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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2018, Publication : 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération, 1951 - Géorgie (Ratification: 1993)

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Cas individuel
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 2018-GEO-C100-Fr

Une représentante gouvernementale a présenté les mesures prises pour assurer l’égalité de genre et l’égalité de rémunération entre hommes et femmes. Conformément aux engagements internationaux qu’elle a pris, la Géorgie a réalisé d’importantes avancées en modifiant sa législation et en engageant des réformes visant à promouvoir l’égalité de genre et à encourager l’émancipation économique des femmes. La législation et les politiques nationales ont été élaborées de manière à assurer et à promouvoir l’égalité de genre, à interdire toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles et à encourager la participation des femmes à la vie politique, économique et sociale. La législation nationale protège l’égalité de genre dans tous les domaines, y compris le travail et l’emploi. La Constitution reconnaît l’égalité de tous devant la loi: i) l’article 14 dispose que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit, sans distinction de race, de couleur, de langue, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale, ethnique et sociale, de fortune, de naissance ou de lieu de résidence; ii) l’article 38 dispose que tous les citoyens sont égaux dans la vie sociale, économique, culturelle et politique, quelle que soit leur appartenance nationale, ethnique, religieuse ou linguistique; iii) l’article 30 précise que la protection des droits au travail, de l’équité de rémunération, des conditions de travail sûres et salubres et des conditions de travail des mineurs et des femmes est déterminée dans le Code du travail. Les principes fondamentaux définis dans la Constitution sont développés dans différents textes de loi. Nombre de droits et de protections visant à permettre l’égalité de genre dans les relations de travail sont prévus dans le Code du travail et dans la loi sur la fonction publique, qui établit l’égalité dans le secteur public en matière d’accès à l’emploi, de conditions d’emploi et de travail, dont la rémunération et l’avancement professionnel. La loi sur l’égalité de genre constitue un texte de loi fondamental pour promouvoir l’égalité de genre, y compris l’égalité dans l’emploi. La loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination est également un dispositif important de protection des femmes et des filles contre la discrimination directe et indirecte et les traitements inéquitables.

Toutefois, des lacunes demeurent dans les textes de lois et dans les politiques relatifs à l’égalité de genre. Le gouvernement continue d’harmoniser le cadre juridique avec les normes internationales, dans les délais impartis pour transposer les directives de l’Union européenne (UE), comme convenu dans l’accord d’association entre l’UE et la Géorgie. Le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre la directive européenne 2006/54/EC du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. Cette directive dispose que, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est éliminée dans l’ensemble des éléments et conditions de rémunération. Le gouvernement, en étroite coopération et concertation avec les partenaires sociaux, s’emploie à transposer la directive en droit interne. Le 27 octobre 2015, une nouvelle loi sur la fonction publique, qui dispose la transparence et l’équité du système de rémunération des fonctionnaires au motif du principe de l’égalité de rémunération pour un travail égal, a été adoptée. En 2018, afin de renforcer davantage la lutte contre la discrimination et l’égalité des droits au travail, des modifications aux textes de loi énoncés ci-après ont été élaborées, avec la participation active des partenaires sociaux, puis soumises au Parlement: Code du travail, loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, loi sur la fonction publique et loi sur l’égalité de genre.

Le cadre législatif ne suffit pas à lui seul à garantir l’égalité de droits et la non-discrimination. Or, sans dispositif de contrôle efficace, aucun progrès n’est possible. Les principaux cadres institutionnels de promotion et d’amélioration de l’égalité de genre sont le Conseil pour l’égalité de genre, au Parlement, et la nouvelle Commission interinstitutions pour l’égalité de genre et pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence intrafamiliale, au niveau de l’exécutif. Tous deux sont chargés de la coordination interinstitutions, du contrôle de la mise en œuvre de la législation et de l’élaboration de plans d’action nationaux relatifs à l’égalité de genre. A cet égard, un plan de travail biennal sur l’égalité de genre a été récemment adopté et met en particulier l’accent sur les campagnes de sensibilisation. De plus, le Département de l’égalité de genre du bureau du Défenseur du peuple sert d’organe indépendant de contrôle sur les questions de genre. En dernier lieu, la représentante gouvernementale a redit l’engagement de son gouvernement à continuer d’améliorer sans cesse la situation en matière d’égalité de genre et d’application des normes internationales du travail.

Les membres employeurs ont rappelé que la Géorgie a ratifié cette convention fondamentale en 1993. Depuis 2002, la commission d’experts a exprimé à maintes reprises ses préoccupations face à l’absence de législation nationale donnant pleinement effet au principe sur lequel se fonde la convention. C’est la première fois que la Commission de la Conférence examine l’application de cette convention par la Géorgie. Les membres employeurs ont rappelé que la convention impose que le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale soit imposé à tous les travailleurs par des moyens appropriés aux méthodes en vigueur pour déterminer les taux de rémunération. Selon la commission d’experts, bien que la Constitution, le Code du travail, la loi sur l’égalité de genre et la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contiennent des dispositions liées à l’égalité, ces textes ne mentionnent pas spécifiquement le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, et le gouvernement n’a pas indiqué s’il envisage de réviser les dispositions applicables à cet égard.

Prenant note de la législation en vigueur qui interdit la discrimination à l’égard des femmes et des filles, ainsi que de l’adoption, le mois précédent, d’un plan d’action, mentionné par le gouvernement, les membres employeurs se sont dits satisfaits que le gouvernement reconnaisse les lacunes législatives et qu’il réaffirme son engagement à s’employer à résoudre les problèmes soulevés par la commission d’experts, à mettre en œuvre les directives de l’UE pertinentes et à mener des consultations tripartites à cet égard avec les partenaires sociaux et le Conseil pour l’égalité de genre. Ils ont invité le gouvernement à prendre sans délai des mesures visant à garantir que la législation nationale mentionne le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Cependant, en ce qui concerne l’écart de rémunération entre hommes et femmes en Géorgie, ses causes profondes restent inexpliquées et semblent prévaloir dans le secteur public. Les membres employeurs ont invité le gouvernement à communiquer des informations à la commission d’experts sur les travaux actuellement menés pour mettre en œuvre le Plan d’action national pour l’égalité de genre (2014-2016), qui vise notamment à promouvoir l’égalité de genre dans le domaine économique, ainsi que sur les mesures prises pour mieux comprendre l’origine de l’écart de rémunération entre hommes et femmes, et sur les mesures concrètes prises pour le combler. Les membres employeurs ont conclu en exprimant leur satisfaction quant à l’engagement du gouvernement et l’ont invité à continuer de collaborer avec le BIT de manière constructive.

Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d’experts indique, année après année, que l’application de la convention dans la pratique en Géorgie laisse à désirer, en soulignant en particulier l’incompatibilité du cadre législatif avec les dispositions de la convention et les graves inégalités. En 2012, le Défenseur public a dénoncé la ségrégation professionnelle qui persiste entre hommes et femmes sur le marché du travail. La situation ne s’est clairement pas améliorée depuis lors. Le taux d’emploi des femmes âgées de 15 à 64 ans avoisine les 60 pour cent, soit 18 à 20 points de pourcentage de moins que celui des hommes. Les données montrent que la répartition traditionnelle des responsabilités familiales, surtout l’éducation des enfants, réduit considérablement le taux d’activité des femmes. Malgré des niveaux d’éducation relativement similaires entre hommes et femmes, la ségrégation professionnelle est omniprésente: les femmes sont surreprésentées dans certains secteurs (tels que l’éducation, la santé et les services sociaux) alors que d’autres secteurs sont majoritairement masculins (par exemple, les transports, la construction, l’administration publique et le secteur manufacturier). Il est regrettable que l’écart de rémunération entre hommes et femmes reste élevé, aux environs de 37 pour cent, et qu’il soit clairement imputable à la ségrégation industrielle et professionnelle entre les sexes, tant verticale qu’horizontale, entre les entreprises et les secteurs, et en leur sein. Y compris au niveau des entreprises, le Bureau de la statistique a établi que 60 à 67 pour cent des hommes remplissant les conditions bénéficient de bonus, de primes ou d’une assurance-maladie dans différentes situations, alors que ce chiffre ne s’élève qu’à 33 à 41 pour cent pour les femmes dans des situations similaires. Le nombre de femmes à des postes à responsabilité reste honteusement peu élevé. Il convient de souligner les lacunes de la législation et de la réglementation en ce qui concerne la convention, telles qu’indiquées par la commission d’experts: i) l’article 2(3) du Code du travail de 2006 interdit toute discrimination dans le cadre des relations professionnelles, mais cette interdiction n’est pas suffisante car le principe de «l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale» va au-delà du principe d’une «rémunération égale pour un travail égal» afin de pouvoir comparer des activités de nature différente en déterminant leur valeur. C’est ce qui permet aux femmes d’entrer dans des professions essentiellement masculines, généralement beaucoup mieux rémunérées, au lieu d’assurer simplement l’égalité de rémunération pour un emploi ou un secteur d’activité donné; ii) reconnaissant que les inégalités sociales et culturelles demeurent entre hommes et femmes, les articles 4 et 6 de la loi de 2010 sur l’égalité de genre garantissent expressément l’égalité de genre, interdisent la violence, l’intimidation et le harcèlement au travail, et assurent l’égalité de chances dans l’emploi. Il s’agit d’un point positif, mais ce n’est pas suffisant. Assurer l’égalité de chances ne garantit ni l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale ni le renforcement de la capacité des femmes à saisir les occasions qui se présentent; iii) la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination prévoit l’élimination de toutes les formes de discrimination afin d’assurer l’égalité des droits des personnes physiques et morales; iv) l’article 38 de la Constitution, ainsi que la loi sur la fonction publique et la future loi sur les rémunérations dans les services publics, protègent l’égalité de tous les citoyens et mettent en place le cadre nécessaire pour régler les problèmes de discrimination sexiste dans l’emploi sans aborder toutefois spécifiquement le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Comme mentionné, ces lois sont nécessaires pour en finir avec les préjugés véhiculés par la discrimination. Elles ne suffisent cependant pas à garantir l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. En effet, des rapports révèlent qu’il existe des écarts considérables entre le salaire nominal mensuel moyen, que l’on soit homme ou femme, y compris dans les secteurs où les femmes sont majoritaires. Même entre les hommes et les femmes ayant des niveaux de formation similaires, une forte inégalité subsiste en matière de répartition salariale moyenne, tout particulièrement parce que les hommes travaillent majoritairement dans le secteur privé alors que les femmes sont plus uniformément réparties entre les secteurs public et privé.

Le gouvernement est invité à revoir et à modifier ces lois, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, afin de promouvoir des mesures plus volontaristes visant à faire mieux connaître et appliquer le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, y compris par l’intermédiaire d’un système de fixation de la rémunération et d’évaluation de l’emploi, établi ou reconnu en droit, et/ou de conventions collectives conclues à l’échelle nationale, sectorielle ou de l’entreprise. Les membres travailleurs ont pris note de l’adoption du Plan d’action national pour l’égalité de genre (2014-2016), de la création de la Commission interministérielle pour l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes, et du Conseil de coordination interinstitutions pour le Plan d’action du gouvernement sur la protection des droits de l’homme. Malgré ces efforts, le caractère systémique de la situation reste inchangé: les institutions chargées d’appliquer les mesures relatives à l’égalité de genre et à la lutte contre la discrimination restent faibles ou inexistantes. La suppression de l’inspection du travail suscite des préoccupations quant à l’inefficacité des institutions, malgré le programme national de contrôle des conditions du travail et le Département de l’inspection des conditions de travail, qui relève du ministère du Travail, de la Santé et des Affaires sociales. Ce nouveau département est chargé de veiller au respect des conditions de sécurité et de recevoir les plaintes en la matière. Son mandat ne consiste pas expressément à lutter contre la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes ni contre les préoccupations liées à l’écart de rémunération. Aucun mécanisme suffisant et efficace n’est chargé d’appliquer le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale malgré la nature endémique et persistante de la discrimination et de l’inégalité au travail fondées sur le sexe. Selon le bureau du Défenseur public, les recommandations de l’inspection du travail devraient être définies comme contraignantes dans le Code du travail afin d’en garantir l’application. Les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement de prendre la mesure de tous les aspects de la convention et d’adopter des mesures concrètes pour revoir le cadre national afin de s’attaquer aux causes profondes de la discrimination entre hommes et femmes et aux préjugés à propos des aspirations, des préférences et des capacités des femmes, et de promouvoir l’accès des femmes à un large éventail de possibilités d’emploi à tous les niveaux.

Le membre employeur de la Géorgie a déclaré que l’égalité entre hommes et femmes est depuis toujours l’une des principales priorités de l’Association géorgienne des employeurs (GEA) mais qu’elle ne peut prendre forme sans efforts de toutes les parties. La GEA a l’intention de mettre au point une approche adéquate par le biais d’activités spécifiques. Premièrement, il convient de mener des études dans le monde de l’entreprise pour appréhender la situation telle qu’elle est en ce qui concerne les politiques relatives à la rémunération, à l’évolution de carrière et aux conditions sociales. Sur la base des conclusions de ces études, les activités et mesures nécessaires pourraient être mises en œuvre, par exemple: la formation aux meilleures pratiques internationales en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention, suivies de la détermination de mesures qui pourraient être appliquées en Géorgie; des activités de formation au niveau des entreprises; et la conduite d’audits sociaux, ainsi que d’audits de genre, en vue d’élaborer des plans de lutte contre les problèmes relatifs à l’égalité entre hommes et femmes. Deuxièmement, un groupe de travail spécial doit être créé au sein du gouvernement. Il pourra élaborer des projets de loi visant à améliorer la situation sociale des employées. Des activités spécifiques doivent également être menées avec les syndicats de certains secteurs en ce qui concerne le personnel d’encadrement et de direction des syndicats. Des politiques locales relatives au genre doivent être élaborées en collaboration avec les autorités locales. Troisièmement, l’entrepreneuriat des jeunes et une éducation en la matière mettant l’accent sur les thématiques sociales et les questions d’égalité entre hommes et femmes devront être encouragés. En dernier lieu, l’orateur s’est déclaré convaincu que les partenaires sociaux peuvent concevoir et mettre en œuvre, ensemble, des mesures qui conduiront à une amélioration sensible de la situation.

Le membre travailleur de la Géorgie, se félicitant de l’attention que l’OIT et ses mandants portent à cette question, affirme que, si les institutions internationales du travail et la communauté démocratique n’étaient pas si vigilantes, les problèmes perçus comme étant d’importance minime sur le moment auraient tendance à affaiblir les normes et les conditions de travail, peu à peu, mais à grande échelle. Le problème actuel du déséquilibre salarial entre hommes et femmes reste des plus alarmants. En dépit des tendances positives constatées cette dernière décennie, la différence de salaire est encore de 52 pour cent, contre 104 pour cent en 2006. Les facteurs qui ont donné lieu à un si grand écart salarial sont clairs et évidents: l’année 2006 est précisément l’année où l’inspection du travail a été abolie. L’absence d’autorité chargée de contrôler les relations de travail entraîne un manque de respect des normes et des droits fondamentaux au travail, y compris du principe de l’égalité de rémunération. Même si, en raison d’un engagement pris dans le cadre de l’accord d’association UE-Géorgie, l’inspection du travail a été rétablie, son mandat actuel n’est pas conforme aux normes de l’OIT dans la mesure où elle n’est pas habilitée à mener des inspections pour contrôler le respect des prescriptions établies par la législation du travail. De plus, l’orateur a insisté sur le fait que la question la plus urgente reste celle de l’absence de dialogue social réel et efficace, qui serait à même de faciliter la solution à de nombreux problèmes qui entravent actuellement la prospérité et la stabilité économique du pays. Bien que la convention ait été ratifiée en 1993, la persistance d’une inégalité salariale aussi importante prouve que les conventions internationales ne sont ratifiées que dans la forme. Aucun mécanisme de travail destiné à définir un «travail de valeur égale» n’a été établi ces vingt dernières années, et aucune politique ou campagne de sensibilisation pertinente n’a été entreprise pour traiter des questions concernant l’égalité et la protection des droits des femmes dans les relations professionnelles. Pour ce qui est de l’égalité de rémunération, on notera que les instruments juridiques appliqués actuellement dans la définition du salaire minimum ont été adoptés en 1999. Ainsi, dans le secteur privé, le salaire minimum était bien plus bas que dans le secteur public. Bien qu’il leur soit constamment demandé, depuis des années, d’établir un niveau de salaire minimum suffisant, les autorités ont systématiquement ignoré les nombreux appels lancés par des syndicats, des défenseurs des droits de l’homme, des organisations non gouvernementales, voire même des sociétés transnationales de grande envergure. Les données officielles fournies par le Département de statistique de Géorgie permettent de dresser un tableau exact de l’inégalité entre hommes et femmes dans le monde du travail. Par exemple, en 2016, le salaire nominal mensuel moyen s’élevait à environ 450 dollars E.-U. pour les hommes contre 295 dollars E.-U. pour les femmes. Bien que le gouvernement se soit engagé à faire évoluer radicalement la situation, les syndicats ne se font pas d’illusion quant à la possibilité d’éliminer la discrimination entre hommes et femmes une bonne fois pour toutes. Pour ce faire, une approche intégrée, accompagnée d’une politique à long terme et active est nécessaire. Les sociétés du monde entier, en particulier les sociétés conservatrices et traditionnelles qui appliquent des stéréotypes obsolètes, dont la Géorgie, doivent revoir leurs opinions sur le rôle et les droits des femmes dans la vie moderne. Ce but ne peut être atteint que par les efforts communs de toutes les institutions nationales et internationales, associées à l’ensemble du monde civilisé, afin d’éliminer toute forme de discrimination et, avant tout, les violations des droits et des libertés des femmes dans le monde.

La membre gouvernementale de la Bulgarie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la Norvège, a déclaré que la législation nationale n’explicite pas le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Elle s’est dite préoccupée du fait que cette question a été soulevée à plusieurs reprises par la commission d’experts, sans effet sur l’action du gouvernement. Le train de mesures législatives présenté au Parlement fin 2017, qui comprend des modifications au Code du travail, à la loi sur l’égalité de genre et à la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, devrait combler les lacunes identifiées par la commission d’experts et le Défenseur public. Des mesures doivent être prises sans tarder en consultation avec les partenaires sociaux afin de continuer à réviser la législation, y compris l’article 57, paragraphe 1, de la loi sur la fonction publique, afin de la mettre en pleine conformité avec les conventions de l’OIT, en particulier avec le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. L’écart salarial entre hommes et femmes est toujours là et il est important dans tous les secteurs du marché du travail, y compris dans ceux où les femmes sont les plus nombreuses. Ce phénomène ne touche pas seulement les salaires, mais aussi les prestations sociales et les primes. Les causes sous-jacentes sont peut-être liées à la ségrégation professionnelle et à la discrimination fondées sur le sexe. Malgré la législation en vigueur, la discrimination fondée sur le sexe reste une pratique très répandue au stade du recrutement et de la publication des offres d’emploi. L’oratrice a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour réduire l’écart de rémunération entre hommes et femmes et s’attaquer à ses causes profondes, ainsi que de promouvoir l’accès des femmes à un plus large éventail de possibilités d’emploi à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau. Par ailleurs, il convient de donner suite concrètement aux recommandations du Défenseur public, en particulier en vue de susciter une plus grande prise de conscience chez les employeurs. Enfin, le gouvernement est prié de prendre des mesures visant à assurer la bonne application du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, notamment au moyen d’inspections du travail en nombre suffisant, de campagnes de sensibilisation sur les lois et procédures en vigueur et du renforcement des capacités des juges ainsi que d’autres autorités en matière de repérage des inégalités salariales entre hommes et femmes et de lutte contre celles-ci.

Le membre travailleur de la Norvège, s’exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a exprimé sa vive préoccupation quant à l’absence de législation en Géorgie donnant pleinement effet au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. La Confédération géorgienne des syndicats (GTUC) s’emploie activement à améliorer les conditions de travail des femmes et encourage les femmes à participer davantage aux activités des syndicats. On ne dispose ni de statistiques ni de données factuelles sur l’égalité entre hommes et femmes dans le pays. Les questions de genre et les droits des femmes doivent être mieux connus. Les statistiques disponibles montrent que la situation des femmes sur le marché du travail est très précaire: ce sont les premières à perdre leur emploi lorsque les entreprises licencient, elles occupent souvent des emplois bien inférieurs à leur niveau de qualification et elles ne gagnent qu’environ 60 pour cent du salaire des hommes. Dans le secteur de l’économie informelle, où les femmes représentent 50 pour cent des travailleurs, les mécanismes de protection sont quasiment inexistants, et elles sont particulièrement exposées à la discrimination. Dans le secteur informel, les femmes doivent se contenter de salaires très bas pour vivre et sont souvent victimes de harcèlement sexuel. Considérant qu’il existe en Géorgie une discrimination généralisée en matière d’emploi, tant en termes de recrutement, de sélection et de salaires, l’orateur a instamment prié le gouvernement de donner pleinement effet au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, en renforçant la liberté économique des femmes, en leur garantissant une place dans les processus législatifs et en assurant leur participation au marché du travail sur la base de l’égalité avec les hommes. En Géorgie, il existe un fort écart entre le salaire nominal mensuel moyen des hommes et des femmes dans tous les secteurs du marché du travail, dont ceux où les femmes sont majoritaires, tels que l’éducation et la santé, y compris lorsque les hommes et les femmes ont des niveaux de formation similaires. Le gouvernement n’a pas indiqué s’il envisage de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, les dispositions de la Constitution, du Code du travail et de la loi sur l’égalité de genre. Par ailleurs, si elle contient une interdiction générale de la discrimination fondée sur le sexe, la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination ne fait pas référence au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. L’orateur a demandé instamment au gouvernement de donner effet aux conclusions qui seront adoptées par la commission et de modifier la législation nationale de manière à en assurer la conformité avec la convention.

Le membre travailleur des Etats-Unis a indiqué que des problèmes se posent en droit et dans la pratique. L’interdiction générale de la discrimination que renferme la législation du travail en vigueur, notamment la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination de 2014, ne donne pas pleinement effet au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. L’absence d’approche systématique, en droit et dans la pratique, propre à assurer l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale transparaît dans les statistiques sur les salaires et autres formes de rémunération dont fait état la commission d’experts. Par exemple, en 2016, les femmes gagnaient en moyenne 65 pour cent du salaire des hommes, alors que ceux-ci avaient deux fois plus de chances que les femmes de recevoir des gratifications, des primes et une assurance-santé fournie par l’employeur. La solution du problème n’est pas uniquement d’ordre législatif. Pour ce qui est du respect de la législation, l’inspection du travail a été démantelée en 2006 et reconstituée en 2015. Depuis 2015, un service d’inspection du travail doté d’effectifs suffisants (au-delà du contrôle des conditions de santé et de sécurité et du travail forcé) n’a pas été mis en place. Ses attributions ne permettent toujours pas de contrôler la conformité avec toute une série de normes du travail, notamment celles que couvre la convention. En conséquence, il n’y a pas de mécanisme de mise en application suffisant et efficace permettant d’assurer l’application, dans la pratique, du principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Les services d’inspection du travail doivent être reconstitués si l’on veut garantir le respect d’une nouvelle législation qui définira clairement l’égalité de rémunération et sera conforme à la convention, précisant le principe clé de «travail de valeur égale». Les lacunes méthodologiques pour évaluer la valeur des emplois posent de réelles difficultés non seulement pour les législateurs, mais aussi pour l’inspection du travail chargée de contrôler l’application de la loi. Une pleine conformité avec la convention pour les secteurs public et privé doit donc être l’objectif à viser, le gouvernement mettant en application sa Stratégie nationale de «formation du marché du travail» et son plan d’action (2015-2018) en modifiant le Code du travail pour mettre ses dispositions en conformité avec les normes internationales du travail. De plus, les services d’inspection du travail doivent bénéficier d’orientations d’ordre méthodologique, et d’une formation et d’un budget suffisants pour que la nouvelle législation soit bien appliquée dans la pratique. Outre ces difficultés liées à des objectifs d’ordre quantifiable et mesurable en matière de salaires et de prestations, le pays est confronté à des problèmes d’ordre culturel liés aux préjugés profondément enracinés et souvent implicites dont les femmes sont victimes. Il faut s’attaquer aux causes sous-jacentes de ces inégalités en les dénonçant et en menant des activités de sensibilisation. Selon les syndicats nationaux, pour nombre d’employeurs les travailleuses ne sont que des «sources de problème», qui souvent sont absentes et réclament des droits supplémentaires, comme un congé de maternité. Ce type de situation donne lieu à une discrimination fondée sur le sexe en termes d’emploi, de rémunération et d’évolution de carrière. Les causes profondes de ces inégalités sont l’affaire de tous. Aucune politique concrète n’est en place pour aider tous les travailleurs à trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à concilier responsabilités familiales et obligations professionnelles. Tant que ces mesures ne sont pas prises, dans les faits les femmes doivent souvent assumer des responsabilités familiales et répondre à des attentes, ce qui se traduit par un niveau de rémunération et d’avancement inférieur.

La représentante gouvernementale, prenant bonne note des commentaires fort appréciés formulés par la commission, a réitéré que son gouvernement est conscient de l’existence de lacunes réglementaires et politiques et qu’il prend des mesures importantes pour harmoniser sa législation nationale avec les normes internationales du travail et les bonnes pratiques constatées au niveau international. Toutefois, les causes profondes de l’écart de rémunération entre hommes et femmes sont ancrées dans la discrimination fondée sur le sexe, les normes sociales et le rôle des femmes dans la société. A cet égard, l’oratrice a souligné combien il est important d’élaborer des stratégies ainsi que des campagnes de sensibilisation pour faire évoluer les attitudes et intégrer les femmes dans les politiques sociales et du travail. Le gouvernement prend des mesures pour encourager la participation des femmes au marché du travail et a déjà fait de l’autonomisation des femmes et des jeunes un objectif. Il est prêt à prendre des mesures pour améliorer le cadre législatif et institutionnaliser les mécanismes de mise en œuvre en ce qui concerne l’égalité de genre, notamment en renforçant les capacités de l’inspection du travail récemment établie et en élargissant progressivement son mandat afin qu’elle devienne une inspection au plein sens du terme, capable de couvrir des problèmes liés par exemple à l’écart de rémunération entre hommes et femmes et aux droits des femmes au travail.

Les membres travailleurs ont déclaré qu’il ne faut pas oublier le contexte plus large de l’autonomisation des femmes et de la non-discrimination entre les sexes lors de l’examen des cas relatifs à l’application de la convention. La convention place à juste titre la rémunération au cœur de la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes. Les attitudes ancestrales et les stéréotypes ont enfermé les femmes dans certains emplois et cette forme de ségrégation a traditionnellement subordonné leurs aspirations à celles des hommes et abaissé leur situation sociale et économique. En conséquence, les emplois principalement occupés par des femmes sont sous-évalués par rapport à un travail de valeur égale effectué par des hommes. Pour y remédier, la convention exige que les taux de salaire soient déterminés selon des critères objectifs, exempts de préjugés sexistes, et que ces taux soient établis en excluant toute considération liée au sexe. Réaliser cet objectif contribuera fortement à lutter contre la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes et contre d’autres formes d’inégalité de traitement. Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour donner pleinement effet au principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, en modifiant le Code du travail, la loi sur l’égalité de genre, la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et la loi sur la fonction publique. En outre, des mécanismes de mise en application suffisants et efficaces devront être mis en place pour garantir que le principe de l’égalité de rémunération soit respecté dans la pratique, et des mesures de sensibilisation devront être prises pour faire en sorte que les travailleurs puissent se prévaloir des droits qui leur sont reconnus par la convention. Les membres travailleurs ont dit espérer que le gouvernement fournira des informations plus détaillées sur les mesures expressément prises pour réduire l’écart de rémunération entre hommes et femmes et pour s’attaquer à ses causes sous-jacentes. A cet égard, il est judicieux que le gouvernement se prévale de l’assistance technique du BIT.

Les membres employeurs ont pris note avec satisfaction des efforts déployés par le gouvernement et de sa démarche constructive en matière d’égalité de genre sur le lieu de travail pour ce qui concerne l’égalité de chances et de traitement. Cependant, ils rejoignent les membres travailleurs en ce que la principale obligation imposée par la convention, au-delà de l’égalité de genre, est d’assurer, à tous les travailleurs, l’application du principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Par conséquent, les membres employeurs ont invité le gouvernement à prendre des mesures assurant que la législation nationale consacre expressément le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, en consultation avec les partenaires sociaux, et à soumettre à la commission d’experts un rapport complet sur les modifications législatives envisagées à cette fin. Ils ont en outre encouragé le gouvernement à fournir des informations concernant le plan d’action national pour l’égalité de genre récemment adopté, en particulier sur ses conséquences sur les mesures prises pour assurer le respect du principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale. Tout en prenant note des préoccupations exprimées par la commission d’experts et des interventions des préopinants sur l’écart de rémunération entre hommes et femmes, les membres employeurs ont estimé qu’il serait utile de mieux comprendre les causes profondes de l’écart de rémunération entre hommes et femmes en Géorgie et attiré l’attention sur le fait que certaines causes peuvent être étrangères au principe fondamental de la convention et davantage liées à la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes, à la différence de participation entre hommes et femmes dans les secteurs privé et public ou à la discrimination dans l’emploi fondée sur le sexe, telle que visée par la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Enfin, les membres employeurs ont dit leur optimisme et invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT et à continuer à appliquer la convention, en étroite coopération et concertation avec les partenaires sociaux.

Conclusions

La commission a pris note des informations soumises par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi.

La commission a accueilli avec satisfaction les mesures législatives prises par le gouvernement pour parvenir à l’égalité de genre. Elle a toutefois relevé que le gouvernement n’a rien fait pour garantir l’application du principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, comme l’exige la convention no 100. Elle a pris note avec préoccupation de la suppression du service de l’inspection du travail, qui n’a pas été remplacé par un service équivalent chargé de garantir le contrôle de la protection des droits et des principes visés par la convention.

Prenant en compte les informations communiquées par le gouvernement et la discussion qui a suivi, la commission a recommandé au gouvernement de:

  • - veiller à ce que la législation nationale, en particulier le Code du travail, la loi sur l’égalité de genre, la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et/ou la loi sur la fonction publique, consacre expressément le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, en consultation avec les partenaires sociaux;
  • - mettre en place des mécanismes de contrôle et de détection efficaces afin de veiller à ce que le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale soit appliqué dans la pratique;
  • - prendre des mesures pour faire connaître les lois et les procédures applicables aux travailleurs, aux employeurs et à leurs organisations, afin qu’ils puissent se prévaloir de leurs droits;
  • - continuer à fournir des informations sur les décisions rendues par les tribunaux et sur les cas traités par le bureau du Défenseur public;
  • - continuer à fournir des données sur la participation au marché du travail et la rémunération ventilées par sexe;
  • - fournir à la commission d’experts des informations sur le Plan d’action national sur l’égalité de genre (2018-2020), adopté en mai 2018, et sur les effets qu’il pourrait avoir sur le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, en droit et dans la pratique; et
  • - se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre les présentes recommandations.

La commission invite le gouvernement à faire rapport à la commission d’experts sur les mesures prises pour donner suite aux présentes recommandations, avant sa session de novembre 2018.

La représentante gouvernementale a remercié la commission pour les recommandations objectives et constructives qu’elle a formulées dans les conclusions. Son gouvernement poursuit les réformes à titre prioritaire afin d’harmoniser la législation et la pratique avec les normes internationales du travail et les normes de l’Union européenne (UE), suite à la signature d’un accord d’association entre la Géorgie et l’UE.

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