National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir
Informations écrites fournies par le gouvernement
Une fois de plus, le Brésil a appris avec perplexité qu’il figurait sur la liste préliminaire des cas pouvant faire l’objet d’un examen au cours de la Conférence internationale du Travail (CIT) de 2019.
A cette fin, à titre de rapport général, le Brésil reprend ci-après plusieurs éléments qui justifient son mécontentement face à l’attitude de cette CIT, surtout parce qu’il est l’un des pays ayant ratifié le plus de conventions internationales du travail et cherche, durablement et en conformité avec sa législation nationale, à conférer la plus grande efficacité à ces instruments.
La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations
Il convient d’abord d’insister pour que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT), dont la mission première est de contrôler l’application effective des conventions internationales du travail – dans la mesure des possibilités des différents Membres de l’Organisation –, garde à l’esprit que les conventions peuvent être interprétées différemment lors de leur application dans les pays, notamment pour des raisons d’harmonisation du texte international et de la législation nationale.
Cela dit, le Brésil réaffirme qu’il n’a violé aucune des dispositions de la convention no 98 de l’OIT en rédigeant la loi no 13467 du 13 juillet 2017.
Prévalence de la négociation sur la législation (articles 611-A et 611-B de la consolidation des lois du travail)
Comme le Brésil l’a déjà précisé dans des documents qu’il a envoyés à l’OIT, les dispositions des articles 611-A et 611-B de la loi no 13467 portant réforme de la consolidation des lois du travail (CLT) de 2017 sont parfaitement conformes au contenu de la convention no 98 de l’OIT, surtout en ce qui concerne son article 4.
Suivant cet axe de réflexion, l’intention du Brésil en adoptant les dispositions susmentionnées était d’augmenter la sécurité juridique des instruments collectifs négociés entre les travailleurs et les employeurs. A cette fin, il a établi une liste de droits au travail qui pourraient faire l’objet de négociations collectives. Toutefois, souhaitant clairement préserver les intérêts supérieurs de la négociation collective, une disposition spécifique a été rédigée pour énumérer les thèmes qui ne peuvent pas être inclus dans des dispositions collectives, ainsi qu’une série de droits garantis dans la Constitution de 1988 de la République fédérative du Brésil. Il s’agit donc bien d’une législation moderne dans le sens où elle indique de façon transparente aux partenaires sociaux le champ d’application de la négociation collective.
La précision des thèmes pouvant faire l’objet de négociations collectives est en parfait accord avec le contenu de la convention no 98 et, surtout, confère un caractère très concret à la Constitution de 1988 de la République fédérative du Brésil qui, depuis son adoption, promeut la négociation collective et considère la reconnaissance des conventions et des accords collectifs comme un droit fondamental des travailleurs.
Il convient également de souligner que, depuis son adoption en 2017, le système judiciaire, et surtout la Cour suprême du Brésil, s’est intéressé à plusieurs aspects de la loi no 13467. Pourtant, la Cour suprême du Brésil n’a été saisie d’aucune action constitutionnelle relative à la prévalence de la négociation sur la législation (articles 611-A et 611-B). A cet égard, les différentes commissions du Parlement du Brésil ayant examiné le respect de la Constitution et de la convention par ces dispositions, et celles-ci n’ayant fait l’objet d’aucune révocation de la part de la Cour suprême du Brésil, il apparaît clairement qu’elles sont conformes au système juridique et ne violent aucune loi nationale ni internationale. Elles relèvent surtout d’une action démocratique et souveraine dont l’objectif principal est de permettre des négociations collectives, libres et volontaires en jouissant d’une sécurité juridique.
En ce qui concerne le nombre d’instruments collectifs, il convient de garder à l’esprit que le système de médiation, chargé d’enregistrer les instruments collectifs négociés par les syndicats, indique que des négociations collectives continuent d’être menées et enregistrées à un rythme proche de celui d’avant l’adoption de la loi no 13467 de 2017. Quant aux chiffres précis, 13 435 instruments collectifs ont été signés en 2017, 11 234 en 2018 et 12 095 en 2019 (les chiffres se rapportant au premier trimestre de chaque année). Donc, si la comparaison entre les années 2017 et 2018 laisse apparaître une diminution de 16,38 pour cent, on note une évolution de 7,11 pour cent pour les années 2018 et 2019.
Compte tenu du temps raisonnable nécessaire aux parties pour appréhender le cadre réglementaire et l’appliquer, on peut en conclure que les négociations n’ont pas diminué de façon alarmante comme le prétendent ceux qui méconnaissent les données réelles. Par conséquent, dans la pratique, les articles 611-A et 611-B de la loi no 13467 de 2017 ne constituent pas un obstacle à la poursuite de la négociation collective au Brésil.
L’exception relative au paragraphe unique de l’article 444 de la consolidation des lois du travail (négociation individuelle)
A aucun moment le Brésil n’a ignoré le caractère collectif des règles de la négociation. Toutefois, après avoir constaté qu’une petite proportion de travailleurs disposait d’un plus grand pouvoir de négociation par rapport aux employeurs, il a été décidé, uniquement dans ces cas, que la loi no 13467 de 2017 conférerait davantage de poids aux négociations individuelles. Dès lors, les travailleurs titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de sécurité sociale brésilien peuvent prévoir des conditions contractuelles qui, de leur point de vue, sont plus avantageuses pour eux.
D’autre part, comme précisé plus haut, cette possibilité concerne approximativement 1,45 pour cent des travailleurs couverts par la CLT et 0,25 pour cent de la population brésilienne. Même si certains clament que la négociation individuelle a remplacé la négociation collective, cette affirmation est erronée. Il convient de rappeler que l’objectif recherché était d’offrir à un groupe précis de travailleurs, détenant un plus grand pouvoir de négociation, la possibilité de mener des négociations qui satisferaient plus avantageusement leurs intérêts personnels.
Réglementation s’appliquant aux travailleurs autonomes ou indépendants (article 442-B du Code du travail)
Comme c’est le cas de toutes les dispositions de la loi no 13467 de 2017, la fonction première de l’article 442-B est de conférer une sécurité juridique aux travailleurs indépendants et aux entreprises. Dans ce domaine, le Parlement brésilien, conscient de la nécessité de légiférer sur des situations qui existaient de longue date dans la pratique, a compris qu’il serait judicieux de réglementer la situation des travailleurs indépendants tout en excluant une relation de travail entre les parties contractantes.
La législation brésilienne ne s’est évidemment pas éloignée du principe dit de la primauté de la réalité. A ce propos, il est possible que les autorités compétentes du Brésil découvrent l’existence de relations de travail dissimulées derrière des accords de service. C’est pour cette raison que le Brésil a promulgué une ordonnance qui assure pleinement la reconnaissance d’une relation de travail en cas de subordination juridique entre un travailleur et un employeur. Une fois encore, il est prouvé que le texte de la loi no 13467 de 2017 a précisé la position de la législation tout en préservant la nécessaire sécurité juridique de tous les acteurs sociaux.
Prévalence des accords collectifs sur les conventions collectives (article 620 du Code du travail)
Une autre question soulevée dans le rapport de la commission d’experts fait référence à l’introduction par la loi no 13467 de 2017 d’une règle destinée à renforcer la négociation collective en tenant dûment compte du contexte spécifique d’une catégorie donnée de travailleurs au niveau de l’entreprise. L’intention de cette disposition est de permettre la prévalence de conditions spécifiques (accords collectifs) sur des conditions générales (conventions collectives).
Compte tenu de cela, il ne peut être nié que les accords collectifs reflètent bien mieux le quotidien des travailleurs au niveau de l’entreprise. Les accords collectifs traduisent donc mieux la réalité factuelle en donnant plus de concision aux dispositions négociées.
On peut donc en conclure que, loin de violer l’article 4 de la convention no 98, le nouvel article 620 du Code du travail est parfaitement conforme à cette norme internationale. Il ne fait aucun doute que la convention no 98 affirme le besoin d’adapter les mesures de promotion de la négociation collective aux circonstances nationales. Dès lors, le Parlement brésilien, tout en respectant la convention no 98, a reconnu le caractère spécifique des accords collectifs par rapport aux conventions collectives.
Conclusions
Par respect pour l’OIT, le Brésil a toujours fourni des informations précises sur des détails insignifiants de nombreuses dispositions de la loi no 13467 de 2017.
En outre, comme cela a déjà été indiqué à de nombreuses occasions, il convient de souligner que la situation interne du Brésil, sans aucune incidence sur des questions liées au travail, ne peut servir de prétexte pour exiger que le pays fournisse des explications sur une législation qui a fait l’objet de discussions approfondies au Parlement et qui a été progressivement mise en place dans le cadre des rapports juridiques entre les travailleurs et les employeurs.
De ce point de vue, l’inclusion du Brésil sur la liste préliminaire des cas, pour la deuxième année consécutive, est injustifiée. Toutefois, le Brésil a démontré que la loi no 13467 de 2017 n’a enfreint aucune norme internationale, et plus spécifiquement, la convention no 98.
Discussion par la commission
Représentant gouvernemental – Je me présente devant vous aujourd’hui avec un sentiment profond de déloyauté et d’injustice. Depuis trois ans, l’OIT traite le Brésil d’une manière déraisonnable, infondée et injuste. Au cours de cette période, la commission d’experts n’a pas satisfait aux normes les plus élémentaires d’impartialité et d’objectivité. En 2017, la commission d’experts a publié des observations à titre provisoire en spéculant sur ce qui n’était encore alors qu’un projet de loi en discussion au Congrès brésilien. En 2018, s’étant réunie à Genève quelques jours seulement après l’entrée en vigueur du nouveau Code du travail du Brésil, la commission d’experts a rompu de manière injustifiée le cycle de présentation des rapports et a considéré la nouvelle législation contraire à l’article 4 de la convention.
En dépit des informations complémentaires fournies par le Brésil l’année dernière, la commission d’experts a, encore une fois, en 2019, proposé des pistes de mesures législatives pour le pays, sur le fondement de simples suppositions et préjugés injustifiés. Malheureusement, les lacunes de la commission d’experts ont été aggravées par le manque de transparence, d’objectivité et de véritable tripartisme. Présélectionné deux fois de suite, sans motifs techniques ou valables à ces deux occasions, le Brésil est une illustration de la facilité avec laquelle le système de contrôle de l’OIT peut être utilisé à mauvais escient au détriment de la légitimité et de l’efficacité. Un système qui permet à une analyse hâtive de fabriquer – par le caprice politique de quelques-uns – un cas d’examen par la commission est bien en dessous de ce que l’on attend d’une organisation internationale comme l’OIT. Ce cas montre que le système de contrôle appelle une réforme sérieuse, profonde et globale, dans l’intérêt de tous les mandants, ainsi que le Brésil et le groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) l’ont signalé chaque fois que nécessaire.
En résumé, la commission d’experts juge que la prévalence de la négociation collective, prévue à l’article 611-A du Code consolidé des loi du travail du Brésil, est trop générique et va à l’encontre de l’objectif de promotion de négociations collectives libres et volontaires de l’article 4 de la convention no 98, ainsi que des articles 7 et 8 de la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981. L’analyse de la commission d’experts dans ce domaine est entachée d’au moins trois défauts:
i) la commission ignore complètement les conditions qui ont conduit à ladite réforme du travail en 2017;
ii) le raisonnement juridique de la commission n’est pas fondé sur le texte de ces conventions;
iii) les preuves utilisées par la commission sont loin d’être complètes et impartiales.
En ce qui concerne le premier défaut, je tiens à signaler que la commission a négligé de mentionner qu’au Brésil il était courant dans le passé que le pouvoir judiciaire annule les clauses de travail des conventions collectives, ou des accords collectifs dans leur totalité, sans aucun raisonnement juridique objectif. Cette situation a créé une incertitude juridique et a profondément perturbé les incitations à la négociation collective, donnant lieu à de fréquentes plaintes de la part des syndicats et même des entreprises. Sur plus de 17 000 syndicats au Brésil, un tiers seulement a participé à quelques rares types de négociation collective par année, avant la réforme du travail. C’est un système plutôt dysfonctionnel, étranglé par la bureaucratie, appelant désespérément un nouveau souffle de vie. Ces questions sont devenues particulièrement pressantes dans un contexte de profonde récession économique. Une économie qui condamne plus de 40 pour cent de ses travailleurs à l’informalité, avec 12 millions de personnes sans emploi en plus, soit deux tiers de sa population se retrouvant soit sur le marché parallèle, soit au chômage, sans aucune protection de la sécurité sociale. Une telle économie ne peut en aucun cas être considérée comme saine. En renforçant les conventions collectives, nous donnons la possibilité à chaque catégorie de négocier, collectivement, les meilleures conditions pour concilier qualité de l’emploi et augmentation de la productivité, sans porter atteinte aux droits des travailleurs. Qui suis-je, derrière un bureau ministériel, pour décider de ce qui est le mieux pour chaque travailleur? Qui sommes-nous, ici à Genève, pour décider quels sont les meilleurs droits et les avantages les plus favorables pour une seule catégorie dans des négociations complexes? Nous devons permettre aux travailleurs et aux employeurs d’assumer leurs responsabilités et de décider de ce qui convient le mieux pour leur propre avenir. Bénéficiant d’autres expériences internationales, cependant, la réforme du travail au Brésil n’a pas investi dans des contrats temporaires, qui n’ont cours que pour seulement 1 pour cent de la main-d’œuvre. Elle a, en revanche, préféré opter pour une sécurité juridique accrue pour réduire les taux de renouvellement, améliorer la productivité et promouvoir de meilleures conditions de travail. D’un point de vue comparatif international, la réforme du travail au Brésil se rapproche des institutions en vigueur dans les pays développés, où la négociation collective peut toucher à des dispositions légales couvrant divers sujets. De plus, notre Constitution fédérale consacre plus de 30 droits qui ne peuvent être négociés à la baisse ou être supprimés par le biais d’instruments collectifs ou de négociation individuelle tels, entre autres, la valeur du salaire minimum; le 13e salaire; le congé maternité; les vacances; la rémunération minimale pour service exceptionnel. Aucun de ces thèmes n’a été touché par la réforme du travail. Par conséquent, il ne fait aucun doute que l’ensemble des dispositions pertinentes de la Constitution et du Code du travail prévoient un système qui assure un large éventail de droits tout en permettant des négociations collectives plus ouvertes sur d’autres sujets périphériques.
Sur le deuxième défaut de l’analyse de la commission d’experts, malgré les arguments du Brésil, la commission a simplement réitéré son interprétation selon laquelle les conventions nos 98, 151 et 154 contiennent toutes un «objectif général de promotion de la négociation collective en tant que moyen de parvenir à accord sur des conditions de travail plus favorables que celles envisagées dans la législation». Cette interprétation est simpliste et pourrait être qualifiée de paternaliste, surtout dans le contexte brésilien. En outre, une telle interprétation ne trouve aucun fondement dans les textes de ces conventions. La commission d’experts ne répond pas au gouvernement du Brésil au sujet de l’inexistence d’une base textuelle de sa position et du caractère inapproprié du recours aux «travaux préparatoires».
Quant au troisième défaut majeur de l’analyse de la commission d’experts, le rapport abonde de références à des menaces théoriques non identifiées concrètement sur le système national du travail. La seule base sur laquelle reposent ces références provient de données non justifiées. Par exemple, le rapport utilise des expressions telles que «la productivité du travail peut avoir des conséquences dangereuses», ou «il est possible de déroger», ou «la législation crée les conditions d’une concurrence à la baisse», «l’article 611 risque d’aboutir» et «pourrait inciter à la corruption».
Le rapport fonde également son analyse sur les «premières statistiques» et sur «diverses études» qui n’ont jamais été publiées et vérifiées. Ces soi-disant «études» sont, en fait, des articles de journaux ou des articles écrits par une organisation dirigée par un syndicat et financée de même. Cette organisation n’a consacré que quelques paragraphes à la question de la négociation collective. Toutes les accusations dirigées contre Brésil découlent d’analyses hypothétiques et de simples suppositions par la commission d’experts, un organe qui doit fonder ses procédures sur des constatations, pas sur des spéculations; une commission qui doit toujours s’efforcer de travailler comme un mécanisme s’appuyant sur des preuves et non juger des nations sur la base d’informations fragiles. Tous les pays du monde conçoivent leurs politiques publiques à partir des données disponibles et d’analyses de l’impact réglementaire. Des fondements techniques et des études économiques solides doivent être le socle minimum de tout dialogue, de toute prise de position ou recommandation concernant les politiques et législations nationales.
Il est intéressant d’analyser une étude de 160 pages sur la réforme du travail et les négociations collectives au Brésil récemment publiée par la Fundación Instituto de Investigación Económica (FIPE), une institution de recherche économique de premier plan liée à l’Université de São Paulo.
Dans l’ensemble, la commission d’experts estime que les données fournies par les critiques indiqueraient une diminution du nombre de conventions collectives après l’entrée en vigueur de la réforme du travail. Ce n’est pas une surprise dès lors que les parties ont dû s’adapter à un nouveau système, à un système plus responsable. Ce qui est surprenant, c’est la différence entre les chiffres réels et ceux avancés par la commission d’experts. Alors que les travailleurs déclarent une réduction de 45 pour cent du total des conventions collectives en 2018, la proportion réelle en est de 13,1 pour cent. Au cours des quatre premiers mois de 2019, au démarrage de la phase d’adaptation des négociations de haut niveau, le nombre des accords a augmenté de 7 pour cent, revenant à peu près au niveau d’avant la réforme du travail, ainsi que le démontre encore une fois l’étude de la FIPE.
Par conséquent, les négociations n’ont pas connu de diminution alarmante, comme le prétendent des détracteurs. Plus important encore, les données montrent l’augmentation du nombre de clauses négociées qui créent des conditions plus favorables pour les travailleurs syndiqués. L’étude de la FIPE montre que, sur un échantillon de 20 avantages, 17 sont plus introduits dans les conventions qu’avant la réforme du travail. Comme prévu, les conventions collectives couvrent en effet un éventail plus large d’avantages.
La réforme du travail au Brésil a également été évaluée et scrutée par d’autres organisations internationales. La Banque mondiale, par exemple, a publié une étude intitulée «Emploi et croissance: l’Agenda du Brésil pour la productivité», louant les incitations positives de la réforme visant à corriger les facteurs d’inefficacité du marché du travail, tout en offrant davantage de possibilités aux travailleurs, en particulier les pauvres et les plus vulnérables. Une deuxième étude de la Banque mondiale intitulée «Compétences et emplois: un agenda pour la jeunesse» indique que la réforme contribue accroître la sécurité juridique, qu’elle crée des incitations pour des syndicats plus réactifs et plus responsables, tout en facilitant la résolution des conflits sur le marché du travail.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont également salué la réforme du travail du Brésil qui, à leur avis, contribue à la création d’emplois et à la diminution des taux scandaleux de travail informel. Ce sont des organisations internationales indépendantes dotées d’une expertise technique renommée, certainement une source d’information beaucoup plus fiable qu’un article de journal.
S’agissant de l’obligation de mener des consultations, la commission d’experts ne démontre pas la pertinence de la question pour l’examen de l’application de la convention. Le cas échéant, la commission devrait traiter cette question dans le cadre de la mise en œuvre de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, qui n’est pas soumise à notre examen.
Les allégations à ce sujet sont encore plus absurdes. Depuis 2003, les négociations collectives font l’objet de vastes discussions avec les partenaires sociaux au Brésil. En 2016, avant que la réforme ne parvienne au Congrès, le gouvernement avait en effet entrepris des «consultations préalables» avec toutes les centrales syndicales avant de finaliser et de transmettre au Parlement le projet de loi contenant déjà les dispositions relatives à la négociation collective. Je dois rappeler que le projet de loi a été signé et envoyé au Congrès lors d’une cérémonie présidentielle dans le bâtiment principal de l’exécutif, en présence de toutes les confédérations d’employeurs et de toutes les centrales syndicales, sauf une.
Les deux chambres du Congrès brésilien ont tenu au total 30 audiences publiques réunissant plus de 120 spécialistes. Des économistes, des juristes, des employeurs et la grande majorité des centrales syndicales ont pris part à ces discussions. Sept séminaires régionaux officiels ont également été organisés, et des dizaines de séminaires privés, tables rondes et discussions formelles ont été organisés au sein d’une société civile dynamique du Brésil, un témoignage de la liberté d’expression et du dialogue social. A la chambre basse uniquement, une centaine de représentants étaient liés aux syndicats ou aux travailleurs. Enfin, la réforme a été approuvée par les deux chambres du Parlement à une large majorité des deux tiers environ des représentants.
Les consultations préalables, associées à une activité parlementaire intense de tous les groupes, attestent de la légitimité du processus et du plein respect de la convention. Plus de 2 000 amendements au projet de loi ont été présentés au sein du Congrès. Plusieurs aspects importants du projet de loi ont en effet été modifiés dans l’intérêt de la société dans son ensemble, ce qui a abouti à la loi no 13467, comme cela est normal et attendu dans tout pays démocratique.
A ce propos, c’est le même Congrès qui a évalué et ratifié 97 conventions de l’OIT. Remettre en question la capacité et la légitimité du Congrès brésilien à débattre de la réforme du travail serait remettre en cause sa légitimité à ratifier les conventions de l’OIT, et nous comprenons que ce n’est pas l’intention de l’Organisation.
Il est très important de noter qu’une trentaine de procédures judiciaires ont été présentées à la Cour suprême fédérale contre des aspects de la réforme. Aucune – je répète, aucune – n’évoque la négociation collective. Nous appelons à la cohérence et invitons les détracteurs à présenter leur cas à la Cour suprême afin de vérifier la cohérence de la réforme du travail au regard de la Constitution brésilienne et de la convention.
Pour conclure, considérant que le Brésil a ratifié 97 conventions de l’OIT et que ses résultats du point de vue des mécanismes de contrôle de l’OIT sont exemplaires; reconnaissant que le Code du travail du Brésil est l’un des plus complets au monde et que les droits du travail sont inscrits dans la Constitution brésilienne; considérant que les accusations portées contre le Brésil reposent sur des informations inconsistantes et que la commission d’experts devrait être un mécanisme fondé sur des preuves; tenant compte du fait que le Brésil a présenté des études techniques menées par des institutions de recherche renommées et par des organisations internationales; et, constatant que la modernisation du travail au Brésil est toujours en cours sous le contrôle de la Cour suprême, le Brésil demande à cette commission de corriger cette erreur historique et de s’abstenir de formuler de nouvelles recommandations sur la réforme du travail au Brésil, tout en reconnaissant la pleine conformité du Brésil avec la convention et l’Organisation internationale du travail.
Membres employeurs – Nous voudrions commencer par remercier, au nom du groupe des employeurs, le représentant du gouvernement pour son exposé détaillé sur les aspects de cas. Comme la commission en est consciente, ce cas porte sur une convention fondamentale, la convention no 98, et il est lié à la question plus large des réformes du marché du travail de 2017 au Brésil. La commission d’experts a fait observer que l’adoption des réformes du marché du travail n’était pas compatible avec l’article 4 de la convention. Toutefois, de l’avis du groupe des employeurs, le lien entre les réformes et l’article 4 de la convention est ténu, et les observations de la commission d’experts reposent sur des hypothèses sans fondement et des interprétations erronées. A notre avis, il n’y a pas de problème de fond substantiel en ce qui concerne le respect par le Brésil de la convention.
Pour ce qui est de la procédure, les employeurs notent que, l’année dernière, la commission d’experts avait interrompu le cycle de présentation des rapports et avait exprimé sa profonde préoccupation quant au fait que les réformes adoptées dans le cadre de la loi portant réforme de la consolidation des lois du travail (CLT) n’ont été adoptées que le 13 novembre 2017 et donc lors de l’examen du cas par la commission d’experts, les informations et l’expérience étaient insuffisantes pour qu’il puisse être fait correctement.
Nous notons également que les conclusions de la commission en 2018 demandent au gouvernement de fournir des informations sur la réforme du marché du travail aboutie. Nous notons également que les observations de la commission d’experts de 2018, soumises à cette session de la commission, sont les mêmes qu’auparavant, ce qui préoccupe le groupe des employeurs. La commission d’experts n’a peut-être pas correctement analysé la position des employeurs et les conclusions de la Commission de l’application des normes. Nous continuerons à travailler avec la commission d’experts pour mettre en lumière ces préoccupations et, à ce stade, je demande à un autre membre employeur de fournir les éléments de fond des observations du groupe des employeurs sur ce cas.
Autre membre employeur – Je me concentrerai dans mes commentaires point par point sur les problèmes soulevés par la commission d’experts dans l’observation de 2018.
Tout d’abord, et en ce qui concerne l’approbation de la loi no 13467 au Brésil, les experts tentent de justifier l’examen anticipé de la loi sur la base des demandes et des informations fournies par les syndicats brésiliens et internationaux sans tenir compte des points de vue divergents du gouvernement brésilien, des employeurs brésiliens et de l’ensemble du gouvernement et l’ensemble du groupe des employeurs suite à la discussion du cas l’année dernière. Cela nous inquiète.
Deuxièmement, en ce qui concerne la relation entre la négociation collective et la loi et les articles 611-A et 611-B, nous soulignons que nous ne partageons pas l’analyse des experts quant à la non-conformité des articles susmentionnés au regard de la convention no 98 ni quant à la demande des experts au gouvernement de réviser la législation en question.
Pour le groupe des employeurs, l’article 4 de la convention n’interdit pas à la loi d’autoriser des dérogations aux dispositions législatives par le biais de conventions collectives ni d’établir des niveaux de protection plus élevés ou plus bas que ceux prévus dans certaines dispositions de la loi. En fait, les niveaux de protection établis par la loi en l’espèce ne sont pas absolus, mais doivent être examinés à la lumière de la possibilité pour les conventions collectives d’apporter des changements pour des périodes déterminées. L’article 4 de la convention ne dit rien sur la relation entre la loi et les conventions collectives, notamment sur la possibilité d’autoriser légalement des exceptions à la loi au moyen des conventions collectives. En outre, l’article 4 de la convention ne contient aucune disposition selon laquelle les stipulations des conventions collectives doivent toujours être plus favorables aux travailleurs que les dispositions de la loi. Le seul but clair de l’article 4 de la convention est de permettre aux partenaires sociaux de négocier, dans le cadre établi par la loi (pouvant inclure des autorisations permettant d’établir des exceptions), des conditions plus appropriées (plus favorables en tout ou partie) pour ses membres, aux niveaux sectoriel, régional, professionnel ou de l’entreprise.
Cependant, la question de savoir si la loi peut autoriser des dérogations dans les conventions collectives et dans quelle mesure elle pourrait le faire n’est pas régie par l’article 4 de la convention. De même, l’article 4 de la convention ne prévoit pas l’autorisation générale ou plus restrictive d’apporter des changements, comme cela semble être le cas suivant les articles 611A et 611-B. L’article 4 ne traite donc tout simplement pas de cette question, et c’est aussi simple que cela.
Nous ne partageons pas l’avis des experts selon lequel l’introduction des articles 611-A et 611-B ne favorise pas de manière adéquate «le développement complet et l’utilisation de mécanismes de négociation volontaire entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs...» Dans le sens de l’article 4 de la convention, pour les raisons suivantes:
1) le droit de négociation collective des organisations de travailleurs n’est pas affecté par les modifications de la législation;
2) les organisations de travailleurs brésiliennes ne rencontrent aucun obstacle pour négocier de meilleures conditions de travail pour leurs membres;
3) si les employeurs font des propositions que les organisations de travailleurs ne jugent pas appropriées, ces derniers ne sont pas obligés de les accepter;
4) la marge de négociation volontaire s’est agrandie, car non seulement des normes plus strictes peuvent être convenues, mais aussi, par exemple, des règles plus strictes en échange de normes moins strictes dans d’autres domaines (considérés comme mineurs);
5) l’argument des experts selon lequel il y a eu diminution significative du nombre de conventions collectives ne semble pas être un indicateur pertinent indiquant que la négociation collective n’est pas suffisamment encouragée: étant donné que les réformes du marché du travail impliquent diverses modifications législatives, la diminution de la conclusion de nouvelles conventions collectives peut avoir des raisons sans aucun lien avec les modifications introduites aux articles 611-A et 611-B et, en outre, étant donné que la portée des conventions collectives varie considérablement d’un pays à l’autre, aucun niveau de couverture particulier n’est prescrit pour ce qui est de la conformité à l’article 4 de la convention.
Il ne s’agit donc pas d’une question de quantité mais de qualité. Par conséquent, la seule chose que l’on puisse dire ici, c’est que le gouvernement, en consultation et en coopération avec les partenaires sociaux, peut continuer à observer l’impact des réformes dont la mise en œuvre date de peu de temps, pour décider des adaptations jugées opportunes.
Toutefois, le gouvernement n’est pas tenu de procéder à des modifications en raison des obligations qui lui incombent en vertu de la convention, même si les experts l’ont demandé. Rappelons que, dans ses conclusions sur le cas en 2018, la Commission de l’application des normes avait seulement demandé au gouvernement de fournir plus d’informations pertinentes et avait délibérément choisi de ne pas lui demander de modifier la loi.
Nous notons avec préoccupation que les experts (et d’une certaine manière le Bureau lui-même dans son rôle de soutien) ont ignoré le défaut de consensus tripartite sur cette question, comme en témoignent les conclusions de la commission de 2018, et continuent de demander au gouvernement de revoir la loi.
Je voudrais évoquer la relation entre la négociation collective et les contrats de travail individuels. En premier lieu, en ce qui concerne la possibilité prévue à l’article 444 de la loi portant réforme de la CLT, selon lequel les travailleurs ayant une éducation et un revenu supérieurs décident de négocier librement les termes et conditions de travail spécifiques (à l’exception des droits fondamentaux énumérées à l’article 611-B), nous considérons que cette question n’a aucun rapport avec l’article 4 de la convention. L’article 4 de la convention traite de la promotion de la négociation collective, mais pas des relations entre la loi et les contrats de travail individuels. Nous estimons donc que cette question sort complètement du cadre de la convention qui nous intéresse.
En outre, l’article 444 fait référence à un groupe de travailleurs qui, en raison de leurs études et de leurs revenus supérieurs, de leur statut social et de leur autonomie, semblent, en tout état de cause, être mieux placés pour négocier individuellement et peuvent être plus intéressés par une certaine flexibilité pour négocier leurs conditions de travail individuelles. Nous estimons donc que les vues des experts ne sont pas fondées sur l’article 4 de la convention.
Contrairement à ce qu’affirme la commission d’experts, l’article 4 n’exige pas que les contrats de travail prévoient des conditions et des termes toujours plus favorables que ceux des conventions collectives. S’il est vrai que les contrats de travail ne peuvent pas créer d’exceptions aux conventions collectives applicables sur la base de leur propre statut juridique, ils peuvent le faire lorsque la loi l’autorise de manière explicite. Et l’article 4 de la convention n’interdit pas à la loi d’accorder de telles autorisations dans des cas spécifiques.
La commission semble également considérer que l’article 444 exempt du champ d’application de la convention le groupe de travailleurs qui y est défini. Cependant, ce n’est pas le cas. Ces travailleurs jouissent de la pleine protection de l’article 4 de la convention, à moins que et dans la mesure où ils décident librement de ne pas exiger cette protection.
En ce qui concerne le champ d’application de la convention et la nouvelle définition du travailleur indépendant par le nouvel article 442-B, il faut d’abord préciser que l’article 4 de la convention s’applique aux «travailleurs» et à leurs organisations. Le gouvernement est parfaitement fondé à définir le terme «travailleur» et à faire la distinction entre «travailleurs» et «contractants indépendants». Il semble que le gouvernement utilise dans ce contexte le critère de la «position subordonnée», qui ne semble pas poser de problèmes avec les objectifs de l’article 4 de la convention. En ce sens, nous ne partageons donc pas l’analyse des experts et leur demande d’adaptation des procédures de négociation collective formulée dans le rapport, qui semble ne reposer que sur des informations générales fournies par les syndicats sans un examen exhaustif des questions par la commission d’experts.
Pour clore l’analyse des observations, j’évoquerai la relation entre les différents niveaux de la négociation collective. Nous considérons que l’article 620, qui donne la priorité aux conventions collectives de travail couvrant une ou plusieurs entreprises, sur les conventions collectives sectorielles ou professionnelles conclues à un niveau plus large, ne pose aucun problème au regard de l’article 4 de la convention ni à aucun autre instrument de l’OIT, à savoir:
- L’article 4 de la convention ne traite pas de la hiérarchie juridique des différents niveaux de la négociation collective.
- La recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, ne mentionne que la relation entre les conventions collectives et les contrats de travail individuels.
Je tiens à préciser que les clauses plus favorables négociées uniquement au niveau sectoriel seront remplacées par des clauses moins favorables dans les conventions collectives de travail dans lesquelles:
- les syndicats au niveau de l’entreprise conviennent de conclure un accord d’entreprise; et quand
- les syndicats acceptent une clause moins favorable.
Rien de tout cela n’est automatique ou évident. Les syndicats ne sont en aucun cas obligés de le faire.
Dans la mesure où l’article 620 autorise également des clauses moins favorables dans les contrats de travail et, par conséquent, la négociation de conditions plus favorables dans des cas précis par rapport à des conditions moins favorables dans d’autres cas, il élargit le champ des négociations collectives à ce niveau. Etant donné que l’article 620 rend la négociation collective plus attrayante et la favorise, le groupe des employeurs est d’avis qu’il répond pleinement aux objectifs de l’article 4 de la convention.
Compte tenu de ce qui précède, le groupe des employeurs ne voit pas la nécessité de demander au gouvernement davantage d’informations sur ce dernier aspect.
Enfin, en ce qui concerne les problèmes évoqués dans l’observation de 2016, nous estimons qu’ils n’auraient pas dû l’être sous forme d’observation, mais sous forme de demande directe d’information au gouvernement concerné.
Membres travailleurs – C’est la deuxième fois que nous discutons de l’application de la convention au Brésil. Nous avons discuté de ce cas l’année dernière au sein de la commission, ainsi que l’année précédant l’inscription du Brésil sur une longue liste. Le cas du Brésil est en train de devenir un cas de défaut continu d’application des normes de l’OIT.
Cela est profondément attristant pour le groupe des travailleurs. Après des années de progrès social, alors que des millions de personnes sont sorties de la pauvreté, non seulement grâce à des mesures fortes de sécurité sociale, mais également grâce à la mise en place d’institutions puissantes de négociation collective, nous assistons à une destruction presque sans précédent de la négociation collective, ainsi que d’autres piliers des institutions du marché du travail et de la démocratie.
Comme nous le craignions, la loi no 13467 portant réforme de la consolidation des lois du travail a eu un impact désastreux sur les droits de négociation collective et les relations professionnelles dans leur ensemble.
L’année dernière, notre commission avait formulé deux recommandations principales: premièrement, que le gouvernement fournisse des informations et une analyse sur l’application des principes de négociation collective libre et volontaire dans la nouvelle réforme du droit du travail; et, deuxièmement, que le gouvernement fournisse des informations sur les consultations tripartites avec les partenaires sociaux concernant la réforme de la législation du travail.
Le groupe des travailleurs rappelle qu’un nouveau paragraphe 611-A de la loi portant réforme de la CLT inverse complètement la hiérarchie entre la loi et la négociation collective. Il établit un principe général voulant que les conventions et accords collectifs l’emportent sur la législation, à l’exception des 30 droits constitutionnels mentionnés à l’article 611-B de la CLT, auxquels il ne peut être dérogé. De même, aux termes de l’article 620 de la CLT, tel que modifié par la loi no 13467, les clauses plus favorables négociées au niveau de l’activité sectorielle professionnelle sont remplacées par des clauses moins protectrices négociées au niveau de l’entreprise.
L’année dernière, le groupe des travailleurs a vivement déploré les graves lacunes et faiblesses de ces dispositions. Nous avons mis en garde contre une atteinte irréversible, à terme, à la légitimité de la négociation collective. Ces dispositions constituent une atteinte frontale au principe de la négociation collective libre et volontaire consacré par l’article 4 de la convention. Nous rappelons que l’objectif général de la promotion de la négociation collective est de parvenir à un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues dans la législation ou dans des clauses négociées à un niveau supérieur. Cela est stipulé dans les conventions nos 98, 151 et 154, qui ont d’ailleurs toutes été ratifiées par le Brésil.
Les modifications introduites par la loi no 13467 ont un effet fortement dissuasif sur le recours à la négociation collective et créent les conditions d’une concurrence à la baisse entre les employeurs en matière de conditions d’emploi. Le gouvernement du Brésil a fait valoir l’an dernier que les réformes étaient liées à la récession économique et que le temps apporterait la preuve que les changements produiraient un effet positif sur l’emploi et les relations professionnelles. Un an après, nous ne pouvons que constater l’incidence catastrophique de la loi no 13467 relative à la négociation collective sur le chômage au Brésil. Selon les données officielles de l’Institut brésilien de géographie et de statistique, en avril 2019, le chômage atteignait 12,5 pour cent des Brésiliens, soit 13,2 millions de chômeurs, ce qui représente une augmentation de 4,4 pour cent par rapport à décembre 2018. La couverture de la négociation collective a été réduite de 39 pour cent. Cette loi a tout bonnement augmenté le chômage. Les conséquences de cette loi pour les travailleurs brésiliens ont été dévastatrices.
De plus, nous rejetons les arguments du gouvernement adressés à la commission d’experts selon lesquels les amendements apportent une plus grande sécurité juridique. Les preuves montrent que les nouvelles dispositions de la CLT restreignent la négociation collective en tant qu’instrument dont l’objectif est d’améliorer les conditions de travail. Elles exposent également les syndicats à des menaces et à des pressions pour les amener à accepter les dérogations et les inciter à la corruption dans les relations de travail collectives. En effet, les nouvelles dispositions de la CLT permettent à tous les syndicats, quel que soit leur niveau de représentativité, de négocier en deçà du niveau de protection juridique. Nous dénonçons, à l’instar de la commission d’experts, l’inversion de la hiérarchie des normes instaurée par les articles 611-A et 620 de la CLT. Nous dénonçons également les très vastes possibilités de dérogation aux normes plus élevées et plus protectrices offertes par ces dispositions de la CLT.
Nous rappelons les deux principes qui sous-tendent la convention. Et la recommandation no 91 réaffirme ces principes: le principe de la négociation collective libre et volontaire; et le caractère contraignant des conventions collectives. Les articles 611-A et 620 de la CLT modifiée sont contraires à ces principes.
Nous sommes extrêmement préoccupés par le mépris du gouvernement pour les effets désastreux que la loi no 13467 a déjà eus sur les travailleurs au Brésil. Ces effets négatifs seront encore plus graves si des mesures ne sont pas prises immédiatement pour abroger ces amendements régressifs. Par conséquent, nous demandons instamment au gouvernement du Brésil de procéder à un réexamen immédiat de la CLT, en consultation avec les partenaires sociaux, en vue d’abroger ses articles 611-A, 611-B et 620.
En outre, nous devons exprimer à nouveau notre profonde préoccupation au sujet du nouvel article 444 de la CLT. Cet article prévoit la possibilité de déroger au contenu des conventions collectives dans les contrats individuels de travail pour les travailleurs titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur et dont le salaire est au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de sécurité sociale.
Dans son rapport à la commission d’experts, le gouvernement cherche à minimiser l’impact de cette disposition en faisant valoir qu’elle ne s’appliquerait qu’à une faible proportion des travailleurs, environ 2 pour cent. Un tel raisonnement, même s’il est prouvé qu’il est exact, n’exonère pas le gouvernement de l’application de la convention, y compris de l’objectif de promotion de la négociation collective énoncé à l’article 4. Il ne permet certainement pas au gouvernement de créer de nouvelles catégories de travailleurs pouvant être exclues du bénéfice de la convention.
Nous exhortons le gouvernement du Brésil à prendre sans tarder, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour rétablir les principes de l’effet contraignant des conventions collectives et de leur primauté sur les contrats de travail individuels, lorsque ceux-ci sont moins favorables.
Nous réitérons également notre inquiétude quant à l’extension de la définition des travailleurs autonomes et des travailleurs indépendants dans le nouvel article 442-B de la CLT. Un nombre important de travailleurs est maintenant exclu des droits inscrits dans la convention.
Nous rappelons que plus de 23,9 millions de travailleurs sont des travailleurs indépendants au Brésil, soit une augmentation de 4,1 pour cent depuis avril 2018. De plus, 11,2 millions de travailleurs exercent leur activité dans l’économie informelle, sans aucune protection juridique contre les abus, ce qui représente une augmentation de 3,4 pour cent depuis 2018.
Nous nous associons à la commission d’experts pour ce qui est du principe de l’application du droit de négociation collective également aux organisations représentant les travailleurs indépendants. Toutes les mesures nécessaires doivent être adoptées pour que les travailleurs autonomes et les travailleurs indépendants soient autorisés à participer à une négociation collective libre et volontaire.
Enfin, nous appelons le gouvernement à remédier sans tarder aux lacunes et aux insuffisances législatives concernant les points suivants:
- une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale;
- l’arbitrage obligatoire dans le cadre de l’obligation de promouvoir la négociation collective libre et volontaire;
- le droit de négociation collective dans le secteur public;
- la soumission des conventions collectives à la politique financière et économique.
Nous rappelons également à la commission que la loi no 13467 a été adoptée à la hâte et sans véritable consultation préalable des organisations de travailleurs. A cet égard, nous notons l’inquiétude exprimée par la commission d’experts face à l’absence d’un processus structuré de dialogue social tripartite destiné à l’élaboration d’un accord sur le contenu de la réforme. Des audiences publiques organisées au sein du Parlement en présence de syndicats et d’organisations d’employeurs ne sauraient remplacer le dialogue social. Le gouvernement doit impliquer les partenaires sociaux dans de véritables négociations dans le cadre de l’organe tripartite national. Ces négociations devraient de toute urgence être axées sur la révision des amendements introduits par la loi no 13467 et sur l’abrogation de toutes dispositions de la CLT non conformes aux principes et aux dispositions de la convention.
L’année dernière, nous avons porté ces questions à l’attention de la commission, et la commission d’experts a, entre-temps, formulé de nouvelles observations.
De plus, depuis notre dernière discussion sur ce cas, l’administration a changé. Mais pas tellement sur le plan de la politique et de la posture. Il a été publiquement proclamé que les travailleurs brésiliens doivent désormais choisir entre des droits et un emploi. Le gouvernement affirme que réclamer les deux ne sera pas possible et il indique donc clairement qu’il n’a nullement l’intention de donner effet aux droits inscrits dans la convention. C’est totalement inacceptable, et nous, les travailleurs, ne resterons pas silencieux. Si le gouvernement refuse de dialoguer de manière constructive avec nous, il nous obligera à faire entendre notre voix dans les rues et sur les lieux de travail.
Hier, 45 millions de travailleurs brésiliens à travers plus de 300 villes ont précisément fait cela à l’occasion de la grève générale menée par les syndicats, les mouvements sociaux et la population en général, tous scandalisés par la privation de la protection dont ils bénéficiaient ces vingt dernières années. Nous exhortons le gouvernement à prendre ce signal très au sérieux.
Il est clair que le gouvernement n’est pas content de devoir comparaître devant la commission et d’entendre les voix parvenant du monde entier. Mais ses véritables défis seront d’écouter réellement les voix de ses propres travailleurs et de sa population.
Membre employeur, Brésil – Tout d’abord, rappelons-nous que ce cas a été examiné par cette commission, sur les mêmes motifs, une prétendue contradiction par rapport à la convention. A cette occasion, il a été reconnu qu’il n’existait aucun élément constitutif d’infraction à la convention, il a été demandé uniquement des renseignements complémentaires, qui ont été soumis. Depuis lors, aucun fait nouveau ne justifie une nouvelle discussion du cas, ce qui nous amène à analyser le contexte et les motifs de l’inclusion du Brésil dans la liste restreinte et à nous demander pourquoi nous sommes ici.
Nous allons donc analyser les allégations qui ont amené le Brésil à fournir à nouveau des informations à cette commission. Commençons par l’interprétation de la commission d’experts selon laquelle une négociation ne devrait avoir lieu que pour offrir aux travailleurs des avantages supérieurs à ceux prévus par la loi.
A l’occasion du cas du Brésil, en 2018, nous avions déjà exprimé notre inquiétude face à l’adoption d’interprétations extensives des conventions dans ce cas. L’esprit de la convention est que des négociations libres et volontaires affirment la volonté des parties. La Constitution du Brésil honore la convention et reconnaît la négociation collective comme un droit social du travail, renforçant ainsi son engagement envers les membres constituants conformément aux préceptes de cette convention.
Cela soulève les questions suivantes: une interprétation aussi large doit-elle prévaloir pour l’application de la convention dans mon pays? Quel précédent sera créé pour les plus de 160 pays signataires de cette convention? Comment les futures analyses de la négociation collective seront-elles appliquées dans le monde entier? Allons-nous changer les règles du jeu? La négociation collective devient-elle un instrument de concessions unilatérales? Est-ce qu’elle cesse d’avoir comme essence un ajustement mutuel des termes et conditions de travail et des concessions réciproques?
La tentative réitérée d’analyser la législation brésilienne au regard de ces arguments soulève à nouveau des doutes. Nous ne comprenons pas plus quels sont les critères adoptés: s’agit-il de critères politiques au détriment de l’analyse partant obligatoirement du point de vue des critères techniques? Si tel est le cas, il convient de rappeler que cette organisation est essentiellement une organisation technique et qu’elle doit le rester.
Quoi qu’il en soit, je dois dire que la réforme du travail au Brésil, dont nous discutons aujourd’hui, est avant tout une réforme nationale. C’est bien justement grâce à elle que le Brésil est sorti d’une législation obsolète du siècle dernier et s’est aligné sur les principales économies du monde. C’est également grâce à elle que la voix des travailleurs et des employeurs a été renforcée afin qu’ils puissent établir ensemble leurs conditions de travail, avec une ingérence minimale de l’Etat.
On entend, sans fondement raisonnable, qu’en établissant la prédominance de la négociation collective pour réglementer les relations de travail le Brésil aurait adopté une loi contraire à la convention. L’article 4 de la convention indique clairement que les pays doivent adopter des «mesures adaptées aux conditions nationales, pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation de procédures de négociation volontaire», en vue de «réguler les conditions d’emploi».
D’autre part, la convention no 154 stipule dans son article 2 que la négociation collective sert à «fixer les conditions de travail et d’emploi» ou à «régler les relations entre employeurs et travailleurs». Il ne fait également aucun doute, dans son cinquième article, que les pays doivent adopter des mesures adaptées à leurs réalités. Ainsi, la négociation collective facilite toutes les questions relatives à la détermination des conditions de travail et d’emploi afin de régler les relations de travail. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a souligné à plusieurs reprises ce que nous soulignons ici: il est nécessaire de susciter et d’encourager le recours à la négociation avec une intervention minimale de l’Etat.
Au Brésil, après des discussions avec les acteurs sociaux, le Congrès national a défini les limites et les possibilités de la négociation collective. Cela a permis au Brésil de surmonter un scénario d’insécurité du dialogue social, qui s’est répété sous la forme d’une annulation parfois arbitraire d’instruments collectifs convenus librement et volontairement.
Ce scénario a été résumé de la manière suivante par la Cour constitutionnelle suprême du Brésil: «il ne faut pas voir d’un bon œil l’invalidation systématique des conventions collectives sur la base d’une logique de limitation de l’autonomie de la volonté applicable exclusivement aux relations de travail individuelles. Une telle ingérence viole plusieurs dispositions constitutionnelles qui confèrent un prestige à la négociation collective en tant qu’instrument de résolution des conflits collectifs, en plus de refuser aux employés la possibilité de participer à la formulation de normes qui régissent leur vie.»
Ce qui s’est passé alors, c’est que le Brésil a mis en place des mécanismes selon ses conditions, alors que l’insécurité juridique régnait.
Il est remarquable que le Brésil n’accorde en aucune manière l’autorisation de déroger à la législation du travail par le biais d’instruments collectifs. Il existe des limites temporelles et matérielles claires. Temporairement, l’instrument collectif a une durée maximale de validité de deux ans lorsqu’il n’est pas négocié, c’est-à-dire qu’en l’absence de clause collective les termes et conditions énoncés dans le droit commun et dans la Constitution prévalent dans leur intégralité.
En outre, il existe une longue liste de domaines qui ne peuvent être négociés, ni en vue de les réduire ni en vue de les supprimer, par exemple le montant du salaire minimum, les congés de maternité et de paternité, les 30 jours de congé annuel, les normes de sécurité et de santé, parmi plus de 40 droits garantis; il n’y a donc aucune raison permettant d’affirmer que la prédominance de la négociation collective sur la législation ordinaire, schéma défini par le Brésil, est contraire à la convention.
En ce qui concerne la négociation individuelle, il convient de noter que le nouveau règlement permet aux employés bien formés et bien rémunérés de négocier leurs conditions de travail. Sur le marché du travail actuel, cela représente 0,25 pour cent de la population brésilienne ou 1,45 pour cent des employés du secteur formel.
L’option brésilienne consiste dans le maintien des travailleurs qui sont dans une relation de travail, mais aussi à augmenter leur capacité de négociation, en garantissant tous les droits et toutes les protections. Elle est donc conforme à la convention.
Pour toutes ces raisons, je le réaffirme, le Brésil a donné de l’importance aux travailleurs et aux employeurs, avec la grande responsabilité de négocier, dans des limites bien définies, en réduisant la marge d’intervention des pouvoirs publics dans les négociations collectives, conformément à la convention.
En d’autres termes, la réforme du travail au Brésil:
i) applique la convention en instaurant une négociation libre et volontaire entre travailleurs et employeurs;
ii) protège la négociation collective des interférences extérieures;
iii) consolide un mécanisme efficace pour faire face à la concurrence économique, conformément aux tendances internationales en la matière;
iv) aligne le Brésil sur les autres pays Membres de l’OIT;
v) harmonise et équilibre, avec sa nouvelle formule qui permet la négociation de conditions de travail distinctes par rapport à la loi, à l’exception de tous les droits du travail prévus par la Constitution, le principe de la liberté de négociation avec le principe de protection des travailleurs.
Enfin, force est de constater que cette question n’a pas été soumise aux instances judiciaires nationales du Brésil avant de l’être à l’OIT. Aucun de ces syndicats n’a présenté de recours à la Cour constitutionnelle brésilienne pour signaler une quelconque violation de la Constitution, de la convention ou de toute autre norme de l’OIT et remettre en question le nouveau paradigme de la négociation collective. Parce qu’il n’y a rien à en redire qui relève de la Cour suprême fédérale, cette dernière a néanmoins examiné d’autres questions qui ne concernent pas du tout ce dont nous traitons ici et maintenant. En fait, le mécontentement semble s’expliquer par le fait que la cotisation syndicale est devenue facultative, mais cette question n’est pas soulevée par les commentaires de la commission d’experts.
Nous, employeurs du Brésil, espérons vivement que cette commission – espace de dialogue et de tripartisme –, en pleine célébration de son centenaire, n’examinera que les faits concrets et les motifs techniques et qu’elle conclura donc que la réforme du travail au Brésil est en conformité avec la convention.
Membre travailleur, Brésil – Nous discutons aujourd’hui du processus de développement et des effets néfastes de la réforme du travail au Brésil, la loi no 13467 de 2017, et de la manière dont le Brésil a violé à plusieurs reprises les termes de la convention. La réforme du travail brésilienne a été approuvée avec la promesse de moderniser les relations de travail, de créer des emplois, de promouvoir des négociations collectives plus nombreuses et de meilleure qualité et de lutter contre l’informalité. Aucune de ces promesses n’a été tenue!
En 2017, même avant l’approbation de la loi, nous avons fait part de nos préoccupations à cette Organisation. Le rapport de la commission d’experts de cette année-là mettait en garde contre l’impact possible de la réforme et rappelait que, comme conséquence de l’interprétation de la convention en relation avec la convention no 154, la négociation collective a pour objectif d’accroître la protection sociale, de ne jamais la diminuer!
En 2018, le cas du Brésil a été examiné par cette commission, et le gouvernement et les employeurs ont soutenu qu’il n’y avait pas eu violation des normes dans ce cas, que la loi no 13467 préconisait plus de négociations collectives et de meilleure qualité et que l’absence de données fausserait toute analyse du cas.
Et aujourd’hui, deux ans après l’approbation de la loi, quels sont les résultats?
Selon la dernière enquête de l’Institut brésilien de géographie et de statistique, organisme gouvernemental officiel, le chômage a atteint au Brésil 12,5 pour cent de la population active au premier trimestre 2019, contre 11,8 pour cent au dernier trimestre de l’année 2017 – date d’entrée en vigueur de la loi. C’est-à-dire que, depuis le début de la réforme du travail, le nombre de chômeurs brésiliens a augmenté de près de 1 million. Le travail informel a augmenté de 4,4 pour cent par rapport au premier trimestre de 2018, et le nombre de travailleurs découragés (qui ont cessé de chercher du travail) a atteint son record.
Selon la FIPE, liée à l’Université de São Paulo, l’une des plus respectées au Brésil, entre 2017 et 2018, les négociations collectives ont chuté de 45,7 pour cent, conséquence directe de la réforme du travail, c’est-à-dire que d’une année à l’autre près de la moitié de la couverture et de la protection collective ont tout simplement cessé d’exister.
A la chute vertigineuse du nombre de négociations collectives, il s’est ajouté la possibilité que, individuellement, les travailleurs soient obligés de renoncer aux droits garantis par les conventions collectives; un accord révoque des clauses de conventions plus favorables aux travailleurs et l’existence de contrats précaires ou cherchant à masquer la relation de travail. Tout cela, en pratique, signifie la fin des droits.
La loi no 13467 a résulté, dans une inversion sans précédent, de la hiérarchie des normes du travail: au lieu de construire une chaîne de protection croissante dans laquelle la loi serait le socle sur lequel seraient érigés des droits reconnus par la négociation collective, cette logique a été inversée pour permettre d’inclure un accord individuel qui l’emporte sur la loi, sur les accords et les conventions collectives, violant ainsi la convention de façon flagrante. Pour nous, cette loi est un retour à des niveaux de relations de travail d’il y a cent ans et un échec dans la recherche de la justice sociale.
Cela n’a pas suffi, une véritable persécution des syndicats est en cours dans le but de réduire notre capacité à agir et à mener des négociations collectives libres et volontaires.
En mars de cette année, le gouvernement, sans aucune consultation tripartite ni dialogue social, a promulgué la mesure provisoire no 873 (décret présidentiel ayant force de loi), dans lequel il est interdit aux employeurs et aux travailleurs de négocier librement des quotas de soutien financier approuvés lors d’assemblées. Une contradiction énorme avec la promesse de promouvoir une négociation libre entre les parties. Il est impossible de renforcer la négociation collective dans un pays où la loi empêche les travailleurs et les employeurs d’établir librement les conditions du financement des syndicats.
Nous dénonçons ici l’absence totale de dialogue social et tripartite dans ce processus, malgré toutes les recommandations et observations formulées par la commission d’experts au cours des trois dernières années.
Dans le rapport de 2019, page 63 de la version espagnole, la commission d’experts «demande au gouvernement d’adopter, en consultation avec les partenaires sociaux les plus représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser les articles 611-A et 611-B de la CLT afin de définir de manière plus précise les situations dans lesquelles les clauses relatives aux exceptions à la législation pourraient être négociées, ainsi que leur portée». Nous avons demandé: y a-t-il eu une quelconque réunion tripartite pour répondre aux demandes de la commission? Si elle a eu lieu, quand? Où? Qui a participé?
En fait, la pratique du gouvernement brésilien, ces dernières années, consiste à éliminer ou à vider des espaces institutionnels tripartites, comme dans le cas du Conseil national du travail, qui ne s’est plus jamais réuni. Le manque de respect pour le dialogue social dans le pays est si grave que le gouvernement a récemment dissout, sans aucune consultation, la Commission nationale pour l’élimination du travail des esclaves et le Conseil national pour les droits des personnes handicapées, deux secteurs de composition tripartite. La disparition de ces organismes est tellement absurde qu’à notre avis cela ne peut faire partie que de la mise en œuvre de l’orientation du Président de la République, qui a déclaré à plusieurs reprises que les travailleurs brésiliens devront choisir entre «avoir un emploi ou avoir des droits, parce que les deux ce n’est pas possible». De plus, le gouvernement a dissout le ministère du Travail lui-même.
En outre, nous rejetons l’argument fallacieux selon lequel il n’y aurait aucun cas concret de violation de la convention ou de retrait de droits après l’approbation de la réforme du travail. Nous pourrions citer d’innombrables cas, mais limitons-nous à deux, pas plus.
– Une université privée présente dans tout le Brésil, quelques jours après l’entrée en vigueur de la réforme du travail, a licencié plus de 1 200 enseignants dans l’intention de les réembaucher avec des salaires moins élevés et sans la protection de la convention collective.
– Plus tôt cette année, les pilotes d’aéronef ont eu la surprise de recevoir un contrat individuel établi par leurs employeurs, aux termes duquel ces travailleurs devraient accepter de renoncer aux droits énoncés dans les accords et conventions collectives. De telles attaques contre des travailleurs n’ont pas été commises simplement parce que la justice est intervenue. Nous constatons ici qu’il existe d’innombrables actions en justice devant les tribunaux du travail du pays.
Cette Conférence célèbre les cent ans de cette Organisation et permet de réfléchir à tout ce que l’OIT a pu construire pour la paix et la justice sociale. Nous sommes ici avec l’espoir que cette Organisation continuera à jouer son rôle. Il est très troublant et très décevant que des représentants des gouvernements et des employeurs ne reconnaissent pas la valeur de l’OIT et du système des normes pour la construction de l’équilibre nécessaire à la paix dans le monde. S’attaquer au système de normes de l’OIT à l’heure actuelle, c’est attaquer l’Organisation elle-même et le multilatéralisme. Nous, travailleurs brésiliens, nous allons dans une autre direction, sur le chemin du renforcement de l’OIT, du système des normes, de la commission d’experts et du multilatéralisme.
Nous savons que le dialogue social tripartite est la pierre angulaire de cette Organisation. Nous avons toujours été ouverts au dialogue, et c’est précisément l’absence de dialogue qui nous a amenés ici aujourd’hui. Le rôle de médiateur de cette Organisation est fondamental. A cet égard, nous sollicitons l’appui de l’OIT dans le but de rouvrir le dialogue social au Brésil, complètement absent aujourd’hui. Nous soulignons que les audiences publiques organisées par le Parlement ne sont pas le tripartisme. Comme en 2018, nous mettrons à la disposition de la commission d’experts tous les éléments mentionnés ici.
Membre gouvernemental, Argentine – La grande majorité des Etats du GRULAC remercie le gouvernement du Brésil d’avoir présenté ses informations et ses arguments à la Commission de l’application des normes. Nous voudrions à nouveau souligner notre préoccupation et notre désaccord avec les méthodes de travail de cette commission et la mauvaise utilisation des mécanismes de contrôle de l’OIT. Dans le cas présent, nous revenons pour voir comment la légitimité de ces mécanismes et leur capacité à générer un dialogue social et des résultats concrets sont sérieusement altérées par le manque total de transparence, d’objectivité, d’impartialité et d’équilibre dans la sélection des cas et leur traitement au sein de cette commission.
L’OIT est intrinsèquement fondée sur le tripartisme; cependant, nous voyons comment, chaque année, les pays du GRULAC sont soumis sans discernement à une exposition internationale par le biais d’un mécanisme de consultation exclusivement bipartite, sans la participation de gouvernements, dans lesquels, nous le savons tous, se concluent des accords politiques sans aucun rapport avec la réalité.
Des pays sont condamnés avant de pouvoir se défendre. En conséquence, les listes de la Commission de l’application des normes perdent leur valeur et leur capacité à informer la société internationale de la situation réelle des relations de travail dans le monde.
En ce qui concerne les commentaires de la commission d’experts sur l’application de la convention au Brésil, nous regrettons que la commission d’experts, sans raisons objectives ni claires, ait à nouveau choisi de ne pas attendre le cycle de rapport régulier du gouvernement du Brésil sur l’application de la convention, prévu pour cette année.
En agissant de la sorte, la commission d’experts se prononce sans disposer de données concrètes, sans preuves factuelles et sans la possibilité d’avoir une vision plus large et plus complète d’une législation complexe et toujours en cours de mise en œuvre par les autorités brésiliennes, sous le regard du pouvoir judiciaire du pays.
Nous sommes également préoccupés par le peu d’attention accordé aux caractéristiques du système juridique brésilien qui, selon les informations fournies par le Brésil, prévoit des garanties constitutionnelles étendues en matière de droits du travail et de droits sociaux.
Nous rappelons que, conformément à son mandat, la commission d’experts devrait examiner l’application des conventions dans la législation et dans la pratique, en tenant compte des différentes réalités et systèmes juridiques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Notre région reste attachée à la promotion de la négociation collective sur la base des principes inscrits dans la convention. Nous prenons note des informations communiquées par le Brésil selon lesquelles la réforme du travail a fait de la négociation collective l’un de ses principaux objectifs, conformément aux obligations du pays dans le contexte de l’OIT.
Membre gouvernementale, Inde – Nous remercions le gouvernement du Brésil d’avoir fourni la dernière mise à jour complète et détaillée sur ce cas. L’Inde se félicite de la volonté et de l’engagement constants du gouvernement du Brésil de coopérer de manière constructive avec l’OIT et les partenaires sociaux pour remplir ses obligations dans le domaine du travail. Nous prenons bonne note des efforts déployés par le gouvernement du Brésil pour réformer sa législation du travail en consultation avec les partenaires sociaux, conformément à ses obligations internationales et au contexte national.
Nous n’appuyons l’inclusion d’aucun pays dans la liste provisoire ou finale des cas avant la fin de la période du cycle de rapport, sans le respect des procédures en vigueur et pour des raisons autres que l’aspect technique de fond du cas. Nous souhaitons également réaffirmer la nécessité d’un engagement tripartite constructif, par le biais d’un mécanisme et d’un processus de contrôle de l’OIT transparents, inclusifs, fiables et objectifs, qui visent à améliorer la conformité aux normes internationales du travail et à maintenir leur pertinence normative dans le monde du travail. Nous souhaitons au gouvernement brésilien le plein succès dans ses efforts.
Membre employeur, Colombie – Je souhaite aborder deux aspects. La réforme du travail au Brésil est le fruit de longues discussions avec les partenaires sociaux depuis plus de vingt ans. Depuis 2003, le Forum national du travail a présenté, avec la participation des syndicats, des employeurs et du gouvernement, un rapport, et des dialogues tripartites se sont poursuivis, axés sur la consultation des secteurs sociaux qui s’occupent principalement de la situation des travailleurs. La question a été envoyée au Congrès national sur la base d’un projet de loi et non d’une mesure provisoire proposée par le gouvernement. Au Congrès, 10 audiences à l’attention du grand public se sont tenues au Sénat sur des sujets spécifiques et 20 autres à la Chambre des représentants. Des sujets spécifiques tels que la négociation collective, les formes de résolution des conflits, le travail intermittent, le télétravail, le travail temporaire et la sécurité juridique ont été discutés. Plus de 2 000 amendements provenant de différents acteurs sociaux et les courants idéologiques les plus divers sont intervenus dans le cadre d’un processus largement démocratique et dans la légalité.
La loi vise à améliorer les relations de travail au Brésil, en adaptant la législation aux nouvelles réalités, toujours sur la base de la négociation collective. Cette réforme du travail vise à créer des conditions plus favorables pour la compétitivité, la productivité et le développement économique et social, dans le respect des droits fondamentaux du travail et du travail décent.
La réforme du travail brésilienne n’accorde pas une autorisation générale de déroger à la législation du travail par la négociation collective comme cela a été dénoncé. Au Brésil, les droits et garanties du travail ont un statut constitutionnel. En ce sens, la négociation collective doit être soumise à des périodes et à des domaines limités fixés par la Constitution elle-même. La réforme vise à réduire l’ingérence des autorités brésiliennes.
Deuxièmement, la nouvelle législation définit avec précision ceux qui sont considérés comme des professionnels indépendants et les critères pertinents pour leur identification. L’origine de ces personnes et des salariés est expressément différenciée. Il s’agit de deux catégories complètement distinctes. Comme leur nom l’indique, les travailleurs indépendants ou autonomes sont des travailleurs régis par des normes différentes de celles des salariés et, dans les deux cas, le travail décent est garanti.
Ces différences de concepts et de réglementation du travail autonome sont nécessaires et ont déjà été appliquées dans plusieurs Etats; cependant, l’important dans ce cas est que le droit de se syndiquer et de négocier collectivement a été préservé avec cette réglementation. Les dispositions de la loi ne constituent pas une exclusion du champ d’application de la convention, car au Brésil la Constitution garantit à chaque travailleur le droit de s’affilier à un syndicat et de jouir des droits syndicaux.
La réforme vise à réduire l’ingérence des autorités brésiliennes et a donc une portée pleinement conforme aux conventions de cette Organisation et, en particulier, à cette convention.
Membre travailleur, Argentine – Je m’exprime au nom de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA autonome) et, par délégation, de la Confédération générale du travail (CGT) et de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA). La réforme du travail approuvée par le Brésil en 2017 heurte les principes qui ont donné naissance à l’OIT et sont inscrits dans sa Constitution. Les résultats en sont palpables: la couverture de la négociation collective est réduite de manière significative; la réglementation des relations de travail tend de plus en plus à l’individualisation; une concurrence exacerbée se traduit par l’affaiblissement des droits des travailleurs; et, en fin de compte, le dialogue social est vide de sens, parce qu’il lui manque un des éléments essentiels: le caractère volontaire.
En effet, la législation devient obligatoire lorsqu’il n’y a pas eu de débat préalable et tripartite permettant aux accords d’être l’aboutissement de la négociation collective. Il est paradigmatique que nous discutions de ces questions lors de la Conférence du centenaire de l’OIT. Est-ce là le modèle juridique qu’on nous propose pour les cent prochaines années? Rien de bon n’en résultera.
Je voudrais résumer l’essentiel de la législation brésilienne sur la négociation collective, car cela nous permettra de l’analyser dans son ensemble:
- La réforme permet aux conventions collectives et aux accords de déroger aux droits minima fixés dans la législation du travail.
- Elle favorise la centralisation de la négociation en établissant que les accords d’entreprise l’emportent sur les accords de branche d’activité.
- Elle permet la négociation de contrats individuels qui prévalent sur les conventions collectives.
- Elle interdit l’inclusion de clauses de maintien des effets des conventions collectives en cas de non-renouvellement de ces dernières après l’expiration de leur validité.
- Elle élargit le concept de travailleurs autonomes ou indépendants afin d’exclure ces derniers du champ d’application de ce droit fondamental.
L’application de ces dispositions dénature complètement l’obligation de promouvoir la négociation collective découlant de l’article 4 de la convention. Il s’agit d’un système qui supprime toutes les sauvegardes tendant à promouvoir, par ce moyen, une amélioration des droits des travailleurs. Compte tenu de ce système, il est logique de voir apparaître une réduction substantielle du nombre d’accords et de conventions collectives. Si le pouvoir du secteur des entreprises devient l’unique source de réglementation, par quoi les négociations collectives seront-elles encouragées? L’argument reste que le coût de la main-d’œuvre est un obstacle à l’investissement et que la réduction des coûts génère nécessairement de l’emploi et augmente l’investissement et la compétitivité.
Mais cette façon de présenter le problème nous oblige à accepter un principe disjonctif inadmissible: accepter un emploi précaire difficilement qualifiable comme travail décent. Accepter une journée de douze heures sans réagir souille la mémoire des martyrs de Chicago. Nous ne pourrions pas regarder nos camarades dans les yeux et les convaincre que continuer à travailler à la fin de la journée n’est pas considéré comme extraordinaire et que leur salaire n’augmentera pas. Nous ne pourrions pas nous sentir satisfaits et trouver normal de légaliser la fraude consistant à payer des travailleurs salariés comme travailleurs autonomes. Nous nous sentirions gênés en tant que dirigeants si nous acceptions le travail à la pièce sans garantie de salaire minimum assuré.
La négociation collective au Brésil perd de son poids et de sa signification en tant qu’instrument de réglementation des conditions d’emploi, tel que voulu par la convention. Une des caractéristiques essentielles de la négociation collective est son essence collective qui résulte en une norme juridique obligatoire; pour y parvenir, la recherche de l’intérêt commun bipartite est essentielle. Cette recherche est impossible avec une telle législation.
L’attaque de la réforme du marché du travail brésilien contre la négociation collective est loin d’être restreinte à ses frontières nationales; au contraire, les dispositions de cette réforme remettent en question un modèle de relations professionnelles dans la conception duquel l’OIT a joué un rôle central. Il est indispensable de modifier cette réforme dans le cadre du débat sur l’avenir du travail actuellement en suspens.
Membre gouvernemental, Algérie – L’Algérie soutient la déclaration de la République fédérative du Brésil concernant la convention et la question de la négociation collective. Nous avons pris bonne note des informations fournies selon lesquelles la réforme du travail au Brésil a pour objectif la promotion de la négociation collective.
L’Algérie soutient entièrement la position du Brésil et rappelle le rôle important des organes de contrôle dans l’évaluation du respect des conventions internationales du travail, en attirant l’attention à la fois sur la nécessité d’asseoir des règles de fonctionnement transparentes et des mécanismes clairs d’interprétation pour une application efficace des normes internationales du travail.
L’Algérie considère que les réalités économiques et politiques de certains pays ne s’adaptent nécessairement pas souvent aux interprétations des organes de contrôle, ce qui justifie d’ailleurs la complexité et la souplesse des conventions internationales du travail, dont la convention.
Le Brésil a ratifié un nombre important de conventions internationales du travail, ce qui n’est pas étonnant, parce que la législation du travail brésilienne est parvenue à un stade évolué et que certaines ratifications ont consacré des pratiques déjà réalisées.
Enfin, nous considérons que les dispositions de loi no 13462 de 2017 sont conformes à l’esprit de la convention. Le droit de négociation collective ne pourrait se développer spontanément. Les conventions et accords collectifs sont des outils supposant porter, dans leur globalité, une amélioration à la fois pour le travailleur salarié et pour l’entreprise. La législation peut décliner certaines limites à l’autonomie contractuelle dans le monde du travail, et ce compte tenu des impératifs nationaux. Cela étant, l’articulation entre les contours de l’ordre public et les limites de l’expression par des conventions et accords collectifs de travail nous paraît en cohérence avec les objectifs et dispositions de la convention.
Membre employeuse, Argentine – Nous sommes ici pour exprimer notre soutien aux employeurs brésiliens dans leur défense de la valeur d’une norme qui hiérarchise la négociation collective qui, comme nous l’avons déjà indiqué, est un outil essentiel pour garantir le travail décent dans un pays. L’incitation au dialogue social et à la valorisation de la négociation collective a toujours fait l’objet d’une grande estime au sein de cette Organisation, dans la mesure où elle permet de prendre en compte les intérêts et les préoccupations des acteurs sociaux afin de préserver la libre négociation entre employeurs et syndicats.
Le Brésil, comme tant d’autres pays du monde, a suivi une trajectoire particulière marquée par des transformations continues du monde du travail et de la production.
Adapter le système normatif qui régit ces relations est devenu une nécessité, une réponse institutionnelle pour permettre que le dynamisme des relations de travail soit un corollaire normatif garantissant une protection appropriée aux relations de travail.
Il est bon de rappeler que la négociation collective est un instrument de concessions et de bénéfices réciproques, qui permet de négocier des normes plus appropriées pour chaque secteur, région, profession ou entreprise.
Toutefois, l’instrument dont nous discutons ne prévoit pas l’obligation de négociation collective, qui ne régira les relations de travail que si elles résultent d’une décision libre et spontanée des entreprises et des syndicats. D’un côté, la réforme cherche à réduire l’ingérence des pouvoirs publics dans la volonté des parties, en conformité avec les principes de la convention.
Dans ce contexte, connaître les éléments subjectifs qui ont conduit à l’inclusion du Brésil dans la liste, pour la deuxième année consécutive, devient une nécessité. Pour assurer la transparence et la hiérarchie du système de contrôle que cette commission protège, nous pensons qu’il est nécessaire de rappeler qu’il s’agit de la mission de cette commission d’être un instrument de paix et de préservation des relations harmonieuses entre salariés et employeurs. En soumettant ce cas à la discussion pour la deuxième année consécutive, le conflit est attisé et contraire à l’objectif du système de contrôle. Il ne devrait en aucun cas être permis que des cas soumis pour analyse à cet organe soient fondés sur des spéculations liées à la politique intérieure d’un pays.
Nous espérons enfin que cette commission conclura de la manière la plus positive et la plus pratique, c’est-à-dire en valorisant la négociation collective et le dialogue social en tant qu’outils les plus efficaces pour résoudre les problèmes pouvant découler de conflits d’intérêts naturels inhérents aux relations et au monde du travail et assurer une paix sociale durable.
Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – J’interviens au nom de tous les travailleurs africains. Cette discussion vise à améliorer la législation nationale à la lumière des dispositions de la convention, et non l’inverse. Le fait est que la réforme de la législation nationale du travail tente d’une certaine manière de saper les dispositions de la convention.
C’est la raison pour laquelle le processus de négociation collective donne lieu à des interprétations diverses, de sorte que la relation entre la négociation collective et la loi ne font pas avancer les intentions réelles et sans ambiguïté des dispositions de la convention. Comme l’a observé la commission d’experts, les pratiques actuelles en matière de négociation collective ont introduit le principe général selon lequel les conventions et accords collectifs ont préséance sur la législation. Il en résulte la possibilité de déroger, par la négociation collective, aux dispositions protectrices de la législation.
D’après notre expérience en Afrique, où il existe plusieurs niveaux de négociation collective, en particulier de processus d’entreprise et sectoriels, ainsi que de négociation collective nationale, la tendance de la législation à créer la condition d’une concurrence à la baisse entre les employeurs en termes de conditions de travail et d’emploi s’est avérée très préjudiciable aux relations professionnelles. Cela mine clairement le recours à la négociation collective en tant qu’instrument d’amélioration des conditions de travail.
Cette pratique est contraire à la négociation collective. Cela peut nuire aux travailleurs, en particulier au niveau de l’entreprise, et réduire à la baisse leurs avantages. La commission d’experts a observé dans ce cas de nombreuses références au rapport du ministère public du Travail montrant que, dans le contexte spécifique des relations collectives du travail au Brésil, il est probable que le principe énoncé à l’article 611-A de la CLT donne lieu au «recours de menaces et pressions sur les syndicats pour les amener à accepter des dérogations à la législation et fasse en sorte que tous les syndicats, quel que soit leur degré de représentativité, soient autorisés à négocier en deçà du cadre juridique national de protection sociale, incitant à la corruption dans le domaine des relations collectives de travail».
En Afrique, nous avons été enthousiasmés et encouragés par votre utilisation du recours aux processus de négociation collective progressifs pour améliorer la rémunération, la morale et l’harmonie des relations de travail, exactement dans l’esprit de ce que le gouvernement de Lula Da Silva a introduit et encouragé. C’est ce que nous appelons le «Mouvement Lula», en partie responsable de la sortie de la pauvreté de millions de personnes, dont les travailleurs.
Le gouvernement du Brésil doit être encouragé à modifier les dispositions de la CLT contraires aux dispositions de la convention, et cela doit être fait à travers un processus de consultation véritable et de bonne foi, associant tous les partenaires tripartites.
Membre gouvernementale, Chine – La délégation chinoise a écouté attentivement la déclaration du représentant du gouvernement du Brésil. Nous notons que la réforme du système de travail brésilien vise à promouvoir la négociation collective en tant qu’objectif essentiel. Nous saluons l’engagement du gouvernement brésilien à promouvoir la négociation collective. La délégation chinoise estime que, au moment important où l’OIT célèbre son centième anniversaire, elle devrait sérieusement mettre en œuvre le plan d’action visant à revoir les normes relatives au mécanisme de contrôle et améliorer continuellement ses activités, son impartialité et sa transparence. Il est raisonnable que le gouvernement brésilien intègre étroitement ses propres conditions et son système juridique national dans le processus de mise en œuvre du droit d’organisation en vertu de la convention sur la négociation collective. Nous espérons que le BIT fournira l’appui technique nécessaire au gouvernement brésilien pour la mise en œuvre des conventions pertinentes.
Membre employeuse, Costa Rica – En soutien au secteur des employeurs brésiliens, je voudrais commencer par souligner que les commentaires de la commission d’experts au sujet des articles 611-A et 611-B de la loi brésilienne donnent à la convention une interprétation que ses dispositions ne prévoient en aucune manière.
Dans la convention, aucun article ne stipule que la négociation collective visera à trouver un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation nationale. Plus précisément, l’article 4 de la convention ne prévoit aucune limitation de la négociation collective, au sens que la négociation collective ne peut créer que des conditions plus favorables que celles prévues par la loi. Il en est de même pour ce qui est de la convention no 154. En fait, ces conventions prévoient expressément la possibilité d’adopter des mesures qui s’adaptent aux conditions nationales. Dans un monde en mutation et confronté à de nouvelles formes d’emploi, il est important que les lois garantissent la liberté des parties de s’adapter aux changements et au monde moderne.
C’est ce que prévoit exactement la convention, et ce qui se reflète dans les innovations de la législation brésilienne sur la négociation des conditions de travail et d’emploi.
Observateur, IndustriALL Global Unions – C’est la deuxième année consécutive que le Brésil est sous la surveillance de la Commission de l’application des normes pour les violations de la convention par son gouvernement. Le gouvernement brésilien continue d’ignorer systématiquement et de ne mettre en œuvre aucune des recommandations de la commission d’experts, en particulier celles relatives à l’article 4 de la convention. Global Unions tient à exprimer son profond respect pour les travaux de la commission d’experts. Ces éminents juristes s’acquittent de leur mandat consistant à fournir une analyse impartiale et technique des normes internationales du travail avec la plus grande rigueur. Nous remercions la commission d’experts d’avoir contribué à faire en sorte que les pays appliquent de manière effective les conventions qu’ils ont ratifiées, en particulier les Etats qui négligent délibérément leurs obligations internationales.
Depuis 2008, nous avons assisté à de nombreuses réformes du travail dans le monde, notamment dans les pays européens. Il en résulte une réduction de la couverture des négociations collectives, une plus grande part de travail précaire, des salaires plus bas et un chômage croissant. C’est exactement ce que le Brésil a connu au cours des deux dernières années suivant la réforme du travail, atteignant les chiffres alarmants de 13 pour cent de chômage et de 54 pour cent de travail informel.
Comme l’a souligné la commission d’experts, le nouvel article 611-A du Code consolidé des lois du travail du Brésil sur la codification du travail a des conséquences catastrophiques pour les travailleurs. Dans les secteurs aérien et maritime, les dérogations autorisées par l’article 611-A peuvent interférer et réduire les normes de sécurité spécifiques à certains secteurs, y compris les limitations de temps de vol et de temps de navigation et des périodes minimales de repos. Certaines de ces protections vitales découlent des conventions de l’OIT. Les garanties prévues par l’article 611-B ne sont tout simplement pas suffisantes. De plus, même les conventions de l’OIT ne sont pas garanties et il est également possible pour la négociation collective de déroger à leur application.
En outre, le droit de négociation collective des fonctionnaires brésiliens a été limité par un récent veto présidentiel à la loi no 3831, alors même que le Congrès du Brésil a ratifié la convention no 151 de l’OIT. Le projet de loi a en fait été élaboré par consensus et approuvé à l’unanimité par le Sénat fédéral et la Chambre des députés du Brésil.
Si l’objectif de la réforme du travail était de promouvoir la négociation collective, le résultat en a été le contraire. A l’occasion du centenaire de l’OIT, nous devrions célébrer les succès et les réalisations, mais en même temps, nous, électeurs, avons l’obligation de ne pas fermer les yeux sur les violations régressives et de veiller à ce que la législation brésilienne soit conforme à la convention.
Membre gouvernementale, Fédération de Russie – Tout d’abord, nous voudrions remercier le distingué représentant du gouvernement brésilien pour ses commentaires sur le cas et aussi pour ce qu’il a dit à propos des aspects procéduraux de celui-ci. Le Brésil travaille sans relâche pour améliorer son mécanisme pour la mise en œuvre de la convention. Nous nous félicitons de l’attachement du gouvernement à faire progresser la coopération tripartite conformément à ses obligations à l’égard de l’Organisation internationale du Travail. Nous comprenons la préoccupation des autorités brésiliennes au sujet de certaines méthodes de travail des organes de contrôle de l’OIT. Grâce aux efforts tripartites récents, des décisions ont été prises à cet égard, y compris à propos du travail dans le domaine des normes. Nous pensons que le travail visant à améliorer les procédures relatives à ces normes doit se poursuivre. De manière générale, nous doutons qu’il soit nécessaire de réexaminer cette question au sein de la commission et nous espérons ne pas avoir à y revenir.
Membre employeur, Algérie – Le cas que nous examinons aujourd’hui concerne le Brésil sur la convention pour laquelle certains s’évertuent à accuser le Brésil d’entrave à cette convention. Il convient de nous référer à la déclaration du gouvernement du Brésil que ce cas a été examiné par la commission l’année dernière, et ce pour les mêmes motifs. Il a été reconnu par cette même commission qu’il n’existait aucun élément qui nous indique une entrave à cette convention.
En tant que membre employeur de cette commission, je me dois d’exprimer aussi mon grand étonnement face à ce grief qui est adressé au gouvernement du Brésil d’une manière récurrente depuis des années. En effet, comment peut-on aujourd’hui accuser un pays où plus de 17 000 organisations syndicales de travailleurs enregistrées sont actives en toute liberté? Voilà une question qui devait être posée. Comment peut-on aussi accuser le Brésil d’entrave à la convention, un pays qui a consacré sa loi fondamentale sur le pluralisme syndical, le droit de négociation collective et la protection sociale ainsi que le dialogue?
Je pense que l’article 4 de la convention est très clair et que chaque pays doit prendre des mesures qui sont adaptées à sa législation nationale, ainsi que l’article 5 de la convention qui précise bien que le pays devrait prendre des mesures adaptées à la législation nationale pour étendre la négociation collective à toutes les questions qui sont relatives à la détermination des conditions de travail et d’emploi en vue de réguler les relations de travail.
Pour résoudre ces conflits, le Brésil a toujours privilégié le recours au dialogue, à la négociation et aux droits et n’a jamais pris de mesures contraires à la législation nationale pour la convention à l’encontre des travailleurs.
Je crois savoir que toute la législation nationale du Brésil est en adéquation avec les conventions qui sont ratifiées, telle la loi no 13467 qui renforce la négociation collective libre et volontaire, et ce pour encadrer la loi sur les relations de travail. Cela étant, le Brésil s’est distingué depuis toujours par une politique visant à privilégier le dialogue, la concertation avec les partenaires économiques et sociaux, comme les différentes lois qui encadrent les relations de travail.
Le Brésil aspire à construire un Etat de droit, et à ce titre veille à ce que la loi soit appliquée dans tous les domaines, y compris en matière d’exercice du droit syndical et de négociation collective. A ce titre, il est tout à fait normal, me semble-t-il, que les syndicats de travailleurs doivent se conformer à la législation et à la réglementation. Les explications ont été fournies par le gouvernement du Brésil à maintes reprises à la commission sans qu’elles soient prises en considération. On est en droit de se poser ce genre de question quand on constate l’acharnement envers le Brésil, acharnement qui fait fi de toutes les avancées enregistrées en matière de respect des conventions.
Membre travailleuse, République de Corée – Je parle au nom de la Confédération coréenne des syndicats. Je voudrais d’abord exprimer une sérieuse inquiétude quant à certains des discours que nous avons entendus aujourd’hui sur le cas du Brésil, qui essaient indûment de politiser cette commission plutôt que de se fonder sur l’analyse de la mise en œuvre de la convention. Cette argumentation ne peut que discréditer le gouvernement.
La loi no 13467 de 2017 a modifié plus de 100 articles de la législation brésilienne consolidée du travail. Parmi les nombreux aspects, je veux aborder quelques problèmes qui affectent directement les travailleurs brésiliens. Avant la réforme, la législation brésilienne interdisait aux femmes enceintes et aux mères qui allaitent de travailler dans des endroits dangereux ou insalubres. Etonnamment, ces garanties ont été supprimées, ce qui témoigne d’un manque total de respect du gouvernement brésilien pour la santé des femmes et de leurs enfants. Heureusement, nous avons reçu l’information selon laquelle, la semaine dernière, la Cour suprême fédérale du Brésil a annulé cet amendement grâce à une action judiciaire initiée par les syndicats. Nous espérons que les nombreuses autres contestations sur des points de nature constitutionnelle et conventionnelle de la réforme du travail seront également traitées en faveur des travailleurs.
L’absence d’un vaste système social de dialogue tripartite constitue un autre aspect très préoccupant de ce litige et nous sommes étonnés d’apprendre que la Commission nationale contre le travail forcé (CONATRAE) a été dissoute.
Enfin, la manière dont l’Etat brésilien a établi un lien avec la Commission de l’application des normes de la Conférence et la commission d’experts est pour le moins irrespectueux. Les critiques constructives qui cherchent à améliorer les fonctions du système sont toujours les bienvenues, mais ce n’est pas ce que nous avons observé dans ce cas particulier. Nous encourageons donc le gouvernement à reprendre et à s’engager dans un vaste dialogue social tripartite, en tenant compte notamment des observations de la commission d’experts.
Membre gouvernemental, Egypte – Je voudrais remercier le gouvernement du Brésil pour les informations importantes qu’il nous a données à travers le discours du représentant du gouvernement, sur les mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre la convention. A cet égard, il existe bien sûr un important besoin d’améliorer encore ces mécanismes pour que les travailleurs brésiliens puissent obtenir ce qu’ils veulent. La loi promulguée par le Brésil vise à intensifier les négociations collectives et non à la régression de la négociation collective, comme l’indique le représentant gouvernemental, chiffres à l’appui. Nous souhaitons la bienvenue à cette loi et nous l’appuyons. Nous sommes pleinement satisfaits, car les résultats des enquêtes menées par la Banque mondiale sur la loi concernée et ses effets positifs sur la croissance économique, la création d’emplois et de moyens de lutte contre l’emploi irrégulier. Nous soutenons également la procédure de dialogue social entreprise par le gouvernement en présence de représentants des travailleurs et des employeurs avant de promulguer cette loi. Nous voudrions encourager le gouvernement à poursuivre ce dialogue social dans tous les domaines du travail et à aller de l’avant pour améliorer les conditions de travail, de sorte qu’elles soient conformes aux conventions internationales. Nous espérons que ce comité tiendra compte des aspects importants pris en compte par le gouvernement du Brésil et les défis auxquels il est confronté.
Membre employeur, République bolivarienne du Venezuela – Nous nous associons à la proposition du groupe des employeurs quant à l’inclusion du cas du Brésil dans la liste restreinte et nous réitérons notre préoccupation quant à l’inclusion du cas pour des raisons non objectives ou de nature politique. En ce sens, nous invitons les mandants tripartites à revoir et à définir avec une clarté absolue les critères objectifs sur la base desquels la liste des pays dont les cas de violation des conventions est dressée et soumise à l’examen par la commission.
Sur le fond, nous considérons que la réforme du travail développée au Brésil, en particulier la loi no 13467/2017, est non seulement conforme, mais comprend aussi des progrès et qu’elle améliore les principes de la convention. Evidemment, la législation antérieure de 1943 n’était pas adaptée à l’évolution constante du monde du travail. La nouvelle législation établit des critères modernes et souples en totale harmonie avec les exigences actuelles en matière de travail et de production et, en tout état de cause, elle privilégie la négociation collective appliquée de manière responsable et volontaire entre les parties pour la réglementation les conditions de travail. Elle met en valeur et renforce également la négociation collective en protégeant les accords conclus par les parties, afin de se conformer à l’objectif et aux dispositions de la convention, qui permettent des adaptations de la réglementation du travail en fonction des exigences liées aux circonstances temporelles, aux activités et du lieu.
La discussion porte sur les pouvoirs reconnus aux parties par la nouvelle loi de s’entendre par la négociation sur la non-application des normes législatives spécifiques. Toutefois, cela ne signifie nullement que l’accord conclu ou les conditions de travail convenues ne seront pas plus favorables pour les travailleurs que le minimum garanti par la loi. En effet, ces dispositions ne sont applicables que dans des cas exceptionnels où le niveau de revenu élevé et les conditions intellectuelles ou professionnelles des travailleurs sont pris en compte; ainsi que le pouvoir de négociation sur une base égalitaire des syndicats qui les représentent, ce qui signifie que l’accord conclu, dans le contexte du plein exercice de la liberté de négociation, sera substantiellement plus favorable avec des avantages additionnels non prévus par la loi.
Les accords conclus lors des négociations ou des conventions collectives, conformément à la nouvelle loi, ne peuvent en aucun cas affecter ou réduire les 30 droits fondamentaux des travailleurs, tels que définis dans la Constitution fédérale. Ainsi, comme toute règle exceptionnelle, leur application est très limitée. De même, ces accords spécifiques sont applicables dans le seul contexte du secteur, de la région ou de la société concernés, pendant une période de validité maximale de deux ans. S’il n’y a pas d’instrument collectif spécifique, la législation du travail s’applique. Ainsi, les droits des travailleurs sont absolument protégés par la convention collective ou, à défaut, par la norme du travail.
Adopter une interprétation contraire impliquerait de méconnaître la capacité de négociation des travailleurs couverts par cette norme – capacité en lien avec leur niveau de rémunération et leurs capacités intellectuelles –, et également de méconnaître la responsabilité et le pouvoir de négociation des syndicats. C'est pourquoi nous nous félicitons de cette réforme du droit du travail qui modernise l’actualité des relations du travail au Brésil.
Membre travailleur, Etats-Unis – Les travailleurs canadiens s’associent à notre déclaration. Alors que nous faisons face aux défis et aux opportunités qui commencent à se présenter et seront de plus en plus nombreux avec les transformations du monde du travail, ceux qui se préoccupent des inégalités et de la polarisation grandissantes dans de nombreux pays notent avec une vive inquiétude l’affaiblissement délibéré des institutions qui œuvrent pour la justice sociale. Les institutions du marché du travail, le dialogue social et la négociation collective sont parmi les plus touchés. Les relations de travail sont une de ces institutions. Aux Etats-Unis, ces institutions ont connu un déclin au fil des décennies. Au cours de cette période, les inégalités se sont accrues de manière constante, la justice sociale s’est affaiblie et la polarisation s’est accentuée. Les changements drastiques, abrupts et irréfléchis de la législation du travail en démantelant certaines institutions sont légion. Je me concentrerai sur la création du statut de travailleur indépendant et de son impact sur les droits de négociation collective.
Dans son rapport, la commission d’experts s’est déclarée préoccupée par l’impact de la création de cette catégorie de travailleurs sur les droits de négociation. Notant que le Code du travail ne prévoit pas d’aménagement pour les droits de ces travailleurs, les experts ont invité le gouvernement à les informer en mars de l’avancement des consultations au sujet de cette partie importante et croissante de la population active qui n’a pas accès aux droits de négociation. En réponse, le mois dernier, le gouvernement a répondu franchement que la convention n’est pas, par définition, applicable aux travailleurs indépendants, la négociation collective n’étant pas adaptée au caractère occasionnel et indépendant de leurs activités. Le gouvernement a ajouté que les autorités brésiliennes compétentes peuvent détecter de véritables relations de travail dans des contrats de services déguisés. Peut-être le peuvent-t-ils, mais le feront-ils? Ce gouvernement a supprimé le ministère du Travail, restreint l’accès des travailleurs à la justice du travail et réduit la capacité des syndicats à agir de manière solidaire avec des travailleurs non affiliés, en instaurant des coûts élevés pour les travailleurs en quête de justice du travail et en refusant le prélèvement des cotisations des syndicats même lorsqu’elles ont été négociées par les employeurs et approuvées démocratiquement par les travailleurs des assemblées.
En réponse à la question de la commission d’experts au sujet de l’exclusion de ces travailleurs, le gouvernement ne fournit aucune information. Dans le meilleur des cas, gérer la création et l’expansion de cette catégorie de travailleurs nécessite un ministère du Travail extrêmement compétent et des partenaires sociaux puissants. Le Brésil n’a actuellement ni les uns ni les autres. Malgré les mises à jour des enquêtes de l’Institut brésilien de géographie et de statistique, même plusieurs mois après la création de la catégorie des travailleurs autonomes, aucune révision n’a fourni d’information précise sur la taille et le statut de cette nouvelle partie de la population active.
Selon le meilleur indicateur, celui des travailleurs indépendants, le Brésil comptait près de 24 millions de travailleurs de cette catégorie au cours du premier trimestre de cette année, soit plus du quart de la population active totale. Moins d’un tiers de ces derniers sont enregistrés et cotisent à la sécurité sociale. Moins de 15 pour cent des travailleurs indépendants sont officiellement enregistrés en tant que tels. Outre le manque de protection sociale de ces travailleurs, l’impact de ce nombre de travailleurs sans protection sera désastreux pour la société. L’accès à la négociation collective offre une certaine protection à ces travailleurs, mais le Brésil n’a rien fait à cet égard dans ses modifications irréfléchies du droit du travail.
Enfin, ces travailleurs ne sont ni suffisamment rémunérés ni suffisamment éduqués pour être en mesure de négocier pour eux-mêmes. Le salaire moyen des travailleurs indépendants au Brésil est de 417 dollars E.-U. par mois, soit 1,7 fois le salaire minimum, ce qui est nettement inférieur au salaire minimum moyen national. S’il est une catégorie de travailleurs qui a besoin d’accéder à la négociation collective, ce sont précisément ces travailleurs, mais le gouvernement leur a fermé la porte, acceptant et légalisant leur exclusion plutôt que d’agir pour la combattre. Nous remercions la commission d’experts d’avoir attiré l’attention de cette commission sur leur exclusion.
Membre gouvernemental, Angola – Je parle au nom de la délégation angolaise. Nous reconnaissons que le gouvernement brésilien prend de nombreuses mesures liées au droit d’organisation et à la négociation collective. Par conséquent, nous encourageons le Brésil à poursuivre dans cette pratique.
Membre employeur, Panama – L’OIT est l’unique Organisation des Nations Unies à caractère tripartite, et tient sa force de la négociation, de la concertation et de la création d’accords. Dans le cas du Brésil, il est important de signaler que la réforme du travail de 2017 est orientée vers la paix au moyen de la réduction de la pauvreté et des négociations individuelles et collectives. Les réformes du travail du Brésil ne violent nullement la convention de l’OIT, pas plus qu’elles ne peuvent être analysées de manière isolée, en dehors de tout le contexte économique, politique et social du pays.
Jusqu’en 2017, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, il y avait un total cumulé de 2,63 millions d’actions en justice. En décembre 2018, moins d’un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, il y a eu une réduction de 900 000 procédures, soit près de 40 pour cent des cas, c’est ça la paix sociale!
En ce qui concerne l’autonomie de la volonté des parties, la nouvelle loi autorise la négociation et l’accord mutuel en matière de résiliation de la relation de travail. Ainsi, au cours des quatre premiers mois, plus de 73 000 accords ont été négociés, c’est aussi ça la paix sociale.
Dans le cadre de la lutte contre le travail informel, qui nuit autant aux travailleurs qu’aux employeurs, de nombreuses mesures ont été mises en place pour créer de nouvelles formes de travail permettant précisément au pays de créer davantage de nouveaux postes de travail. Ainsi, plus de 97 000 nouveaux emplois ont été créés, réduisant la pauvreté.
La nouvelle législation du travail du Brésil ne viole aucun accord, pas plus qu’elle ne viole la convention; elle encourage la négociation et la concertation individuelle et collective, réduit l’informalité, réduit la pauvreté; c’est la paix sociale et c’est dans ce contexte que nous devons l’analyser. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de réclamer au pays un rapport de plus.
Membre travailleur, Italie – Je m’exprime au nom des confédérations syndicales italiennes et la raison de cette intervention est une préoccupation majeure pour les travailleurs au Brésil. C’est une intervention qui fait référence à la longue expérience de la négociation collective que nous avions dans mon pays, l’Italie. Il s’agit d’une préoccupation justifiée, peut-être oubliez-vous que la ville la plus italienne au regard de ses habitants après Rome, n’est ni Turin, ni Milan ou Naples, mais São Paulo au Brésil.
Au fil des ans, l’Italie a été un laboratoire pour assurer un équilibre, lequel n’a jamais été assuré par la loi; il l’a été grâce à la capacité des acteurs sociaux à trouver un équilibre économique et toujours grâce à la négociation collective; toutes les réformes que nous avons faites au cours des années ne visaient pas à limiter mais à étendre la négociation collective également aux formes de travail individuel, et toujours avec la participation des acteurs sociaux.
Les données et les résultats obtenus par la négociation collective au Brésil sont impressionnants. Les programmes de distribution de pensions Bolsa Família et Fome Zero, ainsi que l’augmentation ces années de 90 pour cent, études à l’appui, de la négociation collective, ont permis à 40 millions de personnes de sortir de la pauvreté.
Et à présent, des données irréfutables disent que la réforme du travail et la loi no 873 ont résulté dans une baisse de l’emploi mais pas de la protection sociale dans ce pays. C’est une donnée politique qui nous préoccupe et c’est peut-être de cela que nous devrions débattre.
Il a été demandé, en 2018, de fournir des informations, mais aussi d’assurer la participation des acteurs sociaux. En 2019, il conviendrait, à la lumière des résultats que nous aurons obtenu, de convoquer, d’entrer en contact avec et de demander la participation des acteurs sociaux et d’examiner la loi de manière conjointe.
A la veille d’un accord qui pourrait être important avec l’Union européenne et le MERCOSUR – et nous savons que le Brésil détient 80 pour cent du produit intérieur brut du MERCOSUR –, il faut garantir la tutelle et surtout le rôle et la participation des acteurs sociaux qui sont en Europe au centre du modèle social européen.
Depuis l’Italie, depuis le système de relations professionnelles de mon pays, depuis le système et le mécanisme de dialogue social européen, nous lançons au gouvernement du Brésil un appel à la responsabilité.
Membre gouvernemental, Philippines – Les Philippines reconnaissent les efforts importants que le Brésil a déployés jusqu’à présent pour donner pleinement effet à la convention. Il faut cependant noter que les réformes et leurs résultats ne peuvent être atteints ni ressentis du jour au lendemain. Dans leur juridiction, tout comme la nôtre aux Philippines, il existe des procédures légales à respecter et à mettre en œuvre avec rigueur, en particulier dans le domaine de la législation, en conformité avec la Constitution fédérale du Brésil et d’autres lois nationales.
Les Philippines sont également d’avis que, compte tenu de la complexité des réformes envisagées, le Brésil doit disposer d’un délai suffisant et raisonnable pour institutionnaliser les réformes du travail.
En outre, l’institutionnalisation des réformes du travail n’est pas la seule fonction du gouvernement. Les Philippines espèrent donc que le Brésil engagera ses partenaires tripartites dans le cadre d’une consultation sérieuse, dans un esprit de dialogue social authentique, afin de résoudre les problèmes soulevés et d’adopter les mesures nécessaires adaptées aux conditions nationales. Les Philippines espèrent que le Brésil maintiendra son engagement au titre de la convention de l’OIT et continuera à entretenir un dialogue constructif avec ses partenaires sociaux.
Les Philippines partagent également certaines des préoccupations du Brésil en ce qui concerne les méthodes de travail de la commission d’experts, dans la mesure où le tripartisme, le consensus et la transparence devraient être pleinement appliqués, en vue d’améliorer ses procédures et de renforcer la confiance entre les gouvernements et les partenaires sociaux, ainsi que pour éviter une politisation excessive des cas de pays.
Enfin, les Philippines demandent au BIT, y compris à ses organes de contrôle, de continuer à fournir à ses Etats Membres l’assistance technique et les conseils nécessaires pour assurer le plein respect des conventions, de manière qu’aucun gouvernement, travailleur ou employeur ne soit laissé pour compte dans la préparation de l’avenir du travail.
Membre employeuse, Belgique – Le groupe des employeurs se pose de sérieuses questions sur ce cas, qui revient déjà devant notre commission après examen en 2018. Les employeurs expriment donc leur préoccupation devant l’examen précoce de la loi no 13467 par les experts. Ils ont l’impression que la commission d’experts n’a pas suffisamment pris en compte, en l’occurrence, les informations transmises par le gouvernement brésilien et la position des employeurs brésiliens.
Sur le fond, les employeurs ne sont pas d’accord avec la commission d’experts sur le fait que la révision des sections nos 611-A et 611-B de la loi consolidée sur le travail ne favoriserait pas de manière adéquate le développement et l’utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire de conventions collectives dans le sens de l’article 4 de la convention. N’est-il pas étrange que les experts reprochent à la loi brésilienne d’avoir récemment instauré la primauté des conventions collectives de travail et des accords collectifs par rapport à la législation, tout en préservant les droits sociaux constitutionnels.
Au contraire, nous constatons que la négociation collective est maintenue et promue par la nouvelle loi brésilienne sur le travail, et que les accords collectifs sont même placés au-dessus d’autres types de normes, tout en garantissant le plein respect des droits sociaux constitutionnels; c’est le Parlement qui a effectué la distinction entre les matières négociables et non négociables.
Les syndicats brésiliens ne sont pas empêchés de négocier collectivement de meilleures conditions de travail pour leurs membres; la marge de négociation volontaire a même été accrue dans la mesure où non seulement des normes plus élevées peuvent être conclues, mais aussi, par exemple, des normes plus strictes en échange de normes moins strictes dans d’autres domaines, ce qui est conforme à l’autonomie de la négociation collective.
Enfin, le lien causal entre la réforme et la prétendue diminution du nombre de conventions collectives n’a pas été établi par les experts.
Dans une perspective internationale comparative, il est fréquent de rencontrer des législations nationales qui autorisent aux conventions collectives d’introduire des exceptions, des dérogations à la loi, et ce dans le respect de la Constitution et des matières dites d’ordre public.
Il nous semble donc important que le gouvernement brésilien, en consultation et en coopération avec les partenaires sociaux, puisse continuer à examiner l’impact des réformes et, le cas échéant, décider d’adaptations éventuelles appropriées, et que le gouvernement n’est tenu en tout cas d’apporter aucune modification légale sur la base de la convention.
Pour conclure, je tiens à rappeler que la paix sociale et la prospérité reposent nécessairement sur le dialogue social. Ce dialogue doit être encouragé par les gouvernements. Ce dialogue passe par l’importance de la négociation collective, par la confiance mutuelle ainsi que par la non-ingérence des autorités publiques dans les négociations qui doivent rester l’apanage des partenaires sociaux.
Membre travailleur, Allemagne – Le Brésil est Membre de l’OIT depuis sa fondation en 1919. Lors de l’adoption de la convention en 1948, les délégués brésiliens ont unanimement voté en sa faveur. Le Brésil appartient également aux pays qui ont ratifié le plus grand nombre de conventions de l’OIT, mais cette approbation des normes internationales du travail semble appartenir au passé. Au contraire, l’érosion croissante des normes sociales et du travail est à l’ordre du jour depuis quelque temps sous couvert de flexibilisation. Les réformes qui avaient pour but d’améliorer la situation des travailleurs ont, au contraire, conduit à une précarité accrue de l’emploi et à une augmentation des taux de chômage. Une politique de polarisation a progressivement creusé le fossé entre travailleurs et employeurs.
Un exemple en est, en vertu de l’article 611-A du Code consolidé des lois du travail du Brésil, la possibilité de la prééminence des conventions collectives sur la législation et la possibilité de la prééminence des conventions collectives et des accords négociés au niveau de l’entreprise sur les autres conventions collectives en vigueur dans le domaine. Les éléments énumérés dans cette disposition, notamment les règles relatives au temps de travail, au représentant du personnel sur le lieu de travail, à l’accès au programme de protection de l’emploi ou à la classification du degré d’insalubrité des conditions de travail ne sont pas exhaustifs. Autrement dit, le contenu peut en être largement étendu par les parties, à l’exception du nombre de droits énumérés à l’article 611-B. L’article 611-A permet de manière expresse de saper des lois et conventions collectives qui établissent des normes pour la protection des travailleurs. Pour donner un exemple récent, en mai 2019, un tribunal régional du travail de São Paulo a interdit à l’exploitant d’une entreprise de taxis aériens, par une injonction temporaire, d’exhorter les membres d’équipage à signer des accords prévoyant notamment la suppression d’une clause ou d’instruments collectifs déjà signés. Ceci est vrai dans de nombreux cas, les entreprises faisant pression sur leurs employés pour leur appliquer des dispositions défavorables. Quel pouvoir de négociation avez-vous en tant que travailleur «autonome» si vous courez le risque de perdre votre emploi?
L’article 611-A renverse l’idée de base des accords de négociation collective. Ils sont destinés à permettre aux parties contractantes de s’accorder sur de meilleures conditions pour les employés. Ils ne doivent toutefois pas porter atteinte au niveau de la protection juridique existante. C’est également l’avis du Comité de la liberté syndicale, selon lequel les procédures visant à promouvoir systématiquement la négociation décentralisée de conditions de travail moins favorables que celles définies par les instances supérieures conduisent à une déstabilisation globale des mécanismes de négociation collective et à un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective, contraires aux principes des conventions nos 87 et 98. Nous prions donc le gouvernement, en coopération avec les partenaires sociaux, de modifier les articles 611-A et 611-B de telle sorte que les conventions collectives ne diffèrent qu’en faveur des travailleurs, par rapport aux lois et autres conventions collectives.
Membre gouvernementale, Colombie – La Colombie exprime son ferme attachement à l’OIT et à ses organes de contrôle. La Commission de l’application des normes étant l’organe de contrôle suprême de l’OIT, nous sommes convaincus que ses méthodes de travail continueront de s’améliorer. Cela augmentera sûrement la confiance de chacun et permettra un système de contrôle de plus en plus renforcé.
Bien que le document D.1 indique, au chapitre VI, les critères à prendre en compte pour la sélection individuelle des pays convoqués à la commission, on observe que, malheureusement, la liste préliminaire et la liste finale souffrent d’un bon nombre de critères techniques, pour la confection desdites listes, ainsi que cela s’est produit dans le cas qui nous préoccupe.
Nous apprécions l’engagement pris en faveur de la promotion de la négociation collective, sur la base des principes inscrits dans la convention. Nous prenons bonne note des informations communiquées par le gouvernement du Brésil selon lesquelles la réforme de la législation du travail avait parmi ses objectifs centraux la promotion de la négociation collective, conformément aux obligations du pays dans le cadre de l’OIT. Notre pays apprécie les efforts déployés par le gouvernement brésilien pour renforcer les négociations collectives et nous espérons que le dialogue social tripartite continuera à progresser.
Membre employeur, Brésil – Comme vous le savez sans doute, nous n’avons pas de fédération nationale d’employeurs au Brésil, ni d’associations nationales d’employeurs au Brésil. Nous avons diverses confédérations nationales regroupant des employeurs de différents secteurs. Sont présentes dans cette salle les confédérations nationales de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des services, des transports, du système financier, des services de santé et des assurances, et je suis honoré de parler en leur nom.
Tout d’abord, nous appuyons avec force la déclaration du représentant gouvernemental, en ce sens qu’il s’agit d’un cas fondé sur des preuves insuffisantes, des données erronées et des informations très fragiles et que nous pensons qu’il manque un élément d’information dans notre discussion d’aujourd’hui, c’est trouver une solution pour le financement des syndicats au Brésil. C’est là la question – avant la réforme du travail, nous avions les travailleurs qui devaient cotiser à un syndicat spécifique, c’était obligatoire en vertu de la loi et, d’autre part, des syndicats qui détenaient le monopole d’une certaine catégorie d’une zone géographique spécifique, pour collecter ces contributions financières.
Il n’est donc pas surprenant que nous comptions aujourd’hui 17 000 syndicats au Brésil. C’est de loin le nombre le plus important au monde, environ 90 pour cent de tous les syndicats dans le monde, ce qui signifie, et je le souligne, que 9 syndicats sur 10 se trouvent au Brésil. Il s’agit d’une perception totale d’environ 4 milliards de dollars E.-U.
Puis vint cette réforme du travail, qui fut à nouveau approuvée par le Congrès. Elle a été approuvée à la chambre basse après dix audiences publiques, au Sénat après 22 audiences publiques, et contestée devant la Cour suprême sans succès. Cette réforme a été adoptée. Aujourd’hui, les travailleurs ne sont plus obligés de contribuer, ils ne «doivent» pas contribuer, ils «peuvent» contribuer aux syndicats et, par conséquent, les revenus chutent de quelque 90 pour cent. Un certain nombre de syndicats sont en train d’être dissous au Brésil.
Nous devons trouver une solution, mais la solution ne repose pas sur un cas basé sur une période approximative, des informations insuffisantes et des arguments fragiles. La solution consiste à s’adapter à une nouvelle économie dynamique en convaincant les travailleurs de l’efficacité et de la représentativité des syndicats.
En conclusion, nous demandons instamment à cette commission de reconnaître dans ses conclusions que, en aucune façon, il n’y a eu de violation de la convention.
Membre travailleuse, Portugal – Nous intervenons au nom de la Confédération syndicale des pays de langue portugaise qui intègre les confédérations syndicales des pays suivants: Angola, Brésil, Cabo Verde, Galice, Guinée-Bissau, Mozambique, Portugal, Sao Tomé-et-Principe et Timor-Leste.
Nous suivons avec une inquiétude profonde toutes les mesures appliquées au Brésil dans le domaine de la réforme du travail de 2017: la possibilité de dérogation généralisée aux normes juridiques qui doivent conférer un minimum de protection aux travailleurs; la prééminence accordée à la négociation au niveau de l’entreprise au détriment de la négociation sectorielle; la possibilité d’imposer des conditions moins favorables que la négociation collective à des contrats de travail individuels pour des travailleurs gagnant légèrement plus que le niveau établi, ainsi que d’exclure certains groupes de travailleurs de la protection qui leur est accordée en vertu de la négociation collective (tels que les travailleurs indépendants). Tout cela résulte d’une vision idéologique qui ne nous éloigne pas beaucoup de celle qui, au cours de la crise financière, avait essayé d’appliquer la troïka au Portugal.
Ce sont des normes qui cherchent à saper, affaiblir et même mettre fin au droit de négociation collective et au rôle des syndicats, toujours au prétexte d’accroître la sécurité juridique et de contribuer au progrès économique, ce qui a pour seul effet réel de remettre en question les principes, les valeurs et les droits fondamentaux défendus par l’OIT et de réduire la valeur du travail et sa soumission aux soi-disant libertés économiques.
Au Portugal, la contribution de mesures similaires visant à développer le pays s’est révélée nulle mais, dans le même temps, les droits du travail ont été réduits, la pauvreté s’est accrue et la couverture de la négociation collective s’est rétrécie d’année en année, obligeant à inverser les mesures après la crise.
L’image du Brésil ressemble beaucoup à celle d’avant l’application des mesures que nous venons d’évoquer. Par conséquent, il est essentiel de mettre en place un cadre juridique garantissant la pleine autonomie et le droit de participation des syndicats, ainsi que l’assistance d’une protection juridique minimale dans les matières fondamentales, fondé sur la base des principes de la négociation collective et du système de relations de travail qui sauvegarde la sécurité des travailleurs et le rôle fondamental de la négociation collective pour tous les travailleurs. C’est seulement ainsi que les bases de la croissance économique et d’un progrès social réel, durable et équitable seront posées.
Membre travailleur, Espagne – Nous sommes ici pour veiller au système de normes. La réforme du travail brésilienne et la loi no 873, qui établissent que la négociation collective peut déroger à la réglementation juridique des conditions de travail fondamentales pour garantir un travail décent au Brésil, ne sont pas évoquées ici pour des raisons politiques, mais parce qu’elles ont clairement violé la convention.
La législation mise en cause ici permet d’affaiblir la réglementation établie dans la législation nationale et même dans les conventions internationales ratifiées par le Brésil dans des domaines tels que la durée du travail, les périodes de repos ou le système de rémunération. Elle établit également la prédominance des accords d’entreprise sur les accords collectifs sectoriels et leur capacité à transformer la réglementation légale des conditions de travail par d’autres accords moins garantis, en excluant de facto les syndicats de la négociation.
Avec la réforme du travail et la loi no 873, le gouvernement du Brésil a provoqué et garanti la tourmente contre la nature de la négociation collective, les droits collectifs des travailleurs et la réglementation des conditions de travail décentes, en violation de la convention, dans la législation et la pratique. La possibilité donnée à la négociation collective de contourner les dispositions normatives, qui établissent le cadre minimum régissant les relations de travail, dynamite la nature de la négociation et sa fonction spécifique en tant qu’instrument d’amélioration des conditions de travail et de la qualité de la vie, et assouplit la législation du travail de telle manière que la classe ouvrière et les organisations syndicales sont laissées sans protection, au point de les soumettre à la volonté de ceux qui détiennent le pouvoir dans les relations de travail.
Le gouvernement du Brésil a la responsabilité de garantir la paix et la justice sociale, d’améliorer la qualité de la vie des citoyens et de garantir que les droits syndicaux et la négociation collective servent leur objectif et peuvent être exercés normalement.
Cependant, au lieu de cela, l’action du gouvernement a été de:
- mener une attaque frontale contre le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail décentes;
- compromettre l’application des normes internationales régissant les conditions de travail minimales;
- enfreindre les droits collectifs des travailleurs;
- freiner la négociation de conventions collectives dont le nombre a considérablement diminué depuis la promulgation de la réforme législative en novembre 2017;
- promouvoir l’individualisation des relations de travail;
- s’en prendre à la survie des organisations syndicales.
Pour toutes ces raisons, en raison de la grave violation de la convention de l’OIT qu’elle implique, nous estimons que le gouvernement du Brésil mérite une réaction ferme et énergique de la part de cette commission.
Membre employeur, Chili – Pour la deuxième année consécutive, la commission doit s’occuper du cas du Brésil. Et il est important de rappeler que les employeurs ont déjà mis en doute la pertinence de l’inclusion de ce cas dans la liste restreinte l’année dernière, dès lors que la commission d’experts avait examiné le cas en dehors du cycle normal des rapports et que l’analyse était centrée sur la loi no 13467, dans des circonstances telles qu’il s’agissait d’une norme n’ayant que peu de mois de validité pour en évaluer les effets.
Les conclusions de la Commission de l’application des normes de l’année dernière recommandaient seulement au gouvernement de fournir des informations sur l’application de la nouvelle loi et sur les consultations menées avec les partenaires sociaux.
Cette année encore, le Brésil fera l’objet d’un examen de la part de cette commission dans des circonstances selon lesquelles, même s’il y a de nouvelles observations de la part de la commission d’experts, franchement, on ne comprend pas quels sont les critères objectifs de sélection des cas. Cela est très important, car la crédibilité et l’efficacité des travaux de la Commission de l’application des normes doivent reposer sur la transparence.
Nous sommes conscients qu’il existe des critères géographiques pour répartir le nombre de cas par pays, que les cas comportant une double note de bas de page sont également classés par ordre de priorité, que l’on essaie de hiérarchiser les cas qui font référence à des conventions fondamentales de l’OIT et que le nombre de cas pour lesquels les groupes peuvent mettre leur veto est limité.
Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que les pressions politiques exercées par l’un des groupes constitutifs de l’OIT l’emportent sur les critères objectifs de conformité normative qui devraient guider les travaux de tous les organes de contrôle de l’OIT, y compris ceux de la Commission de l’application des normes.
En ce qui concerne les articles 611-A et 611-B de la loi no 13467, il est important d’être clair: il s’agit de dispositions qui ne peuvent en aucun cas porter atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs définis par la Constitution fédérale brésilienne. Ils traitent «d’accords volontaires possibles entre syndicats et employeurs», qui ne constituent pas une imposition unilatérale et qui, en outre, ont une validité limitée à un maximum de deux ans.
Par conséquent, nous considérons que ces articles ont pour objectif d’encourager et de promouvoir la négociation collective volontaire, en soulignant son importance en tant qu’instrument permettant aux parties de participer volontairement, afin d’adapter une partie de la réglementation normative à leurs besoins spécifiques.
Penser que les dispositions susvisées pourraient être imposées unilatéralement par les employeurs aux syndicats équivaudrait à méconnaître les capacités de ces derniers à être les interlocuteurs des travailleurs qu’ils représentent.
Membre travailleur, Colombie – Au nom des travailleurs de Colombie, nous demandons à nouveau à la commission d’interroger le gouvernement du Brésil sur la mise en œuvre de sa législation du travail de 2017, contraire aux principes de cette convention fondamentale de l’OIT. La première chose à souligner est que les observations, demandes et recommandations des organes de contrôle: Comité de la liberté syndicale, commission d’experts et Commission de l’application des normes donnent vie aux normes internationales du travail; que leur travail est fondamental pour cette assemblée et que leurs déclarations, en particulier celles relatives à la liberté syndicale, sont l’application même des conventions nos 87 et 98 ou, comme on dit dans mon pays, entre les organes de contrôle et les conventions «il n’y a même pas une feuille de papier».
Hier, ici même, les employeurs ont interpellé le gouvernement uruguayen au sujet de certaines questions au sujet desquelles nous estimons que le gouvernement brésilien devrait être sérieusement critiqué aujourd’hui:
1) le gouvernement brésilien n’a pas consulté, n’a pas demandé aux représentants des travailleurs, ni informé les centrales syndicales brésiliennes de la réforme du travail qui allait être approuvée, il l’a simplement imposée;
2) le gouvernement du Brésil a complètement ignoré les recommandations des experts dans les rapports de 2017, 2018 et de nouveau en 2019, où ils ont estimé et noté avec préoccupation que «la dérogation au droit du travail par le biais de la négociation collective contrevient à l’objectif de promotion de la négociation collective libre et volontaire», et demandé au gouvernement de mettre la loi en conformité avec la convention;
3) le gouvernement du Brésil se réclame avec véhémence de la limitation de la période de validité maximale d’une convention collective ou d’un accord collectif à deux ans alors que les organes de contrôle ont précisé que cela est contraire à l’article 4 de la convention.
Enfin, nous souhaitons rappeler que l’esprit de la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981, et l’interprétation qui en est donnée par les organes de contrôle, est que «les accords individuels établis dans les contrats de travail ne devraient pas porter préjudice à la négociation collective avec les organisations syndicales» et ne doivent pas porter atteinte aux garanties prévues par la loi. La réforme du travail au Brésil vise précisément l’objectif inverse et, par là même, son gouvernement continue de violer les négociations collectives.
Membre employeur, Mexique – Je dois commencer par rappeler que le Brésil est l’un des pays où le taux de ratification des conventions de l’OIT est le plus élevé et que, dans le même esprit, les droits des travailleurs qui ont été créés au fil du temps ont été élevés au niveau constitutionnel en 1988, avec notamment la reconnaissance des instruments collectifs du travail.
Il est évident que la prétendue réforme du travail au Brésil n’a ni abrogé ni modifié les droits fondamentaux du travail consacrés dans la Constitution; la loi n’autorise les travailleurs et les employeurs, seulement s’ils le souhaitent, d’un commun accord et sur une base volontaire, qu’à établir des règles relatives aux formes de travail, dans des circonstances spécifiques et déterminées dans le temps, sans déroger aux droits fondamentaux susmentionnés, ce qui ne constitue en aucun cas une violation de la convention.
Il est important de rappeler et de préciser que, lorsqu’il n’y a pas d’accord entre les travailleurs et l’employeur par le biais de négociations collectives, le texte de la loi prévaut. Il est clair que la réforme du travail est conforme au contenu des normes de l’OIT, en particulier de la présente convention.
L’un des objectifs fondamentaux de la négociation collective dans le cadre de la réforme du travail est de permettre, par ce biais, de prendre des dispositions en rapport avec les activités et les besoins réels du lieu du travail qui peuvent ne pas avoir été nécessairement envisagées dans la loi, et ce, comme résultat d’un dialogue, de concessions réciproques et d’accords contractuels qui, contrairement à la perception qu’en donne le rapport, entraînent des opportunités d’amélioration des conditions de travail.
La preuve en est que, selon les informations obtenues, les travailleurs n’ont pas été affectés par la réforme; selon nos informations, les préoccupations ont été exposées devant les instances judiciaires nationales au Brésil, avant même de faire l’objet d’une proposition devant cette Organisation.
Un autre élément d’appréciation est qu’aucun syndicat de travailleurs au Brésil n’a signalé de violation de la Constitution, de la convention ou de toute autre norme de l’OIT. Tout cela montre clairement qu’il n’y a rien à remettre en question. En ce qui concerne l’avenir, au regard des particularités de tout lieu de travail, nous tenons à reconnaître que la loi est nécessaire pour établir un cadre définissant des seuils et des plafonds.
Cependant, il est également essentiel de permettre la négociation collective dans le cadre de la réforme du travail au Brésil afin d’identifier les besoins spécifiques et d’adapter les conditions de travail aux exigences des activités, dans l’intérêt des parties, de la compétitivité, de l’emploi et du développement durable.
Observatrice, Association latino-américaine des juristes du travail – Outre la vice-présidente de l’Association latino-américaine des juristes du travail, je représente l’Association brésilienne des juristes du travail. J’apporte des données permettant de clarifier les points qui devraient être pris en compte par cette commission, en ce qui concerne les aspects techniques et non politiques du cas.
Depuis la réforme du travail au Brésil, un large éventail de mesures directement liées à la convention a été mis en œuvre, toutes judiciarisées dans le cadre de trois instances ainsi que par la Cour constitutionnelle, actions dont la résolution prendra du temps. Selon les statistiques du Conseil supérieur de la justice du travail du Brésil, des dizaines de milliers de cas se sont accumulés.
La couverture de travailleurs par des conventions collectives s’est considérablement réduite. Selon l’Association brésilienne des magistrats du travail, le nombre de conventions collectives a chuté de 43 pour cent. Mais, phénomène plus ample et plus dangereux, la substitution de la négociation collective par des contrats individuels est effrayante par le nombre de déguisements artificiels de travailleurs en entrepreneurs indépendants, cachant ainsi une dépendance et une subordination strictes.
En mars 2016, l’enquête nationale menée auprès d’un échantillon local de l’Institut brésilien de géographie et de statistique, organisme gouvernemental officiel, a mis en évidence l’existence de 9,5 millions de travailleurs non immatriculés et, partant, non couverts par la négociation collective. En avril 2019, ce nombre est passé à plus de 11,2 millions ce qui signifie que, en trois ans, plus de 1 600 000 travailleurs ont été directement privés de protection.
Nous avons environ 8 millions de microentrepreneurs, après une augmentation de 25 pour cent en deux ans – presque tous des autoentrepreneurs – avec une augmentation qui pose la question de savoir comment les travailleurs brésiliens s’étaient endormis salariés et se sont réveillés employeurs.
Certains des gouvernements ici présents peuvent penser que la réforme faite au Brésil présente certaines similitudes avec les modifications apportées dans leurs Etats. Mais loin de nous l’idée paradoxale d’élargir les pouvoirs de négociation – en particulier afin de permettre la réduction des droits – tout en supprimant tous les moyens et toutes les armes de la négociation, dans des conditions de parité.
L’article 19.8 de la Constitution de l’OIT doit être invoqué, car le Brésil a privé de protection un nombre énorme de travailleurs, soumis à des règles régressives et antisyndicales, qui violent l’esprit de la convention, lequel doit être préservé.
Membre employeur, Paraguay – Je voudrais traduire l’opinion de ma délégation, au sujet du cas du Brésil, examiné ici pour la deuxième fois, ce qui constitue une injustice malgré les propos des adversaires de la réforme du travail au Brésil.
L’OIT est, par nature, tripartite, ce qui requiert que la discussion sur les relations de travail soit totalement technique.
Il est important de garder à l’esprit que la réforme du travail est un agenda du pays et qu’il s’agit d’un effort ciblé, résultat d’au moins vingt ans de débat en faveur de l’amélioration des relations de travail au Brésil et fondé sur le préalable de l’incitation et de l’évaluation de la négociation collective.
Ce fait revêt une importance particulière dans ce cas précis de la réforme du travail, lorsqu’il est vérifié que le préalable de la réforme est précisément l’incitation, la protection et la valorisation de négociations collectives libres et spontanées, de la manière préconisée par cette convention et la convention no 154, toutes deux ratifiées par le Brésil.
La Constitution fédérale du Brésil prévoit déjà, depuis 1988, parmi les droits des travailleurs, la reconnaissance des conventions et contrats collectifs du travail. La Cour suprême du Brésil s’est également positionnée en faveur de la préservation de la négociation collective.
Toutes ces questions ont servi d’éléments à la réforme du travail, mettant en évidence les lignes directrices de l’adoption de la négociation collective, par exemple, des conditions de travail négociables, telles que la rémunération à la productivité, le télétravail, le changement des jours fériés, etc., sans négliger de désigner les conditions de travail qui ne peuvent pas être négociées, telles que les droits des travailleurs énoncés dans la Constitution, parmi lesquels, les congés de maternité et de paternité, les congés annuels et l’assurances contre les accidents du travail.
Malgré tout, nous pouvons affirmer qu’il ne fait aucun doute que la réforme du travail au Brésil respecte pleinement la convention.
Membre gouvernemental, Argentine – Le gouvernement argentin remercie les représentants des gouvernements ainsi que les acteurs sociaux qui se sont exprimés sur ce point de l’ordre du jour. Conformément à ce qui a été exprimé par le GRULAC, nous voudrions dire notre préoccupation concernant les critères adoptés pour l’établissement de la liste des pays. Nous observons qu’un grave déséquilibre géographique persiste en la matière, affectant en particulier toute notre région.
Nous proposons donc l’application de critères plus objectifs et de méthodes plus transparentes pour attirer l’attention sur les cas de violation grave des normes internationales du travail, ce qui permet de suggérer des améliorations pour répondre en priorité aux revendications des acteurs sociaux dont les droits fondamentaux sont le plus sérieusement enfreints.
Nous avons écouté attentivement l’intervention du Brésil sur sa réforme de la main-d’œuvre. Le Brésil est l’un des pays qui a ratifié la majorité des conventions internationales du travail et qui cherche en permanence à réaliser l’harmonie nécessaire entre le texte de la norme internationale et sa législation nationale. La réforme du travail au Brésil est un processus de construction progressive de nature parlementaire, respectant les garanties constitutionnelles; c’est l’exemple frappant des défis qui se posent actuellement dans le pays et qui exigent l’adaptation des normes aux réalités économiques imposées par la mondialisation.
Aujourd’hui, le contrat social n’est plus le même qu’il y a quarante ans, il exige des changements conformes à un monde différent régi par les progrès et la dynamique de la compétitivité internationale. La nécessité d’un emploi équitable comporte de nouvelles conditions et nous devons nous y adapter en préservant les valeurs de justice sociale.
Il ne faut pas oublier que les explications fournies par le Brésil sur la convention no 87 au sujet des projets de loi émanant du Parlement ont été le fruit de profonds débats et qu’ils ont été appliqués de manière progressive dans le cadre des nouvelles relations de travail.
Il est incompréhensible que le Brésil ait été inclus dans la liste des pays en 2018 et 2019. Le supposé équilibre régional entraîne une injustice mondiale. Ceux qui ont fondé cette Organisation ont vu un travail décent et la justice sociale; ils n’ont pas vu le travail des enfants, ils ont vu le développement, la croissance et le progrès. Cent ans plus tard, alors que le Brésil figure dans la liste restreinte, il existe de nombreux endroits dans le monde où les travailleurs ne sont même pas au courant de l’existence de cette Organisation. Et c’est pourquoi il faut maintenir l’équilibre régional.
Comme dans de nombreux autres Etats du monde, la situation au Brésil, n’est pas paradisiaque. Je ne doute pas que le monde soit rempli de listes restreintes bien plus graves qui ne figurent pas dans notre catalogue.
Ceux d’entre nous qui sont présents ici ne veulent pas que cette Organisation fasse, à l’avenir, partie du musée des acronymes. Pour éviter cela, nous devons jauger nos forces et nos capacités avec un sens critique et non complaisant. Tout cela parce que nous ne voulons pas, à l’avenir, nous rappeler avec nostalgie notre passé, qui est aujourd’hui notre présent.
Si nous ne disions pas tout cela, si nous gardions le silence, nous serions tous témoins d’une complicité internationale du silence.
Membre employeur, Espagne – Pour la deuxième fois consécutive, nous discutons de ce cas avec les mêmes arguments que l’an dernier et sans aucune base technique pour justifier l’intégration de cette question dans la liste des cas à examiner par cette commission. Nous, membres de la commission, devons veiller à ce que seuls les cas qui violent manifestement les accords figurent sur la liste, sur la base de méthodes et de critères objectifs. Nous souhaitons rappeler que cette même affaire a été examinée l’année dernière au sein de cette même commission qui, dans ses conclusions, a déterminé qu’il n’y avait aucun élément indiquant une violation de la convention.
D’entrée de jeu, nous sommes convaincus que la négociation collective promue dans la nouvelle réforme du travail ne viole en aucun cas les conventions de l’OIT, en particulier la présente convention.
Nous pensons qu’avec la nouvelle loi la négociation collective devient plus pertinente en permettant aux représentants des entreprises et des travailleurs de négocier de meilleures conditions que celles prévues dans la législation. C’est ce sens, et non un autre, que nous devons conférer à la prépondérance de la négociation collective, conforme à la loi, et inscrite dans la nouvelle législation.
Tout cela s’applique sans porter atteinte en aucun cas aux droits du travail garantis par la Constitution.
Dans le même temps, nous devons attirer l’attention sur le fait que l’article 4 de la convention devrait servir d’argument pour encourager les négociations volontaires. En ce sens, la législation brésilienne n’a fait que renforcer ce principe de négociation collective.
Mais, outre ce qui précède, nous tenons à souligner que la réforme a déjà commencé à générer ses premiers résultats positifs. Parmi eux, il faut mentionner les effets suivants:
- la réduction de 40 pour cent des conflits du travail devant les tribunaux;
- la mise à jour de la législation du travail;
- des incitations à favoriser le dialogue et à éviter les conflits juridiques, qui se sont traduits par 82 000 accords de médiation en 2018;
- de plus grandes opportunités de recrutement pour les travailleurs.
Le débat important que les agents sociaux ont entretenu lors du traitement de cette proposition législative et de la consultation de la société civile menée par le Congrès, dans le strict respect de la législation en vigueur, mérite une attention particulière.
Compte tenu de ce qui précède, la commission ne peut que conclure que la loi no 13467 est conforme aux conventions de l’OIT.
Membre gouvernementale, Panama – La délégation gouvernementale du Panama remercie le distingué délégué du Brésil pour ses explications sur la réforme du travail, mise en œuvre pour promouvoir la négociation collective en vue de l’exécution des obligations contractées par le pays à l’égard de l’OIT.
Nous tenons à réaffirmer que le cas présent est un exemple flagrant de ce que notre groupe régional, le GRULAC, a mis en lumière pour montrer que la sélection ne reflète pas une proportionnalité géographique adéquate des cas.
En ce qui concerne les commentaires de la commission d’experts sur l’application de la convention au Brésil, nous regrettons d’avoir choisi de ne pas attendre le cycle régulier de rapport du gouvernement brésilien sur l’application de cette convention, prévu pour cette année. Par conséquent, la commission ne dispose pas des éléments pertinents et opportuns sur le champ d’application des mesures législatives mises en œuvre par les autorités brésiliennes et que le pouvoir judiciaire national examine actuellement.
Cette commission et l’OIT, dans son ensemble, doivent reconnaître les efforts importants déployés par les gouvernements, les institutions et les organisations nationales pour interpréter les normes tout en tenant compte de la situation, du système juridique et des capacités nationales.
Nous encourageons le gouvernement du Brésil et les partenaires sociaux à rester fermement attachés à la promotion de la négociation collective et à mettre en place, par le biais du dialogue social tripartite, les mesures nécessaires pour préserver le respect des principes consacrés par la convention.
Membre employeur, Guatemala – C’est la deuxième fois que cette affaire est examinée au sein de la commission, comme l’ont dit les orateurs qui m’ont précédé. Sans entrer dans les motifs d’une telle inclusion, la vérité est qu’elle nous donne l’occasion d’analyser un peu plus en détail la législation brésilienne récemment adoptée, qui part du principe du renforcement de la négociation collective dans les termes requis par l’article 4 de la convention.
En conséquence, les droits des travailleurs inscrits dans la Constitution sont à la base de la négociation, laquelle constitue une garantie générale de protection dans un pays qui élève les droits du travail au niveau constitutionnel.
Que nous discutions de ce cas à l’occasion du centenaire de l’OIT et que ce centenaire coïncide avec le changement d’époque que représente la quatrième révolution me paraît très symbolique. L’occasion est donc propice pour analyser la manière dont les normes doivent s’adapter aux besoins actuels du marché du travail et, en corrélation avec cette vision de l’avenir, nous devons comprendre la portée des normes.
Il me semble que, dans la réforme mise en œuvre au Brésil, il existe de bons exemples de la manière de parvenir à une adéquation, sans pour autant renoncer aux garanties fondamentales du travail. Je cite, à titre d’exemple, la règle énoncée à l’article 444 du Code, relative à l’articulation entre la négociation collective et les contrats de travail individuels, qui laisse une plus grande marge d’action aux parties qui négocient leurs conditions de travail sous la forme d’un contrat déterminé dans des conditions spécifiques.
Une appréhension correcte de cette norme suppose de comprendre la double garantie qu’elle représente pour le travailleur, d’une part, en se référant aux personnes possédant certaines qualifications et, d’autre part, en garantissant une série de droits en vertu d’une disposition constitutionnelle. C’est également l’occasion d’adapter, dans cette situation changeante, les services spécialisés fournis par ce travailleur aux besoins changeants de l’entreprise et de son environnement.
Cela rend compatibles les besoins de sécurité juridique des droits du travailleur, avec le besoin d’adaptation aux nouvelles formes de travail et surtout la stabilité du travailleur, dont l’emploi pourrait disparaître en l’absence d’une règle permettant une telle adaptation.
Nous appuyons les propos du porte-parole de notre groupe, en ce sens que la disposition antérieure ne relève pas de l’article 4 de la convention, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’infraction.
Membre gouvernementale, Chili – Notre délégation s’associe à la déclaration faite par l’Argentine au nom d’une majorité significative des Etats du GRULAC. Comme cela a également été exprimé par plusieurs pays de notre région qui nous ont précédés, nous partageons la préoccupation concernant l’application des critères de sélection des cas à analyser par la commission et, à cet égard, nous souhaiterions que cette procédure soit plus transparente et menée avec la participation de tous les mandants de manière tripartite.
Nous partageons la préoccupation relative au fait que les efforts du gouvernement brésilien n’aient pas été suffisamment reconnus. En outre, si ce pays avait eu suffisamment de temps pour pouvoir partager les informations pertinentes avec cette commission, peut-être ce cas ne ferait-il pas l’objet d’un examen ici. Nous sympathisons également avec les autres pays de notre région qui, malgré les efforts déployés en fonction de leurs réalités nationales, ont également été inclus dans cette courte liste.
Nous encourageons cette commission à proposer des mesures constructives et intégrant le dialogue social en tant qu’élément central pour avancer face aux nombreux défis de l’avenir du travail.
Membre employeur, Honduras – Rien ne permet de justifier l’interpellation du Brésil devant la commission, la réforme de la législation du travail introduite par la loi no 13467 de 2017 ne viole ni les normes internationales du travail ni les droits du travail garantis par la Constitution brésilienne. Au contraire, elle renforce les objectifs du concept juridique de négociation collective, garantissant que les instruments collectifs peuvent être conclus en tenant compte des modes de travail et de production actuels, sans ingérence de la part de l’Etat.
La nouvelle loi renforce les principes de l’Etat de droit en garantissant la sécurité juridique des partenaires sociaux qui recourent à la négociation collective, en tant qu’outil de préservation de l’autonomie des parties, en donnant la priorité à la négociation sur la loi.
Il semble nécessaire de réaffirmer avec force ce qui a déjà été exprimé dans cette salle: «L’article 4 de la convention n’énonce aucune obligation absolue pour la négociation collective de définir des conditions plus favorables que celles établies par la loi.» En réalité, la convention stipule que les pays doivent adopter des mesures telles que la négociation collective soit adaptée aux conditions nationales, ce qui est précisément le cas au Brésil.
Il est inquiétant que la commission d’experts puisse considérer que la négociation collective n’est valable que si elle contient des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la loi. Il s’agit là d’une modification des règles définies par la convention et d’une violence à l’encontre des principes mêmes de l’OIT.
Par conséquent, il n’y a aucune raison pour que cette commission examine à nouveau le cas du Brésil.
Membre travailleur, Uruguay – Tout d’abord, je veux exprimer la plus profonde solidarité du mouvement syndical uruguayen, notre Intersyndicale plénière des travailleurs-Convention nationale des travailleurs (PITC-NT), avec les travailleurs du Brésil. Les travailleurs ne sont pas animés par une intention politique à court terme; les peuples, du fait de leurs connaissances, situent les gouvernements en fonction des différentes trajectoires politiques. Cela encourage les travailleurs non seulement à la nécessité technique de respecter les conventions internationales, mais également à la nécessité politique, non partisane, de faire progresser les droits des travailleurs et des peuples conformément à la réglementation en vigueur.
De notre point de vue, la convention est cohérente, sans quoi on ne s’expliquerait pas comment l’article 1 établit la liberté syndicale, et l’article 4, le droit de négociation collective. Ce sont les deux faces d’une même pièce.
La négociation collective dans cette société n’est pas une négociation entre égaux et, bien que le slogan selon lequel le travail ne serait pas une marchandise soit romantique, nous ne pouvons pas expliquer le fonctionnement de la société si nous ne tenons pas compte du fonctionnement du marché du travail. Strictement privés des moyens de production, nous, les travailleurs, sommes obligés de vendre notre capacité de travail, notre force de travail, en échange d’un salaire, et nous les vendons à ceux qui possèdent le pouvoir économique et les moyens de production de capital pour nous embaucher; le marché du travail est une réalité quotidienne.
Un événement extérieur à la négociation collective influe quotidiennement sur les conditions salariales et la durée du travail dans lesquelles les travailleurs doivent travailler. Par exemple, le phénomène de chômage: s’il y a beaucoup de chômage, les travailleurs doivent négocier à la baisse.
Nous sommes radicalement opposés à cette réforme du travail, car elle ajoute effectivement un élément de compétitivité à la baisse, des éléments de chantage, à l’encontre de la partie la plus faible de la relation de travail. En permettant que la convention puisse être inférieure à la loi, elle ajoute un élément de chantage encore plus important lorsqu’elle permet l’individualisation de la résiliation de la relation de travail en vertu de la convention collective.
Le syndicat est l’union libre et volontaire des travailleurs pour défendre leurs intérêts. Le syndicat est démantelé au moyen de l’individualisation la négociation collective et en soumettant les travailleurs à des systèmes de déréglementation importants.
Par conséquent, de notre point de vue, il est juste que cette commission analyse de manière approfondie la manière dont le Brésil se conforme aux dispositions établies par l’OIT, afin que la prétendue paix sociale ne soit pas la paix des cimetières.
Membre gouvernemental, Roumanie – Je parle au nom de l’Union européenne (UE) et de ses 28 Etats membres. La Norvège, pays de l’AELE, membre de l’Espace économique européen, s’associe à cette déclaration. Nous ne souhaitons pas faire de commentaires sur le cas dont nous discutons maintenant. Cependant, nous nous sentons obligés de soulever des points de nature fondamentale à propos de certains commentaires formulés depuis le début de cette commission sur le système de contrôle en soi. Nous voudrions rappeler que les normes internationales du travail fournissent le cadre juridique de l’Agenda du travail décent. Ces normes internationales du travail s’appuient sur un système de contrôle et la coopération technique du BIT sur le terrain pour leur application dans la loi et dans la pratique. L’UE et ses Etats membres soutiennent les normes de l’OIT et les mécanismes de contrôle et s’opposeront fermement à toute tentative visant à affaiblir ou à saper le système. Adopter des normes internationales sans disposer d’un système de contrôle puissant et indépendant pour superviser leur mise en œuvre serait non seulement inefficace, mais également inquiétant. En effet, nous ne devons pas douter du fait que le système de contrôle est essentiel pour assurer la crédibilité du travail de l’Organisation dans son ensemble. Par conséquent, nous appelons tous les constituants à maintenir une position constructive et à respecter les règles de ces mécanismes.
Représentant gouvernemental – Le Brésil s’associe à la déclaration faite par l’Argentine au nom du GRULAC et nous remercions tous les gouvernements et partenaires sociaux qui se sont joints à notre appel en faveur d’une réforme complète du système de contrôle, tant au sein de cette commission qu’ailleurs, lors de la présente Conférence. Nous avons présenté des faits concrets et des preuves que le Brésil se conforme pleinement à la convention no 98, ainsi qu’à d’autres conventions de l’OIT. En outre, nous avons indiqué que la commission d’experts s’était fondée sur des informations erronées extraites par les accusateurs d’études douteuses et partiales dans des articles de journaux. Cela est en contradiction manifeste avec l’analyse moderne des politiques publiques et les études de droit comparé international. Notre délégation transmettra les études de la FIPE sur les négociations collectives et les études mentionnées de la Banque mondiale, de l’OCDE et du FMI. Je tiens à exprimer mon plus grand respect pour les travailleurs qui ont pris la parole, en particulier pour le porte-parole des travailleurs, M. Mark Leemans, et le représentant des travailleurs brésiliens, M. Lisboa. Je dois cependant souligner que nous devrions nous concentrer sur les problèmes de la présente session. La réforme du travail est un outil important pour réduire l’emploi informel, assurer la sécurité juridique et encourager les investissements. La réforme du travail n’a toutefois pas porté atteinte aux droits du travail ni, donc, au coût du travail au Brésil. Et, comme on dit en portugais, «on ne décrète pas les emplois». La création d’emplois est le facteur de l’économie dans son ensemble, déjà faible après la récession économique la plus profonde de notre histoire. Cela dit, depuis la réforme du travail au Brésil, plus de 850 000 emplois ont été créés dans le secteur formel. Selon les statistiques officielles, il y avait 38,7 millions de travailleurs dans le secteur formel en avril 2019, contre 37,9 millions deux ans auparavant. A titre de comparaison, au cours des deux années précédant la modernisation de la législation du travail, plus de 1,6 million d’emplois formels ont été perdus. Les statistiques de l’enquête annuelle auprès des ménage (PNAD) confirment 3 millions de travailleurs de plus au premier trimestre de 2019 par rapport à la même période de 2017. De plus, elles ne font état d’aucune perte en termes de salaire réel des travailleurs. Les accusations de précarisation du marché du travail ne sont pas fondées et ne sont étayées par aucune preuve. Les nouvelles formes de contrats concernent un nombre négligeable de contrats. Par exemple, le travail intermittent représente 0,16 pour cent du total des contrats officiels. De même, les données officielles montrent que la part des contrats à durée déterminée représente moins de 1 pour cent du total des contrats formels. Il reste encore beaucoup à faire, et l’économie est toujours très faible, mais nous sommes sur la bonne voie. En ce qui concerne la relation entre la législation du travail et la convention collective, en l’occurrence l’article 611-A de la loi no 13467, la commission d’experts indique que la possibilité hypothétique, par la négociation collective, de dérogations susceptibles de réduire les droits et la protection conférés par la législation du travail aux travailleurs découragerait la négociation collective et irait donc à l’encontre des objectifs de la convention. Cette déclaration n’est qu’une présomption sans fondement. Aucune confirmation de dérogation ou de convention collective dommageable n’a été présentée au cours des trois dernières années depuis que la commission a commencé à accuser le Brésil. Une légère réduction du nombre de conventions collectives est liée à la faiblesse générale de l’économie brésilienne et s’est accompagnée de négociations plus multiformes dans l’intérêt des travailleurs et des employeurs. Ces données sont corroborées par des preuves solides d’études récentes d’institutions de recherche indépendantes et d’organisations internationales, une fois encore, comme la Banque mondiale. La réforme du travail est le fruit de nombreuses années de discussions au sein de la société brésilienne, suivies de consultations préalables avec les syndicats centraux et de centaines d’interactions au sein du Parlement brésilien, les mêmes institutions qui ont ratifié toutes les conventions de l’OIT.
En ce qui concerne la prééminence des accords collectifs sur les conditions générales des conventions collectives, l’article 620 a pour but de permettre des accords collectifs, beaucoup plus proches du quotidien des travailleurs, au niveau de l’entreprise. Ainsi, cette réalité concrète peut être mieux traduite au moyen de l’accord collectif, en donnant plus de densité aux clauses négociées.
En ce qui concerne la relation entre les contrats individuels et les conventions collectives, article 444, il convient de rappeler que l’article 4 de la convention ne fait pas référence aux contrats individuels de travail. En outre, les possibilités énoncées à l’article 444 (et non à l’article 442, comme indiqué à tort dans un précédent rapport) de la législation du travail modifiée ne s’appliquent qu’à une petite partie de la population brésilienne, soit 0,25 pour cent de la population appartenant à la couche supérieure de revenu, personnes occupant généralement des postes de direction.
En ce qui concerne la mesure provisoire no 873, la disposition est en réalité très simple, elle réaffirme que les contributions du syndicat dépendent d’une autorisation préalable écrite et individuelle du salarié ou de l’entreprise, de sorte que le salarié a le choix de financer le syndicat. Je voudrais rappeler qu’avant la réforme du travail les cotisations syndicales étaient obligatoires, au point qu’en portugais on parle de taxe syndicale et non de cotisations syndicales.
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, certains syndicats ont contourné la loi en imposant des contributions obligatoires par le biais d’assemblées générales et d’une représentation douteuse, qui permettait l’autorisation collective. Les salariés ont été lésés dans leurs droits à la liberté syndicale, de sorte que la mesure provisoire était nécessaire pour appliquer la réforme du travail et garantir la volonté du Parlement.
En conclusion, il n’y a aucune raison de penser, comme l’a suggéré la commission d’experts, que la nouvelle législation du travail au Brésil découragerait la négociation collective. Les travailleurs conservent la possibilité d’opter, lors d’une négociation volontaire, pour des dispositions légales lorsqu’elles sont jugées plus favorables que les conditions proposées par l’autre partie.
L’examen du cas brésilien a enfreint les principes les plus élémentaires d’une procédure régulière. Un système permettant cela, sans contrôles ni contrepoids efficaces, est contraire aux buts et objectifs de l’OIT.
Le Brésil refuse toute attaque contre ses institutions. Au cours des deux dernières années, le Brésil a fait face à une crise politique et à une récession économique. Nous avons mis en œuvre d’importantes réformes économiques et du travail, promulguées par la législation, et promu des changements positifs. La démocratie est vivante, la société civile est dynamique, le débat politique est en plein essor, l’Etat de droit est en place et solide, et le pouvoir judiciaire reste pleinement indépendant. Le Brésil continuera d’investir dans des réformes économiques pour créer plus d’emplois de qualité, en réorganisant nos mécanismes d’intermédiation du travail afin de sortir les personnes du chômage le plus tôt possible. Des services numériques sont proposés aux entreprises ainsi qu’aux travailleurs, ce qui réduit la bureaucratie et cède la place à la création d’emplois.
En tant que pays à revenu intermédiaire et vieillissant, nous savons tous que les augmentations de salaire et la justice sociale ne découleront que des gains de productivité. Nous invitons les travailleurs et les représentants des travailleurs à contribuer à ce programme, à lutter contre l’informalité, à sortir davantage de personnes de la pauvreté et à bâtir l’avenir du travail au Brésil.
Membres travailleurs – Nous ne pouvons que constater avec une profonde inquiétude l’impact désastreux des amendements introduits par la loi no 13467 de 2017 et l’incapacité du gouvernement du Brésil à respecter les principes fondamentaux de la négociation collective libre et volontaire et du caractère obligatoire des conventions collectives conclues, comme prescrit par la convention.
En vertu des dispositions modifiées de la codification des législations du travail, la hiérarchie des normes a été inversée et, en moins de deux ans, les relations professionnelles au Brésil ont été totalement démantelées. Avec ces changements régressifs, la codification de la législation du travail ne sert plus son objectif de filet de sécurité pour les travailleurs brésiliens, et le nombre d’accords collectifs diminue. Les travailleurs ont été spoliés de toutes les protections prévues par la loi ou par des conventions collectives plus favorables et, contrairement à ce que prétend le gouvernement, leur situation s’est dégradée.
Après des années de progrès social et de lois et de politiques inclusives qui ont permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, les Brésiliens tombent dans la pauvreté et le chômage, pendant que les inégalités se creusent. Dans un pays où le taux de chômage augmente de manière effroyable et où plus de 50 millions de personnes, soit près de 25 pour cent de la population totale, vit avec moins de 5,50 dollars E.-U., nous déplorons le mépris total du gouvernement du Brésil pour sa population.
Le gouvernement persiste à promouvoir un système qui viole les principes, les objectifs et les dispositions de la convention et porte gravement atteinte aux fondements de la négociation collective et aux relations professionnelles au Brésil. Nous demandons instamment au gouvernement du Brésil de rester fidèle à son engagement en tant que Membre de l’OIT, donc lié par sa Constitution et par la convention.
Nous appelons à des consultations sincères et constructives avec les partenaires sociaux, dans les meilleurs délais et afin d’achever la révision de la codification des législations du travail pour mettre ses dispositions en pleine conformité avec la convention. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de la restauration du dialogue social tripartite et des consultations au Brésil et nous invitons le gouvernement à prendre des mesures immédiates et concrètes à cette fin.
En outre, nous appelons le gouvernement à remédier sans tarder aux lacunes et aux insuffisances législatives mises en évidence par la commission d’experts en ce qui concerne les points suivants:
Ce cas nécessite un examen sérieux de la part de la commission et de l’OIT dans son ensemble. Nous craignons que les réformes régressives du travail au Brésil ne soient considérées comme un modèle par d’autres gouvernements du monde, comme cela est illustré dans ce cas. Ce serait catastrophique.
Enfin, nous avons entendu un certain nombre d’intervenants des groupes d’employeurs et de gouvernements qui ont soulevé les questions suivantes: l’interprétation de l’article 4 de la convention par la commission d’experts; l’indépendance et l’impartialité de la commission d’experts; et le choix des cas individuels à examiner par cette commission. Nous sommes en désaccord avec leurs déclarations. Nous estimons qu’il n’est pas approprié de traiter de ces questions lorsqu’on discute d’un cas individuel. La discussion d’un cas individuel a pour objet d’examiner des questions de fond liées à l’application des conventions de l’OIT, et non de porter un jugement ou de suggérer des modifications au système de contrôle de l’OIT et à ses travaux. Il existe des procédures bien définies pour le faire si nécessaire. Les commentaires qui traitent de questions qui ne concernent pas le fond du cas ne sont pas pertinents et détournent simplement des questions graves dont nous sommes saisis. Par conséquent, nous répondrons à ces déclarations à un moment plus opportun, tout en remerciant l’UE pour ses commentaires constructifs en faveur du système de contrôle de l’OIT. Compte tenu de la gravité des problèmes, nous demandons à la commission d’inclure le Brésil dans un paragraphe spécial.
Membres employeurs – Nous avons écouté attentivement chacune des interventions. Nous saluons en particulier la présence du vice-ministre, de l’Ambassadeur du Brésil et de leurs équipes dans la salle, ainsi que les informations complètes, claires et détaillées communiquées à la commission.
Avant d’analyser les questions soulevées par la commission d’experts, je souhaite réagir aux déclarations du porte-parole des travailleurs. En ce qui nous concerne, nous comprenons que notre commission a pour mandat de se référer au rapport de la commission d’experts et à ses observations. Sinon quel sens aurait le débat public qui se déroule dans cette salle? Par conséquent, nous tenons à préciser que, pour nous, il est clair que nous sommes bien dans ce contexte, et nous continuons d’affirmer que nous rejetons les opinions exprimées dans votre déclaration pour ce qui est des aspects que nous avons déjà évoqués.
Ayant examiné les observations soulevées par la commission d’experts ainsi que les critiques que nous maintenons à leur égard, compte tenu de la présentation faite par le gouvernement et de la discussion qui a suivi, il est clair pour le groupe des employeurs que: premièrement, les modifications apportées aux articles 611-A et 611-B élargissent considérablement la possibilité d’encourager et de promouvoir le recours à la négociation collective; deuxièmement, les employeurs estiment que les modifications apportées à l’article 444 élargissent les possibilités de négociation individuelle des contrats de travail des travailleurs ayant un niveau d’instruction supérieur et un revenu sans limiter leur protection légale; et, troisièmement, de l’avis des employeurs, les modifications apportées à l’article 620 élargissent également le champ des conventions collectives et sont donc conformes à l’article 4 de la convention, dans la mesure où elles encouragent également la négociation collective au niveau d’une ou de plusieurs entreprises sans restreindre la négociation collective à des niveaux supérieurs.
Enfin, il est devenu évident que la réforme du travail, aux yeux des employeurs, a été le résultat d’un processus de dialogue social large et exhaustif.
Nous voulons rappeler que le dialogue social doit être de bonne foi, fructueux et productif, surpassant les instances qui le convoquent, mais il ne peut pas toujours signifier un consensus dans l’échange des idées, sinon il pourrait faire l’objet d’un veto sur les résultats. Il incombe en dernier ressort aux gouvernements de légiférer et d’assumer leurs responsabilités en légiférant en conformité avec les conventions internationales du travail, ce que nous estimons être le cas en l’espèce.
Compte tenu de ce qui précède, cette commission peut à nouveau conclure, comme elle l’a fait en 2018, que la législation du travail du Brésil et, en particulier la loi no 13467, est conforme aux dispositions de la convention ratifiée par le Brésil le 18 novembre 1952.
En conséquence, le groupe des employeurs s’oppose à l’inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial.
Nous encourageons donc le gouvernement du Brésil à préparer, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, et à soumettre à la commission d’experts un rapport pertinent conformément au cycle habituel d’envoi de rapports.
Conclusions de la commission
La commission a pris note des informations présentées par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.
En tenant compte de la discussion qui a suivi, la commission demande au gouvernement de:
- continuer d’examiner, en coopération et consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, l’impact des réformes et de déterminer si des ajustements appropriés sont nécessaires;
- élaborer, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, un rapport qui sera présenté à la commission d’experts, conformément au cycle régulier de présentation des rapports.
Représentant gouvernemental – Une fois encore, nous avons vu concrètement combien il est urgent de réformer en profondeur le système de contrôle. Sous le toit même de cette Organisation tripartite, deux parties du prétendu tripartisme de l’Organisation internationale du Travail (OIT) viennent de rendre publiques leurs conclusions concernant le débat de samedi dernier, sans la participation de la troisième partie en question. Aucun autre système de la famille des organisations internationales des Nations Unies, qu’il soit de contrôle ou d’une autre nature, est aussi éloigné de la réalité que celui-ci. Le respect d’une procédure régulière reste à observer.
Dans tous les domaines de ce système de contrôle, seules deux des trois parties prennent les décisions. Dans la maison du tripartisme, seules deux parties élaborent la liste, dénoncent et concluent. Le Brésil souscrit aux interventions faites par tous les gouvernements et les partenaires sociaux qui appellent de leurs vœux, avec nous, une réforme complète du système de contrôle, tant au sein de la Commission de la Conférence qu’ailleurs, au cours de la présente Conférence.
Ce système de contrôle n’est nullement démocratique, transparent, impartial ou inclusif. Il possède tous les ingrédients d’un système solide mais ne prévoit pas le respect d’une procédure régulière et du droit de la défense. Ce système est trop important pour être dépourvu de protection contre les appropriations politiques et le manque de transparence. Nous sommes convaincus que les mandants de l’OIT peuvent parvenir à un consensus sur l’instauration d’un mécanisme de contrôle des normes qui soit efficace, réellement tripartite, et universel.
Nous avons présenté des faits et données concrets montrant que le Brésil respectait pleinement la convention no 98. D’après des instituts de recherche économique, telle l’Université de São Paulo, et des organisations internationales, tels la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Fonds monétaire international (FMI). La position du Brésil a été officiellement soutenue par plus de 30 gouvernements et organisations d’employeurs, que nous remercions infiniment. Moins de la moitié d’entre eux ont appuyé l’ensemble des points de vue.
Ce sont là des mots forts parce que des mots forts doivent s’élever contre toutes sortes d’injustice. Une commission d’experts qui, malgré le caractère éminent de ses membres, ne fournit pas de travail technique solide; une commission qui agit comme un tribunal, reçoit des plaintes comme un tribunal sans enquêter sur les affaires, et examine les affaires comme un tribunal, en disant simplement qu’il n’y a pas besoin d’en faire toute une histoire parce qu’il n’y a pas de sanction officielle.
Ce système de contrôle ne plaide pas en faveur de la cause du multilatéralisme quand les valeurs et les principes qui sont les fondements mêmes du système multilatéral sont précisément ceux qui font défaut ici, aujourd’hui, et chaque jour, au sein du système de contrôle de l’OIT. Le Brésil a fait un effort pour dialoguer avec l’OIT de bonne foi et dans un esprit constructif. Notre capacité et notre volonté de poursuivre ce dialogue a néanmoins des limites si un dialogue ne peut être noué et si les réponses sont partiales et infondées. Si cette situation demeure, le Brésil se réserve le droit d’examiner toutes les options disponibles. Cela étant dit, comme nous le constatons, la position de la Commission de la Conférence reflète les négociations entre employeurs et travailleurs, et non la vision de l’OIT.
Le Brésil souhaiterait remercier le président pour la sagesse et la sérénité avec laquelle il conduit les travaux. Nous saluons également la capacité de la commission à tenir compte des informations fournies par le Brésil et à modérer ses conclusions. Il s’agit indiscutablement d’une évolution depuis trois ans. Le Brésil reste attaché aux conventions de l’Organisation, qu’il respecte, en ce qui concerne la création de davantage d’emplois, les stratégies d’apprentissage tout au long de la vie et les défis à relever en matière d’avenir du travail.