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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Libye (Ratification: 1961)

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Article 1 a) de la convention. Sanctions impliquant du travail obligatoire pour l’expression d’opinions politiques ou d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.Loi no 76 de 1972 sur les publications et Code pénal. La commission rappelle qu’elle se réfère depuis plusieurs années à diverses dispositions de la loi no 76 de 1972 sur les publications, en vertu desquelles les personnes qui expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi peuvent être sanctionnées par des peines d’emprisonnement. Ces dispositions – articles 28, 29, 37, 38 et 43 – concernent les restrictions à la publication, à l’impression et à la diffusion d’informations et prévoient l’imposition de peines d’emprisonnement impliquant l’obligation de travailler en vertu des articles 20, 21, 23 et 24 1) du Code pénal. Selon ces dispositions du Code pénal, les peines de détention ou d’emprisonnement à vie sont définies comme l’enfermement d’une personne dans un lieu désigné à cet effet et l’imposition d’un travail obligatoire, conformément au règlement pénitentiaire. En cas de condamnation à une peine de détention d’une durée d’un an ou plus, le juge peut ordonner que la détention soit assortie de travail obligatoire.
En outre, la commission prend note des dispositions ci-après du Code pénal en vertu desquelles certains actes sont passibles d’une peine d’emprisonnement ou d’une peine d’emprisonnement à vie qui impliquent un travail obligatoire:
  • l’article 175, qui prévoit l’emprisonnement à vie pour quiconque fait circuler intentionnellement des nouvelles, des informations ou des rumeurs qui sont fausses, tendancieuses ou qui constituent une propagande provocatrice en temps de guerre et qui sont de nature à nuire aux préparatifs militaires de la défense du pays, [à semer la terreur parmi la population] ou à saper la résilience de la nation;
  • l’article 178, qui prévoit l’emprisonnement à vie pour tout Libyen à l’étranger qui diffuse ou rapporte des rumeurs ou des informations qui sont fausses, exagérées ou qui suscitent des préoccupations quant à la situation intérieure de la République arabe libyenne;
  • l’article 195, modifié par la loi no 5 de 2014, qui rend passible d’une peine d’emprisonnement le fait de «faire des déclarations injurieuses à l’égard de la Révolution du 17 février»;
  • l’article 205, qui prévoit que quiconque insulte publiquement la nation libyenne, son drapeau national ou l’emblème de l’État, est passible d’une peine d’emprisonnement;
  • les articles 206 et 207, qui prévoient que certains actes en rapport avec des organisations et formations illégales et avec la promotion de tout acte dirigé contre le système de l’État sont passibles de la peine de mort ou de l’emprisonnement à vie;
  • les articles 220 et 221, qui prévoient que quiconque offense ou insulte le gouvernement, le corps législatif, les chefs d’État étrangers ou les représentants diplomatiques accrédités, est passible d’une peine d’emprisonnement;
  • les articles 245 et 290, en vertu desquels toute personne qui insulte un fonctionnaire public, un officier de justice ou un organe judiciaire ou administratif ou qui attaque, par quelque moyen de publicité que ce soit, la foi religieuse, est passible de détention.
La commission note que le gouvernement, dans son rapport, réitère ses indications passées, à savoir qu’il prendra les mesures nécessaires pour: 1) mettre la loi no 76 de 1972 sur les publications en conformité avec la convention; et 2) prendre en considération les commentaires de la commission pour veiller à ce qu’aucune peine d’emprisonnement impliquant un travail obligatoire ne soit imposée aux personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent leur opposition à l’ordre politique sans avoir recours à la violence.
La commission prend note que, selon le rapport final de la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye des Nations Unies de mars 2023, les autorités libyennes, notamment l’Agence de sécurité intérieure (une institution civile de l’État libyen ayant compétence sur l’ensemble du pays), restreignent les droits à la liberté d’expression, de réunion, d’association et de croyance afin de soumettre la population, d’ancrer des valeurs et des normes servant leurs propres intérêts et de punir les critiques à leur égard ou à l’égard de leurs dirigeants. Des personnes ont été détenues pour avoir critiqué l’État et des acteurs qui lui étaient affiliés, et pour avoir exprimé des opinions et adopté des principes politiques, religieux et sociaux divergents, notamment en s’opposant au patriarcat et au sexisme (A/HRC/52/83).
La commission fait à nouveau part de sa profonde préoccupation face à la situation actuelle des droits humains dans le pays et rappelle que les restrictions aux droits et libertés fondamentaux, y compris à la liberté d’expression, ont une incidence sur l’application de la convention, si ces mesures sont assorties de sanctions impliquant du travail obligatoire, comme c’est le cas en Libye lorsque des personnes sont condamnées à une peine d’emprisonnement ou à la détention.
La commission prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’aucune peine d’emprisonnement impliquant un travail obligatoire ne soit imposée aux personnes qui, sans avoir recours à la violence, expriment une opinion politique ou manifestent leur opposition à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission espère que, comme le gouvernement l’a répété dans son rapport, il prendra les mesures nécessaires pour mettre les dispositions de la loi no 76 de 1972 sur les publications en conformité avec la convention. En outre, elle prie le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur l’application dans la pratique des dispositions du Code pénal susmentionnées, notamment le nombre des affaires portées devant les tribunaux, les condamnations prononcées et les faits à leur origine et les peines appliquées.
Loi de 2022 sur la lutte contre la cybercriminalité. La commission note que certaines dispositions de la loi de 2022 sur la lutte contre la cybercriminalité incriminent des comportements et prévoient des peines d’emprisonnement qui impliquent une obligation de travailler. Il s’agit notamment de l’article 37 concernant l’utilisation d’Internet ou de tout autre moyen électronique pour propager ou publier des informations ou des données menaçant la sécurité ou la paix publique, que ce soit en Libye ou dans tout autre État. Les articles 9 et 39 soumettent l’utilisation, ainsi que la production, la fabrication, la distribution, etc., de technologies ou d’outils de cryptage, au consentement de l’Autorité nationale de l’information et de la sécurité (NISSA) – une autorité gouvernementale administrative et technique – sous peine d’emprisonnement. En vertu des articles 4 et 7 de la loi, l’utilisation d’Internet et des «nouvelles technologies» n’est légitime et légale que dans la mesure où «l’ordre public et la moralité» sont respectés, et la NISSA est autorisée à contrôler tous les contenus publiés sur Internet et sur toute autre plateforme technique et à bloquer les sites Web s’ils sont considérés comme générateurs «d’insultes raciales ou régionales et d’idéologies religieuses ou confessionnelles extrémistes qui portent atteinte à la sécurité et à la stabilité de la société».
La commission note que, dans leur communication du 31 mars 2022, plusieurs experts des Nations Unies ont exprimé leur préoccupation quant au caractère vague et très général d’un certain nombre de dispositions de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité, qui pourrait donner lieu à une application discriminatoire à l’encontre des journalistes, des défenseurs des droits humains, des militants et des acteurs de la société civile qui expriment des opinions dissidentes ou publient, partagent ou commentent des informations sur le gouvernement, ses politiques ou ses actions; ces critiques pouvant être interprétées comme menaçant la «sécurité ou la paix publique» ou encore «l’ordre public ou la morale» (OL LBY 3/2022).
À cet égard, la commission note, d’après le communiqué de presse du 25 mars 2022 sur le site Web du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la préoccupation exprimée par la porte-parole du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme concernant le durcissement de la répression exercée sur la société civile en Libye, où les arrestations arbitraires et une campagne de dénigrement ont pour effet de décourager les défenseurs des droits humains, les travailleurs humanitaires et d’autres acteurs de la société civile. Sept hommes, âgés de 19 à 29 ans, ont été arbitrairement arrêtés et détenus par l’Agence de sécurité intérieure en 2021 et 2022, pour avoir diffusé des idées sur l’athéisme et fait outrage à la religion sur les médias sociaux. Selon le rapport de la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye des Nations Unies, quatre de ces hommes ont été condamnés à trois ans d’emprisonnement «avec travaux forcés» et à une amende par un tribunal de Tripoli (A/HRC/52/83).
La commission prend note de ces informations avec préoccupation dans la mesure où les restrictions à la liberté d’expression peuvent être sanctionnées par des peines d’emprisonnement impliquant un travail obligatoire. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates, en droit et dans la pratique, pour mettre fin à toute violation de la convention, en veillant à ce que quiconque exprime des opinions politiques, y compris des opinions dissidentes, ou tout autre point de vue par l’intermédiaire du Web ou de tout autre outil technologique, ne puisse être condamné à une peine d’emprisonnement s’accompagnant de l’obligation de travailler. À cet égard, la commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra des mesures pour faire en sorte que les dispositions de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité soient modifiées de manière à en restreindre la portée et à empêcher toute interprétation dans son application qui pourrait conduire à l’imposition d’une peine impliquant un travail obligatoire aux personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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