ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1996, Publication : 83ème session CIT (1996)

Convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 - Mexique (Ratification: 1984)

Autre commentaire sur C155

Cas individuel
  1. 2011
  2. 2010
  3. 1996

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Le représentant gouvernemental du Mexique a déclaré que le Mexique a une longue tradition en matière de sécurité et d'hygiène du travail. La Constitution de 1917, en son article 123, prévoyait certaines mesures reposant sur une participation tripartite des travailleurs en matière de sécurité et d'hygiène du travail. Les autorités responsables de l'application des dispositions en vigueur dans ce domaine se situent au niveau fédéral. Une commission nationale consultative sur la sécurité et l'hygiène a été constituée comme auxiliaire des commissions consultatives de l'Etat avec pour fonction notamment de proposer des politiques et programmes concrets de prévention des accidents et d'élaboration de diverses mesures de sécurité.

L'orateur a indiqué que d'importantes mesures ont été adoptées à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt: d'une part, l'obligation pour les employeurs d'assurer une formation des travailleurs dans l'objectif d'une amélioration de leurs qualifications et d'une contribution à la prévention des accidents; d'autre part, des commissions pluripartites ont été constituées sur chaque lieu de travail. De même, des instructions ont été données en vue de faire appliquer un règlement d'hygiène et de sécurité réalisant la consolidation de toute l'expérience acquise dans ce domaine. C'est dans ce contexte que la CLAT a présenté sa réclamation, s'appuyant sur des articles parus dans la presse et ayant connu une large diffusion, relative aux cas d'anencéphalie dans la région frontalière du nord du pays. Le représentant gouvernemental a fourni une réponse détaillée sur trois aspects: les mesures de sécurité et d'hygiène; les mesures de santé publique et l'étude cas par cas des causes des intoxications et de cette pathologie congénitale. Dans le cadre de la modernisation et des réformes structurelles du pays, il est prévu d'établir un règlement de sécurité et d'hygiène, comptant 180 articles, pour remplacer six règlements différents - dont certaines dispositions étaient contradictoires - et qui portaient sur les travaux dangereux et insalubres pour les femmes et les enfants; la prévention des accidents du travail; l'inspection de tous les moteurs fonctionnant à la pression; l'hygiène du travail; la sécurité dans les mines et le règlement sur la sécurité et l'hygiène du travail. Ce nouvel instrument tend à réunir un ensemble de normes s'appliquant mieux dans la pratique pour la prévention des accidents et des risques. En outre, non moins de 116 normes officielles que les employeurs sont tenus de respecter pour la protection de la santé des travailleurs et la prévention des accidents sur le lieu de travail ont été adoptées.

Le rapport de la commission d'experts invite le gouvernement du Mexique à prendre en considération le paragraphe 3, alinéas d), h), k) et m), de la recommandation no 164. Il existe certaines normes concernant les conditions de sécurité et d'hygiène sur le lieu de travail, en particulier en ce qui concerne le bruit, l'aération, les risques inhérents à l'électricité statique et les vibrations. A propos des mesures préconisées au paragraphe 10, alinéas a) et c), il existe deux normes officielles concernant la sécurité dans les bâtiments et sur les autres lieux de travail. Quant aux mesures visées au paragraphe 12.2), alinéas a) et c), des commissions pluripartites de sécurité et d'hygiène ont été créées, et une norme officielle sur l'information des risques sur le lieu de travail (produits chimiques) a été adoptée.

En ce qui concerne les cas d'anencéphalie, il importe de se reporter à l'information du Système national de surveillance épidémiologique du Secrétariat à la santé de mai 1996 évoquant une étude épidémiologique constatant les éléments suivants: le nombre de cas d'anencéphalie sur 10 000 naissances vivantes a été de 19,4 pour la période 1985-1992, pour redescendre à 7,4 en 1995. Les facteurs de risque associés à cette maladie présentent un intérêt certain. Il a été constaté que ce sont les femmes présentant un faible taux d'acide folique qui ont le plus tendance à avoir des enfants présentant une telle malformation. L'administration d'acide folique comme complément alimentaire aux femmes enceintes diminue ce risque. Le gouvernement a donc adopté des mesures tendant à l'administration de cette substance à ces femmes et assure le suivi que cette question nécessite.

Enfin, en ce qui concerne la prévention des accidents, le Secrétariat au travail a mis en place, à compter de 1995, un programme autogestionnaire de sécurité et d'hygiène du travail qui s'étendait l'an passé à non moins de 800 entreprises, dont 300 entreprises de la région frontalière nord du pays, et se poursuit cette année de manière satisfaisante; 320 (40 pour cent) de ces entreprises sont maquiladoras.

Les membres employeurs ont estimé que le rapport très complet du représentant gouvernemental montre que son gouvernement s'est attaché à résoudre les problèmes touchant aux questions dont les experts ont été saisis. Ils notent que les observations de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) concernent différents cas de maladie et de décès de travailleurs et d'habitants de la région frontalière de Matamoros pouvant être attribués à une exposition à des substances toxiques ou à une manipulation de telles substances dans des conditions inappropriées. Il convient toutefois de noter, à la lecture du rapport des experts, que le gouvernement a mis en oeuvre plusieurs programmes régionaux dans le cadre de sa politique nationale concernant la santé, la sécurité et le milieu de travail dans la sous-traitance. Les résultats des programmes annuels d'inspection régionale font apparaître de nombreux cas de violations des normes de sécurité dans un groupe d'entreprises sous-traitantes, qui ont été sanctionnées par voie administrative. En outre, les experts demandent que le gouvernement prenne en considération certaines dispositions de la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, en appliquant sa politique de sécurité et de santé au travail.

La deuxième partie du rapport des experts aborde la question des malformations congénitales chez les enfants nés de mères ayant manipulé des substances toxiques ou ayant été exposées à des produits chimiques toxiques pendant leur grossesse. Les membres employeurs considèrent cependant que les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de démontrer l'existence d'un lien direct entre ces malformations et les substances toxiques. Ils relèvent que le représentant gouvernemental ne nie pas que la situation en matière de sécurité et d'hygiène du travail pourrait être améliorée et déclare même que son gouvernement, conscient de la gravité de ce problème, reste disposé à prendre de nouvelles mesures pour améliorer cette situation. La commission devrait encourager le gouvernement dans cette voie.

Les membres travailleurs ont accueilli favorablement le complément d'informations fourni par le gouvernement et l'annonce de la présentation prochaine d'un rapport détaillé à la commission d'experts. Ils souhaitent que celle-ci continue d'accorder son attention aux conventions techniques telles que la convention no 155. Ils jugent encourageant de constater que les organisations syndicales nationales et internationales accordent toujours une attention soutenue à ces conventions. En ce qui concerne aussi bien la situation évoquée à propos du Mexique que, d'une manière générale, les autres situations de ce type, ils soulignent que les travailleurs formulent leurs réclamations en se basant non pas sur l'information éventuellement donnée par la presse mais sur des témoignages directs.

En l'occurrence, la CLAT appelle l'attention sur un cas de contamination massive de travailleurs par des substances toxiques et, d'autre part, sur la constatation de pathologies graves chez les enfants nés de femmes exposées à de telles substances pendant leur grossesse. Ces deux phénomènes illustrent parfaitement la négligence hélas trop répandue des normes de sécurité et d'hygiène. Le représentant gouvernemental ne nie certes pas le problème de la contamination par des substances dangereuses puisqu'il évoque des mesures prises en vue d'un contrôle plus rigoureux et, notamment, la mise en place de nouveaux programmes régionaux d'inspection. Les membres travailleurs estiment néanmoins que l'action menée n'est pas suffisante du fait que les carences encore constatées sont très importantes et que ni les suites données (amendes, mises en demeure ou autres sanctions) ni les résultats obtenus ne sont précisés. Quant aux problèmes des pathologies à la naissance, le représentant gouvernemental mentionne certes un suivi épidémiologique dans les régions concernées, mais il semble minimiser le problème et, surtout, nier le lien de causalité entre les substances toxiques et les pathologies.

En conséquence, les membres travailleurs appuient les recommandations de la commission d'experts tendant à ce qu'il soit demandé au gouvernement de développer une politique nationale cohérente concernant la santé, la sécurité et le milieu de travail, conformément à l'article 4 de la convention no 155, en se reportant au paragraphe 3, alinéas d), h), k), m), de la recommandation no 164 quant aux modalités, et de présenter un rapport détaillé sur les progrès accomplis.

Le membre travailleur de l'Espagne a déclaré qu'il s'agissait de déterminer, en l'occurrence, si les accidents du travail en question résultent de la non-application de la convention no 155 ou de tout autre élément. D'après le rapport de la commission d'experts, on peut conclure qu'il s'agit d'une violation de la convention. Le gouvernement indique que, dans certains cas, certaines normes de sécurité ne sont pas respectées dans les entreprises. Pour le reste, l'orateur s'en rapporte aux considérations présentées par le porte-parole des travailleurs.

Le membre travailleur des Etats-Unis a noté que les experts décrivent les risques en matière de sécurité et d'hygiène que comportent, pour les travailleurs mexicains de l'industrie chimique, l'exposition à des émanations de substances toxiques, la manipulation de telles substances dans des conditions inappropriées ainsi que d'autres facteurs de risque. Il s'agit d'une situation généralisée dans la zone frontalière où sont massivement installées les entreprises sous-traitantes de grandes sociétés multinationales produisant pour le marché des Etats-Unis. A l'évidence, l'expansion rapide de ce type d'industrie à forte intensité de main-d'oeuvre a débordé la capacité du gouvernement de faire respecter effectivement la législation dans les domaines de l'environnement et de la sécurité et l'hygiène du travail, conformément à la convention. L'orateur comprend les difficultés éprouvées par le gouvernement avec l'expansion de ces sociétés axées sur l'exportation et soucieuses d'exploiter une main-d'oeuvre peu coûteuse dans un cadre réglementaire extrêmement lâche. Il s'agit toutefois d'une situation très grave touchant directement l'existence de plusieurs centaines de milliers de travailleurs mexicains et de leurs familles. La solution consisterait à développer largement le système d'inspection pour prévenir les accidents et réduire à un minimum absolu les sources de pollution et de danger. De l'avis de l'intervenant, il serait souhaitable que le gouvernement déploie une politique nationale d'envergure pour assurer le respect des normes de sécurité et d'hygiène du travail. Les sociétés multinationales, comme leurs entreprises sous-traitantes, devraient apporter une contribution majeure à cet effort et assumer leur part de responsabilité afin d'améliorer les conditions déplorables de ces travailleurs. Cette situation illustre les problèmes sans cesse grandissants causés par les multinationales qui, poussées par la globalisation de la concurrence, tendent à minimiser les normes sur les conditions de travail, l'environnement et la sécurité, sauf quand les gouvernements réagissent avec force pour la mise en oeuvre de ces normes.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, évoquant les commentaires du représentant gouvernemental sur les études épidémiologiques entreprises par le gouvernement pour établir le lien éventuel entre les malformations congénitales et le travail accompli par les mères concernées, a demandé si des études analogues ont été entreprises sur le lien éventuel entre ces malformations et l'activité professionnelle des pères des enfants en question. Comme le gouvernement doit faire rapport de manière détaillée en 1997, l'oratrice l'invite à envisager de mener de telles études, si cela n'a pas déjà été fait, et de faire rapport à ce sujet à la commission d'experts.

Le représentant gouvernemental a reconnu que la CLAT ne se fonde pas uniquement sur l'information donnée par la presse mais essentiellement sur les études et enquêtes effectuées sur la question et a déclaré que, eu égard à la nature des cas survenus, des mesures immédiates ont été prises, et ce avant même la décision de recevabilité de la plainte.

La commission a pris note des informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a eu lieu. La commission a noté que de sérieuses difficultés subsistent dans l'application pratique des dispositions de la convention, en particulier dans certaines régions du pays et dans certaines entreprises. Elle a noté que le gouvernement a pris dernièrement des mesures visant à assurer en droit et en pratique l'application de la convention; il s'agit notamment d'un projet de texte réglementaire et de l'organisation de programmes nationaux et régionaux d'inspection en vue de contrôler de manière plus rigoureuse l'utilisation de substances nocives dans les entreprises de certaines régions. La commission espère que ces mesures permettront de prévenir les accidents du travail et d'établir une véritable politique nationale de sécurité et de santé dans le milieu de travail. La commission espère également que le gouvernement continuera à déployer tous les efforts nécessaires afin de donner plein effet en pratique aux dispositions de la convention et d'améliorer la protection de la santé et la sécurité au travail. Elle invite le gouvernement, avec la commission d'experts, à s'inspirer des dispositions de la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, complétant la convention. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations complètes et détaillées afin de pouvoir apprécier l'évolution de la situation et noter dans un proche avenir des progrès substantiels.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer