ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2004, Publication : 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Canada (Ratification: 1972)

Autre commentaire sur C087

Cas individuel
  1. 2013
  2. 2010
  3. 2004
  4. 1999
  5. 1987

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Une représentante gouvernementale a commencé sa présentation en soulignant brièvement les principaux éléments du système canadien des relations professionnelles afin de démontrer qu'au Canada tant la liberté syndicale que le droit d'organisation sont reconnus et protégés. Le gouvernement du Canada veut souligner que la Charte canadienne des droits et libertés qui s'applique au gouvernement fédéral ainsi qu'à ceux des provinces et des territoires reconnaît le principe de la liberté syndicale. La Charte fait partie intégrante de la Constitution canadienne et, à ce titre, ne peut être modifiée que par un amendement constitutionnel. La Déclaration canadienne des droits, une loi applicable au gouvernement fédéral, consacre également le principe de la liberté syndicale. En vertu de la Constitution, chacun des 14 gouvernements, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, le gouvernement des 10 provinces et ceux des trois territoires jouissent dans leur propre juridiction d'une compétence législative exclusive sur les questions relatives au travail. La majorité des travailleurs canadiens sont soumis aux lois du travail provinciales, alors que la compétence fédérale en la matière ne concerne plus ou moins que 10 pour cent de la population active.

De manière générale, la législation canadienne sur les relations industrielles - qu'elle soit fédérale, provinciale ou territoriale - garantit aux travailleurs des secteurs tant public que privé le droit de s'affilier à des syndicats et de participer à leurs activités syndicales légales. Le Code canadien du travail, ainsi que les lois équivalentes de chacune des juridictions, garantit non seulement l'existence du droit d'organisation mais aussi sa protection. Il existe des dispositions législatives qui protègent les organisations de travailleurs et d'employeurs des actes d'ingérence des unes à l'égard des autres et interdisent les pratiques déloyales de travail. De plus, des mécanismes garantissent la mise en oeuvre de ces mesures protectrices. Chaque juridiction bénéficie d'une législation en matière du travail qui réglemente la négociation collective, et un conseil indépendant des relations de travail, au sein duquel siège un nombre égal de représentants travailleurs et employeurs, applique la loi. La loi assure de manière générale la promotion de la négociation collective libre et reconnaît les droits de grève et de lock-out. Elle assortit de conditions l'exercice de la grève et du lock-out et, en même temps, encourage les parties à s'engager sérieusement dans des négociations pour parvenir à la conclusion d'une convention collective effective qui réponde à leurs besoins socio-économiques respectifs. Les agents de négociation et les employeurs concernés ont la responsabilité de se rencontrer et de négocier de bonne foi. Cela signifie qu'ils doivent se rencontrer pour mener conjointement la négociation et faire tout leur possible en vue de conclure une convention collective. En cas d'absence de bonne foi dans les négociations, l'une ou l'autre des parties peut déposer une plainte auprès des conseils de relations de travail appropriés afin d'obtenir une ordonnance pour remédier à la situation. Ainsi, le droit de toutes les parties de négocier collectivement des accords est garanti au sein de toutes les juridictions. De plus, l'importance de la conciliation et de la médiation en tant qu'instrument permettant aux parties de parvenir à un accord volontaire est reconnue partout au Canada.

Le gouvernement reconnaît cependant que la législation en matière de négociation collective n'englobe pas tous les travailleurs des diverses juridictions canadiennes. Les termes "employé" et "unité de négociation" définis par la loi et consacrés par la jurisprudence pertinente déterminent qui sont les personnes habilitées à participer à la négociation collective. De plus, comme l'ont rappelé à plusieurs reprises les diverses instances de contrôle de l'OIT, certains groupes professionnels (médecins, dentistes, architectes, juristes et ingénieurs lorsqu'ils exercent leurs fonctions professionnelles, travailleurs de l'agriculture et gens de maison) sont exclus du champ d'application de la loi de quelques juridictions canadiennes. Toutefois, même si ces travailleurs sont exclus des régimes légaux, ils peuvent négocier avec leurs employeurs sur une base volontaire.

Le gouvernement a souligné que, bien qu'il existe un large consensus parmi les juridictions sur les droits des employeurs et des travailleurs dans le cadre de leur régime respectif de relations de travail, l'autonomie dont jouissent les diverses juridictions donne lieu à une diversité de dispositions juridiques. Elle a estimé que cette diversité, caractérisée par les circonstances propres au marché du travail de chacune des juridictions, pouvait appeler certains commentaires de la part de la commission d'experts, et ce dans une plus large mesure que pour un pays avec un marché du travail unifié. Néanmoins, elle a aussi souligné que les gouvernements avaient le mandat ainsi que la responsabilité, dans le cadre de sociétés démocratiques, de concilier les intérêts légitimes mais divergents ainsi que les demandes contradictoires pour l'intérêt supérieur du public. A cet égard, la pleine mise en oeuvre des obligations internationales en matière du travail présente certains défis puisque, si le gouvernement fédéral jouit de l'autorité de ratifier les conventions de l'OIT, il doit s'en remettre aux provinces ainsi qu'aux territoires pour la mise en oeuvre de leurs dispositions dans leur champ de compétences exclusives. Dans ce contexte, l'oratrice a souhaité informer la commission de certaines initiatives prises au niveau fédéral afin d'engager les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les partenaires sociaux à respecter les obligations internationales en matière du travail du Canada.

Le Canada s'est toujours acquitté de ses obligations de faire rapport de manière complète et ponctuelle. Dans ce but, l'Unité des affaires internationales du travail, du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada, avec la collaboration des représentants des provinces et des territoires, s'est engagée sur une base continue à fournir une information complète et transparente à l'OIT en ce qui concerne les conventions ratifiées et à respecter ses autres obligations de faire rapport. Afin de faciliter l'accès à des informations exactes sur le droit canadien du travail, l'Unité d'analyse des lois du travail du ministère effectue une compilation annuelle, sous forme de rapport, de tous les amendements législatifs et réglementaires concernant les questions du travail dans toutes les juridictions canadiennes. Ce rapport est diffusé sur Internet.

De plus, les vice-ministres des ministères et agences responsables du travail au niveau fédéral, provincial ou territorial se rencontrent deux fois l'an dans le cadre de la réunion de l'Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière (ACALO). Les questions relatives à l'OIT ont toujours occupé une place importante à son ordre du jour mais, au cours des dernières années, les obligations internationales du travail ont monopolisé une plus grande part des débats. Ces dernières années, les ministres responsables du travail des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se rencontrent régulièrement et, là encore, les obligations internationales en matière du travail du Canada font l'objet de discussions. En 2002, le ministre du Travail fédéral a établi un comité consultatif sur les affaires internationales du travail composé de représentants expérimentés des organisations canadiennes d'employeurs et de travailleurs. Depuis, le comité consultatif a examiné un large éventail de questions internationales relatives au travail concernant principalement la dimension sociale de la mondialisation ainsi que les accords de coopération en matière de travail conclus par le Canada avec ses partenaires commerciaux. Lors de sa dernière réunion en février 2004, l'avis du comité consultatif a été sollicité afin de déterminer de quelle manière le gouvernement fédéral pourrait assurer de manière plus efficace la promotion des principes de la Déclaration de l'OIT au Canada, ainsi que mieux engager les provinces et les territoires à respecter les obligations internationales du Canada concernant le travail et pour les partenaires sociaux, de soutenir de telles initiatives. Il s'agit là des mesures les plus récentes prises par le gouvernement du Canada afin de garantir un meilleur respect par les provinces et les territoires de ses obligations en tant que Membre de l'OIT, et particulièrement la mise en oeuvre des conventions ratifiées de l'OIT.

En ce qui concerne certaines observations formulées par la commission d'experts, l'oratrice a indiqué premièrement que, lorsque le Canada a soumis son rapport sur la convention no 87, des élections étaient en cours dans la province de l'Ontario. Par conséquent, le rapport ne contenait pas d'informations qui puissent répondre aux observations de la commission d'experts sur plusieurs sujets concernant cette province. L'oratrice a donc souhaité faire part à la commission des informations les plus récentes fournies par le gouvernement de l'Ontario. Cette province procède actuellement à une révision de ses lois concernant le travail et l'emploi, y compris de la loi sur les relations de travail. De manière générale, le gouvernement s'engage à restaurer l'équilibre au sein du régime des relations de travail de l'Ontario et à travailler conjointement avec les parties concernées afin de s'assurer que les lois du travail de la province soient équitables pour les travailleurs, les syndicats et les employeurs. Bien qu'à ce moment-ci il ne soit pas possible de formuler des commentaires plus précis, le gouvernement de l'Ontario s'est déjà engagé publiquement à abroger certaines dispositions législatives qui portent atteinte au travail syndiqué. Le Canada rendra compte de manière détaillée des progrès réalisés dans son prochain rapport à la commission d'experts.

En ce qui concerne le droit de grève des employés du secteur de la santé dans la province de l'Alberta, le gouvernement de cette province est responsable de la mise en oeuvre des politiques des soins de santé et d'en assurer la supervision. Aucun compromis ne doit être permis concernant la sécurité et le droit des patients d'avoir accès à des soins de santé. Le gouvernement estime que les employés des autorités régionales de soins de santé fournissent des services essentiels à la population au même titre que les policiers et les pompiers. En réponse à une demande spécifique de la commission d'experts, le gouvernement de l'Alberta confirme que la loi modifiant les relations du travail (restructuration des autorités sanitaires régionales) étend l'interdiction des grèves et des lock-out à tous les employés et employeurs au sein des autorités régionales de la santé. Cela s'explique par l'interdépendance croissante et l'intégration de l'administration de soins de santé au sein des autorités régionales de la santé dans les cas où l'interruption de services peut avoir un effet potentiellement dangereux sur la vie des citoyens albertains dont les besoins légitimes en soins de santé doivent être assurés. Le gouvernement de l'Alberta estime que les employés du système public de santé doivent bénéficier de moyens équitables, objectifs et transparents pour régler leurs différends collectifs sans mettre en danger la sécurité publique, ce que la loi garantit.

En ce qui concerne les discussions entamées par le gouvernement de la Colombie britannique avec les employeurs ainsi que les syndicats du secteur de l'éducation et particulièrement en ce qui concerne les mécanismes de règlements des différends, le gouvernement a fait observer que l'article 5 de la loi (no 27) sur la convention collective de l'enseignement prévoit la désignation d'une commission pour réviser le cadre et la procédure de la négociation collective dans le secteur de l'éducation. En septembre 2003, le ministère du Développement des compétences et du Travail a nommé une personne pour mener des consultations auprès des parties intéressées afin de présenter des recommandations sur le mandat de la commission de révision. Sur la base de ce rapport, le ministre a nommé une commission à membre unique en décembre 2003. Le commissaire a tenu des consultations avec des groupes du secteur de l'éducation et a révisé les procédures en usage dans d'autres juridictions pour recommander une nouvelle convention collective cadre. Il est prévu que la commission complétera son travail à l'automne 2004. Finalement, le gouvernement a invité le vice-ministre du Travail pour la province de Terre-Neuve et du Labrador à fournir des informations à jour sur la loi sur la négociation collective dans l'industrie de la pêche.

Un autre représentant gouvernemental, se référant à la loi des provinces de Terre-Neuve et du Labrador sur la négociation collective dans l'industrie de la pêche (loi no 31), a informé la Commission de la Conférence des éléments politiques ayant mené au cas présent. En 1997, suite à une grève de quinze semaines, les provinces de Terre-Neuve et du Labrador avaient indiqué aux partenaires sociaux qu'elles ne pouvaient pas risquer de perdre une partie vitale de leur économie. Elles ont établi un groupe de travail chargé de trouver une solution pacifique en consultation des partenaires sociaux. La solution acceptée était appelée "le système de sélection de l'offre finale" que les partenaires sociaux avaient accepté, à la suite d'un projet pilote biennal et qui devrait être consacré par la législation. Ce système devait être appliqué dans les législations par les partenaires sociaux qui l'avaient accepté. Les parties au système auront toutefois la possibilité, tous les deux ans, de quitter le système. Le système de sélection de l'offre finale est en vigueur depuis 1998 mais, l'année dernière, un des partenaires sociaux a choisi de ne pas y participer, ce qui a entraîné la fin du mécanisme. Cela a eu pour conséquence le retour à la loi sur la négociation collective dans l'industrie de la pêche à son état initial, ce qui inclut le droit de grève et le lock-out. Tout récemment, la question s'est reposée suite à un conflit concernant la pêche aux crabes. Il est très important de trouver une solution collective à l'amiable pour que la période critique de cette pêche ne soit pas manquée. Il incombe par conséquent à l'ensemble des parties concernées de trouver une solution rapide. En conclusion, il a réaffirmé l'importance attachée aux questions étroitement liées à l'OIT à la réunion annuelle des ministres du Travail ainsi que sur le plan des provinces et indiqué qu'à Terre-Neuve et au Labrador un fonctionnaire est en charge uniquement de ces questions.

Les membres travailleurs ont indiqué que, malgré les explications fournies par le gouvernement relatives à l'application de la convention no 87, l'observation formulée par la commission d'experts comporte une longue liste de cas de violation du droit syndical, du droit de grève ou de négociation collective. Ils ont noté que des mesures ont été prises afin de résoudre ces problèmes, particulièrement en ce qui concerne la province de Terre-Neuve et du Labrador. Dans les provinces de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario, la législation sur les relations du travail ne s'applique pas aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, si bien que les travailleurs de cette catégorie ne bénéficient pas de protection quant au droit de s'organiser et de négocier collectivement. En ce qui concerne la province de l'Ontario, les gens de maison, les architectes, les dentistes, les géomètres, les juristes et les médecins sont également exclus du champ d'application de la loi. Les gouvernements de ces provinces n'envisagent pas de modifier leur législation et ce, s'agissant de l'Ontario, malgré un arrêt de la Cour suprême du Canada en décembre 2001 qui déclare inconstitutionnelle la législation nationale attaquée. Dans certaines provinces, les travailleurs n'ont pas le droit de s'organiser librement. A cet égard, dans les provinces de l'île-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Alberta, certaines lois désignent nommément le syndicat reconnu comme partenaire aux fins de la négociation. Finalement, dans certaines provinces, les travailleurs n'ont pas le droit de faire la grève ou de négocier collectivement. Il en est ainsi en Alberta où certaines catégories de salariés du secteur hospitalier n'ont pas le droit de grève. L'adoption d'une loi en 2003 n'a pas changé la situation. Cette restriction à l'exercice du droit de grève s'applique également au personnel n'exécutant pas un service essentiel, tel que le personnel de cuisine, les portiers et les jardiniers dans les hôpitaux. En Colombie britannique, le droit de faire grève est limité ou supprimé dans le secteur de la santé. Les travailleurs ne bénéficient pas d'une procédure impartiale de règlement des conflits, dans la mesure où la dernière offre de l'employeur est imposée. Au Manitoba, un arbitrage peut être imposé à la demande de l'une des parties à l'expiration d'un délai de soixante jours. En Ontario, les enseignants n'ont pas le droit de faire grève. A Terre-Neuve et au Labrador, la loi no 31 sur la négociation collective dans l'industrie de la pêche a été modifiée de façon à permettre le droit de grève aux travailleurs de ce secteur. Cette énumération démontre la violation des droits reconnus par la convention no 87, surtout dans les secteurs publics hospitalier et de l'enseignement. Ces cas doivent être condamnés.

Les membres employeurs ont observé que les commentaires de la commission d'experts concernent plusieurs cas de violations du principe de la liberté syndicale par plusieurs provinces et font référence aux commentaires formulés par la CISL. Toutefois, ils ont limité leurs commentaires au contenu général plutôt que d'examiner de façon détaillée le cas de chaque province concernée. Les membres employeurs ont noté que les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture sont exclus du champ d'application de la législation sur les relations de travail et que, par conséquent, leur droit d'organisation et de négociation collective n'est pas protégé, ce qui va clairement à l'encontre de la convention. La Cour suprême a jugé que l'exclusion des travailleurs agricoles était inconstitutionnelle et a ordonné au gouvernement provincial concerné d'amender la législation en question. Malgré l'introduction d'un projet de loi accordant aux travailleurs de l'agriculture le droit de constituer et de s'affilier à des associations de travailleurs, la commission d'experts a estimé que cette mesure ne leur donne pas le droit de constituer et de s'affilier à des syndicats et de négocier collectivement. Les membres employeurs se demandent comment la commission d'experts est parvenue à cette conclusion qui ne semble pas corroborée par les informations disponibles. En ce qui concerne le monopole syndical établi par la loi de certaines provinces dans le secteur de l'éducation, les membres employeurs ont déclaré que cela constituait une nette violation de la convention. La mention expresse de l'organisation syndicale nommément désignée comme agent de négociation a pour effet d'exclure d'autres syndicats de la possibilité d'engager des négociations collectives. Concernant le droit du personnel universitaire de se syndiquer, les membres employeurs ont indiqué que la nomination du personnel académique à la condition de ne pas joindre une association professionnelle constitue une violation de la convention. Ils ont pris note de la déclaration de la représentante gouvernementale selon laquelle des élections ont eu lieu dans la province concernée et que de plus amples informations seront éventuellement communiquées par celle-ci à ce sujet. Il serait donc opportun d'attendre la communication du nouveau rapport.

Les membres employeurs ont observé que l'ensemble des autres questions analysées par la commission d'experts concernait le droit de grève et ont rappelé qu'étant donné que la convention ne mentionne aucunement le droit de grève, de même qu'elle ne garantit aucune forme de grèves, ils ne partagent pas les conclusions de la commission d'experts à cet égard. Concernant les restrictions au droit de grève dans certaines provinces dans le cas des travailleurs du secteur des services de santé, ils ont indiqué que, bien que le droit de grève n'est pas prévu par la convention, les restrictions ne constituaient aucunement une violation de la convention puisque les effets d'une grève dans ce secteur pourraient avoir de sérieuses répercussions sur la santé de la population. De plus, la définition des services essentiels retenue par la commission d'experts est quelque peu dépassée puisqu'elle ne considère que certains secteurs de production spécifiques. Ils ont ajouté que les grèves dans le secteur de l'éducation concernent non seulement les parties concernées, mais la société dans son ensemble en raison du danger pour les enfants d'être privés d'éducation. Concernant la question de l'arbitrage imposé à la demande d'une partie dans un délai de soixante jours dans le cas où aucune solution à la grève ne semble être possible, les membres employeurs se sont référés à l'étude d'ensemble de 1994 dans laquelle la commission d'experts n'exclut pas complètement le droit de l'Etat d'intervenir dans le processus de la négociation collective. Toutefois, la représentante gouvernementale a indiqué que le gouvernement était prêt à amender la législation, et le gouvernement devrait donc être prié de fournir l'information pertinente dans son rapport. Finalement, concernant les questions des relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, les membres employeurs ont rappelé qu'il incombe au gouvernement fédéral d'assurer l'application de la convention. Ils ont ainsi salué les efforts déployés par le gouvernement fédéral à cet égard. Le gouvernement doit donc décider dans quelle mesure il est prêt à poursuivre ses efforts pour appliquer la convention ou, au contraire, à continuer de faire l'objet de critiques par la commission d'experts. Le gouvernement devrait être prié de fournir un rapport traitant de toutes les questions discutées par la Commission de la Conférence.

Le membre travailleur du Canada a indiqué que le principal intérêt de la déclaration du gouvernement canadien réside dans son aspect général. La longue liste de cas de violations de la convention contenue dans l'observation formulée par la commission d'experts concerne un certain nombre de provinces de manière individuelle ou collective. Le Canada a uniquement ratifié quatre des huit conventions fondamentales. Depuis 1982, le Canada a seulement ratifié la convention no 182, ainsi que deux des 30 conventions adoptées depuis cette date. Soixante-sept plaintes, à savoir trois par année, ont été présentées au Comité de la liberté syndicale contre les gouvernements fédéral et provincial, et 54 de ces 67 plaintes ont été déclarées recevables. Parmi ces 54, le Comité de la liberté syndicale a conclu qu'il y avait eu violation des principes reconnus par la convention dans 40 cas. Ainsi, les trois quarts des plaintes présentées au Comité de la liberté syndicale concernaient environ 70 lois adoptées à travers tout le Canada depuis 1982 qui ont été considérés comme ayant été ou étant toujours en violation des engagements découlant de la convention. Les cas mentionnés dans l'observation de la commission d'experts concernent huit provinces sur dix. Sous peu, une autre province s'y ajoutera.

En plus des dernières mesures prises par le gouvernement de la Colombie britannique pour supprimer le droit de grève dans les secteurs de la santé et de l'éducation, le gouvernement a continué à utiliser sa législation en matière de monopole pour affaiblir les droits, abroger les normes et pour miner l'équité économique et sociale dans la province. Cette politique législative cible des domaines comme les normes relatives à l'emploi, la formation, le bail forestier, les normes de sécurité, les règlements des universités privées et des tuteurs, et la réglementation des organisations de professeurs. La loi sur les accords d'association dans le secteur de la santé (loi no 94) stipule par exemple que les accords collectifs limitent ainsi l'habilité des syndicats à représenter l'intérêt de leurs membres. La loi sur le règlement des conflits dans l'industrie forestière côtière (loi no 99) a rendu les conventions collectives entrées en vigueur avant 2003 obligatoires à l'égard des syndicats et des employeurs concernés. La loi sur la continuation des services de l'Université de Colombie britannique (loi no 21) autorise, malgré les dispositions du Code des relations du travail, le ministre à imposer un délai de réflexion pendant lequel la grève et le lock-out sont illégaux. En Ontario, la décision de la Cour suprême a conduit le gouvernement à adopter une législation autorisant les travailleurs agricoles à faire des démarches auprès de l'employeur par le biais d'une association d'employés mais ne leur offre pas expressément les droits syndicaux qui leur sont garantis par la loi sur les relations de travail. En Ontario encore, une modification est envisagée pour contraindre les employeurs à afficher en évidence sur le lieu de travail les procédures applicables au retrait de la certification des syndicats. En conclusion, malgré l'insertion du droit de liberté d'association dans la Charte canadienne des droits et libertés, certaines provinces comme celles mentionnées et d'autres ne prêtent aucune attention aux droits fondamentaux mondialement reconnus présentés dans la convention et font leur possible pour les ébranler. Par conséquent, le gouvernement du Canada doit assurer, avec l'assistance de l'OIT, l'application et le respect de la convention dans la pratique.

La représentante gouvernementale a remercié tous les intervenants et assuré que tous les commentaires soulevés lors de la discussion seront dûment communiqués aux juridictions concernées et que le gouvernement apportera tout développement à la commission d'experts. A cet égard, tout soutien complémentaire de l'OIT dans le cadre de l'application de la convention est le bienvenu.

Les membres travailleurs ont indiqué avoir pris note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le gouvernement fédéral n'est pas compétent en matière de droit du travail, dans la mesure où ce sont les provinces qui sont compétentes pour légiférer sur les questions relatives au travail. Toutefois, un Etat Membre ne peut pas invoquer sa Constitution et la répartition des compétences pour ne pas assumer ses responsabilités. En outre, les provinces ne peuvent pas déclarer qu'elles ne changeront pas leur législation. Les principes contenus dans la convention no 87 doivent être rappelés. Premièrement, tous les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable, sans distinction d'aucune sorte, à la seule exception éventuellement des membres des forces armées et de la police. Deuxièmement, le droit de grève est un corollaire du droit de s'organiser et toutes restrictions de l'exercice de ce droit devraient ne concerner que les fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l'Etat ou ceux des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire ceux dont l'interruption de travail mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. Malgré le fait que le gouvernement prend certaines mesures pour résoudre la situation, les membres travailleurs ont demandé qu'une mission technique se rende au Canada afin d'expliquer aux autorités fédérales et provinciales, notamment aux provinces de la Colombie britannique et de l'Ontario, les principes contenus dans la convention, tout en y associant les partenaires sociaux.

Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental s'est référé aux différents points soulevés par la commission d'experts. En ce qui concerne le droit de s'organiser, ils ont indiqué une fois de plus qu'aucun changement législatif n'est nécessaire. Bien que la commission d'experts ait développé depuis un certain nombre d'années le point de vue selon lequel le droit de s'organiser découle de la convention, la Conférence, en tant que seul législateur en matière de normes internationales du travail, a clairement décidé en 1948 que le droit de grève n'est pas traité par la convention, ce que tous les comptes rendus préparatoires indiquent également. En effet, lors des travaux préparatoires, la majorité des Etats Membres ont de manière spécifique décidé de ne pas inclure le droit de grève et indiqué que le droit de grève ne devrait pas être couvert par la convention.

La commission a pris note des informations données par les représentants gouvernementaux et de la discussion qui a suivi. La commission a constaté que les commentaires de la commission d'experts se réfèrent à un certain nombre de divergences entre la législation et la pratique des différentes provinces, d'une part, et la convention, d'autre part. La commission constate que les questions toujours pendantes concernent en particulier l'exclusion du champ d'application de la législation sur les relations de travail des travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, qui sont privés d'une protection pleine et entière eu égard au droit d'organisation. Les autres questions mentionnées par la commission d'experts concernent la mention expresse dans la loi de l'organisation syndicale accréditée comme agent de négociation collective ainsi que les droits des enseignants et des travailleurs du secteur de l'éducation de certaines provinces. La commission a pris note des mesures prises par le gouvernement fédéral, en collaboration avec l'OIT, pour attirer l'attention des gouvernements des diverses provinces sur les commentaires de la commission d'experts. La commission a pris note des informations du gouvernement sur les diverses mesures prises dans certaines provinces, en particulier à Terre-Neuve et au Labrador, pour promouvoir la pleine application de la convention. Elle a également pris note du fait que les provinces sont dans une large mesure souveraines en matière de législation du travail. La commission a néanmoins rappelé la nécessité pour les provinces d'amender certains textes législatifs afin de garantir la mise en oeuvre pleine et entière de la convention, particulièrement en ce qui concerne le droit d'organisation en général, ainsi que le droit d'exercer des activités syndicales dans un secteur aussi important que l'agriculture, qui fait l'objet de restrictions à cet égard depuis plusieurs années. La commission a exprimé le ferme espoir que dans un proche avenir le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir pleinement à tous les travailleurs les droits consacrés par la convention. La commission a prié le gouvernement d'envoyer dans son prochain rapport à la commission d'experts des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard. Elle a prié le gouvernement de continuer à examiner les questions posées dans le cadre de l'application de la convention. La commission a également rappelé au gouvernement la possibilité d'avoir recours à l'assistance technique de l'OIT afin de favoriser la mise en oeuvre de la convention.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer