces législations; leur adoption va aider à mobiliser l’opinion publique mondiale contre l’agression dont le gouvernement légitime fait l’objet actuellement.

Trouver le temps pour l’adoption de ces lois dans un contexte de guerre est difficile, mais constituera la preuve que le gouvernement et le Parlement libyens légitimes sont sur la voie de la démocratie, de l’égalité et des droits humains.

De la Tunisie, berceau du Printemps arabe, nous exprimons notre support indéfectible au gouvernement libyen légitime dans cette démarche démocratique. Nous soutenons la lutte du peuple libyen pour ses droits à la dignité, la prospérité et la paix face à la barbarie, le militarisme et les crimes contre l’humanité qui n’épargnent ni femmes ni enfants, ni les infrastructures vitales du pays.

L’adoption de législations inspirées de la convention no 111 jette les fondements d’une Libye libre, démocratique, indépendante où il fait bon vivre, loin des bombardements, de l’exil forcé, du racisme et de la dictature et nourrit les semences de l’égalité, de la justice sociale et de la stabilité politique.

Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Je souhaite aborder la question de la discrimination raciale et ethnique à l’encontre des travailleuses migrantes dont il est fait état dans les observations des experts, et de la discrimination à l’encontre des travailleuses en général.

Nous pouvons affirmer, me semble-t-il, que les mandants tripartites de la présente commission sont unis pour reconnaître la complexité de la situation sur le terrain – situation marquée par des années de conflit, qui ont décimé l’économie libyenne. Il me semble néanmoins que nous sommes tout autant unis pour reconnaître la nécessité pour le gouvernement d’être guidé par la recommandation (no 205) sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017, qui prévoit, entre autres, des mesures pour lutter contre la discrimination, y compris la discrimination fondée sur le sexe, dans des situations de conflit.

Selon les derniers chiffres fournis par l’OIM, les femmes représentent jusqu’à 11 pour cent de la population de migrants en Libye. Selon la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), une majorité écrasante de femmes et de filles plus âgées, qui sont passées par la Libye en tant que migrantes, ont indiqué avoir subi des abus sexuels de la part des passeurs. La mission a également constaté que les femmes migrantes sont particulièrement exposées à des abus et à des mauvais traitements lors de leur détention en Libye, en particulier en l’absence de gardiennes. Ceci est aggravé par le fait que les femmes et les mineurs non accompagnés ne sont pas reconnus comme étant des groupes vulnérables nécessitant une plus grande attention.

Si l’on en croit l’Initiative mondiale contre le crime organisé transnational, de nombreuses femmes migrantes se trouvant en Libye vont travailler en tant qu’employées domestiques dans des foyers, ou sont parfois vendues dans des maisons closes. Il en est particulièrement ainsi pour les femmes nigérianes qui constituent la cohorte la plus exposée à devenir victimes de traite des êtres humains.

Compte tenu de ce contexte et du phénomène bien réel de multiples formes de discrimination, le gouvernement devrait redoubler d’efforts pour traiter le problème de la vulnérabilité des travailleuses migrantes à la violence et à la traite.

Il est important de noter que, selon le BIT, les femmes ne représentent en Libye que 34 pour cent de la population active économiquement. Le pourcentage équivalent pour les hommes est de 61 pour cent.

Un rapport récent de la Fondation Friedrich Ebert montre que la participation des femmes sur le marché du travail libyen se limite à quatre secteurs – l’administration publique, l’éducation, les soins de santé et la sécurité sociale. Dans la mesure où les travailleuses actives économiquement sont concentrées dans un petit nombre de secteurs, les autres possibilités sont maigres pour qu’elles intègrent le marché du travail, si aucun emploi n’est disponible dans ces secteurs. Nous en venons donc à la seule conclusion que certaines pratiques administratives encouragent l’emploi des femmes seulement dans certains secteurs.

La ségrégation professionnelle fondée sur le sexe est l’un des aspects les plus insidieux de l’inégalité entre hommes et femmes sur le marché du travail, dans la mesure où elle s’accompagne en général de salaires inférieurs et de conditions de travail moins bonnes. En effet, la ségrégation professionnelle fondée sur le sexe est reconnue par la convention no 111 en tant que forme de discrimination.

Bien qu’ayant pleinement conscience des difficultés rencontrées sur le terrain, le gouvernement libyen devrait avoir pour objectif de traiter de toute urgence les problèmes extrêmement graves auxquels les travailleuses sont confrontées, notamment les travailleuses migrantes. Nous souhaiterions tous connaître une Libye prospère qui garantisse un travail décent à tous les travailleurs, et nous sommes prêts à l’aider dans ce sens.

Membre travailleur, Zimbabwe – Je m’exprime au nom du Conseil de coordination syndicale d’Afrique australe (SATUCC). Nous sommes préoccupés par la persistance en Libye de l’inégalité de rémunération et la discrimination, et en particulier de l’incidence tellement néfaste des marchés aux esclaves et du travail forcé dans le pays. Cette pratique horrible vise principalement les travailleurs migrants, particulièrement les Noirs originaires de l’Afrique subsaharienne. Bien que notant les efforts que la Conférence a faits par le passé pour traiter ces problèmes, nous souhaitons faire part de nos sincères préoccupations et de nos craintes que la persistance de l’inégalité de rémunération et de la discrimination à l’encontre des travailleurs migrants en Libye ne fasse qu’ouvrir la voie à des formes encore plus graves de violation des droits des travailleurs dans le pays.

Il nous paraît important que la commission d’experts ait noté avec intérêt que l’article 6 de la Déclaration constitutionnelle de la Libye d’août 2011 ainsi que l’article 7 du projet de Constitution de la Libye, en attente d’adoption par référendum, prévoient que tous les Libyens sont égaux devant la loi, qu’ils jouissent des mêmes droits civils et politiques et de chances égales dans tous les domaines, sans distinction fondée sur la religion, les croyances, la langue, la richesse, le sexe, le lien familial, les opinions politiques, le statut social, l’origine ethnique, régionale ou familiale. Cela étant dit, ces dispositions ne font pas état des motifs liés à la race, la couleur et l’ascendance nationale. Il en est de même pour l’article 3 de la loi de 2010 sur les relations professionnelles, qui ne couvre pas d’autres nationalités, races et origines sociales.

Nous sommes satisfaits que la commission d’experts ait exigé du gouvernement libyen qu’il examine l’article 7 du projet de Constitution libyenne afin de garantir que la race, l’ascendance nationale et l’origine sociale figurent parmi les motifs de discrimination interdits, et également qu’il définisse le terme de «discrimination», tout en veillant à ce que l’article 3 de la loi de 2010 sur les relations professionnelles prévoie de faire état de la discrimination fondée sur la nationalité, la race et l’origine sociale.

Nous comprenons que la persistance du conflit en Libye continue à aggraver les cas de discrimination à l’encontre des travailleurs migrants, spécialement les travailleurs noirs. La fragilité dont continue à souffrir l’Etat libyen et les sphères multiples des autorités politiques autonomes, y compris celles qui sont sous le contrôle de réseaux criminels organisés, sont toujours une menace pour la sécurité et la dignité des travailleurs migrants. C’est pourquoi nous demandons instamment à la communauté internationale d’accorder une priorité à l’aide qu’elle apporte au pays, en se mobilisant réellement afin de désamorcer l’instabilité qui règne en Libye.

Tant que les mesures visant à assurer l’imputabilité de ceux qui, en Libye, opèrent et encouragent les versions modernes des marchés aux esclaves, le travail forcé et la migration commerciale sont faibles et insuffisantes, la crise persistera. Il est donc impératif de venir en aide à la Libye pour qu’elle puisse restaurer et relancer les mécanismes qui permettront une application effective de l’état de droit.

En outre, nous estimons qu’il convient de mettre sur pied et d’appliquer une justice qui instaure en particulier des voies de réparation, réadaptation et indemnisation des victimes de travail forcé et de migration commerciale.

Représentant gouvernemental – Je souhaiterais avant toute chose remercier tous ceux qui ont pris la parole au cours de ce débat. Permettez-moi ensuite de proposer quelques éclaircissements. A ce stade, ce dont souffre actuellement la Libye a pour origine l’instabilité et les conflits en cours dans certaines zones. Or je peux vous affirmer que le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la sécurité dans ces zones – par exemple, aucune des violations précitées n’est à déplorer dans les zones sûres. Les violations dont il est fait état aujourd’hui sont des cas isolés perpétrés par des organisations criminelles dans certaines des zones de conflit. Le peuple libyen fait partie du continent africain. Nous pouvons prouver que tous les travailleurs africains et non africains qui travaillent dans les zones sûres vivent une vie normale, dans des conditions de vie normales. De son côté également, le gouvernement soutient et encourage chaque personne à rechercher une solution au conflit quel qu’il soit avec l’aide de la justice. Je tiens compte de ce que la commission d’experts a dit concernant l’amendement de la loi sur les relations professionnelles. Nous prenons note de toutes ces observations, que nous présenterons au Parlement dans le cadre des débats sur la révision de cette loi.

Nous nous engageons également à examiner dès que possible les commentaires formulés au sujet du projet de Constitution, que nous soumettrons au groupe de travail qui étudie actuellement le projet de Constitution.

Membres travailleurs – Nous remercions le représentant du gouvernement libyen pour les informations qu’il a pu nous fournir au cours de la discussion, et nous remercions également les intervenants pour leurs contributions.

Nous l’avons vu, la législation fait encore preuve de lacunes en matière de discrimination, et le projet de Constitution en attente d’approbation par référendum n’énumère pas explicitement l’ensemble des motifs de discrimination interdits, plus précisément ceux relatifs à la race, l’ascendance nationale et l’origine sociale. Nous invitons donc le gouvernement à inclure explicitement ces trois critères dans l’article 7 du projet de Constitution.

Nous invitons également le gouvernement à veiller à ce que la protection contre les discriminations dans l’emploi et la profession s’applique à toute personne, et non pas uniquement aux citoyens libyens. Le terme discrimination n’est par ailleurs pas défini dans la loi de 2010 sur les relations professionnelles. Comme indiqué par les experts dans l’étude d’ensemble de 2012, il conviendrait d’en donner une définition claire et complète. La loi de 2010 sur les relations professionnelles doit également être mise en conformité avec la convention no 111 en y ajoutant explicitement les critères de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinion politique et d’ascendance nationale.

Comme l’y invite également la commission d’experts, nous invitons le gouvernement à fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour faire en sorte que la discrimination directe et indirecte fondée sur tous les motifs énumérés par la convention no 111 soit interdite, en droit et dans la pratique.

Nous demandons également au gouvernement de prendre des mesures urgentes et efficaces en vue de faire cesser les graves discriminations subies par les travailleurs étrangers, en particulier les travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne. Comme suggéré par plusieurs intervenants, une attention particulière devra également être accordée aux travailleuses en général, et aux travailleuses migrantes en particulier.

Le gouvernement veillera également à garantir un accès à la justice aux personnes victimes de discrimination. Il est en effet essentiel que ces personnes puissent obtenir réparation de leur préjudice. Ces personnes, ainsi que les témoins, devront également bénéficier de mesures les protégeant des représailles. Les auteurs de comportements discriminatoires doivent par ailleurs faire l’objet de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives.

Le renforcement des capacités des services d’inspection en vue de lutter contre toutes les formes de discrimination dans l’emploi et la profession nous semble également être un aspect fondamental sur lequel devra travailler le gouvernement libyen.

Nous invitons enfin la Libye à activer l’article 5 de la convention no 111 qui autorise la mise en place de mesures que j’appellerai des mesures dites de «discrimination positive», qui permettent de remédier aux effets des pratiques discriminatoires passées et présentes et promouvoir l’égalité de chances pour tous. De telles mesures pourraient s’avérer utiles pour toutes les catégories de personnes souffrant de discrimination actuellement en Libye, et particulièrement les travailleurs et travailleuses migrants originaires d’Afrique subsaharienne.

Afin de mettre en œuvre l’ensemble de ces recommandations, nous demandons au gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT. Cela nous semble indispensable et primordial.

Membres employeurs – Nous remercions les différents intervenants, et en particulier le gouvernement libyen pour les informations qu’il vient de communiquer à la commission concernant la mise en conformité du droit national et de la pratique nationale avec la convention. Sur le fond, nous insistons sur le fait que la convention no 111 est une convention fondamentale et qu’à ce titre elle nécessite une attention particulière de l’OIT, des gouvernements et des partenaires sociaux. La discrimination en matière d’emploi et de profession est non seulement une violation d’un droit de l’homme, mais elle entrave fortement le développement des travailleurs et l’utilisation de leur plein potentiel.

En ce qui concerne la législation nationale antidiscrimination, et plus particulièrement la définition de la non-discrimination et la liste complète des motifs protégés, nous insistons pour que le gouvernement complète sans délai sa législation nationale.

En ce qui concerne la lutte contre les traitements discriminatoires dont sont victimes les travailleurs migrants originaires des régions subsahariennes, en particulier les pratiques de travail forcé, le groupe des employeurs appelle avec énergie le gouvernement à y mettre fin de manière radicale et effective. Nous sommes conscients de la complexité de cette problématique. Se mettre en conformité est rendu plus difficile par le climat de tension et d’instabilité politique sur le terrain depuis plusieurs années. Nous en sommes également conscients.

Le groupe des employeurs exhorte cependant le gouvernement à prendre les initiatives nécessaires pour rétablir l’état de droit. Nous l’encourageons à poursuivre sa coopération dans le cadre des projets d’assistance technique du BIT visant à promouvoir des politiques équitables et efficaces en matière de migration de main-d’œuvre.

A l’avenir, nous rappelons que les autorités gouvernementales devront déposer en temps utile les informations demandées. Nous insistons pour que ces données soient concrètes et pertinentes afin de pouvoir évaluer les progrès établis et effectifs en droit et dans la pratique. Nous comptons sur l’attitude positive du gouvernement afin que ce cas ne doive plus revenir une deuxième fois devant notre commission.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a déploré que des personnes originaires de pays subsahariens soient vendues sur des marchés aux esclaves et qu’elles soient victimes de discrimination raciale.

La commission a pris note de l’engagement pris par le gouvernement d’assurer le respect de la convention no 111. Prenant en compte la discussion, la commission demande au gouvernement:

- de prendre des mesures concrètes pour assurer que la discrimination directe ou indirecte fondée sur quelque motif que ce soit est interdite en droit et dans la pratique;

- de s’assurer que la législation couvre, directement ou indirectement, tous les motifs de discrimination interdits qui figurent à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article premier de la convention, et prendre des mesures pour interdire la discrimination dans l’emploi et la profession, en droit et dans la pratique;

- d’inclure une définition du terme «discrimination» dans la loi de 2010 sur les relations professionnelles;

- de s’assurer que les travailleurs migrants sont protégés contre la discrimination ethnique et raciale et le travail forcé;

- d’éduquer et promouvoir l’égalité des chances dans l’emploi pour tous;

- de prendre des mesures immédiates pour remédier à la situation de discrimination raciale et ethnique à l’encontre des travailleurs migrants originaires de l’Afrique subsaharienne (y compris les travailleuses migrantes), en particulier pour mettre un terme aux pratiques de travail forcé; et

- de mener des études et des enquêtes pour examiner la situation des groupes vulnérables, y compris les travailleurs migrants, afin d’identifier leurs problèmes et les solutions possibles.

A cet égard, la commission invite le gouvernement à continuer de s’engager et de participer activement à l’assistance technique du BIT afin de promouvoir des politiques de migration de main-d’œuvre équitables et efficaces.

La commission demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures concrètes prises pour mettre en œuvre ces recommandations à la prochaine session de la commission d’experts.

Représentant gouvernemental – Nous avons pris bonne note de ces conclusions et nous nous engageons à vous présenter régulièrement des rapports. Nous ne ménagerons aucun effort à l’avenir pour donner suite à ces conclusions. Permettez-moi, pendant que j’ai la parole, de remercier tous ceux qui ont pris part à l’élaboration de ces conclusions. Nous remercions également tous ceux qui ont participé à la discussion, ainsi que la délégation de la Libye.

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