National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a d'abord rappelé que, cette année, la commission d'experts avait trouvé intéressantes plusieurs mesures prises par son pays pour mettre en œuvre la convention no 87, et qu'elle s'en était félicitée. A cet égard, plusieurs amendements législatifs ont été préparés avec la participation active des partenaires sociaux. La commission d'experts a par ailleurs soulevé un certain nombre de questions pour lesquelles elle a demandé des informations complémentaires sur l'application de la convention. Il convient donc de répondre à cette demande.
S'agissant de la "période probatoire" requise pour les fonctionnaires et du champ d'application de la loi no 4688, l'orateur a indiqué que cette loi a été modifiée par la loi no 5198 grâce au dialogue social. Lors d'une réunion récente du Comité consultatif tripartite, il a été décidé que l'on continuerait à travailler à partir du nouveau projet, et il est prévu de supprimer la période probatoire et d'élargir le champ d'application de la loi en ce qui concerne les catégories qui ont le droit de se syndiquer. Par ailleurs, il est faux d'affirmer que les fonctionnaires, qui sont de plus en plus souvent employés dans le cadre de contrats à durée déterminée, sont exclus du champ d'application de la loi no 4688. Ces employés ont les mêmes droits syndicaux que leurs homologues du secteur privé. De plus, il est prévu de supprimer certaines restrictions contenues à l'article 15 afin de limiter, dans la mesure du possible, les exceptions qui concernent les positions de confiance.
S'agissant des critères utilisés par le ministère du Travail pour déterminer le secteur d'activité dont relève un établissement et des critiques formulées à cet égard et selon lesquelles cela pourrait empêcher les travailleurs de s'affilier aux syndicats de leur choix, des clarifications doivent être faites. Afin de prévenir les conflits, la loi no 2821 prévoit des délimitations prudentes des secteurs d'activité en tenant compte des normes internationales. Dans le cas exceptionnel d'un conflit entre syndicats concernant la délimitation, il incombe au ministère du Travail, à la demande des parties, de procéder à la détermination, et sa décision peut faire l'objet d'un recours en appel devant les tribunaux. En Turquie, pour déterminer les secteurs d'activité, des critères objectifs sont utilisés afin de maintenir un système de négociation collective valable et efficace qui permette aux travailleurs de s'affilier librement à tout syndicat constitué dans le secteur d'activité correspondant. Dans le cas de Dok GemIs, un conflit de juridictions a conduit à un transfert de compétences entre deux syndicats, les travailleurs restant libres de s'affilier aux autres syndicats du secteur ou de constituer un nouveau syndicat.
Pour répondre à la demande d'information de la commission d'experts sur la proposition de fusionner certains secteurs, il faut signaler que l'objectif est là aussi de rationaliser les structures conformément aux normes internationales et d'éviter le chevauchement d'activités. A titre d'exemple, les secteurs sucrier et alimentaire, les secteurs routier et autoroutier et les transports maritime et aérien, qui relèvent actuellement de différents secteurs, feront l'objet de fusions sur la base de critères objectifs tels que la structure des secrétariats de syndicats internationaux. Si des mises en examen ont eu lieu, elles seront sans effet négatif sur le droit syndical des travailleurs qui, une fois encore, sont libres de s'affilier aux organisations de leur choix. La commission d'experts a estimé que les modifications proposées, qui visent à regrouper certains secteurs afin de préciser la nature et les compétences des syndicats sectoriels, "n'étaient pas en soi incompatibles avec la convention".
S'agissant des commentaires de la commission d'experts selon lesquels plusieurs dispositions des lois nos 2821, 2822 et 4688 réglementent trop précisément les affaires intérieures des syndicats, et qu'une telle situation pourrait donner lieu à une ingérence indue des pouvoirs publics, il faut souligner que les procédures envisagées ne remettent pas en cause l'indépendance des organisations, mais qu'elles sont censées donner des orientations pour veiller au fonctionnement démocratique des syndicats, assurer la transparence de leurs activités et protéger les droits de leurs membres.
Concernant l'observation de la commission d'experts selon laquelle l'article 10 de la loi no 4688 donne le pouvoir aux ministères et aux membres d'un syndicat de s'adresser aux juridictions pour demander la destitution des dirigeants syndicaux qui enfreignent les dispositions sur les élections syndicales, il a déclaré que la décision finale appartenait aux juridictions et qu'en pratique ce sont principalement les membres des syndicats qui utilisaient cette procédure. Le but est une nouvelle fois de protéger les droits des membres syndicaux et de sauvegarder la démocratie syndicale. Le Comité consultatif tripartite a néanmoins décidé d'examiner cette question ultérieurement.
S'agissant du commentaire de la commission d'experts selon lequel la loi no 4688 maintient la restriction relative à la suspension du mandat des dirigeants syndicaux candidats lors d'élections locales ou générales et à la révocation de ces derniers en cas de non-élection, l'orateur a déclaré que ce commentaire reposait sur un malentendu. Les fonctions des dirigeants concernés se terminent, en pratique, s'ils sont élus et non s'ils perdent les élections. Cette disposition de la loi est basée sur un article de la Constitution et le Comité des académiciens cherche actuellement une solution appropriée.
En ce qui concerne le commentaire de la commission d'experts selon lequel l'article 35 de la loi no 4688 ne fait pas mention du droit de grève dans le secteur public, l'orateur a indiqué que les travailleurs engagés par un contrat de travail dans le secteur public jouissent du droit de grève de la même façon que les travailleurs du secteur privé. Il doit néanmoins être rappelé que, selon les termes de la convention, le droit de grève des fonctionnaires n'a pas été résolu dans le contexte de l'OIT. Malgré cela, pour tenir compte du point de vue de la commission d'experts qui estime que le droit de grève dans le secteur public ne peut être limité que pour les fonctionnaires engagés dans l'administration de l'État, le gouvernement a toutefois lancé une réforme cherchant à définir de façon plus stricte la notion de "fonctionnaire" et établir une distinction entre les fonctionnaires, d'une part, et les autres employés du secteur public, d'autre part. En tenant compte des commentaires de la commission d'experts, la question du droit de grève des autres employés du secteur public sera abordée, bien que cela nécessite en principe un amendement constitutionnel. L'orateur s'est engagé à tenir le BIT informé sur tous les progrès réalisés à cet égard.
S'agissant des restrictions contenues dans les dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève, le projet de loi modifiant l'article 29 de cette loi a introduit des progrès significatifs en supprimant notamment certaines professions ou services pour lesquels le droit de grève n'est actuellement pas autorisé, y compris dans les centrales électriques alimentées par le lignite, les services bancaires, les services notariaux publics et le transport urbain, routier, ferroviaire et maritime. Le retrait de la restriction du droit de grève dans la production, le raffinage et la distribution du gaz naturel, du gaz de ville et du pétrole a également fait l'objet d'un débat du Comité des académiciens. La priorité a été donnée dans ce cas à l'extension du droit de grève aux travailleurs des établissements dans lesquels ce droit était anciennement interdit.
En ce qui concerne les limitations de la pratique des piquets de grève, l'orateur a déclaré que la suppression de certaines restrictions, comme l'interdiction de fournir des abris aux personnes participant aux piquets de grève devant les installations concernées et autour, était au programme des réformes du gouvernement.
S'agissant du commentaire de la commission d'experts selon lequel il existe un préavis de grève excessivement long, la période de temps envisagée correspond à la durée maximale et elle est prévue pour fournir de la flexibilité aux parties. Le projet de loi envisage une procédure de médiation plus simple et plus souple qui devrait raccourcir la durée du préavis de grève.
Concernant l'interdiction de l'occupation du lieu de travail et des grèves à des fins politiques, générales et de solidarité, l'orateur a mentionné que ces restrictions proviennent de l'article 54 de la Constitution. De plus, la légalité de certaines catégories d'actions syndicales auxquelles la commission d'experts se réfère, y compris les boycottages secondaires, les grèves générales et l'occupation du lieu de travail, est controversée chez les universitaires et n'est pas partagée par tous les systèmes juridiques.
S'agissant du commentaire selon lequel la loi no 2822 prévoit des sanctions lourdes en cas de participation aux grèves illégales, les dossiers ne contiennent aucune information relative à des syndicalistes condamnés pour ce type d'activité. Le Comité des académiciens a effectué des recherches dans ce domaine et le Comité consultatif tripartite se penchera bientôt sur cette question. Concernant l'application de l'article 312 du Code pénal aux syndicalistes dans l'exercice légitime de leurs activités, les sanctions pénales applicables en cas de violation de la loi sont clairement spécifiées par l'article 59 de la loi no 2821. Jusqu'à présent, le ministre du Travail n'a pas eu connaissance de jugements ou de condamnations de syndicalistes sur la base de ces dispositions. La manière selon laquelle pourraient être conclus des accords collectifs dans les établissements qui ne reconnaissent toujours pas le droit de grève fait toujours l'objet de discussions importantes.
Quant au procès intenté contre la DISK, l'exigence des dix ans d'ancienneté pour constituer un syndicat, exigence prévue par la Constitution, a été supprimée par amendement constitutionnel. De plus, le Comité des académiciens a décidé de modifier la loi no 2821 sur ce point. Il faut mentionner à ce sujet que le ministère n'a intenté aucune action contre les responsables de la DISK pour ces motifs mais certains responsables ont été démis de leurs fonctions car ils ne remplissaient pas l'exigence d'ancienneté.
Pour conclure, il faut souligner à nouveau que la Turquie a réalisé des progrès importants pour mettre sa législation en conformité avec les normes de l'OIT, progrès que la commission d'experts a soulignés avec satisfaction. A cet égard, l'orateur s'est félicité du rôle de pionnier joué par l'OIT, qui a encouragé son pays à mettre en place des initiatives pour se rapprocher de l'Union européenne. Les commentaires de la commission d'experts ont orienté l'action menée par la Turquie pour aligner sa législation du travail sur les normes de l'Union européenne. La Turquie est déterminée à poursuivre ses efforts pour atteindre cet objectif.
Les membres travailleurs ont remercié le gouvernement pour les informations détaillées qu'il a fournies et qui devront être examinées par la commission d'experts. Le contexte entourant ce cas est positif. La Turquie a entrepris des efforts de réformes sérieux et réalisé des progrès significatifs concernant les normes internationales et européennes relatives aux droits de l'homme et à l'état de droit. Bien que la plupart des changements positifs soient survenus dans la législation et qu'il existe souvent un écart entre la loi et sa mise en application en pratique, le gouvernement a un bilan remarquable qui suscite des attentes. Les membres travailleurs reconnaissent le travail effectué par le gouvernement concernant les questions faisant l'objet de discussions devant la commission, mais insistent sur le fait qu'il doit faire davantage. Les insuffisances concernant l'application de la convention no 87 ne peuvent être ignorées, surtout que la Turquie a un lourd passif en ce qui concerne les violations des droits syndicaux fondamentaux. Signalant que la plupart des violations incarnées par la loi sont les vestiges du régime militaire en place au cours des années quatre-vingt, les membres travailleurs rappellent que l'OIT a critiqué la situation en Turquie à de nombreuses reprises au cours des vingt-cinq dernières années, avant même que le pays ne ratifie les conventions nos 87 et 98. Les membres travailleurs regrettent que le gouvernement suive une tactique visant à repousser dans le temps le moment où il remédiera aux graves insuffisances de la législation concernant les syndicats et les relations du travail. La capacité d'agir qu'a démontrée le gouvernement au cours des deux dernières années concernant d'autres situations problématiques, par exemple la mise en œuvre des acquis européens en matière de politique sociale ou les réformes visant à faire passer l'armée sous contrôle démocratique, est frappante. Il est, en conséquence, difficile de croire que le gouvernement a été incapable, pendant des décennies, d'amender la législation pertinente quant à des problèmes clairs et pour la résolution desquels l'OIT a envoyé plusieurs missions d'assistance technique. Les membres travailleurs expliquent plutôt la perpétuation de cette situation par le manque de volonté politique du gouvernement et la faible importance donnée, jusqu'ici, aux problèmes dont il est question.
Les membres travailleurs ont souligné que le fait que la commission n'ait pas examiné ce cas depuis 1997 ne signifie pas que tous les problèmes ont été résolus. Dans son rapport, la commission d'experts n'a exprimé sa satisfaction qu'à propos d'un point spécifique, l'abrogation d'une disposition rendant l'arbitrage obligatoire dans les zones franches d'exportation. Rappelant que la commission d'experts a également pris note avec intérêt de six projets d'amendement concernant les lois nos 2821 et 2822, les membres travailleurs ont souligné qu'il ne s'agit en fait que d'améliorations potentielles, puisque les textes en question n'ont pas encore été adoptés. Il n'est pas courant que la commission d'experts analyse et formule des commentaires si fermes sur la base d'une législation qui n'est qu'à l'état de projet. Il conviendrait également de noter que, selon les experts, certaines dispositions critiquables ont parfois été abrogées là pour être réintroduites ailleurs. De plus, la commission d'experts a continué de soulever un certain nombre d'interrogations sur plusieurs questions: 1) le droit de certaines catégories de fonctionnaires de se syndiquer; 2) la détermination par le gouvernement des branches d'activité, ce qui est la base de l'organisation syndicale; 3) diverses dispositions qui concernent le fonctionnement interne des syndicats; 4) la suspension des instances dirigeantes d'un syndicat en cas de non-respect de prescriptions gouvernementales concernant le fonctionnement interne des syndicats; 5) le droit de grève, dans le service public et hors de celui-ci.
Les restrictions extrêmement poussées des droits syndicaux, y compris du droit de grève, à l'égard des fonctionnaires et agents des services publics, sont une question très grave. A la base, le problème réside dans la définition de la notion de fonctionnaire, beaucoup plus large que ce que ne prévoit la convention, laquelle n'envisage de restrictions au droit de grève qu'à l'égard des fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l'État et de ceux qui appartiennent à des services essentiels au sens strict du terme. L'étude de la définition de la notion de fonctionnaire, que le gouvernement a annoncée, demandera naturellement du temps, mais cela ne devrait pas servir d'excuse pour continuer à perpétrer des violations qui portent sur des libertés syndicales fondamentales. Les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement de confirmer son intention de modifier la législation en question dans un proche avenir de manière à la rendre conforme à la convention.
La question de la définition des branches d'activité revêt une importance particulière pour les travailleurs, s'agissant de l'exercice de leur droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. Sur la base de la législation actuelle, les travailleurs sont tout simplement exposés à voir leur syndicat disparaître inopinément. De ce point de vue, les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement n'apporte aucun élément concernant le cas du Comité de la liberté syndicale no 2126, auquel la commission d'experts se réfère dans son rapport.
Avec la législation actuelle, il existe d'innombrables moyens, pour les autorités publiques, d'intervenir dans les affaires internes des syndicats. Cette législation comporte en effet de nombreuses prescriptions détaillées et inutiles sur la façon dont les syndicats doivent fonctionner. Ces prescriptions rappellent tristement les années de la dictature militaire, où les syndicats étaient alors perçus comme des organisations subversives dangereuses. La Constitution nationale, rédigée par le régime de l'époque, contenait de nombreuses dispositions antisyndicales. La plupart ont été abrogées mais, hélas, nombre d'entre elles existent encore dans la législation, tirant leur origine dans ces dispositions constitutionnelles. L'argument du gouvernement selon lequel ces dispositions législatives sont destinées à soutenir le fonctionnement démocratique des syndicats est irrecevable et absurde. Les membres travailleurs prient instamment le gouvernement de modifier rapidement la législation en question. De plus, il le prie instamment de mettre un terme à l'ouverture de procédures judiciaires contre les syndicats sur la base de cette législation, et notamment de mettre un terme aux poursuites engagées contre la DISK sur le fondement de l'article 54 de la loi sur les syndicats, comme mentionné par la commission d'experts. Heureusement, la DISK a récemment été acquittée.
Les membres travailleurs ont également souligné que les problèmes qui se posent en Turquie à propos de l'application de la convention ne concernent pas que les aspects juridiques mais touchent aussi à des violations dans la pratique. Certaines se produisent régulièrement, comme en attestent les nombreuses observations de syndicats et les nombreux cas de liberté syndicale auxquels la commission d'experts se réfère dans son observation. A cet égard, les membres travailleurs ont signalé que les travailleurs turcs ne peuvent changer de syndicat que moyennant un acte notarié d'un coût de 40 euros. Une telle pratique devrait être abolie sans attendre. De plus, pour faire suite aux commentaires de la commission d'experts concernant les restrictions à la liberté d'association dans les quatre provinces du sud-est du pays, les membres travailleurs ont signalé qu'une procédure est en cours à l'encontre de EGITIM-SEN, un syndicat d'enseignants, sur la présomption d'atteintes à la Constitution et à la loi sur les syndicats ce qui pourrait entraîner la dissolution du syndicat. La commission d'experts devrait suivre cette question et la Commission de la Conférence devrait en être saisie à nouveau après avoir donné son opinion.
En conclusion, les membres travailleurs ont pris acte avec intérêt de certains progrès. Mais ces progrès sont modestes et ils doivent encore pratiquement tous se concrétiser dans la mesure où ils ne consistent qu'en projets de lois. Le gouvernement ne s'est attaqué que très lentement aux déficiences de la législation syndicale et du travail, alors que l'action gouvernementale en la matière n'est qu'une question de priorité et de volonté politique. Les membres travailleurs ont appelé instamment le gouvernement à prendre résolument l'engagement d'agir sans retard et selon les orientations préconisées par la commission d'experts. Ils ont également demandé que le gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour mettre un terme à l'ouverture de toute nouvelle procédure fondée sur des articles à caractère antisyndical de la Constitution qui ont été abrogés, jusqu'à ce que la législation syndicale soit rendue conforme à la convention no 87. La commission devrait souligner à la fois les progrès et les retards de la législation turque sur les syndicats et les relations du travail et inciter le gouvernement à rendre cette législation conforme à la convention avec la même détermination que celle dont il a fait preuve dans le cadre des réformes engagées dans d'autres domaines, telles que la demande d'adhésion à l'Union européenne.
Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations qu'il a fournies et précisé que, compte tenu de leur complexité, certaines d'entre elles ne pourront faire l'objet de commentaires de leur part tant qu'elles n'auront pas été examinées par la commission d'experts. Le rapport de la commission d'experts fournit quelques indications positives concernant ce cas. Au paragraphe 38 du rapport, la commission d'experts a inclus la Turquie dans la liste des pays où des progrès avaient été constatés. Qui plus est, la commission d'experts note avec intérêt dans son observation que certaines mesures concernant dix points significatifs sont en voie d'être adoptées: plusieurs dispositions ont été mises en vigueur, d'autres sont actuellement étudiées, et un comité d'universitaires a été mis sur pied pour préparer des projets de législation.
Néanmoins, la commission d'experts a clairement identifié certaines difficultés concernant d'autres points. A cet égard, les membres employeurs tiennent à souligner que, bien qu'il soit reconnu que le gouvernement a adopté des mesures significatives pour mettre sa législation en conformité avec la convention, il est important que le gouvernement poursuive ses efforts en prenant les mesures additionnelles qui s'imposent. Ils accueillent comme un signe positif le fait que le gouvernement ait manifesté sa compréhension des mesures qui restent à prendre pour remédier à la situation, de même que son apparente volonté politique d'agir en conséquence. Les questions qui demeurent sont, tel qu'il ressort du rapport de la commission d'experts et de la réponse du gouvernement, complexes et circonstanciées. La Commission de la Conférence n'a pas les compétences nécessaires à la résolution de telles questions et aura besoin de l'aide de la commission d'experts à cet égard. De plus, constatant que les questions touchant à l'application pleine et entière de la convention présentent un degré de précision et de détail particulièrement élevé, les membres employeurs se demandent si cette situation reflète bien les finalités sous-jacentes à l'adoption de la convention.
Les membres employeurs concluent en rappelant que ce cas constitue, tel que l'a noté la commission d'experts, un cas de progrès dans l'application de la convention. Ils indiquent également que le gouvernement devrait fournir à la commission d'experts, dans un rapport écrit, des informations détaillées expliquant la situation en vigueur dans le pays et permettant à la Commission de la Conférence de revenir sur ce cas dans le futur.
Le membre travailleur de la Turquie a indiqué que des améliorations notables ont été prises pour mettre la législation en conformité avec la convention. Certains des obstacles restants et empêchant une mise en œuvre totale de la convention disparaîtront avec l'adoption des deux projets de loi. Les partenaires sociaux ont été consultés afin d'harmoniser le droit du travail avec les normes de l'OIT et de l'Union européenne. Néanmoins, des préoccupations demeurent. Le gouvernement, qui avait initialement décidé que l'article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats qui prévoit la suspension ou la destitution d'un dirigeant syndical en cas de candidature à des élections locales ou générales ou en cas d'élection, respectivement, serait modifié, a décidé que cet article serait maintenu. L'article 37 reste donc inchangé dans le projet de loi. De plus, la loi no 3984 interdit aux syndicats de créer leurs propres stations de télévision ou de radio alors même que les médias audiovisuels constituent le moyen la plus efficace pour les syndicats de se faire entendre. En outre, en 2003, une grève dans l'usine de fabrication de verre Pa abahçe a été reportée à deux reprises, en vertu de l'article 33 de la loi no 2822, qui prévoit un report de soixante jours lorsqu'une grève risque de porter atteinte à la santé publique et la sécurité nationale. L'intervenant a soulevé des doutes sur le fait qu'une grève dans une usine de fabrication de verre puisse menacer la sécurité nationale. De plus, un nouveau et efficace système de résolution des conflits collectifs est nécessaire dans la mesure où le système actuel prévoit que le droit de grève ne peut s'exercer avant l'expiration d'un délai de cinq mois qui comprend une phase de médiation qui doit débuter trente jours après le début des négociations. Comme pour le cas EGITIM-SEN mentionné par les membres travailleurs dans leur discours introductif, il est nécessaire, avant de débattre ici sur le fait qu'il y ait ou non une violation de la convention, d'attendre les commentaires de la commission d'experts sur ce point qui concerne la Constitution turque et l'indépendance du système judiciaire. L'intervenant a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation nationale soit modifiée le plus rapidement possible conformément à l'engagement pris ici.
Le membre employeur de la Turquie a déclaré que, comme l'a reconnu la commission d'experts, il y a eu des progrès en Turquie au cours des vingt dernières années. Le ministre du Travail et de la Sécurité sociale et les partenaires sociaux ont conclu, en 2001, un protocole visant à moderniser la législation du travail. Un comité d'universitaires a été constitué pour préparer un projet de loi sur les syndicats et un projet de loi sur les accords collectifs de travail, la grève et le lock-out. Bien que les projets de loi préparés reflètent un équilibre entre les intérêts des partenaires sociaux, la commission d'experts a conclu que certains de leurs aspects étaient incompatibles avec les critères de l'OIT. Malencontreusement, les textes visés par les commentaires de la commission d'experts ne se fondent pas sur la version des projets de loi la plus récente. Tels qu'ils sont actuellement rédigés, les projets de loi ne contiennent plus: les interdictions relatives au droit de grève dans le secteur bancaire et pour les notaires et celles relatives au droit des syndicats de détenir leur propre station de radio ou de télévision; l'exigence de détenir la nationalité turque ou une ancienneté dans l'emploi d'au moins dix ans pour pouvoir être élu en tant que dirigeant syndical; la possibilité que les gouverneurs envoient des observateurs aux réunions des syndicats; l'obligation d'obtenir une autorisation avant d'inviter un syndicaliste étranger en Turquie ou pour qu'un syndicaliste turc puisse voyager à l'étranger. Le comité d'universitaires mis sur pied par les partenaires sociaux et le gouvernement a toujours pris en considération les commentaires de la commission d'experts. La Commission de la Conférence devrait demander au gouvernement de fournir les plus récentes versions des projets de loi. L'article 312 du Code pénal a été amendé et ne fait plus référence aux activités syndicales. En conclusion, l'orateur indique que la situation en Turquie n'est pas préoccupante. Un accord tripartite a été conclu pour poursuivre le développement des actuels projets de loi et une réforme majeure du droit collectif du travail devrait être approuvée lors de la prochaine période législative.
La membre gouvernementale de Cuba a signalé que les explications fournies par le gouvernement ont permis d'éclaircir certaines des questions soulevées par la commission d'experts. Elle rappelle que la commission d'experts a noté avec satisfaction les amendements à la loi no 4688 et, avec intérêt, les modifications importantes aux lois nos 2821 et 2822. S'agissant de la nécessité de clarifier sa législation, le gouvernement a également fait preuve de collaboration par le biais des projets de loi qui font actuellement l'objet de consultations.
Le membre travailleur du Pakistan a pris note de l'évolution positive de la situation en Turquie concernant le droit fondamental à la liberté syndicale et qui découle de la décision du gouvernement de modifier les lois nos 2821 et 2822: cette décision avait pour but d'assurer que les commentaires faits par la commission d'experts dans son observation soient appliqués en droit et en pratique. L'orateur met toutefois l'accent sur la nécessité que le gouvernement fasse davantage afin de mettre sa législation en pleine conformité avec la convention et prie instamment celui-ci de rectifier la situation le plus rapidement possible.
Le représentant gouvernemental a remercié les membres de la commission pour leur précieuse contribution à la discussion. Durant ces vingt dernières années, la législation turque a fait l'objet de discussions et de critiques. L'intervenant a noté avec satisfaction que ces critiques se sont atténuées ces cinq dernières années, comme l'a indiqué la commission d'experts. Concernant l'avancée de la réforme législative, le gouvernement est déterminé à agir. Un comité, constitué de trois experts universitaires, a été mis en place afin de modifier les lois concernant la liberté syndicale et la négociation collective. Ce comité d'universitaires a fait des propositions qui seront discutées avec les partenaires sociaux les 16, 17 et 18 juin 2005. Les propositions ainsi finalisées feront l'objet d'une consultation tripartite en septembre 2005. L'intervenant a ajouté que la procédure législative est basée sur le dialogue tripartite.
Concernant les questions spécifiques soulevées durant la discussion, l'intervenant a souligné que l'adoption du projet de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822 a été suspendue du fait de l'adoption entre-temps d'autres instruments: la loi sur les associations et le Code pénal, dont il a fallu étudier avec attention les dispositions afin de les harmoniser avec celles du projet de loi susmentionné. Par exemple, la nouvelle loi sur les associations abroge les dispositions prévoyant la présence d'un observateur gouvernemental lors des assemblées générales des associations. Le Code pénal prévoit des peines allant jusqu'à l'emprisonnement pour les actes de discrimination commis à l'encontre des syndicats. Le processus d'analyse et d'harmonisation des textes législatifs prend du temps. Dès son retour en Turquie, le comité d'universitaires portera une attention particulière à ce problème.
Concernant la suspension des dirigeants syndicaux en cas de participation à des élections locales ou nationales, l'intervenant a précisé qu'ils ont la possibilité de réintégrer leur syndicat s'ils ne sont pas élus. Le comité d'universitaires avait initialement proposé que, dans le cas où ils sont élus, ils puissent occuper les deux fonctions (au sein du syndicat et au Parlement), sauf lorsqu'ils sont fonctionnaires, auquel cas ils devraient choisir l'une ou l'autre fonction. Le comité d'universitaires, en finalisant le projet de loi, a constaté qu'une telle disposition serait contraire à la Constitution; il a alors décidé de ne pas retenir cette possibilité. Le comité d'universitaires cherche des solutions concernant ce problème.
Concernant les commentaires des membres travailleurs sur la nécessité d'obtenir un acte notarié pour s'affilier ou quitter un syndicat, l'intervenant a indiqué que cette disposition a été introduite en 1971 afin de prévenir d'éventuels litiges entre les différents syndicats sur la reconnaissance de leur représentativité pour les besoins de la négociation collective. Le comité d'universitaires est néanmoins conscient des difficultés que soulève cette disposition et estime donc que celle-ci pourrait être modifiée ou abrogée. Concernant la procédure de médiation, l'intervenant a indiqué que celle-ci durait quinze jours et s'appliquait dans les cas où les parties ne sont pas parvenues à un accord après trente jours de négociation. Dans un souci de simplification, le comité d'universitaires envisage de supprimer une étape dans la procédure de règlement des conflits.
Concernant le cas EGITIM-SEN, l'intervenant a indiqué que le cas n'ayant pas été examiné par la commission d'experts, il serait préférable d'attendre avant d'en débattre devant la Commission de la Conférence. Il a néanmoins souhaité préciser que ce cas porte sur les statuts d'EGITIM-SEN, qui prévoient que l'un des objets du syndicat est de permettre à une personne de bénéficier de l'éducation dans sa langue maternelle. Le terme "éducation" se réfère à l'éducation de base et non au droit d'utiliser, à sa guise, sa langue maternelle dans les médias ou en ayant recours à l'éducation privée. L'éducation de base est désormais garantie en Turquie conformément aux critères définis par l'Union européenne. Du fait de ces dispositions, le bureau du gouverneur, qui est chargé d'enregistrer les syndicats et de leur conférer la personnalité juridique, a demandé au syndicat de modifier ses statuts. Aucun changement n'ayant été effectué, les autorités judiciaires ont été saisies. La Cour suprême a rendu une décision visant à dissoudre le syndicat au motif que celui-ci n'a pas mis ses statuts en conformité avec la loi. Le ministre du Travail a été conciliant et tolérant sur ce point et a octroyé au syndicat du temps supplémentaire pour modifier ses statuts. L'intervenant a indiqué que le gouvernement continuera à faire son possible pour qu'EGITIM-SEN soit à nouveau opérationnel et que les modifications nécessaires soient apportées à ses statuts. Il a ajouté que les autorités administratives n'ont pas le pouvoir de dissoudre des syndicats, pouvoir qui est conféré aux seuls tribunaux.
Les membres travailleurs ont une fois encore regretté la pratique qui consiste à abroger certaines dispositions pour les introduire à nouveau dans un autre texte, y compris l'ouverture de procédures judiciaires à l'encontre de syndicats, sur la base de textes législatifs qu'il se propose d'abroger. Répondant à l'indication du gouvernement selon laquelle toute modification de la législation nationale est basée sur le dialogue social, les membres travailleurs ont indiqué que, même si des mesures législatives seraient adoptées suite à une consultation tripartite, celles-ci doivent être soumises à la commission d'experts pour examen. La Commission de la Conférence devrait prier instamment le gouvernement de faire adopter le projet de loi dans un proche avenir afin de démontrer sa volonté réelle et de fournir des informations sur tout développement à cet égard dans son prochain rapport à la commission d'experts.
Les membres employeurs ont indiqué avoir apprécié la réponse détaillée fournie par le gouvernement. Ils ont demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts concernant les questions posées et d'envoyer tout projet de loi ou de propositions relatives aux observations concernant la mise en œuvre de la convention.
La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. La commission a pris note avec intérêt du fait que, selon le rapport de la commission d'experts, une disposition a été introduite dans la législation afin de rendre cette dernière plus conforme à la convention sur un aspect concret. Cependant, elle a noté avec préoccupation qu'il subsiste encore un certain nombre de divergences entre la législation turque et la convention, s'agissant du droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier et, par ailleurs, du droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements, d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités sans intervention de la part des autorités publiques, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Elle a relevé que diverses organisations de travailleurs ont émis des commentaires sur l'application de la convention.
La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles celui-ci s'est fixé comme objectif de faire disparaître, au moyen de plusieurs projets de réforme, un certain nombre de divergences par rapport à la convention que présentent la loi sur les syndicats d'agents des services publics, la loi sur les syndicats et la loi sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out. La commission prend également note des explications fournies par le gouvernement sur la législation en vigueur.
La commission s'est déclarée préoccupée par les procédures judiciaires engagées en vue de parvenir à la dissolution de la DISK. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires engagées soient arrêtées et pour empêcher que de nouvelles procédures judiciaires se fondant sur une législation en passe d'être modifiée, parce que reconnue contraire à la convention, ne soient engagées.
La commission a également prié le gouvernement de communiquer toutes informations pertinentes sur la dissolution de l'organisation EGITIM-SEN, afin que la commission d'experts puisse examiner cette question en pleine connaissance des faits. Tout en prenant note avec intérêt de l'élaboration de divers projets de loi tendant à rendre la législation plus conforme à la convention, la commission a prié le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que ces textes soient adoptés rapidement, en tenant compte des commentaires de la commission d'experts afin qu'ils puissent être analysés à l'occasion du prochain rapport.
La commission a prié le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport à la commission d'experts, des informations détaillées et complètes sur toutes les questions en suspens, y compris sur toutes les questions soulevées par la commission, sur les derniers projets de réforme législative ou tout autre texte qui viendrait à être adopté, et elle a exprimé l'espoir d'être en mesure de constater dans un proche avenir des progrès importants et concrets, afin que la législation et la pratique nationales se révèlent pleinement conformes à la convention.