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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2022, Publication : 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Myanmar (Ratification: 1955)

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2022-MMR-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Les informations contenues dans ce document sont fournies par les autorités militaires. Leur publication n’implique pas une reconnaissance explicite ou implicite de ces autorités en tant que gouvernement légitime du Myanmar.

Libertés civiles: S’agissant du cas d’une personne du nom de Chan Myae Kyaw et des informations contenues dans le rapport de la CEACR, il apparaît qu’il n’existe pas au Myanmar d’organisation enregistrée sous le nom de Fédération des travailleurs des mines du Myanmar (MWFM). Il n’y a pas d’organisation minière de niveau d’une fédération du travail, et le nom de Chan Myae Kyaw ne figure pas non plus dans la liste des organisations de travailleurs de base. Par conséquent, le Myanmar n’est pas en mesure d’identifier cette personne faute de plus de précisions sur elle.

Le 27 mars 2021 à Monywa, des actions de protestation ont eu lieu, regroupant une cinquantaine de personnes dans la zone industrielle, une centaine à Thanlar Ward, 400 environ le matin et dans la soirée au croisement de Tharsi Road et de Payshisae Road, et une vingtaine de personnes respectivement au sommet de Kyaukkar Road et dans Aung Tha Pyay Road à Myawaddy Ward. Ces actions de protestation ont dégénéré et des émeutiers ont attaqué les membres des forces de sécurité avec des armes létales. Ces incidents n’ont fait aucune victime.

L’observation fait mention d’une personne du nom de Nay Lin Zaw qui aurait été tuée. Après vérification, il n’existe aucune organisation enregistrée comme association des travailleurs d’AD Furniture tandis que la Fédération des syndicats de l’industrie et de l’artisanat (MICS-TUsF) n’enregistre pas ses membres. De ce fait, le Myanmar ne peut pas vérifier l’identité de cette personne pour laquelle plus de détails sont nécessaires. Aucun cas n’a été enregistré au poste de police ni aux bureaux administratifs des Wards nos 23 et 63 du Dagon Township (South) où se trouve la zone industrielle. AD Furniture Industry n’a déposé aucune plainte non plus. Aucune intervention antiémeute n’a été menée par les membres des forces de sécurité à Dagon Township (South) les 28 et 29 mars 2021.

S’agissant du cas de Zaw Zaw Htwe, il n’existe pas d’organisation enregistrée sous le nom de Solidarity Trade Union of Myanmar (STUM). Le 14 mars 2021 au Shwepyithar Township, le bureau de l’administration générale a été attaqué et saccagé par quelque 200 émeutiers armés de bâtons, d’épées, de frondes et de cocktails Molotov. Les membres des forces de sécurité ont appliqué les procédures antiémeute et, dans la foule, Zaw Zaw Htwe, résidant au Ward no 10 du Shwepyithar Township est décédé des suites de ses blessures, et un dossier a été ouvert au poste de police du Shwepyithar Township sous le numéro 15/2021.

S’agissant des 28 personnes inculpées pour activités illégales, il s’avère qu’elles ont ciblé le Hlaing Tharyar Township peuplé en grand nombre de travailleurs d’usines et ont incité la population en diffusant des nouvelles fabriquées de toutes pièces. En conséquence, elles ont été inculpées au titre de l’article 505A du Code pénal au poste de police de Yankin City, le 22 avril 2021, et au titre de l’article 124-A du Code pénal au poste de police de Dagon Myothit (East) City, le 14 mai 2021. S’agissant de la directrice du Solidarity Trade Union of Myanmar (STUM), qui n’est pas une organisation enregistrée, son dossier a été ouvert au poste de police du Shwepyithar Township en application de l’article 505A du Code pénal, le 10 mars 2021, et elle a été incarcérée le 15 avril 2021. Le 18 octobre 2021, le conseil de l’administration de l’État l’a amnistiée par l’ordonnance no 187/2021.

État d’avancement de la réforme de la législation du travail: La loi sur l’organisation du travail est en cours de modification en tenant compte des désirs et des requêtes des travailleurs et des employeurs afin de correspondre à la situation réelle du pays Elle a donné lieu à cinq réunions du Groupe de travail technique sur la réforme de la législation du travail (TWG-LLR) et à cinq Forums de dialogue tripartite national (NTDF). À l’issue de ces discussions, le projet de loi a été rédigé puis communiqué au préalable à l’OIT et aux fédérations d’employeurs et de travailleurs. Il a été discuté par les représentants tripartites aux dixième, onzième, douzième et treizième réunions du TWG-LLR. Le processus d’amendement de la loi doit encore se poursuivre: 2 886 organisations du travail de base, 162 organisations du travail de Township, 26 organisations du travail régionales ou d’État, 9 fédérations du travail, une confédération du travail, 27 organisations d’employeurs de base, une organisation d’employeurs de Township et une fédération d’employeurs sont enregistrées à ce jour, conformément à la loi sur l’organisation du travail de 2011, soit au total 3 113 organisations de travailleurs et d’employeurs.

S’agissant du refus d’enregistrement évoqué dans le rapport, l’article 14(a) de la loi sur l’organisation du travail dispose que «Le greffier en chef analyse en détail le contenu de la demande d’enregistrement en tant qu’organisation du travail soumise par le greffier de Township, ainsi que les documents qui l’accompagnent, afin de juger de leur authenticité et de leur conformité avant d’accepter ou de refuser de l’enregistrer, en motivant sa décision dans les trente jours de la date de réception de ladite demande», et son article 14(b) dispose que «Le greffier en chef examine les mentions contenues dans la demande d’enregistrement en tant que fédération du travail ou que confédération du travail du Myanmar, ainsi que les documents qui l’accompagnent, afin de juger de leur authenticité et de leur conformité avant d’accepter ou de refuser de l’enregistrer, en motivant sa décision dans les soixante jours de la date de réception de ladite demande». Si, lors de l’examen de la demande de certificat de reconnaissance en tant qu’organisation du travail, le greffier de Township constate que le nombre de membres est insuffisant et que le nombre de responsables élus est inadéquat, l’organisation est alors réputée non conforme à toute autre loi en vigueur et ne rentre pas dans les critères de la loi. En conséquence, le greffier en chef a le droit de refuser pour ces motifs. Cependant, si le nombre de membres et de dirigeants est insuffisant, des éléments factuels doivent être produits et les certificats sont délivrés sans refus. Bien que le deuxième amendement à la loi sur le règlement des conflits du travail ait été promulgué le 3 juin 2019, la mise en application de quelques dispositions de la loi pose des difficultés. À cet égard, la contribution et l’avis des instances d’arbitrage et du conseil de l’arbitrage, qui mettent la loi en pratique, seront sollicités. Le projet de règles pour le règlement des conflits du travail a été discuté avec les représentants tripartites en vue de leur promulgation en tant que nouveau règlement, en application du deuxième amendement de la loi sur le règlement des conflits du travail. Il a aussi été discuté avec les fonctionnaires en charge de la mise en application de la loi dans la pratique afin d’obtenir leur contribution et leur avis sur les difficultés et les problèmes qui se posent dans les faits. En outre, un examen de cette discussion et une étude du système de règlement des conflits du travail des pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont été réalisés, et la contribution et l’avis des organismes concernés seront également sollicités.

S’agissant de la demande de la commission pour que soient garantis pleinement les droits des travailleurs des zones économiques spéciales (ZES), les conflits survenant entre employeurs, travailleurs, techniciens ou agents de la fonction publique font l’objet d’une négociation et d’une consultation régies par la loi sur les zones économiques spéciales du Myanmar (2014), en coordination avec la Comité de gestion de la zone économique spéciale. Si la négociation et la conciliation par le Comité de gestion de la zone économique spéciale concerné s’avèrent impossibles, le litige est réglé conformément à la loi sur le règlement des conflits du travail. Il est évident qu’aucune personne n’a été ciblée parce qu’elle était syndiquée. Les membres d’organisations syndicales faisant l’objet de chefs d’accusation le doivent à leurs activités illicites, mais pas à l’exercice pacifique des droits syndicaux.

Des informations actualisées ont été publiées en temps utile par le biais des médias, de conférences de presse mensuelles et de communications diplomatiques. Quoi qu’il en soit, il est regrettable de voir que des éléments contenus dans ce rapport de la commission d’experts s’appuient sur des informations partiales émanant de médias antigouvernementaux et d’organisations de l’opposition et que la conclusion du rapport a été rédigée sans tenir dûment compte des informations fournies par les autorités militaires du Myanmar. Par conséquent, les autorités militaires du Myanmar invitent à prendre en considération les informations correctes et confirmées qu’elles ont communiquées pour que le rapport soit le reflet des conditions réelles des travailleurs et de la population du Myanmar, de sorte qu’il puisse contribuer à leur mieux-être.

Discussion par la commission

Le président – Avant d’entamer la discussion de ce cas individuel, je désire attirer l’attention de la commission sur l’absence de délégués du Myanmar, conséquence de la décision prise par la Commission de vérification des pouvoirs lors de la 109e session de la conférence. Cette décision reste d’application étant donné que la question de la représentation du Myanmar à l’OIT n’a toujours pas été réglée à ce jour. Elle a été soumise une nouvelle fois à la Commission de vérification des pouvoirs pendant cette session de la Conférence, et il est à espérer que celle-ci présentera son rapport en séance plénière la semaine prochaine. Ainsi donc, la commission se retrouve dans une situation sans précédent, dans laquelle un gouvernement ne participe pas à la discussion de son cas du fait d’une décision adoptée par l’Organisation.

Étant donné que ce genre de situation n’est pas prévue dans les méthodes de travail qui ont été adoptées par notre commission et régissent actuellement la participation à ses travaux, j’ai consulté avec le bureau les dispositions spéciales que doit adopter la commission pour l’examen du cas du Myanmar, et je voudrais vous soumettre la proposition suivante.

L’absence d’une délégation accréditée du Myanmar ne devrait pas empêcher le fonctionnement du mécanisme de contrôle de l’OIT et en particulier la vérification des conventions fondamentales ratifiées; par conséquent, l’examen du cas individuel devrait se faire, dans la mesure du possible, de la même manière que pour les autres cas individuels. À ce propos, je voudrais vous signaler que le complément d’information communiqué par écrit par les autorités militaires en réponse aux commentaires de la commission d’experts a été publié sur la page Web de la Commission de l’application des normes, accompagné d’une mention indiquant clairement que cette publication n’implique pas une reconnaissance explicite ou implicite de ces autorités en tant que gouvernement légitime du Myanmar. Quoi qu’il en soit, le Myanmar ne fournira pas d’informations verbalement à la Commission de l’application des normes puisque aucun délégué du Myanmar n’est accrédité pour participer à la Conférence. Par conséquent, aucun représentant ne pourra prendre la parole ni faire de déclaration après l’adoption des conclusions.

La proposition est adoptée.

Membres employeurs – Le Myanmar a ratifié la convention en 1955. Or, plus d’un demi-siècle plus tard, cet État Membre est très loin de se conformer à la convention, que ce soit en droit ou dans la pratique. Les membres employeurs comprennent que, au vu de l’urgence et de la gravité des problèmes évoqués, ainsi que de la probabilité de dégâts irréversibles et d’éventuelles morts d’hommes, la commission d’experts a assorti ce cas d’une double note de bas de page pour souligner son extrême gravité. Pour commencer, les membres employeurs se disent vivement préoccupés par les interventions toujours plus violentes de la junte militaire au Myanmar, avec toujours plus de victimes, plus d’oppression et plus de dégâts pour la société, en ce compris les travailleurs, les employeurs et leurs organisations.

Il y a un an, la Conférence internationale du Travail a adopté sur la situation au Myanmar une résolution qui appelait au retour du gouvernement démocratiquement élu et demandait aussi au Myanmar de remplir immédiatement les obligations découlant de la convention et de faire en sorte que les organisations d’employeurs et de travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits dans un climat de liberté et de sécurité, exempt de violence, d’arrestations arbitraires et de détentions. À sa session de mars 2022, le Conseil d’administration a déploré le manque de progrès pour ce qui est du respect de la volonté de la population, des institutions et du processus démocratique et a réitéré son appel au Myanmar pour qu’il remplisse immédiatement ses obligations au titre de la convention.

Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil d’administration a décidé d’instituer une commission d’enquête sur le non-respect de cette convention et de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.

Pour ce qui est des observations de la commission d’experts, les membres employeurs notent ce qui suit. Premièrement, s’agissant des libertés civiles, la commission d’experts a noté que les autorités militaires continuent d’avoir largement recours à la violence meurtrière et de soumettre les syndicalistes à des actes de harcèlement, des intimidations, des arrestations et des détentions. Nous soulignons que la garantie de la liberté syndicale imposée par la convention requiert comme condition première la primauté du droit et le respect fondamental des droits de l’homme et des libertés civiles, en particulier le droit à la sécurité individuelle, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de manifester et de se réunir et le droit à la protection de la propriété. Nous notons les allégations portant sur de nombreux autres cas d’arrestations, agressions et assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats, et nous avons aussi pris note d’éventuelles poursuites pénales pour l’exercice de la liberté d’expression, de manifester et de se réunir en application de la loi sur les transactions électroniques de 2021 et de la loi sur le droit de se réunir et de défiler pacifiquement de 2016.

Au vu de la gravité de la situation, les membres employeurs appellent le Myanmar à prendre d’urgence les dispositions nécessaires pour rétablir l’état de droit. Les membres employeurs appellent en urgence le Myanmar à respecter pleinement les droits humains fondamentaux et les libertés civiles nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale. Les organisations de travailleurs et d’employeurs du Myanmar doivent à nouveau pouvoir exercer leurs activités et leurs fonctions sans craindre l’intimidation, de subir un préjudice ou d’être emprisonné, et sans aucune autre restriction abusive. Les membres employeurs tiennent à insister sur la nécessité d’un climat dans lequel les entreprises durables, l’investissement, la création d’emplois et l’instauration et le maintien de la prospérité et de la paix ne sont possibles que dans un contexte de liberté qui respecte la liberté syndicale. S’agissant maintenant de la réforme de la législation du travail, les employeurs notent que les critères d’effectifs imposés pour qu’un syndicat puisse être enregistré et les restrictions apportées aux conditions d’éligibilité aux fonctions syndicales découlant de la loi sur l’organisation du travail soulèvent des problèmes de conformité avec les articles 2 et 3 de la convention. Nous attendons du Myanmar qu’il réexamine ces matières en étroite concertation avec les partenaires sociaux à l’échelon national, afin d’assurer le respect total des critères de la convention, y compris de ses articles 2 et 3, et qu’il apporte, dans son prochain rapport, des éclaircissements au besoin ainsi que des informations sur les actions menées à cet égard.

Pour conclure, les membres employeurs expriment leurs vives préoccupations quant à la situation qui perdure au Myanmar et ils exhortent cet État Membre à restaurer la démocratie, rétablir l’état de droit et restaurer les libertés civiles qui sont la condition fondamentale et préalable pour l’exercice de la liberté syndicale au sens de la convention. Plus particulièrement, les membres employeurs lancent un appel d’urgence au Myanmar pour qu’il prenne tout d’abord les mesures nécessaires pour que soient pleinement respectées, en droit et dans les faits, les libertés civiles de base pour l’exercice de la liberté syndicale, à savoir la liberté de la sécurité individuelle, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de manifester et de se réunir, la liberté de déplacement, la liberté de ne pas être arrêté et détenu de façon arbitraire, et le droit à un procès équitable devant un pouvoir judiciaire indépendant et impartial, de telle sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et remplir leurs fonctions sans menace d’intimidation ou de préjudice, ou sans la crainte d’être emprisonné, et sans aucune autre restriction abusive.

Les membres employeurs appellent aussi le Myanmar à procéder d’urgence, dès que les conditions le permettent, à une révision de la loi sur l’organisation du travail dans le cadre du processus de réforme législative, en totale concertation avec les partenaires sociaux nationaux afin de s’assurer que les droits des travailleurs et des employeurs sont pleinement respectés au sens de la présente convention.

Membres travailleurs – À sa 344e session, en mars 2022, le Conseil d’administration a décidé à l’unanimité d’instituer une commission d’enquête sur le Myanmar à propos des violations graves de la présente convention et de la convention no 29. Nous attendons de cette discussion ainsi que de celle qui a eu lieu au Conseil d’administration qu’elles donnent des orientations concrètes à la commission pour la poursuite de ses travaux, et nous attendons fermement du régime militaire du Myanmar qu’il laisse la commission entrer dans le pays pour y remplir sa mission sans entrave.

Les membres travailleurs prennent note des observations détaillées que la commission d’experts a faites sur ce cas. Le pays est dans une situation épouvantable. Les droits fondamentaux des travailleurs et des employeurs sont menacés, ainsi que leur intégrité physique et leur liberté. Dans de nombreux cas, des préjudices irréparables ont été subis et le sont encore. La décision de la commission d’experts de faire du Myanmar un cas de double note de bas de page semble fort appropriée.

Et en fait, depuis la décision prise il y a deux mois d’instituer une commission d’enquête, le régime militaire a commis de nouvelles violations du droit à la liberté syndicale. À titre d’exemple, dans l’après-midi du 20 avril de cette année, des membres de l’Alliance du travail du Myanmar, de la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM) et de la Fédération des travailleurs de l’industrie du Myanmar (IWFM) ont participé à une manifestation de protestation contre le régime. À la fin de cette courte manifestation, deux militantes syndicales des noms de Khaing Thinzar Aye et Ei Phyu Phyu Myint ont hélé un taxi pour rentrer chez elles. Un véhicule militaire a percuté leur taxi, six soldats en sont sortis, les ont frappées et arrêtées. Cette agression choquante de deux camarades syndicalistes souligne la gravité de la situation qui perdure.

Des travailleurs sont enlevés et parfois assassinés. Le 25 mai de cette année, juste avant le début de cette conférence, deux membres d’un syndicat ont été enlevés par des militaires dans la région de Yangon Sud; ils ont été tués et leurs villages réduits en cendres.

Les membres travailleurs se joignent à la commission d’experts pour déplorer les violations graves et systématiques commises par la junte militaire. Nous apprécions les importantes mesures qui ont été prises par certains États Membres de l’OIT ainsi que certains partenaires sociaux pour faire pression sur la junte pour qu’elle renonce à la voie qu’elle suit actuellement, mais ils constatent que ces actions se sont avérées insuffisantes jusqu’à présent. À l’évidence, il faut en faire plus.

Nous souhaitons formuler quelques observations pour souligner le caractère systématique des violations de la convention et de la situation déplorable qui prévaut dans le pays. Les membres travailleurs rappellent à la commission que, depuis le coup d’État de février 2021, plus de 1 500 personnes, dont plusieurs syndicalistes, ont été assassinées par les militaires et la police dans le cadre de manifestations qui réclamaient un retour à la démocratie, et dans celui de conflits du travail. Un sentiment de perte nous afflige à la lecture de la longue liste de syndicalistes assassinés que dresse le 397e rapport du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 3405.

Nous sommes encore sous le choc que nous a causé le massacre perpétré dans la zone industrielle Hlaing Tharyar en mars 2021, lorsque les militaires ont ouvert le feu sur des manifestants pacifiques et désarmés, dont plusieurs syndiqués qui travaillaient dans la zone et y habitaient. Le régime prétend que les militaires n’ont fait que riposter en faisant usage de la force à des attaques terroristes, ce qui est totalement infondé et déplacé.

Nous déplorons aussi la délivrance de mandats d’arrestation ainsi que les arrestations de nombreux dirigeants et activistes syndicaux pour avoir simplement exercé leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression, de réunion et d’association. En outre, la menace constante de violences et/ou d’arrestations a forcé de nombreux dirigeants syndicaux à fuir le pays, tandis que beaucoup continuent de soutenir leurs syndicats depuis leur lieu d’exil.

En outre, cet exode forcé de membres et de dirigeants de syndicats vers la frontière avec la Thaïlande accentue encore la crise humanitaire, aucun effort systématique n’étant fait pour régulariser leur situation en Thaïlande. Par sécurité, la plupart ne peuvent rentrer au Myanmar et ces syndicalistes viennent de toutes les organisations syndicales et de tous les secteurs. Pour encore aggraver les choses, les passeports de nombreux hauts dirigeants de la Confédération des syndicats du Myanmar ont été révoqués, laissant quelques-uns bloqués à l’extérieur de leur pays, comme c’est le cas pour les délégués des travailleurs qui s’adresseront à la commission plus tard dans la journée.

Le régime prétend que ces passeports ont été révoqués en application de l’article 505 du Code pénal pour crime de trahison parce que ces dirigeants auraient répandu des nouvelles destinées à discréditer l’armée et le conseil de l’administration de l’État. Une fois encore, ces chefs d’accusation manquent de tout fondement et sont totalement absurdes. Les syndicats ont dénoncé le groupe militaire et réclamé le rétablissement de la démocratie, ce qui est l’exact contraire d’une trahison puisqu’ils n’ont pas trahi leur pays, mais le défendent, en réalité, ainsi que son gouvernement légalement élu.

Il est aussi plus que flagrant que, si les dirigeants étaient restés dans le pays, il est très peu probable qu’ils aient été traités normalement et aient bénéficié d’un procès équitable. Nous savons aussi que, cette année, les militaires ont déchu de leur citoyenneté 11 activistes de premier plan, en faisant d’eux ainsi des apatrides, en violation du droit international.

Le régime a déclaré au moins 16 syndicats illégaux et a menacé d’intenter des actions en justice contre eux s’ils poursuivent leurs activités. La police et l’armée ont perquisitionné les bureaux de syndicats et les domiciles de responsables syndicaux; elles ont saisi des documents et du matériel en réponse à leur participation à des grèves et des manifestations réclamant le rétablissement de la démocratie au Myanmar.

Des syndicats accusent des propriétaires d’usines de tous les secteurs de s’en prendre aux syndicats intentionnellement et systématiquement, et en toute illégalité, empêchant ainsi les syndicats de poursuivre leurs activités et de remplir leurs fonctions sur leurs lieux de travail respectifs. Dans les faits, tous les canaux de relations du travail et de règlement des litiges ont été fermés. Le mécanisme d’arbitrage et les juridictions du travail ne sont plus sollicités parce que les parties ont perdu toute confiance dans ces institutions qu’elles jugent incapables de fonctionner normalement dans le contexte actuel de répression par l’État.

Les syndicats signalent que l’industrie, celle de l’habillement par exemple, profite de cette absence de légalité pour diminuer les salaires et baisser les conditions de travail garanties par la loi ou les conventions collectives. Le nombre des licenciements abusifs a fortement augmenté et des directions licencient des travailleurs mensualisés pour les remplacer par des gens payés à la journée. Les attaques contre les travailleurs et les équipements de la santé sont chose courante dans tout le pays. De même, des agents de la fonction publique, du secteur public et des enseignants font quotidiennement l’objet de menaces s’ils participent à des protestations réclamant un retour à la démocratie.

En résumé, la liberté syndicale est impossible à exercer dans ce pays à moins de courir un risque élevé et réel d’être arrêté, voire pire. En plus de ces problèmes très préoccupants, nous notons aussi les nombreuses embuches législatives qui sont elles aussi l’objet de vives préoccupations s’agissant du respect de l’exercice du droit à la liberté syndicale. Les membres travailleurs portent ces questions à l’attention de la commission alors qu’aucune réforme législative n’est prévue avant le retour à la démocratie et qu’une législature élue dans les formes puisse déposer et adopter les textes de lois nécessaires. Il s’agit notamment de la loi sur les transactions électroniques adoptée le 15 février 2021, de la loi sur le droit de se réunir et de défiler pacifiquement adoptée en 2016, la loi sur les organisations de travailleurs et la loi sur le règlement des conflits du travail, et la loi sur les ZES qui pose des problèmes parce qu’elle est en contradiction avec l’application de la loi sur les organisations de travailleurs et la loi sur le règlement des conflits du travail dans les ZES.

Nous assistons aujourd’hui à une terrible tragédie au Myanmar. Nous avions tous beaucoup espéré, au terme de décennies de régime militaire et après la dissolution officielle de la junte en 2011, que les élections de 2016 ouvriraient la voie à un processus démocratique. Hélas, ces espoirs ont été anéantis et, en 2021, le coup d’État militaire a brutalement interrompu ce processus. Nous nous réjouissons donc de pouvoir discuter officiellement et en profondeur de ce cas au sein de la commission dans l’objectif d’un retour de la situation sur de bons rails.

Membre gouvernementale, France – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. La Macédoine du Nord et l’Albanie, pays candidats, l’Islande et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange, membres de l’Espace économique européen, ainsi que la Géorgie et la Türkiye s’alignent sur la présente déclaration.

Depuis le coup d’État militaire, la situation au Myanmar s’est continuellement et gravement détériorée. Cet acte a stoppé la transition démocratique du pays avec des conséquences désastreuses sur le plan humanitaire, social, sécuritaire, économique et des droits de l’homme et du travail. Nous sommes profondément préoccupés par l’escalade continue de la violence et l’évolution vers un conflit prolongé ayant des implications régionales. Plus de 1 723 personnes ont été tuées, dont plus de 100 enfants. Plus de 10 800 personnes sont actuellement en détention et 80 personnes ont été condamnées à mort.

L’Union européenne et ses États membres sont aux côtés du peuple du Myanmar et de tous ceux qui militent et œuvrent en faveur d’une démocratie ouverte à tous et du respect des droits de l’homme, notamment des droits du travail, des libertés civiles et des libertés fondamentales. Conformément à la Résolution pour un retour à la démocratie et au respect des droits fondamentaux au Myanmar, adoptée en juin dernier, nous pensons qu’il est essentiel que les mandants tripartites continuent de montrer leur engagement commun en faveur de la protection des droits de l’homme, y compris les droits du travail, au Myanmar.

L’Union européenne et ses États membres condamnent avec la plus grande fermeté les violations et abus persistants et généralisés des droits de l’homme et du travail perpétrés par l’armée et les forces de sécurité du Myanmar dans tout le pays, notamment la persécution illégale des organisations de la société civile et de leurs militants, les violences à l’encontre des manifestants pacifiques, les arrestations et détentions arbitraires, l’intimidation et le harcèlement, les licenciements injustifiés, les menaces et les actes de violence graves et de torture, y compris les meurtres, à l’encontre des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme et les actes de violence sexuelle et sexistes.

Nous partageons pleinement les appels du comité pour que toutes les mesures soient prises afin de rétablir et d’assurer le plein respect des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté d’association, y compris la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, de mouvement, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial.

Nous continuons d’exhorter le Myanmar à respecter pleinement et sans délai les obligations qui lui incombent en vertu de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et à veiller à ce que les travailleurs et les employeurs, ainsi que leurs organisations, puissent exercer leurs droits sans être menacés d’intimidations ou de préjudices et dans un climat de sécurité totale.

Nos appels sont d’autant plus attristants que, même s’il restait de nombreux défis à relever en matière de travail décent avant le coup d’État et de graves préoccupations concernant la liberté d’association ou le travail forcé, nous avions noté quelques avancées. Cependant, depuis le coup d’État de 2021, ces progrès ont été détruits par les militaires et nous avons dû reprogrammer nos activités.

Afin de soutenir les travailleurs du secteur de l’habillement, nos projets de conduite responsable des affaires, en cours et prévus, continuent de viser à améliorer les conditions de travail, à promouvoir les normes de travail et environnementales et à réduire les violations des droits du travail dans l’industrie de l’habillement.

L’Union européenne et ses États membres réitèrent leurs appels à la cessation immédiate de toutes les hostilités, à la fin de l’usage disproportionné de la force par les forces armées et de sécurité du Myanmar, ainsi qu’à la fin de l’état d’urgence et à la restauration du gouvernement civil légitime.

Nous continuons à soutenir les efforts de l’ASEAN pour trouver une solution pacifique à la crise. Nous réitérons également notre soutien à la décision du 344e Conseil d’administration du BIT d’établir une commission d’enquête sur le non-respect de la convention no 87 en question, ainsi que la convention no 29.

Membre gouvernemental, Canada – Je m’exprime aujourd’hui au nom du Canada et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Il y a plus d’un an maintenant, le coup d’État militaire avait lieu au Myanmar. L’Organisation internationale du Travail et d’autres organes des droits humains des Nations Unies ont depuis présenté des rapports crédibles et cohérents sur les violations généralisées des droits humains dans le pays, faisant état notamment de violences à l’égard des travailleurs, des syndicalistes, des dirigeants syndicaux et de la population civile en général. La communauté internationale a clairement demandé aux autorités militaires du Myanmar de mettre fin à cette violence; le Canada et le Royaume-Uni déplorent l’absence de progrès à cet égard.

Le Canada et le Royaume-Uni prient à nouveau instamment les militaires de cesser immédiatement de violer les obligations internationales relatives aux droits humains et de mettre fin à toute violence à l’égard des civils, notamment de cibler spécifiquement les syndicalistes, les militants pour les droits humains, les manifestants pacifiques et les ressortissants étrangers. Nous prions également instamment le Myanmar de respecter ses obligations découlant de la convention, et de mettre immédiatement et intégralement en œuvre les recommandations de la commission d’experts.

Plus précisément, nous appelons le Myanmar à:

- conduire des enquêtes complètes et indépendantes sur les circonstances entourant les meurtres de Chan Myae Kyaw, Nay Lin Zaw et Zaw Htwe, et à rendre compte à l’OIT des conclusions de ces enquêtes;

- libérer tous les syndicalistes encore détenus pour avoir exercé pacifiquement leurs droits syndicaux protégés par la convention, notamment pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile;

- assurer le plein respect, tant en droit que dans la pratique, des libertés civiles fondamentales nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale, y compris la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de réunion;

- enfin, veiller à ce que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives puissent exercer les droits que leur confère la convention dans un climat de liberté et de sécurité, exempt de menace d’intimidation, de violence, d’arrestation arbitraire ou d’emprisonnement.

Nous demandons également à la communauté internationale de protéger les civils au Myanmar en arrêtant la vente et le transfert d’armes, d’équipements militaires, de matériel, d’équipements à double usage et d’assistance technique aux forces armées et de sécurité du Myanmar, moyennant des accords entre États ou par d’autres moyens. Il est essentiel d’empêcher l’armée d’avoir accès aux armes et aux équipements utilisés actuellement pour commettre de telles violences.

Enfin, nous demandons à l’armée de coopérer avec la prochaine commission d’enquête de l’OIT, et de lui permettre de mener une enquête complète et indépendante dans le cadre de la plainte.

Membre travailleur, Pays-Bas – Je m’exprime au nom de la délégation des travailleurs suisses et allemands et de l’IBB (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois).

Un an après le coup d’État militaire, le mouvement de désobéissance civile au Myanmar n’a cessé de se développer pour devenir un grand mouvement de résistance à la junte militaire. C’est la violence systématique qui empêche les syndicats et leurs dirigeants d’exercer leurs droits fondamentaux au travail. Je vais maintenant mentionner quelques exemples de la répression la plus grave.

L’armée invoque l’article 505A du Code pénal pour inculper de nombreux travailleurs pour avoir soutenu le mouvement de désobéissance civile, soit au moins 71 travailleurs de l’éducation et 864 travailleurs de la santé. À ce jour, au moins 301 dirigeants et membres syndicaux de divers secteurs ont été arrêtés par l’armée pour avoir pris part à ce mouvement. Certains ont été condamnés par des tribunaux militaires, dont un professeur de l’Université de Yangon, également président de l’Association des professeurs d’université.

400 000 fonctionnaires, enseignants, travailleurs de la santé soutenant le mouvement de désobéissance civile ont été contraints de reprendre le travail, et des dizaines de milliers d’entre eux ont été licenciés. Les cheminots et leurs familles ont été expulsés de force de leurs dortoirs, et leurs logements ont été détruits par l’armée. De même, l’armée a tué 55 syndicalistes lors des manifestations pacifiques du mouvement de désobéissance civile. Certains sont morts du COVID-19 alors qu’ils se cachaient pour échapper aux arrestations militaires.

Nous sommes profondément préoccupés par le bien-être de Thet Hnin Aung, Secrétaire général de la Fédération des syndicats de l’industrie et de l’artisanat du Myanmar et membre du Comité du mouvement de désobéissance civile de Mandalay. Il a été arrêté le 18 juin 2021 et torturé en prison. Nous demandons sa libération.

Le conseil de l’administration de l’État, dirigé par les militaires, a tué des syndicalistes, radié 16 organisations syndicales, invalidé les passeports de syndicalistes et déchu des dissidents de leur citoyenneté, dont le président de la CTUM, U Maung Maung. Les violations sont trop nombreuses pour être citées ici. Il n’y a pas assez de temps pour cela.

Nous condamnons fermement la junte militaire du conseil de l’administration de l’État pour avoir réprimé sévèrement l’exercice pacifique des droits des syndicats du Myanmar à restaurer la démocratie et les libertés, condition préalable à la justice sociale.

Nous exigeons la libération inconditionnelle de tous les syndicalistes, manifestants, civils et dirigeants politiques emprisonnés lors du coup d’État. Nous demandons le respect des droits des travailleurs et de leurs libertés civiles de s’associer librement et de faire grève, de même que le rétablissement des organisations syndicales et des droits de citoyenneté des syndicalistes.

Membre gouvernemental, Suisse – La Suisse reste gravement préoccupée par la situation actuelle au Myanmar. La Suisse continue à condamner avec fermeté la prise de pouvoir par les militaires et demande la reprise immédiate du dialogue et du processus démocratique œuvrant à une paix durable et au développement du pays.

Nous restons profondément préoccupés par les violations graves du droit international commises depuis le 1er février 2021, qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. La cessation immédiate de toute violence et le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme sont essentiels pour une paix durable. Cela implique bien-entendu le droit fondamental à la liberté syndicale et la protection du droit syndical comme le stipule la convention. Employeurs et travailleurs doivent pouvoir exercer leur droit à la liberté d’association dans un climat de liberté et de sécurité.

La Suisse est extrêmement préoccupée par les actes d’intimidation, les menaces, les actes de violence graves, y compris des meurtres, contre des syndicalistes qui ont exercé leurs droits. Des enquêtes complètes et indépendantes seront nécessaires pour rétablir la justice.

La Suisse est également préoccupée par l’interprétation large et potentiellement arbitraire de textes de loi, tels que la loi sur les transactions électroniques, les articles 505(a) et 124(a) du Code pénal, ainsi que la loi de 2016 sur les droits de se réunir et défiler pacifiquement. En vertu de ces lois, un nombre important de syndicalistes ont été détenus alors qu’ils exerçaient leurs droits protégés par la convention.

Pour conclure, la Suisse soutient le peuple du Myanmar, ses travailleurs et employeurs, dans la quête de démocratie, de liberté, de paix et de prospérité. Nous sommes convaincus que la coopération internationale est primordiale pour cela. Le respect des normes internationales fondamentales du travail en est la base. Nous exhortons les autorités militaires à garantir ces droits, et à reprendre immédiatement le dialogue et le processus démocratique.

Membre travailleuse, France – Le pouvoir illégitime au Myanmar a procédé à la modification d’un certain nombre de lois dans le but d’étendre les pouvoirs des militaires et de restreindre encore davantage les droits fondamentaux et les libertés civiles de la population.

Les articles de la loi garantissant la protection de la vie privée et la sécurité des citoyens ont été supprimés, ce qui permet aux forces de sécurité d’arrêter et de détenir des travailleurs, des syndicalistes et des citoyens.

La loi sur l’administration des quartiers a rétabli l’enregistrement obligatoire des nuitées des non locaux, des invités et des visiteurs. La CTUM a signalé que les chasses nocturnes aux responsables syndicaux par des militaires et des policiers se sont intensifiées. Les militaires recherchent les dirigeants syndicaux dans les quartiers et les villages sur la base d’une liste de noms et des entreprises dans lesquelles ils travaillent.

L’accusation de trahison, en vertu de la section 505 du Code pénal, a été amendée et inclut désormais les tentatives d’incitation à la résistance et à la restauration d’un gouvernement civil. L’interdiction des rassemblements publics de cinq personnes ou plus et le couvre-feu entre 22 heures et 4 heures du matin pour une période illimitée ont été étendus en application de la section 144 du Code de procédure pénale.

Un projet de loi alibi sur la cybersécurité aboutira à l’interdiction d’utilisation des réseaux privés virtuels (VPN). L’interdiction de facto de l’utilisation sans restriction des VPN entravera davantage la liberté d’expression et la communication accessible des syndicalistes avec leurs membres et les organisations internationales, sans craindre d’être identifiés, surveillés et criminalisés.

Depuis début 2022, une nouvelle ordonnance oblige les citoyens du Myanmar à porter et à présenter leur carte nationale d’enregistrement lors de déplacements. Ce nouvel ordre restreint encore davantage la liberté de mouvement et les activités des syndicalistes dans le but précis de les traquer.

Le 31 janvier 2022, le Conseil national de défense et de sécurité de l’armée a prolongé l’état d’urgence de six mois supplémentaires. En prévision de manifestations à l’occasion de l’anniversaire du coup d’État le 1er février, le conseil de l’administration de l’État a menacé de sanctions pouvant aller jusqu’à la prison à vie les manifestations publiques, les grèves et l’expression de soutien. C’est une grève silencieuse qui a été organisée avec succès dans tout le pays. Revendiquer un environnement le plus propice à l’exercice de la liberté d’association et des libertés civiles est devenu un crime au Myanmar.

Au regard de telles outrances, la commission ne peut rester silencieuse et les condamne fermement.

Membre gouvernementale, États-Unis d’Amérique – Les États-Unis partagent la profonde préoccupation de la commission d’experts au sujet de la violence systémique à l’égard des travailleurs et de la suppression brutale des libertés civiles par les autorités militaires du Myanmar.

Depuis le coup d’État militaire, le régime militaire a tué plus de 1 800 personnes et détenu arbitrairement près de 14 000 personnes. Au moins 290 personnes sont décédées en détention et plus de 600 000 ont été déplacées à l’intérieur du pays; 36 100 autres ont quitté le pays. Des syndicalistes ont été délibérément ciblés. Au début de cette année, le régime a déchu de sa nationalité le président de la CTUM, U Maung Maung, ancien membre du Conseil d’administration du BIT qui prend depuis longtemps une part active à la lutte pour la démocratie et les droits des travailleurs au Myanmar.

Le régime continue à exploiter des dispositions vagues et larges du Code pénal pour porter des accusations de trahison contre les syndicalistes qui exercent leurs droits fondamentaux au travail. Les militaires ont également interdit 16 grandes organisations syndicales de premier plan, contraignant nombre de leurs dirigeants à se cacher. Les employeurs, eux aussi, font état d’un environnement qui n’est pas propice à des entreprises durables ni à l’exercice de la liberté syndicale.

Dans leur soumission écrite à la commission, les autorités militaires refusent de reconnaître les victimes nommées et l’existence d’organisations que le régime a privées d’enregistrement légal. Cela est inacceptable.

Les États-Unis apportent tout leur soutien à la décision que le Conseil d’administration a prise par consensus s’agissant de l’établissement d’une commission d’enquête chargée d’enquêter sur le non-respect des conventions nos 87 et 29 de l’OIT. Comme la commission d’experts, nous estimons que l’assassinat, la disparition ou les blessures graves de syndicalistes exigent que des enquêtes judiciaires indépendantes soient ouvertes pour garantir que les parties responsables répondront de leurs actes. La commission d’enquête devrait enquêter sur les violations actuelles des droits au travail visés par les deux conventions et fournir des recommandations visant à combler les lacunes du cadre juridique national en matière de liberté syndicale et d’application.

Nous avons hâte de voir un gouvernement démocratiquement élu au Myanmar reconstituer ses mécanismes tripartites en vue de garantir la pleine protection et promotion de la liberté syndicale en droit national, conformément aux recommandations de la commission d’experts.

Membre travailleur, Australie – Je m’exprime au nom du Conseil australien des syndicats (ACTU), du Congrès irlandais des syndicats (ICTU) et de la Confédération syndicale indonésienne pour la prospérité (KSBSI) (Indonésie). Comme le note la commission d’experts, «la liberté d’association ne peut être exercée que dans des conditions où les droits fondamentaux de l’homme sont pleinement respectés et garantis». Il est clair que, depuis le coup d’État militaire au Myanmar en février 2021, les droits fondamentaux et les libertés civiles sont attaqués.

À ce jour, la junte a tué 1 876 personnes. Elle a arrêté, inculpé ou condamné 10 847 personnes pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile, qui dure depuis plus d’un an, malgré la répression, et au moins 1 979 travailleurs, syndicalistes, militants et manifestants inculpés sont contraints de se cacher depuis le début du coup d’État. Les crimes contre l’humanité commis par les militaires comprennent des meurtres, des persécutions, des emprisonnements, des violences sexuelles, des disparitions forcées et des actes de torture. Ils sont systématiques et peuvent être qualifiés de crimes de guerre.

Depuis novembre 2021, l’armée a intensifié les frappes aériennes et les attaques au sol dans les régions où les manifestants du mouvement de désobéissance civile, les travailleurs et les militants syndicaux se sont réfugiés pour éviter d’être arrêtés. Les institutions de l’ONU ont confirmé que les forces armées déploient de l’artillerie lourde, des chars, des hélicoptères, des avions de combat et des drones de surveillance lors d’attaques au sol et de frappes aériennes pour tuer des civils aléatoirement, ainsi que pour bombarder et détruire des villages civils, des églises et des camps de réfugiés.

Les militaires ont occupé des hôpitaux publics, attaqué le personnel de santé, endommagé, dévalisé et confisqué des équipements médicaux, des médicaments et des bouteilles d’oxygène. De plus en plus de membres des services de santé passent dans la clandestinité car les militaires ont révoqué les permis d’exercer des médecins et des travailleurs de la santé qui ont rejoint le mouvement de désobéissance civile, et annulé les permis d’exploitation de cliniques et d’hôpitaux dans lesquels ils travaillent.

Les militaires se sont attaqués à la liberté d’expression et ont tenté de restreindre l’accès à l’information en coupant l’accès aux données mobiles la nuit et en ordonnant aux fournisseurs d’accès Internet de suspendre les services sans fil à haut débit, seul un raccordement fixe intermittent permettant d’accéder à Internet. La liberté de la presse est inexistante, l’armée ayant annulé le 8 mars 2021 cinq licences délivrées aux médias indépendants, et déclaré illégales les organisations documentant les atrocités commises par l’armée, comme l’Association d’aide aux prisonniers politiques de Birmanie, pour avoir prétendument incité à la panique publique, aux émeutes et porté atteinte à la stabilité de l’État. La junte a tué au moins trois journalistes et en a emprisonné 26 depuis le coup d’État.

Ce ne sont là que quelques exemples des violations des libertés civiles perpétrées par les autorités militaires, qui montrent le mépris total du conseil de l’administration de l’État pour les droits de l’homme et du travail. Les attaques contre les travailleurs et les civils et les violations des droits de l’homme doivent cesser immédiatement. La communauté internationale doit tenir le conseil de l’administration de l’État pour responsable des violations flagrantes des droits de l’homme, notamment du droit à la liberté d’association, adopter des sanctions et cesser les livraisons d’armes au Myanmar pour mettre fin aux atrocités, et reconnaître le gouvernement d’unité nationale comme le gouvernement officiel et légitime du Myanmar.

Membre travailleur, Japon – Je m’exprime au nom de la Confédération japonaise des syndicats et d’IndustriALL Global Union. Depuis le coup d’État des militaires au Myanmar, la répression des travailleurs est implacable. La junte militaire commet des violations flagrantes des droits de l’homme et des droits syndicaux, notamment des violences, des arrestations et des détentions arbitraires. Des centaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi dans différents secteurs industriels. Dans le seul secteur de l’habillement, plus de 250 000 travailleurs ont perdu leur emploi. De nombreuses usines de confection ont fermé sans payer leurs travailleurs, et les employeurs ne tiennent pas compte des conventions collectives. Chaque fois que les travailleurs organisent des manifestations, les employeurs font venir des soldats pour les réprimer.

La liberté syndicale et le droit de s’organiser sont attaqués. Nous souhaitons donner des exemples propres au secteur de l’habillement dont nous avons connaissance: les congés de maternité sont refusés, et les femmes, de crainte de perdre leur emploi, renoncent à prendre le congé auquel elles ont droit légalement; un travailleur a perdu trois doigts sur son lieu de travail faute de mesures de sécurité et de santé au travail, il a été licencié et n’a reçu que 20 000 kyats en guise de compensation pour sa blessure; une usine a embauché des enfants en payant un salaire inférieur au salaire minimum, et les enfants travailleurs sont cachés lorsque des inspections sont effectuées dans l’usine. Dans une usine de vêtements, les objectifs de production sont fixés à un niveau élevé, et, s’ils ne sont pas atteints, les travailleurs sont frappés à la poitrine, à l’oreille et à la tête par les superviseurs et les directeurs. Les superviseurs crient des obscénités aux jeunes ouvrières dans les ateliers de production. Les travailleurs sont traités comme des esclaves pour atteindre les objectifs fixés. Les jeunes travailleuses s’entendent dire «vous êtes nées d’un être humain ou d’un chien?». Pour les travailleuses, le lieu de travail est un enfer.

Un lieu de travail où les gens peuvent travailler comme des êtres humains et protéger leurs moyens de subsistance est un lieu où règne la liberté syndicale et où les droits au travail sont protégés. Les militaires du Myanmar ont brutalement retiré ces droits aux travailleurs et aux syndicats. Les entreprises impliquées sont complices de la violation des droits prévus par la convention. Les entreprises devraient se désengager du Myanmar, où règne un environnement aussi hostile et où la liberté syndicale ne peut être respectée.

Membre gouvernemental, Australie – L’Australie condamne avec la plus grande fermeté l’actuelle mise en péril des droits de l’homme et des travailleurs au Myanmar. Le coup d’État militaire du 1er février 2021 a intensifié et aggravé la situation déjà préoccupante des droits de l’homme dans le pays.

Nous demandons aux militaires de cesser toute violence et de libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris le professeur australien Sean Turnell. Nous demandons également à l’armée d’octroyer un accès libre et immédiat à l’aide humanitaire pour toutes les personnes en détresse et d’engager un dialogue inclusif en vue d’un retour pacifique à la démocratie.

Les allégations et les questions contenues dans le rapport de la commission d’experts sont extrêmement graves et l’Australie déplore l’absence de tout progrès pour y répondre. En tant que membre de l’Organisation internationale du Travail, nous exhortons le Myanmar à respecter ses obligations en vertu de la convention protégeant la liberté syndicale et le droit d’organisation et à mettre immédiatement en application les recommandations de la commission d’experts.

Nous affirmons notre soutien au travail des envoyés spéciaux de l’ASEAN et de l’ONU et appelons à la mise en œuvre complète et rapide par le Myanmar du consensus en cinq points de l’ASEAN, notamment pour mettre fin à la violence, faciliter l’accès humanitaire et engager un dialogue constructif avec toutes les parties.

Nous demandons instamment au régime militaire de cesser d’entraver les activités de l’OIT et d’autres agences internationales et organisations de la société civile dans leurs efforts pour sauvegarder les droits des travailleurs au Myanmar et de coopérer pleinement avec la prochaine commission d’enquête de l’OIT.

Membre travailleur, Italie – Je m’exprime au nom de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CCOO). Malgré les pressions internationales et la condamnation générale de la brutalité de la dictature militaire au Myanmar, la junte continue à perpétrer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le monde entier observe mais nous avons le sentiment de ne pas en faire assez et de ne pas agir suffisamment vite et suffisamment fort pour vaincre la junte et ramener le Myanmar sous l’égide d’un gouvernement fédéral civil et démocratique qui respecte les droits fondamentaux des travailleurs.

Les syndicats birmans – nous en avons déjà entendu beaucoup – sont parmi les fers de lance de l’opposition démocratique et constituent une cible majeure. Nous déplorons la décision de la junte de suspendre les passeports de leurs dirigeants et de les déchoir de leur citoyenneté. Cette décision viole le droit humain le plus élémentaire. C’est pourquoi nous exhortons aujourd’hui l’OIT à œuvrer à la libération immédiate du dirigeant de la MICS-TUF et de tous les autres syndicalistes encore détenus pour avoir exercé leurs droits syndicaux tels qu’ils sont inscrits dans la convention no 87, et pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile. Tout comme le Comité de la liberté syndicale, nous demandons l’abrogation de l’article 505A du Code pénal et la modification de son article 124A.

Les sanctions économiques contre les conglomérats militaires décidées par l’Union européenne et les États-Unis avec d’autres gouvernements sont importantes, mais elles ne suffisent pas. Il n’y a plus de temps à perdre. Des sanctions fortes, multiples et cohésives touchant les intérêts politiques, financiers et économiques de la junte doivent être adoptées par les Nations unies et les gouvernements, y compris une suspension des codes SWIFT. Les syndicats italiens ont adressé une demande en ce sens à l’Union européenne ainsi qu’à l’ONU.

Le Myanmar est le théâtre de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans tout le pays, mais aussi de violations flagrantes des conventions de l’ONU et de l’OIT de la part d’entreprises et d’enseignes multinationales, parmi lesquelles 61 grandes marques de la mode européennes et italiennes. Le respect des normes des Nations unies et des conventions du travail sont les conditions du maintien des règles de l’ABE par l’Union européenne.

À titre de conclusion, les syndicats italiens et la CSI appuient vigoureusement les conclusions du porte-parole des travailleurs et réitèrent l’appel à une action déterminée et immédiate en vue de rétablir le respect des droits de l’homme et l’état de droit au Myanmar.

Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je suis le membre du comité exécutif de la CSI représentant le Myanmar. Je veux parler des atrocités commises par le régime militaire depuis le coup d’État. Depuis le 1er février 2021, la CSI et ses affiliés accompagnent les visites en prison à plus d’une trentaine de membres de la CTUM et ont été confrontés à quatre funérailles de membres de la Fédération des travailleurs des mines du Myanmar, une affiliée de la CTUM. Parmi les personnes visitées en prison figurent le camarade Thet Hnin Aung, le secrétaire général de la MICS, un conseiller travailleur à la CIT de 2019.

Le 27 mars 2021, le camarade Chan Myae Kyaw, membre de la CTUM, a été le premier syndiqué tué par balles. Il était conducteur de camion dans une mine de cuivre. Le 7 décembre 2021, les camarades Tint Naing et Hein Thu, d’une autre mine de cuivre, et les camarades Zin Min Tun, Win Kaw et San Ko, d’un projet de mine de cuivre de Letpadaung, sont morts de leurs brûlures dans le village de Done Daw.

Le 20 avril 2022, la camarade Khaing Thinzar Aye, la camarade Ei Ei Phyu et le camarade Nyan Sein ont été arrêtés à Yangon. Le 23 mai, le camarade Moe Gyi, un responsable de la Fédération de l’agriculture et des fermiers du Myanmar, a été arrêté à Khamti, dans la région de Sagaing. Le 27 mai, les camarades Chit Thein Zaw et Kyaw Nyein, d’une autre mine de cuivre gérée en coentreprise par l’armée et les Chinois, ont été arrêtés au village de Done Daw. Ils ont été abattus sur la route en direction du poste de police.

Le 7 décembre, des militaires ont brûlé vives 11 personnes près du village de Done Daw. Cinq d’entre elles étaient membres du syndicat MWFM.

Le régime militaire a montré qu’il ne se soucie pas des droits des travailleurs, des droits de l’homme ou de la liberté syndicale. Les deux exécutions extrajudiciaires et l’arrestation du camarade Moe Gyi ont eu lieu après l’annonce de la constitution d’une commission d’enquête de l’OIT faite à la réunion du Conseil d’administration de mars 2022.

Les assassinats par balles ou par le feu de nos adhérents constitue la partie émergée de l’iceberg en comparaison avec ce qui se passe dans tout le pays. Le régime militaire attaque tous les types de travailleurs, dans tout le pays. Il est incontestable que toutes les sources de revenu du régime, qu’elles proviennent d’investisseurs, de marques de la mode ou d’industries extractives et toutes les redevances que versent les entreprises, favorisent les assassinats de travailleurs dans d’autres industries.

La CTUM est réconfortée par le fait qu’une commission d’enquête est désignée. Nous ferons de notre mieux pour collaborer avec cette commission.

Nous avons pris note des exécutions extrajudiciaires de nos camarades dans une mine de cuivre en coentreprise. Les sociétés de holding seront tenues responsables, au même titre que la junte, de la mort de membres du syndicat MWFM brûlés vifs. Elles seront poursuivies sur la scène internationale, même avant le rétablissement de la démocratie au Myanmar.

Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Je m’exprime au nom de l’ITF et de la Confédération coréenne des syndicats. Comme l’a dit notre camarade Khaing-Zar, les violations graves de la convention commises par la junte militaire au cours des 16 derniers mois font qu’il est de plus en plus dangereux, voire impossible, pour les syndicalistes d’opérer en toute liberté.

Non seulement la commission d’experts en a fait un cas de double note de bas de page, mais le Myanmar est désormais, dans l’histoire de l’Organisation, le seul État soumis à deux commissions d’enquête. En outre, c’est le seul pays à avoir reçu des sanctions au titre de l’article 33. Avec des violations si odieuses de la convention et d’autres droits de l’homme internationalement reconnus, il est impératif que le monde des affaires monte au créneau.

À ce propos, nous tenons à rappeler la responsabilité des entreprises s’agissant du respect des droits de l’homme et du devoir de diligence en matière de droits de l’homme en vertu du pilier II des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Le devoir de diligence en matière de droits de l’homme est désormais reflété dans les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et dans la Déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales, celle-ci affirmant que ce devoir de diligence doit tenir compte du rôle essentiel de la liberté syndicale. Le devoir de diligence en matière de droits de l’homme est également fermement ancré dans le droit de plusieurs juridictions.

Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme demandent aux entreprises de mieux exercer leur devoir de diligence pour repérer, prévenir et atténuer ces risques et les traiter en tant que question de respect de la légalité en raison des risques accrus de violations massives des droits associées aux opérations dans des zones de conflit, comme cela est le cas au Myanmar.

Les entreprises doivent donc recenser les principaux risques qui accompagnent tout vide juridique ou toute lacune dans la pratique de l’État d’accueil, par exemple l’abus de pouvoirs d’exception après un coup d’État militaire, s’agissant de la protection.

C’est pourquoi, au début de ce mois, l’Ethical Trading Initiative a conseillé aux entreprises non seulement de réévaluer de toute urgence leur présence au Myanmar, mais également de s’abstenir de procéder à des investissements supplémentaires et de continuer à collaborer sérieusement avec les syndicats au sujet de leur présence dans le pays.

L’Alliance des travailleurs du Myanmar, avec l’appui de syndicats mondiaux, demande aux entreprises de ne plus passer de commandes et de désinvestir. Cette demande s’inscrit dans le cadre de l’appel plus large lancé par le mouvement des travailleurs du Myanmar en faveur de sanctions économiques complètes.

Pour les sociétés qui s’approvisionnent ou qui opèrent au Myanmar, la véritable question est de savoir si même un devoir de diligence en matière de droits de l’homme renforcé suffit lorsque l’absence de protection des droits de l’homme est si extrême. D’ailleurs, plusieurs grandes marques se sont déjà retirées du pays.

Nous implorons donc les marques et les investisseurs à suivre l’appel du mouvement des travailleurs du Myanmar et à procéder, maintenant, à un départ responsable. L’heure est venue, pour tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, de passer à la vitesse supérieure.

Membres employeurs – Nous avons écouté attentivement les interventions des orateurs d’aujourd’hui et nous remercions les représentants des gouvernements et des travailleurs d’avoir pris la parole.

Nous partageons le point de vue général sur la gravité de la situation qu’ont exprimé la plupart d’entre nous dans cette salle. Pour nous, il importe au plus haut point de rétablir immédiatement les libertés civiles fondamentales au Myanmar car, à défaut, la liberté syndicale et donc le respect de la convention no 87 n’existent tout simplement pas. Pour respecter ces libertés, le Myanmar doit adopter l’approche centrée sur l’humain de l’OIT et s’attacher aux intérêts, à l’emploi et aux moyens de subsistance de la population du Myanmar.

Dans ce contexte, les membres employeurs prient encore une fois le Myanmar d’œuvrer rapidement pour restaurer la démocratie et respecter ses obligations découlant de la convention. Ainsi, il est particulièrement important de prendre les mesures suivantes. Premièrement, prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le plein respect des libertés fondamentales nécessaires à l’exercice des droits syndicaux, notamment le droit à la sécurité personnelle, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de manifestation et de réunion, la liberté de mouvement, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions sans être menacées d’intimidation, de préjudice ou d’emprisonnement ou de toute autre restriction indue et inadmissible.

Nous faisons également observer l’importance, lorsque les conditions le permettent, de réviser la loi sur l’organisation du travail dans le cadre d’un processus global de réforme législative, en pleine consultation avec les partenaires sociaux nationaux, afin de garantir pleinement le respect des droits des travailleurs et des employeurs prévus par la convention.

Membres travailleurs – Nous remercions nous aussi tous les participants pour les interventions qui ont fait écho à l’unanimité dans cette salle. Depuis le coup d’État militaire de 2021, la Conférence internationale du Travail et le Conseil d’administration se sont exprimés clairement et globalement sur la situation au Myanmar, et ont notamment appelé à rétablir immédiatement la démocratie et le respect des droits fondamentaux. Malheureusement, nos appels sont restés lettre morte et la situation au Myanmar n’a cessé d’empirer. Le Conseil d’administration a pris des mesures décisives en mars 2022 et a décidé de créer une commission d’enquête, faisant du Myanmar le premier pays de l’histoire de l’OIT à faire l’objet de deux commissions d’enquête; il est toujours le seul pays à avoir fait l’objet de mesures prises au titre de l’article 33.

Nous avons entendu la représentante des travailleurs du Myanmar, elle-même en exil étant donné que le régime lui a retiré son passeport, décrire en détail les horreurs auxquelles les travailleurs sont confrontés dans le pays. Nous lui exprimons toute notre solidarité, ainsi qu’à tous les autres travailleurs et syndicalistes du pays qui, au cours des dix dernières années, ont mené une lutte acharnée pour faire renaître le mouvement syndical et bâtir une institution et une pratique démocratiques fortes. Nous compatissons à leur peine face aux pertes et saluons leur détermination à rétablir la démocratie dans le pays.

À la lumière des observations de la commission d’experts et de la discussion tenue au sein de cette commission, les membres travailleurs déplorent la situation actuelle dans le pays et prient instamment le régime de:

1) mettre immédiatement fin aux actes de violence à l’égard des travailleurs et des syndicalistes qui exercent leur droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et de liberté syndicale, de tenir pour responsables de ces actes les membres de la police et de l’armée, et de verser des réparations aux victimes et à leurs familles;

2) libérer immédiatement tous les travailleurs et syndicalistes qui ont été arrêtés et détenus pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et à la liberté syndicale, et d’annuler tous les mandats d’arrêt en cours pour ces mêmes personnes;

3) rendre immédiatement les passeports et rétablir la citoyenneté des syndicalistes qui ont perdu celle-ci;

4) rétablir immédiatement les syndicats dont l’enregistrement a été annulé, et permettre aux syndicats de mener leurs activités sans ingérence et sans crainte de représailles;

5) cesser immédiatement tous les actes limitant le plein exercice du droit à la liberté syndicale.

Compte tenu de la gravité des violations constatées dans le présent cas, nous demandons que les conclusions relatives à ce cas fassent l’objet d’un paragraphe spécial dans le rapport de la commission.

Conclusions de la commission

La commission a déploré la destitution du gouvernement civil par le coup d’État militaire du 1er février 2021 au Myanmar et la proclamation de l’état d’urgence qui l’a suivi, privant les citoyens de leurs libertés publiques.

La commission a déploré le mépris total pour les droits de l’homme, les libertés publiques et l’état de droit au Myanmar.

La commission a exprimé sa vive préoccupation devant l’absence de progrès s’agissant du rétablissement du pouvoir civil et la carence des autorités militaires à mettre en application:

- la Résolution pour le rétablissement de la démocratie et le respect des droits fondamentaux au Myanmar adoptée par la Conférence internationale du travail à sa 109e session (2021); et

- la décision instituant une commission d’enquête adoptée par le Conseil d’administration à sa 344e session (mars 2022).

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission exhorte les autorités militaires à:

- appliquer intégralement la Résolution de la Conférence internationale du Travail et la décision du Conseil d’administration adoptées en 2021 et 2022 respectivement;

- s’abstenir de procéder à des arrestations, des détentions ou de se livrer à des actes de violence, d’intimidation ou de harcèlement à l’encontre de travailleurs et de syndicalistes qui exercent leurs droits à la liberté d’expression, la liberté syndicale et la liberté de se réunir pacifiquement, et de diligenter immédiatement et de manière efficace des enquêtes indépendantes sur ces crimes afin d’établir les faits, de déterminer les culpabilités et de sanctionner leurs auteurs, qu’il s’agisse de membres de la police ou des forces armées, et d’accorder des réparations aux victimes et à leurs familles;

- libérer sans conditions tous les travailleurs et syndicalistes qui ont été arrêtés et sont détenus pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, à la liberté syndicale et de se réunir pacifiquement, et d’annuler tous les mandats d’arrêt délivrés contre ceux-ci;

- restituer immédiatement leurs passeports et rendre leur citoyenneté aux syndicalistes qui en ont été déchus;

- rétablir immédiatement l’enregistrement des organisations syndicales dont l’enregistrement est supprimé depuis le coup d’État militaire;

- faire en sorte que les travailleurs puissent exercer leurs activités syndicales sans ingérence et sans la menace de violence ou d’autres violations de leurs libertés publiques;

- abroger tous les décrets et textes de loi promulgués par les autorités militaires à la suite du coup d’État du 1er février 2021; et

- veiller à ce que la commission d’enquête de l’OIT instituée par le Conseil d’administration en mars 2022 soit autorisée à entrer dans le pays et à exercer son mandat librement et sans ingérence.

La commission décide d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport.

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