National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Une représentante gouvernementale a d’abord décrit dans leurs grandes lignes les principaux éléments qui composent le système canadien des droits de l’homme et du travail. Ces éléments sont là pour prouver combien le principe de la liberté syndicale est reconnu et protégé au Canada. En vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral et chacun des dix gouvernements provinciaux et des trois gouvernements territoriaux ont une autorité exclusive en matière de législation du droit du travail dans leur juridiction respective, ce qui veut dire que la juridiction fédérale ne concerne que 10 pour cent de la main-d’oeuvre. La liberté syndicale est garantie par la Charte des droits et libertés qui fait partie de la Constitution. Elle est également consacrée dans la Déclaration des droits du Canada ainsi que dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui s’applique au gouvernement québécois et au secteur privé de cette province. La législation canadienne en matière de relations professionnelles garantit aux travailleurs le droit de se syndiquer et de participer aux activités syndicales légales. Le Code du travail et les lois équivalentes dans chaque juridiction garantissent non seulement l’existence du droit de se syndiquer, mais aussi sa protection. Chaque juridiction dispose d’une commission du travail indépendante dotée d’un nombre égal de représentants de travailleurs et d’employeurs, chargée d’administrer sa législation dans le domaine des relations professionnelles. Les agents de négociation et les employeurs concernés ont le devoir de se rencontrer et de négocier de bonne foi. En l’absence de négociation de bonne foi, une plainte peut être déposée par l’une ou l’autre des parties auprès de la commission du travail concernée afin d’obtenir réparation. L’importance de la conciliation et de la médiation comme moyens d’aider les parties à parvenir à un accord sur une base volontaire est reconnue dans l’ensemble du pays.
Tous les travailleurs ne sont pas couverts par la législation sur les relations professionnelles. Il est vrai que, comme les organes de contrôle de l’OIT l’ont rappelé à maintes reprises, des groupes professionnels tels que les médecins, les dentistes, les architectes et les professions juridiques et d’ingénierie, les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques indépendants ne sont pas couverts par la législation de certaines des juridictions canadiennes. Cela étant dit, même si certains travailleurs ne sont couverts par aucun système législatif, ils ont le droit de s’affilier au syndicat de leur choix et de négocier avec leur employeur sur une base volontaire.
L’autonomie des diverses juridictions entraîne inévitablement une multitude de dispositions diverses, ce qui augmente certainement les chances que la commission d’experts fasse des commentaires, par rapport à un pays dont le marché du travail est unifié. Il n’est pas aisé de donner pleinement effet aux obligations internationales en matière de travail dans un contexte où le gouvernement fédéral a l’autorité de ratifier les conventions de l’OIT, mais où il est obligé de s’en remettre aux provinces et aux territoires pour l’application des dispositions de ces conventions dans les régions qui relèvent entièrement de l’autorité desdites provinces et desdits territoires. C’est dans ce contexte que le gouvernement fédéral coopère en permanence avec les provinces et les territoires pour encourager le respect des obligations internationales du travail au Canada et pour veiller à ce que des informations complètes et transparentes soient fournies aux organes de contrôle de l’OIT.
L’oratrice a mis l’accent sur les progrès qui ont été accomplis depuis le dernier rapport que le gouvernement a présenté à la commission d’experts en 2009. En premier lieu, certaines questions sont actuellement pendantes devant les tribunaux canadiens, portant sur l’accès aux systèmes légaux de négociation collective et sur la portée de la protection de la liberté syndicale. La décision de la Cour suprême du Canada, qui devrait être promulguée ultérieurement au cours de cette année au sujet de la constitutionnalité de la loi sur la protection des salariés agricoles de l’Ontario de 2002, ainsi que des droits à la négociation collective des travailleurs agricoles, présente un intérêt tout particulier. Celle-ci ne manquera pas à l’avenir d’avoir un impact sur l’application par le Canada de la convention no 87. Les gouvernements d’Alberta et de l’Ontario ont fait savoir que, dès lors que la Cour suprême aura pris sa décision, il sera procédé à des études sur ses implications et des informations complémentaires seront communiquées à ce sujet à la commission d’experts.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déjà entamé des discussions sur la possibilité de modifier la loi sur les relations professionnelles afin de supprimer ou de modifier l’exclusion des travailleurs domestiques, ainsi que sur les restrictions de la négociation collective imposées aux travailleurs agricoles. En avril 2010, un projet de loi était adopté au parlement du Nouveau-Brunswick qui prévoit d’étendre les droits à la négociation collective aux salariés gouvernementaux occasionnels. En ce qui concerne le droit des travailleurs des communautés de constituer une organisation de leur choix et de s’y affilier, une étude a été menée par le gouvernement de l’Ontario qui tenait compte des observations de la commission d’experts ainsi que des récentes décisions judiciaires prises sur des questions connexes. L’examen des modifications apportées en 1998 à la loi sur les entreprises de l’Ontario est achevé et de nouvelles mesures sont envisagées par le gouvernement de l’Ontario. En ce qui concerne les employés à temps partiel des collèges de l’Ontario, le gouvernement de l’Ontario est en train d’adopter une nouvelle législation qui examine à nouveau le droit à la négociation collective dans les collèges et recommande d’étendre ce droit aux employés des collèges qui travaillent à temps partiel.
En ce qui concerne la province du Québec, le droit d’association est consacré dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et dans le Code du travail du Québec. Le taux de syndicalisation de 40 pour cent constitue un taux très élevé pour l’Amérique du Nord; 8 788 conventions collectives sont en vigueur, qui couvrent près de 1 million de salariés principalement dans le secteur tertiaire. En fait, des dispositions spécifiques ont parfois été adoptées pour tenir compte de la particularité de certains groupes de travailleurs. Tel a été le cas en 2009 avec les travailleuses des services éducatifs de garde à l’enfance et les ressources en milieu familial pour lesquelles des mesures législatives ont été adoptées, qui prévoient notamment les règles de reconnaissance des associations les représentant ainsi que les règles entourant la négociation d’un accord collectif.
En outre, la commission d’experts a relevé certaines divergences qui, ne portant pas à conséquence dans le cadre du Canada, n’ont pas posé de problème à l’échelle nationale. Par exemple, en ce qui concerne la loi sur les écoles publiques du Manitoba, le système actuel d’arbitrage obligatoire en cas de conflit relatif à la négociation collective est en place depuis plus de cinquante ans et aucune des parties concernées n’a fait part de la moindre préoccupation au sujet de ces dispositions. Un autre exemple est la disposition contenue dans la loi sur les relations professionnelles du Manitoba, qui porte sur l’arbitrage obligatoire visant à mettre un terme à des grèves prolongées. Ce mécanisme ne peut être utilisé que si la grève ou le lock-out dépasse une durée d’au moins soixante jours, si la partie qui en fait la demande a suffisamment négocié et de façon sérieuse, si des efforts de conciliation ou de médiation ont été tentés en vain et si le Conseil a déterminé que les parties se trouvent clairement dans une impasse et qu’il semble peu probable que l’on parvienne à un accord collectif dans les trente jours. Selon le gouvernement, il s’agit là d’une approche raisonnable et équilibrée visant à mettre un terme à des grèves prolongées, et les cas où cette disposition est appliquée sont très rares.
Pour conclure, l’oratrice a indiqué que son gouvernement reconnaît qu’il existe encore quelques divergences entre la législation et la pratique nationales et la convention no 87, mais que, néanmoins, des progrès significatifs ont été faits pour répondre aux commentaires de la commission d’experts. Il convient de rappeler que le Canada demeure attaché au respect de la convention.
Les membres employeurs ont d’abord souligné que le Canada a ratifié la convention no 87, mais pas la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. En conséquence, ils ont insisté pour que la présente discussion porte essentiellement sur la convention ratifiée. Le gouvernement fédéral a rempli ses obligations envers l’OIT, mais les critiques à propos de son application de la convention visent depuis toujours les textes législatifs adoptés par les divers gouvernements des provinces.
Dans un souci de gestion effective du temps imparti, les membres employeurs ont limité leurs observations aux principaux thèmes suivants: 1) alors que les travailleurs du secteur de l’agriculture et de l’horticulture dans certaines provinces, à savoir l’Alberta et l’Ontario, sont exclus de la législation provinciale en matière de relations de travail, les travailleurs dans l’agriculture et l’horticulture de l’Ontario sont expressément couverts par la loi sur la protection des employés agricoles (AEPA); cela étant, le problème que pose le champ d’application de la protection de la liberté syndicale de la loi en question est actuellement examiné par la Cour suprême du Canada et donc, en attendant que celle-ci rende sa décision, la Commission de la Conférence ne peut formuler aucune conclusion; 2) l’exclusion des travailleurs domestiques, des architectes, des dentistes, des géomètres, des avocats et des médecins de la protection de la liberté syndicale accordée par la loi sur les relations professionnelles de 1995 viole apparemment la convention no 87, étant donné que ces travailleurs devraient bénéficier des mêmes droits, prérogatives et voies de recours que les autres; 3) le Comité de la liberté syndicale n’est pas un organe mandaté pour évaluer l’application des conventions de l’OIT et donc la Commission de la Conférence devrait faire preuve de prudence quand elle examine ses observations ayant trait à l’application des conventions; 4) le droit d’association du personnel universitaire à Alberta prévoit que la nomination de personnel universitaire est subordonnée à l’interdiction d’adhérer à une organisation professionnelle, en violation de la convention; et 5) le monopole syndical établi par la législation de l’Ile-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et de l’Ontario dans le secteur de l’enseignement constitue une violation claire de la convention étant donné qu’il empêche effectivement d’autres syndicats de participer à la négociation collective.
En outre, les membres employeurs ont réaffirmé que la convention no 87 ne garantit ni le droit de grève ni certains mouvements de grève. Rappelant la position ferme en la matière qu’ils ont exprimée durant la discussion générale de cette année, les membres employeurs ont demandé que les observations suivantes figurent clairement dans les conclusions sur ce cas: l’article 11 de la convention demande aux Etats Membres de prendre «toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical»; la Conférence a décidé en 1948 que le droit de grève n’était pas inclus dans la convention; la commission d’experts ne peut pas réglementer en détail un droit général de grève comme elle entend le faire dans ce cas; et une approche unique «applicable à tous», en ce qui concerne le Canada, méconnaît les différences du point de vue économique et industriel qui existent entre ses provinces. A cet égard, l’étude d’ensemble de 1953 sur les conventions nos 87 et 98 précise que la convention no 87 a pour objet de définir de manière aussi concise possible les principes régissant la liberté syndicale, tout en évitant de prescrire un code ou une réglementation type. Par conséquent, les Etats ont le droit de définir des «services essentiels». En conclusion, il convient de rappeler que cette commission est chargée d’examiner l’application de la convention par le Canada et rien de plus.
Les membres travailleurs ont observé que le cas du Canada pouvait se résumer à un catalogue d’exclusions, d’exceptions, de limitations et de dérogations au droit de s’organiser, au droit de négociation collective, au droit de grève ou à l’exercice de la liberté syndicale dans toute une série de provinces. Dans plusieurs provinces, des catégories entières de travailleurs ne bénéficient pas de l’exercice de la liberté syndicale; dans d’autres, le monopole légal d’un seul syndicat est consacré. Le droit de grève est limité dans certaines provinces à certains secteurs d’activité ou par l’imposition d’un arbitrage obligatoire après soixante jours d’arrêt de travail. Comme la commission d’experts, les membres travailleurs ont rappelé qu’ils considèrent que le droit de grève fait partie de la protection accordée par la convention no 87 et que toute restriction à ce droit devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme et ni l’enseignement ni l’ensemble du secteur de la santé et encore moins l’ensemble du secteur public ne sauraient être considérés comme un service essentiel.
Pour mettre fin à l’ensemble de ces restrictions, le gouvernement fédéral devrait s’assurer que les gouvernements des provinces mettent leur législation en conformité avec les conventions nos 87 et 98; or il ne semble pas avoir le pouvoir d’imposer de telles modifications. Le gouvernement fédéral n’est pas coupable, mais il doit répondre de ce manquement, tandis que les gouvernements provinciaux sont coupables, mais à l’abri de toute condamnation. Dans ces circonstances, la décision de la Cour suprême du Canada de 2007 pourrait augurer d’un dénouement favorable puisqu’elle a considéré que la liberté syndicale et la négociation collective sont protégées par la Charte canadienne des droits et libertés en faisant une référence expresse à la convention no 87. Ainsi, quelques textes ont-ils été modifiés, mais ces modifications demeurent insuffisantes compte tenu du nombre important de lois contraires aux instruments de l’OIT. L’ensemble de l’arsenal juridique national devrait être réexaminé à la lumière de cette décision. Ceci permettrait d’éviter qu’au Canada, comme ailleurs, le caractère fédéral du pays ne constitue un moyen de contourner les conventions internationales auxquelles il a adhéré.
La membre employeuse du Canada a remercié le gouvernement pour les mesures qu’il a adoptées et les procédures qu’il a mises en place, comme le Comité consultatif sur les affaires internationales du travail, en vue d’entamer le dialogue social avec les partenaires sociaux sur la législation et les politiques du travail et sur la mise en oeuvre des objectifs internationaux en matière de travail. Le Conseil canadien des employeurs considère que les cas présentés devant le Comité de la liberté syndicale ne sont pas pertinents s’agissant de l’examen de l’application de la convention no 87. En outre, cette commission examine l’application par le Canada de la convention no 87 et non l’application de la convention no 98, que ce pays n’a pas ratifiée. De plus, contrairement aux conclusions auxquelles aboutit la commission d’experts à propos de la liberté syndicale des travailleurs agricoles de certaines provinces, ceux de l’Ontario ont le droit légal, en vertu de la loi sur la protection du personnel agricole (AEPA), de former des associations de salariés et d’y adhérer et le droit à la protection contre l’ingérence, la coercition et la discrimination dans l’exercice de la liberté syndicale. Cette question est actuellement examinée par la Cour suprême du Canada et des protections légales sérieuses relatives à la liberté syndicale peuvent être contenues dans des textes de loi autres que la loi sur les relations professionnelles. Enfin, l’oratrice a souligné que le Conseil canadien des employeurs partage le point de vue exprimé par les membres employeurs lors de la discussion générale de cette année, selon lequel la convention ne porte pas sur le droit de grève. En conséquence, un gouvernement pourrait réglementer les grèves et les «lock-out» en accord avec ses normes nationales tout en restant en conformité avec la convention. Il ne semble pas approprié que la commission d’experts s’efforce de réglementer en détail la capacité à faire grève dans le cadre de la présente convention.
La membre travailleuse du Canada a souligné que, comme le montre le rapport de la commission d’experts, le Canada a fait peu de progrès pour donner effet à la convention no 87 puisque les provinces continuent d’en violer la lettre et l’esprit. Le Bureau devrait organiser une mission de contacts directs afin de discuter des questions soulevées dans le rapport de la commission d’experts non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les gouvernements des provinces et des territoires. Une mission du BIT serait à même de constater le travail de sape constant du droit à la liberté syndicale qui est fait au Canada et pourrait confirmer les préoccupations que suscitent les nombreux obstacles ou exclusions affectant de nombreuses catégories de travailleurs, en violation directe des articles 2 et 3 de la convention.
En février 2009, le gouvernement fédéral a publié un rapport dans le but avoué de trouver des mécanismes de nature à limiter la fréquence et la durée des arrêts de travail. De même, en novembre 2009, il a déposé la proposition de loi C-61 imposant aux cheminots en grève de reprendre le travail, sur le modèle d’un autre texte de loi déposé en 2007. Plusieurs provinces ont manipulé à plusieurs reprises l’expression «services essentiels» pour interdire ou empêcher des travailleurs de faire grève, même en l’absence de ce qu’on qualifie de «conséquences nationales graves».
Rappelant la décision historique rendue en 2007 par la Cour suprême du Canada qui confirme que la liberté syndicale et la négociation collective sont protégées par la Charte des droits et libertés, l’oratrice a souligné la nécessité de dresser un inventaire et une analyse juridique exhaustifs de la législation canadienne aux niveaux provincial, territorial et national afin d’y repérer d’éventuelles contradictions avec les conventions de l’OIT. Cet examen complet doit prendre la forme d’un processus tripartite impliquant les partenaires sociaux, le gouvernement fédéral ainsi que les provinces et les territoires, et viser à arrêter un programme législatif pour la mise en oeuvre de nouveaux textes légaux et réglementaires.
D’un bout à l’autre du Canada, les restrictions portent sur les droits des travailleurs de se syndiquer aussi bien dans le secteur public que privé. Les accords collectifs ont été mis sur la touche, et des avantages et salaires librement négociés ont été révoqués et des procédés imposés par l’employeur ont été imposés aux travailleurs par voie législative. Par exemple, comme l’indique le rapport de la commission d’experts, au Québec, la négociation collective a été supprimée pour les travailleurs du secteur public, le droit de grève éliminé directement, et des sanctions graves ont été infligées aux syndicats et aux travailleurs qui contrevenaient à la législation. Les travailleurs du secteur public de Saskatchewan ont effectivement vu leur droit de grève supprimé grâce à une extension de la définition de «services essentiels» et de nouvelles restrictions ont limité le droit de s’organiser des travailleurs. Ces restrictions touchant des travailleurs représentés jusqu’à présent par des syndicats ont été encore aggravées par les restrictions et les exclusions imposées à d’autres travailleurs comme les travailleurs agricoles ou domestiques et le personnel soignant résident. Les gouvernements ont continué à exclure ces travailleurs des protections légales, et lorsqu’ils ont tenté de les inclure, comme au Québec pour les travailleurs domestiques, la législation comportait des restrictions qui continuaient à exclure un grand nombre de travailleurs compromettant ainsi les protections de ceux qui avaient enfin gagné une certaine reconnaissance.
L’oratrice a souligné que, dans le contexte de la mondialisation, il est important d’affirmer la crédibilité des normes relatives au travail en tant que fondement du développement et du commerce international. Le gouvernement a signé en 1994 l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Mexique et les Etats-Unis. Un élément clé de l’ALENA est l’inclusion de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, en tant qu’accord secondaire. Ce dernier a été considéré comme un moyen de veiller à ce que des pressions ne s’exercent pas pour affaiblir les normes relatives au travail en Amérique du Nord, même si cet accord ne prévoit que de faibles dispositions pour contrôler l’application des normes relatives au travail et aucune pour les améliorer. Or, de toute évidence, le non-respect des conventions de l’OIT dans les accords commerciaux revient à adopter une stratégie de «spirale à la baisse» en matière de normes sociales.
Pour parvenir à un climat positif dans les relations professionnelles, le gouvernement fédéral doit donner l’exemple aux provinces et aux territoires grâce à des politiques et à des initiatives tendant au respect des conventions de l’OIT. L’OIT devrait être invitée à encourager ce procédé, en entreprenant une mission de contacts directs qui contribuerait à définir les modalités d’une étude et de son suivi dans un esprit de véritable dialogue et de consensus tripartite.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que le non-respect par le Canada des obligations qui découlent de la convention ne fait aucun doute et il a rappelé les commentaires formulés pas la commission d’experts au sujet des restrictions imposées à certains travailleurs en ce qui concerne l’exercice de la liberté syndicale, la négociation collective et le droit de grève. Malgré ces violations graves de la convention, le Canada signe des accords commerciaux aux termes desquels il s’engage à respecter les conventions fondamentales de l’OIT, et notamment avec des pays qui eux non plus ne respectent pas les dispositions de ces conventions. Tel est le cas du pays dont l’orateur est ressortissant. Il n’est pas acceptable que le Canada se cache derrière l’autonomie de ses provinces pour violer systématiquement les dispositions de la convention. La Commission de la Conférence doit trouver le moyen de s’assurer que ces feintes ne restent pas impunies. Le gouvernement du Canada doit être instamment prié de respecter les dispositions de la convention et de garantir à tous les travailleurs et travailleuses du pays, sans aucune exception, l’exercice de leurs droits syndicaux. Pour finir, l’orateur a demandé à la commission de se référer dans ses conclusions à l’envoi d’une mission dans le pays afin que cette dernière examine la situation et recommande les mesures correctives appropriées. Des informations sur ces activités devront être mises à la disposition de cette commission pour sa prochaine session.
Le membre gouvernemental du Bélarus a déclaré que la commission d’experts a noté la décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle la convention no 87 est un instrument juridique international qui lie le Canada. Malheureusement, le droit à la liberté syndicale ne s’applique pas aux travailleurs agricoles de l’Alberta et de l’Ontario. Le gouvernement doit faire pression sur les gouvernements des provinces pour faire en sorte que les droits de groupes spécifiques de travailleurs de ces provinces soient reconnus. Les gouvernements de ces provinces ne respectent pas pleinement les dispositions de la convention no 87, ainsi que l’a noté avec regret la commission d’experts. Il est nécessaire de veiller à ce que les dispositions de la convention soient pleinement appliquées et d’inviter cette commission et l’OIT à assister le gouvernement en la matière. L’orateur a déclaré que les conclusions de la commission doivent être adressées uniquement au gouvernement fédéral et qu’il ne faut pas demander au gouvernement fédéral d’exercer son influence sur les gouvernements locaux.
Le membre travailleur de la Suède a souligné que les éléments particuliers de ce cas sont préoccupants et qu’il apparaît clairement à la lecture du rapport de la commission d’experts que la structure fédérale du Canada est utilisée comme rempart pour se soustraire aux obligations internationales découlant de sa qualité de Membre de l’OIT. L’orateur a fait part de la préoccupation des confédérations syndicales nordiques face à cette pratique alors que des tendances similaires s’observent au sein de l’Union européenne. Toutes les entités fédérales sont fondées sur une division des compétences et des juridictions entre le fédéral et ses subdivisions. Cependant, il est important qu’au sein d’une structure fédérale aucune entité n’échappe à sa responsabilité de respect aux conventions fondamentales de l’OIT. En conséquence, le gouvernement fédéral du Canada ne peut échapper à ses obligations du seul fait de la structure fédérale du pays. Il est ironique de constater que le gouvernement fédéral impose le respect des conventions fondamentales de l’OIT dans ses accords commerciaux avec des pays tiers alors que les gouvernements des provinces continuent d’appliquer une législation qui est parfois en contradiction avec les normes fondamentales du travail de l’OIT. Une telle politique de deux poids, deux mesures est regrettable et il convient de trouver des solutions appropriées. Il serait peut-être temps que le BIT invite directement les gouvernements des provinces à participer à la Conférence de l’OIT. Peut-être pourrait-on aussi envisager la possibilité d’une mission de contacts directs. Le gouvernement fédéral du Canada devrait tout au moins demander l’assistance technique du BIT afin de familiariser les gouvernements des provinces avec les obligations résultant des conventions internationales du travail ratifiées.
S’exprimant au sujet de deux points d’ordre, les membres employeurs se sont opposés à toute comparaison avec ou à toute analogie au regard d’un pays qui ne figure pas sur la liste des cas individuels adoptée par cette commission. Ils ont demandé à ce que ces références soient retirées des procès-verbaux. Répondant à ces objections, le membre travailleur de la France et le membre travailleur des Etats-Unis ont exprimé leur surprise face à cette tentative de censure et ont mis en garde contre le risque de créer un précédent dangereux.
Le membre travailleur du Brésil a tenu à évoquer la situation des travailleurs domestiques exclus de la protection accordée par la législation en matière de liberté syndical à l’heure où la Conférence discute de l’adoption d’un instrument pour cette catégorie de travailleurs. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les provinces concernées indiquent ne pas avoir l’intention de changer la situation alors même que ces travailleurs sont couverts par la convention. Compte tenu du lien existant entre les principes de la liberté syndicale, la fonction des syndicats et la négociation collective, les restrictions légales apportées à l’exercice de la négociation collective des travailleurs agricoles ou des travailleurs à temps partiel des collèges de la province de l’Ontario sont également préoccupantes. A titre d’exemple des limitations imposées par la loi au droit des syndicats de défendre les intérêts de leurs membres, l’orateur s’est référé au cas d’une entreprise brésilienne installée dans les provinces de Newfoundland, Ontario et Manitoba. Les travailleurs de cette entreprise qui ont participé à une grève, suite à l’échec de la négociation d’un accord collectif, ont été victimes d’intimidations et de harcèlement; le syndicat a été poursuivi en justice; l’entreprise a fait appel à d’autres travailleurs pour remplacer les grévistes; la médiation n’a pu aboutir et l’entreprise a rejeté la demande d’arbitrage obligatoire du syndicat. Ceci n’est qu’un exemple des nombreuses entreprises qui violent la convention no 87 au Canada en ne négociant pas de bonne foi, en tentant de criminaliser l’action syndicale ou en restreignant le recours aux mécanismes qui permettent de donner effet au droit de grève.
La représentante gouvernementale a remercié les membres de la commission qui ont participé à la discussion et a réitéré l’engagement de son gouvernement envers l’Organisation ainsi que sa pleine coopération avec les organes de contrôle. La Constitution du Canada représente certains défis pour le gouvernement fédéral en raison du fait que les gouvernements provinciaux sont compétents en matière de questions liées au droit du travail. Toutefois, le gouvernement fédéral est en constant dialogue avec les gouvernements provinciaux au moyen de réunions annuelles et de tables rondes tripartites régulières, auxquelles des fonctionnaires du BIT sont souvent invités à participer afin d’expliquer la portée et le contenu des normes internationales du travail. La représentante gouvernementale a conclu en déclarant que les résultats de ces discussions seront communiqués au Bureau et à la commission d’experts et qu’ils seront tenus pleinement informés de tous les développements futurs concernant l’application de la convention no 87.
Les membres travailleurs ont souligné que les autorités canadiennes devaient cesser de se réfugier derrière la structure institutionnelle du pays pour ne pas mettre en oeuvre la convention, ignorant dans le même temps les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et les décisions de la Cour suprême sur la liberté syndicale et la négociation collective. Cette discussion devrait constituer le point de départ d’un processus de dialogue social positif qui, dans un premier temps, verrait une mission de contacts directs visiter le pays pour expliquer aux différentes instances la portée exacte des principes et des dispositions des conventions nos 87 et 98. Dans un deuxième temps, il conviendra d’examiner l’ensemble de la législation canadienne afin d’identifier les dispositions qui sont contraires à la convention, le cas échéant en bénéficiant de l’assistance technique du Bureau.
Les membres employeurs ont prévenu qu’il convenait de prendre dûment note de ce qui avait été dit au sujet de la convention no 87 et de l’adoption de législations fédérales, provinciales et territoriales sur la liberté syndicale et le droit d’association. Les conclusions doivent porter essentiellement sur la convention no 87 et non sur des questions ayant trait à la convention no 98, au Comité de la liberté syndicale ou à des conflits liés à des accords commerciaux. Les membres employeurs ont instamment prié le gouvernement fédéral de s’assurer que les gouvernements des provinces respectent pleinement et rigoureusement les obligations en matière de liberté syndicale et du droit d’association au profit de tous les travailleurs. Toutefois, les membres employeurs ont indiqué qu’une mission de contacts directs de l’OIT n’est pas nécessaire et ne constitue pas une réponse raisonnable ou proportionnée au rapport de la commission d’experts. Ils ont donc rejeté catégoriquement cette proposition. En outre, les conclusions de cette commission doivent se concentrer seulement sur le Canada et ne pas faire de comparaisons avec des cas dont la commission n’est pas saisie, comme le prévoit l’article 7 du Règlement. En outre, les conclusions doivent mettre en évidence que la convention no 87 ne couvre pas le droit de grève.
Les membres travailleurs ont souligné qu’ils n’avaient pas l’intention de débattre du droit de grève. Toutefois, dans la mesure où les membres employeurs ont évoqué cette question, les membres travailleurs ont tenu à réitérer leur interprétation du droit de grève dans le contexte de la convention no 87. En outre, s’agissant des méthodes de travail de la commission, il doit être possible, lors de l’examen de certains cas, de comparer les situations.
Conclusions
La commission a noté les informations communiquées par la représentante gouvernementale et la discussion qui a suivi.
La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts portent sur une série de divergences entre la loi et la pratique de diverses provinces, d’une part, et la convention, d’autre part. La commission a noté que les questions en suspens concernent en particulier le fait que, dans un certain nombre de provinces, plusieurs catégories de travailleurs ne sont pas couvertes par la législation sur les relations professionnelles.
La commission a pris note des informations communiquées par la représentante gouvernementale, selon lesquelles, si les travailleurs soumis aux juridictions canadiennes ne sont pas tous couverts par la législation sur les relations professionnelles, ils ont en revanche le droit de s’affilier à l’organisation de leur choix. En outre, le gouvernement maintient que certaines des disparités dont la commission d’experts a fait état ont en réalité un sens dans le contexte canadien et n’ont pas posé de problème au niveau national. La représentante gouvernementale s’est référée aux efforts déployés par le gouvernement fédéral pour réunir les autorités provinciales et les partenaires sociaux afin qu’ils examinent les questions soulevées, à plusieurs reprises et en collaboration avec le BIT.
La commission a rappelé que certains textes législatifs doivent être modifiés dans certaines provinces, afin d’assurer la pleine application de la convention. Elle a souligné en particulier l’importance qui s’attache à garantir à tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, le droit de constituer l’organisation de leur choix et de s’y affilier. Par conséquent, elle a exprimé le ferme espoir que toutes les mesures nécessaires seront adoptées dans un proche avenir afin d’offrir à tous les travailleurs la pleine garantie des droits prévus par la convention. A cet égard, elle a noté avec intérêt l’invitation générale faite par le gouvernement au BIT de continuer à fournir ses conseils et son assistance technique. La commission a prié le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport à la commission d’experts, des informations détaillées sur les mesures adoptées dans ce sens, en particulier en ce qui concerne les appels dont la Cour suprême du Canada a été saisie.