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Demande directe (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Suisse (Ratification: 1940)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Suisse (Ratification: 2017)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention, et article 1, paragraphe 2, du protocole. Action systématique et coordonnée de lutte contre le travail forcé. En réponse à la demande de la commission sur l’évaluation de la mise en œuvre du Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2017-2020, le gouvernement indique dans son rapport que celle-ci a été menée par l’Office fédéral de la police (Fedpol) en 2021, et a révélé que la majorité des 28 mesures prévues ont été mises en œuvre. Le troisième Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2023-2027 (PAN 2023-2027), élaboré par Fedpol en collaboration avec plusieurs experts, a été approuvé par plusieurs autorités politiques afin de renforcer son caractère contraignant et de bénéficier d’un large soutien politique. Le plan prévoit 44 actions, regroupées en sept objectifs stratégiques, parmi lesquels la mise en place de mesures par les cantons; la formation des acteurs de la lutte contre la traite; et la protection et l’assistance aux victimes.
S’agissant de la coordination institutionnelle au niveau fédéral, le gouvernement indique que le Service de lutte contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants (SETT) est intégré au sein de la Direction prévention de la criminalité et du droit de Fedpol depuis avril 2022. Il ajoute que Fedpol assure désormais la coordination nationale des efforts de lutte contre la traite des personnes et est responsable de l’élaboration de stratégies, telles que le Plan d’action national. En outre, un Groupe national d’experts contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants (GNETT), comprenant des experts des services officiels concernés et de la société civile, a été formé pour apporter son soutien à Fedpol et à d’autres services.
Le gouvernement souligne qu’au niveau cantonal, la coordination entre les différents services est assurée à travers les tables rondes cantonales. Il précise que leur fonctionnement est une prérogative cantonale, et que leur organisation peut varier d’un canton à l’autre. À cet égard, la commission note que le gouvernement se réfère à un rapport intitulé «La lutte contre la traite des êtres humains dans le contexte cantonal», publié en 2022 par le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), qui révèle la diversité des approches pour combattre la traite des personnes dans les cantons. Le rapport souligne que tous les cantons ne disposent pas à ce jour de tables rondes ni de mécanismes de coopération institutionnels. La commission note à ce sujet que, dans son rapport de 2024, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe (GRETA) indique que des tables rondes cantonales sont établies dans 20 des 26 cantons du pays. Le gouvernement indique que le PAN 2023-2027 prévoit que tous les cantons disposent d’un mécanisme de coopération pour lutter contre la traite des personnes d’ici 2027.
La commission encourage le gouvernement à poursuivre les efforts de coordination institutionnelle de la lutte contre la traite des personnes et le prie de fournir des informations sur les résultats obtenus dans le cadre du Plan d’action national contre la traite des êtres humains 2023-2027, y compris en ce qui concerne les mécanismes de coordination à l’échelle cantonale, ainsi que sur les principales conclusions et recommandations résultant de l’évaluation de la mise en œuvre du plan.
Article 2 du protocole. Mesures de prévention. Alinéas e) et f). Appui à la diligence raisonnable des secteurs public et privé. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission note que le gouvernement se réfère au Plan d’action national 2020-2023 pour la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Le gouvernement souligne que des difficultés existent quant à la mise en œuvre des procédures de diligence raisonnable en matière de droits humains, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises (PME). Il indique que des ateliers de sensibilisation sur la diligence raisonnable en matière de droits humains ont été organisés avec les organisations sectorielles, comprenant un focus sur le travail forcé. De plus, en 2021 a été lancé le Forum suisse «Entreprises et droits de l’homme», qui s’est intéressé au thème du travail forcé. Le gouvernement indique en outre que le PAN 2023-2027 comprend une action qui prévoit la sensibilisation du secteur privé à la thématique de la traite des personnes aux fins d’exploitation au travail. Par ailleurs, la commission note que des nouvelles dispositions du Code des obligations, entrées en vigueur le 1er janvier 2022, prévoient que les grandes entreprises suisses établissent un rapport comprenant des informations sur les conditions de travail et le respect des droits humains. Elles devront soumettre leurs premiers rapports pour l’exercice 2023.
La commission prie le gouvernement de continuer à appuyer les secteurs public et privé, dans le cadre de la diligence raisonnable dont ils doivent faire preuve, pour identifier, prévenir et atténuer les risques de travail forcé et y faire face. Prière de fournir des informations sur les résultats obtenus à cet égard, notamment à travers le Plan d’action national 2020-2023 pour la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, ainsi que sur l’évaluation de sa mise en œuvre.
Article 3 du protocole. i) Identification et protection des victimes. Le gouvernement indique que le nombre de victimes de traite identifiées par la police s’élevait à 55 en 2020 (43 à des fins d’exploitation sexuelle et 12 à des fins d’exploitation au travail), 62 en 2021 (29 à des fins d’exploitation sexuelle et 33 à des fins d’exploitation au travail), et 38 en 2022 (27 à des fins d’exploitation sexuelle et 11 à des fins d’exploitation au travail). S’agissant de l’assistance apportée aux victimes dans le cadre de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI), le gouvernement indique qu’il ne dispose pas de base de données nationale sur l’accueil des victimes de traite dans des foyers spécialisés. Il fait référence à deux foyers, dont un dans le canton de Vaud disposant de 15 places d’hébergement pour les femmes victimes de traite, et un dans le canton de Genève pour les femmes victimes de traite et de violences domestiques, au sein duquel 18 femmes victimes de traite ont été hébergées en 2021. Le gouvernement indique que les hommes sont logés dans des hôtels ou grâce à des accords de collaboration avec des partenaires cantonaux. S’agissant des autres cantons, le gouvernement souligne que les victimes sont généralement hébergées dans des maisons pour adultes en difficultés, des foyers pour femmes victimes de violences domestiques ou des hôtels. Le gouvernement indique en outre que, d’après les statistiques de l’Office fédéral de la statistique, 254 victimes de traite des personnes ont bénéficié d’une consultation d’aide en 2020, 271 en 2021, et 264 en 2022.
La commission note par ailleurs que le PAN 2023-2027 prévoit: i) que tous les cantons désignent un service qui a des connaissances spécialisées sur l’identification et la prise en charge des victimes de traite; ii) que toutes les victimes de traite bénéficient de prestations indépendamment du lieu d’exploitation; et iii) que des procédures standardisées et des standards minimaux en matière de protection et d’aide aux victimes de traite soient élaborés et intégrés dans les accords de coopération ou les principes directeurs des cantons, afin de standardiser les processus dans le pays.
La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour identifier et assurer une protection adéquate à toutes les victimes de traite en vue de leur rétablissement et réadaptation, notamment par l’élaboration de procédures standardisées et de standards minimaux pour la protection et l’aide aux victimes de traite. Elle prie le gouvernement d’indiquer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des actions du PAN 2023-2027 liées à la protection et l’assistance des victimes et à communiquer des informations sur le nombre de victimes identifiées et ayant bénéficié de services d’assistance, et la nature des services fournis.
ii) Délai de rétablissement et de réflexion. En réponse aux demandes de la commission sur l’application pratique des dispositions de l’article 35, paragraphe 3, de l’ordonnance du Conseil fédéral relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA), qui permettent de mettre fin prématurément au délai de rétablissement et de réflexion de trente jours minimum pour les victimes de traite, le gouvernement indique que la mise à terme prématurée du délai de réflexion n’est pas relevée du point de vue statistique. Le gouvernement précise que 29 délais de réflexion ont été accordés en 2022. La commission note que, dans son rapport de 2024, le GRETA souligne que d’après les ONG rencontrées, la fin prématurée du délai de rétablissement et de réflexion lorsque la victime a déclaré ne pas vouloir coopérer avec les autorités persiste, et que certaines victimes peuvent avoir le sentiment de subir la pression des autorités pour décider de témoigner avant même l’expiration du délai de rétablissement et de réflexion. Considérant que l’octroi d’un délai de rétablissement et de réflexion est essentiel pour garantir que les victimes de traite, quel que soit leur statut juridique, bénéficient des mesures de protection et d’assistance prévues par le protocole, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de cas où ont été appliquées les dispositions précitées de l’OASA permettant de mettre fin prématurément au délai de rétablissement et de réflexion, en précisant les faits qui ont justifié cette application. Prière également d’indiquer combien de victimes ont bénéficié du délai de rétablissement et la durée moyenne de ce délai.
iii) Identification des victimes de traite parmi les demandeurs d’asile. En ce qui concerne les activités du groupe de travail sur l’asile et la traite, établi sous l’égide du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), pour s’assurer de l’identification de possibles victimes de traite parmi les demandeurs d’asile, le gouvernement indique que suite aux recommandations du rapport du groupe de travail «Asile et traite des êtres humains» de mai 2021, le SEM a pris un certain nombre de mesures, parmi lesquelles: i) la réalisation d’une audition spécifique systématique par le SEM en présence d’indices de traite des personnes dans le cadre de la procédure d’asile; ii) l’octroi d’un délai de rétablissement et de réflexion de trente jours pour les victimes potentielles de traite se trouvant en procédure d’asile; et iii) la mise en place de formations et d’outils de travail pour le personnel du SEM.
Par ailleurs, la commission note que le PAN 2017-2023 prévoit de poursuivre l’amélioration de l’identification, de la protection et de l’assistance des victimes potentielles de traite parmi les demandeurs d’asile, et d’examiner l’opportunité de mettre en place un hébergement externe lorsque la sécurité d’une victime potentielle de traite ne peut pas être garantie dans les structures d’hébergement des centre fédéraux pour requérants d’asile (CFA). Selon le gouvernement, grâce aux mesures mises en œuvre, le nombre de détections de victimes de traite en procédure d’asile augmente de manière générale depuis 2018. Au total, 80 victimes potentielles de traite ont été détectées en 2019, 90 en 2020, 79 en 2021, et 123 en 2022. La commission salue les mesures prises par le gouvernement et le prie de poursuivre ses efforts pour identifier les victimes de traite des personnes parmi les demandeurs d’asile.
Article 4, paragraphe 1, du protocole. Accès à des mécanismes de recours et de réparation. La commission rappelle que les victimes de traite peuvent demander une indemnisation aux auteurs de l’infraction dans le cadre de la procédure judiciaire, ou être indemnisées par l’État si le débiteur ne verse pas ou pas suffisamment de prestation. Le gouvernement indique que 17 victimes de traite des personnes ont obtenu des indemnisations en 2020 et en 2021, et 23 en 2022. D’après l’Office fédéral de la statistique, 9 indemnisations ont été acceptées en 2023. La commission note que le PAN 2023-2027 prévoit l’organisation en 2024 d’une journée de formation pour les autorités cantonales compétentes et les avocats sur la LAVI, y compris l’indemnisation. Face au faible nombre de victimes de traite ayant reçu une indemnisation, la commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour s’assurer que toutes les victimes de travail forcé sont à même de faire valoir leurs droits et bénéficier effectivement d’une réparation. Prière de fournir des informations à cet égard en distinguant les indemnisations versées par l’auteur de l’infraction dans le cadre d’une procédure pénale ou civile, des indemnisations octroyées par l’État.
Article 4, paragraphe 2. Non-poursuite des victimes pour des actes commis sous la contrainte. Faisant suite à sa demande concernant les mesures prises pour assurer la non-poursuite des victimes de traite pour des actes commis sous la contrainte, la commission note que le gouvernement indique que le PAN 2023-2027 prévoit expressément que ce principe de non-sanction continue de figurer au programme des formations destinées aux autorités de poursuite pénales et aux gardes-frontières. Il est également prévu dans le cadre du PAN que soient édictées d’ici 2025 des directives cantonales destinées aux ministères publics sur l’importance et l’application de la règle de l’exemption de peine pour des actes que les victimes ont été poussées à commettre. La commission note que, dans son rapport de 2024, le GRETA se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles des victimes de traite ont été poursuivies pour des activités illicites malgré le fait que leur statut de victime de traite avait été clairement révélé. La commission prie le gouvernement de poursuivre les activités de capacitation à cet égard et d’indiquer les avancées réalisées pour s’assurer que les victimes de traite ayant pris part à des activités illicites qu’elles auraient été contraintes de réaliser ne soient pas poursuivies ou sanctionnées.
Article 25 de la convention, et article 1, paragraphe 1, du protocole. i) Définition et incrimination du travail forcé. Exploitation au travail. S’agissant de l’incrimination de situations de travail forcé ne relevant pas de la traite des personnes, le gouvernement réitère que les situations d’exploitation au travail qui ne relèvent pas de la traite sont déjà poursuivies sous d’autres dispositions du Code pénal. Il indique par ailleurs que l’Office fédéral de la justice examine l’opportunité de créer un élément constitutif d’infraction séparé pour l’exploitation de la force de travail. À cet égard, la commission note que le PAN 2023-2027 prévoit d’examiner la possibilité de créer une infraction spécifique pour l’exploitation au travail. Un rapport sur cette question est attendu pour 2025. La commission prie le gouvernement d’indiquer les résultats de cet examen et les mesures éventuelles prises conséquemment. En outre, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de cas identifiés et de poursuites engagées concernant les cas d’exploitation au travail non liée à la traite, en précisant les dispositions de la législation utilisée et les mesures de protection garanties aux victimes.
ii) Poursuites et application de sanctions. La commission prend bonne note des informations du gouvernement selon lesquelles 71 infractions à l’article 182 du Code pénal qui réprime la traite des personnes ont été enregistrées par la police en 2021, dont 40 à des fins d’exploitation au travail et 31 à des fins d’exploitation sexuelle, et 63 infractions ont été enregistrées en 2022, dont 45 à des fins d’exploitation sexuelle et 18 à des fins d’exploitation au travail. La commission observe que, d’après l’Office fédéral de la statistique, 74 infractions ont été enregistrées par la police en 2023, dont 51 à des fins d’exploitation sexuelle et 23 à des fins d’exploitation au travail. Elle note par ailleurs que l’Office fédéral de la statistique indique que le nombre de personnes condamnées en vertu de l’article 182 du Code pénal s’élevait à 13 en 2021, 7 en 2022 et 8 en 2023. La commission relève que, dans son rapport de 2024, le GRETA s’est dit préoccupé par le faible nombre de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite, ainsi que par la durée excessive de la procédure pénale dans certaines de ces affaires.
La commission note que le gouvernement indique que 80 inspecteurs de 18 cantons ont été sensibilisés à la traite des personnes au cours d’ateliers en 2021 et 2022 et que les formations spécialisées sur la traite des personnes pour les autorités pénales se poursuivent. Le gouvernement se réfère également à la plateforme d’échange pour les procureurs spécialistes de la traite des personnes mise en place en 2021, sous forme de rencontres, permettant un échange d’informations et de bonnes pratiques entre les ministères publics. La commission note à cet égard que le PAN 2023-2027 prévoit qu’un plan de formation soit élaboré pour tous les groupes professionnels, permettant des formations et actions de sensibilisation régulières, mais aussi que des formations destinées aux spécialistes des polices et des ministères publics soient organisées, et que les membres des ministères publics non spécialisés, des services de base de la police, et de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité aux frontières (OFDF) soient sensibilisés. La commission note que d’après le rapport du GRETA de 2024, il existe des unités de police et de procureurs spécialisées dans la lutte contre la traite des personnes dans environ deux tiers des cantons.
La commission encourage le gouvernement à continuer de renforcer les capacités de tous les acteurs de la chaîne pénale (notamment les forces de l’ordre, le ministère public et la magistrature), afin qu’ils soient pleinement en mesure d’identifier les cas de traite des personnes et de toute autre forme de travail forcé, et de mener les investigations qui pourront mener à des poursuites judiciaires. Prière de continuer à communiquer des informations sur l’application, dans la pratique, de l’article 182 du Code pénal, y compris sur le nombre de cas de traite des personnes identifiées, de poursuites initiées, de condamnations prononcées, ainsi que sur les sanctions imposées aux personnes reconnues coupables.
Article 5 du protocole. Coopération internationale. La commission prend dument note des informations détaillées communiquées par le gouvernement sur les mesures prises dans le cadre de la coopération internationale, notamment concernant les projets visant à soutenir les pays d’origine des victimes de traite.
Article 6 du protocole. Consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs. En réponse au commentaire précédent de la commission, la commission prend dument note de l’indication du gouvernement selon laquelle le Groupe national d’experts contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants (GNETT), qui a participé en 2022 à l’élaboration du troisième PAN, intègre désormais les partenaires sociaux. Le PAN contre la traite des êtres humains 2023-2027 prévoit par ailleurs que les partenaires sociaux soient invités à toutes les tables rondes cantonales de lutte contre la traite.
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