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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Thaïlande (Ratification: 1969)

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Impact de l’obligation de travailler des détenus condamnés sur l’application de l’article 1 de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission s’est référée à l’article 48 de la loi pénitentiaire B.E. 2560 (2017), prévoyant que les détenus doivent se conformer aux ordres des autorités pénitentiaires, lesquelles ont le pouvoir d’obliger les détenus à effectuer un travail pénitentiaire, y compris des travaux publics ou d’autres travaux au profit du service gouvernemental.
Le gouvernement indique dans son rapport que l’article 48 se fonde sur la volonté et la demande du détenu, que le travail effectué par les détenus est récompensé et contribue de manière importante à faire évoluer leur comportement, et qu’il n’est pas réalisé sous la contrainte ni dans l’intention de punir les détenus en leur imposant un travail obligatoire. Le gouvernement ajoute que le Département de l’administration pénitentiaire a élaboré un cadre d’évaluation de ses performances à l’égard du fonctionnement des prisons et des établissements pénitentiaires pour 2023, cadre prévoyant la formation d’un comité chargé de déterminer, entre autres, le taux de salaire pour les travaux accomplis par les détenus, et garantissant que ces derniers consentent volontairement à travailler. En outre, le gouvernement réaffirme que les peines prévues pour les infractions pénales examinées par la commission au titre de la convention ne sont pas liées à des peines de travail forcé.
La commission souhaite préciser que, dans le contexte de la convention, le travail obligatoire peut résulter soit d’une peine d’emprisonnement impliquant une obligation de travailler (travail pénitentiaire obligatoire), soit d’une sanction spécifique de travail communautaire, public ou correctionnel auquel la personne condamnée n’a pas donné son consentement (observation générale, 2023). D’après le libellé de l’article 48 de la loi pénitentiaire B.E. 2560 (2017), la commission observe que le travail obligatoire peut être imposé par ordre de l’administration pénitentiaire aux détenus condamnés à une peine d’emprisonnement. La législation ne fait pas référence au consentement de la personne condamnée à travailler ni à la possibilité de demander à travailler. Par conséquent, la commission considère que les peines d’emprisonnement peuvent impliquer un travail pénitentiaire obligatoire.
Article 1 a). Sanctions pénales impliquant l’obligation de travailler à l’égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques. 1. Crime de lèse-majesté. Depuis un certain nombre d’années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que l’article 112 du Code pénal prévoit une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement pour quiconque diffame, insulte ou menace le Roi, la Reine, le Prince héritier ou le Régent. Elle a noté que cette disposition a été appliquée dans la pratique pour détenir, poursuivre et condamner des personnes à de longues peines d’emprisonnement. La commission note que le gouvernement réaffirme que l’article 112 du Code pénal vise à protéger le Roi, la Reine, le Prince héritier et le Régent de la diffamation, des insultes ou menaces, comme le font les lois de diffamation entre citoyens. Selon le gouvernement, ces mesures visent à maintenir la sécurité et la paix dans le pays, sans aucune intention de supprimer ou de restreindre la liberté d’expression.
La commission note en outre que, dans leur communiqué de presse du 25 mars 2024, la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, la Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et la Rapporteure spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats des Nations Unies ont exprimé leur préoccupation face à l’application de la législation thaïlandaise pour crime de lèse-majesté pour condamner un membre des Avocats thaïlandais pour les droits de l’homme à quatre ans de prison.
La commission rappelle que la convention protège les personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi en disposant que, dans le cadre de ces activités, ces personnes ne peuvent faire l’objet de sanctions qui comportent une obligation de travail. L’éventail des activités protégées recouvre le droit à la liberté d’expression exercé de vive voix ou par voie de presse et d’autres moyens de communication. Tout en reconnaissant que ces droits peuvent souffrir certaines restrictions qui sont nécessaires dans l’intérêt de l’ordre public pour protéger la société, de telles restrictions doivent être strictement encadrées par la loi. En effet, même lorsque ces activités tendent à des changements fondamentaux dans les institutions de l’État, celles-ci bénéficient de la protection prévue par la convention dès lors que les intéressés ne recourent ni n’appellent à la violence.
Par conséquent, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 112 du Code pénal de manière que cette disposition ne puisse pas être utilisée pour imposer des peines d’emprisonnement (impliquant un travail obligatoire) aux personnes qui, sans recourir ou inciter à la violence, expriment des opinions politiques ou s’opposent à l’ordre politique, économique et social établi. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
2. Infractions au titre de la loi sur les partis politiques. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, en vertu des articles 105 et 110 de la loi organique sur les partis politiques B.E. 2560 (2017), une peine d’emprisonnement (impliquant un travail obligatoire) peut être imposée pour l’utilisation aux fins d’activités politiques ou contre un avantage quelconque du nom, des initiales ou de l’emblème d’un parti politique ayant été dissous par la Cour constitutionnelle. En outre, des peines d’emprisonnement peuvent également être imposées aux personnes qui, ayant précédemment été membres des instances dirigeantes d’un parti entre-temps dissous, cherchent à en constituer un nouveau ou à devenir membres des instances dirigeantes d’un parti nouveau politique, pendant dix ans suivant la dissolution de l’ancien parti.
La commission note que, le 12 août 2024, la Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ont exprimé leur profonde déception face à la dissolution du parti Move Forward (MFP) par la Cour constitutionnelle. Les experts des Nations Unies indiquent que la loi relative au crime de lèse-majesté a servi d’outil politique pour dissoudre le parti ayant remporté le plus grand nombre de sièges, et exclure ses parlementaires de la vie politique. La commission note en outre que, le 8 août 2024, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par la décision de la Cour constitutionnelle thaïlandaise de dissoudre le parti Move Forward (MFP) et d’exclure ses dirigeants de la vie politique pendant dix ans.
Sur la base de ces informations et des principes rappelés ci-dessus, la commission prie le gouvernement de s’assurer que les articles 105 et 110 de la loi organique sur les partis politiques B.E. 2560 (2017) ne sont pas appliqués pour imposer des peines d’emprisonnement comportant un travail obligatoire à des personnes pour avoir exprimé des opinions politiques contraires au système établi, y compris en leur qualité de membres d’un parti politique. À cet égard, la commission prie le gouvernement de fournir des exemples de décisions judiciaires rendues sur la base de ces dispositions.
Article 1 d). Peines comportant l’obligation de travailler sanctionnant la participation à des grèves. Code pénal. Depuis un certain nombre d’années, la commission prie le gouvernement de réviser l’article 117 du Code pénal, qui prévoit des peines d’emprisonnement (impliquant un travail obligatoire) à l’égard de ceux qui participent à des grèves, des lock-out ou des suspensions d’activité ayant pour finalité de changer les lois de l’État, faire pression sur le gouvernement ou intimider la population. La commission note, d’après l’indication du gouvernement, que tant les employeurs que les travailleurs sont autorisés à participer à un mouvement de grève générale, à condition que celle-ci n’entrave pas les activités économiques en perturbant le fonctionnement des entreprises, voire en limitant les biens et les services, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur l’ensemble de la population. Il ajoute que la grève ou le lock-out à des fins politiques ne sont pas autorisés et que des dispositions comme l’article 117 du Code pénal visent à maintenir la stabilité et la paix nationales.
La commission tient à rappeler le principe selon lequel la participation à des grèves, y compris dans les services essentiels, ne doit pas faire l’objet de sanctions pénales comportant un travail pénitentiaire obligatoire lorsque l’existence ou le bienêtre de tout ou partie de la population n’est pas en danger et qu’il n’y a pas de recours à la violence. De telles sanctions ne sont envisageables que si, à l’occasion de la grève, des violences contre des personnes, ou des biens, ou d’autres violations graves de droits sont commises, ou lorsque la vie ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population est en danger. Par conséquent, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures, sans délai, pour réviser l’article 117 du Code pénal afin de garantir qu’aucune peine d’emprisonnement comportant un travail obligatoire ne peut être imposée pour punir la participation pacifique à des grèves lorsque l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population n’est pas en danger.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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