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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Pérou (Ratification: 1994)

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La commission prend note des observations envoyées par la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), reçues le 29 août 2024. Elle prend également note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2024, indiquant que des progrès sont attendus en ce qui concerne l’application de la convention conformément aux conclusions de la Commission de l’application des normes et en étroite consultation avec l’organisation d’employeurs la plus représentative du Pérou. La commission prend également note des observations conjointes envoyées par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT-Perú) et la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) – comprenant également des informations de l’Organisation nationale des femmes indigènes andines et amazoniennes du Pérou (ONAMIAP) –, reçues le 31 août 2024; des observations complémentaires de la CATP, reçues le 1er septembre 2024; et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçue le 17 septembre 2024.

Suivi des conclusions de la Commission de l ’ application des normes (Conférence internationale du Travail, 112 e  session, juin 2024)

La commission prend note de la discussion qui s’est tenue au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ciaprès, la «Commission de la Conférence») en juin 2024 sur l’application de la convention, et des conclusions qu’elle a adoptées.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme et droits fondamentaux. 1. Procédure judiciaire concernant l’assassinat de dirigeants indigènes de l’Alto Tamaya-Saweto. En ce qui concerne l’assassinat de quatre dirigeants indigènes de la communauté asháninka de l’Alto Tamaya-Saweto (département d’Ucayali), survenu en septembre 2014, la commission note que la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de veiller à ce que les auteurs et les instigateurs de ces assassinats soient poursuivis et sanctionnés de toute urgence. Elle l’a aussi prié de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie, l’intégrité physique et le bien-être psychologique des membres des familles des dirigeants indigènes assassinés.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le 11 avril 2024, le tribunal pénal collégial de la Cour supérieure de justice d’Ucayali a prononcé la condamnation des quatre personnes accusées d’avoir assassiné les quatre dirigeants indigènes qui ont été condamnés à vingt-huit ans et trois mois de prison. Toutefois, le gouvernement indique que les accusés ont fait appel de ce jugement et que la procédure est toujours en cours, en attente de la décision de justice.
À cet égard, la commission note que la CATP indique dans ses observations que la condamnation d’un des accusés n’a pas encore été prononcée et que ceux qui ont été condamnés dans le jugement d’avril 2024 sont toujours en liberté. Elle signale aussi que seuls une des veuves et un des enfants mineurs des dirigeants indigènes ont bénéficié d’une aide financière du gouvernement. Pour sa part, la CSI indique que les menaces visant les familles des personnes assassinées n’ont pas cessé et la porte-parole principale de ces familles a été la cible de représailles à Pucallpa.
La commission prend aussi note que le gouvernement a adopté le «Plan d’action Saweto» en juin 2024 dont le principal objectif est de régler les problèmes sociaux liés aux besoins fondamentaux des habitants de la communauté native de Saweto en s’appuyant sur une meilleure coordination entre les différents niveaux de gouvernement. Le plan prévoit notamment les actions suivantes: i) la garantie d’une présence policière pour générer un climat de sécurité dans la communauté; ii) la fourniture d’une assistance juridique continue pour les familles des personnes assassinées pendant toute la durée du procès en seconde instance; iii) la facilitation d’une aide financière aux orphelins des défenseurs assassinés; iv) l’établissement de canaux de communication permanents entre le Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme et la communauté de Saweto pour signaler les situations à risque; et v) l’amélioration des infrastructures communautaires et du système éducatif de la communauté. La commission observe que la CATP comme la CGTP et la CUT-Perú font savoir que le Plan d’action Saweto manque de coordination interinstitutionnelle et ne fixe pas de buts assortis de résultats objectifs et mesurables.
La commission, tout en prenant note des efforts que le gouvernement déploie pour remédier à la situation d’insécurité et de pauvreté des familles des dirigeants indigènes assassinés de Saweto, déplore profondément une nouvelle fois que les responsables présumés des assassinats soient toujours en liberté, dix ans après avoir commis ces homicides et alors qu’ils ont fait l’objet d’une condamnation en première instance, et que les familles continuent d’être victimes de menaces.
La commission souligne que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice et instaure un climat d’impunité qui affecte le plein exercice des droits des peuples indigènes. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour que tous les responsables des assassinats des quatre dirigeants de la communauté de l’Alto Tamayo-Saweto, survenus en 2014, soient enfin condamnés par un jugement définitif et sanctionnés. Elle le prie aussi de prendre sans délai des mesures pour protéger l’intégrité physique et psychologique des membres de la famille des victimes qui feraient encore l’objet de menaces. De même, la commission veut croire que les mesures nécessaires à la mise en œuvre des actions prévues dans le Plan d’action Saweto seront prises et prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus.
2. Protection des défenseurs des peuples indigènes. La commission note que la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de prendre sans délai des mesures efficaces pour prévenir la violence visant des membres des peuples indigènes et leurs défenseurs, et de fournir des informations sur les enquêtes concernant les plaintes relatives à l’abattage illégal de bois dans le département d’Ucayali.
La commission note qu’à cet égard, le gouvernement fait état de multiples procédures in situ menées par le ministère public dans plusieurs départements du pays pour recueillir des preuves concernant des allégations de violence et d’intimidation à l’encontre de membres de communautés indigènes. Dans le cadre de ces procédures, en 2024, le ministère public a notamment rendu visite aux communautés natives de Tres Islas, Masenawa et Palma Real, de même qu’aux Asháninkas du secteur baptisé «23 de septiembre», dans le département de Madre de Dios, pour enquêter sur des cas de menaces et de tentatives d’assassinat de dirigeants indigènes dans le cadre d’exploitations minières illégales et de cultures illicites de feuilles de coca. La police a aussi mené des interventions de prévention lorsque des menaces avaient été proférées à l’encontre de dirigeants indigènes de communautés natives de la jungle centrale. En outre, la commission note que le gouvernement indique qu’entre 2023 et les quatre premiers mois de 2024, plus de 1 200 opérations ont eu lieu pour lutter contre l’exploitation minière illégale. C’est ainsi que 1 336 campements et 6 installations de traitement ont été détruits. À cet égard, un groupe de travail, composé de représentants de 15 institutions de l’État, a été mis en place pour mettre à jour la Stratégie nationale pour l’interdiction de l’exploitation minière illégale.
Le gouvernement indique également qu’il a lancé un projet visant à renforcer le Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme dont les objectifs sont: i) l’amélioration de la protection effective des défenseurs des droits de l’homme; ii) le renforcement de la prévention et de la protection, grâce à des informations d’alerte rapide et à l’analyse des situations à risque; iii) l’institutionnalisation des tables rondes régionales du mécanisme intersectoriel; et iv) le renforcement de l’attention portée aux cas de prévention et de protection en mettant l’accent sur l’égalité des genres. En outre, il est prévu de renforcer les capacités des organisations indigènes pour gérer, prévenir ou réduire les effets négatifs des risques auxquels elles sont directement confrontées. La commission note également, qu’en ce qui concerne l’assassinat du dirigeant indigène Quinto Inuma Alvarado, le pouvoir judiciaire a placé en détention préventive quatre des auteurs présumés de l’homicide, dont l’instigateur présumé.
D’autre part, la commission prend note des informations communiquées par la CSI concernant l’assassinat, en avril 2024, en Amazonie péruvienne, du garde forestier Victorio Dariquebe, membre du peuple harakbut, qui aurait été menacé par des mafias associées à l’abattage illégal de bois après avoir pris la défense de sa communauté. Lors de l’attaque, son fils aurait également été poursuivi, battu et torturé par les assaillants. Le gouvernement indique qu’en réaction à cet assassinat, la police nationale du Pérou a établi dans la région de Madre de Dios 6 bases mixtes temporaires dotées de 50 agents et des bases policières dotées de 60 fonctionnaires. La commission note que, dans leurs observations conjointes, la CGTP, la CUT-Perú et la CATP fournissent des informations sur l’assassinat, en 2024, du dirigeant indigène kakataibo Mariano Isacama qui aurait pris part à la défense des terres de sa communauté contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.
En outre, la CATP indique que le Protocole de procédure du ministère public pour la prévention et l’instruction de délits contre des défenseurs des droits de l’homme est actuellement paralysé par manque de moyens, qu’il ne dispose pas des directives nécessaires à la mise en œuvre de mesures de protection fondées sur la coordination et la coopération entre les entités qui l’appliquent et ne prévoit pas de mesures pour s’occuper des personnes à charge des défenseurs menacés.
La commission reconnaît les efforts déployés par le gouvernement pour accroître la présence du ministère public dans les communautés indigènes des départements des régions centrale et amazonienne du pays, et pour renforcer les mesures de protection des défenseurs indigènes qui s’opposent aux activités illégales d’exploitation forestière et minière. Cependant, elle note avec une profonde préoccupation la persistance du climat de violence, dont les menaces et les assassinats dont sont victimes les défenseurs indigènes et les personnes à leur charge lorsqu’ils s’opposent à ces activités illégales sur leurs terres. La commission estime que, tant que l’exploitation illégale des ressources naturelles se poursuivra sur leurs terres, les peuples indigènes et leurs défenseurs continueront d’être exposés à de graves actes de violence et d’intimidation, qui peuvent aller jusqu’à des homicides. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à renforcer les institutions compétentes qui luttent contre ce phénomène. De même, elle le prie instamment de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires et urgentes pour protéger l’intégrité physique et psychologique des défenseurs indigènes qui dénoncent des activités illégales, et de leur famille, y compris au travers du Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. À cet égard, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis en ce qui concerne l’institutionnalisation des tables rondes régionales pour la protection des défenseurs des droits de l’homme issus de communautés indigènes, la coordination entre les différentes entités participant au mécanisme, le renforcement des systèmes d’alerte rapide et la formation des organisations indigènes pour gérer, prévenir et réduire les effets des risques auxquels ils sont confrontés lorsqu’ils dénoncent des activités illégales. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer également des informations sur les moyens mis à disposition pour que des enquêtes soient menées sur les récents assassinats des défenseurs indigènes survenus en 2024 et pour que leurs auteurs soient poursuivis.
Articles 6 et 15, paragraphe 2. Consultation dans le secteur minier. La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour identifier et surmonter les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des processus de consultation des peuples indigènes, notamment en ce qui concerne le secteur minier. À cet égard, la commission note que le gouvernement fait savoir que la Commission permanente multisectorielle pour l’application du droit à la consultation préalable (instance composée de 26 représentants de l’État – au niveau national, local et régional – et de 7 organisations indigènes) est occupée à concevoir un instrument pour évaluer la qualité des accords de consultation.
En ce qui concerne la réalisation de consultations dans le secteur de l’exploitation minière et l’identification des sujets des consultations, le gouvernement indique que le ministère de l’Énergie et des Mines dispose d’une équipe multidisciplinaire chargée d’identifier les peuples indigènes qui pourraient être touchés et qui doivent donc être consultés. Ce processus d’identification prévoit des entrevues, la formation de groupes de discussion, des visites de la communauté et une analyse documentaire. Une fois ces données recueillies, un premier rapport est établi sur la présence de peuples indigènes ou originaires qui contient des informations détaillées sur les quatre critères d’identification: continuité historique, ancrage territorial, institutions typiques et auto-identification. Si des peuples indigènes sont identifiés dans la zone géographique de la mesure administrative, une étude d’impact sera réalisée. Le gouvernement signale également que jusqu’en juin 2024, 90 processus de consultation préalable ont été menés à bien concernant des projets d’infrastructure, des projets de production d’électricité, des projets de zones naturelles protégées, des projets d’exploitation minière et d’extraction d’hydrocarbures, et des projets liés au patrimoine culturel.
Dans ses observations, la CONFIEP indique que, bien que le gouvernement dispose de guides méthodologiques pour identifier les sujets des consultations, il est plus difficile de déterminer la manière dont le processus d’identification des répercussions sur les droits collectifs est mené. La CONFIEP observe également que le ministère de l’Énergie et des Mines n’intègre pas l’équipe chargée d’élaborer des instruments pour évaluer le respect des accords, alors qu’il s’agit de l’entité qui réalise le plus grand nombre de processus de consultation. Pour leur part, la CGTP, CUT- Perú et la CATP signalent que, pour améliorer le processus de consultation, il est nécessaire d’aborder des points comme la bonne foi, les limites de la représentativité, la qualité des informations, l’accessibilité, la transparence et l’adéquation culturelle.
La commission encourage le gouvernement à continuer à prendre les mesures nécessaires pour poursuivre l’amélioration du fonctionnement des processus de consultation préalable, en coordination avec toutes les entités gouvernementales concernées, et en particulier en ce qui concerne l’accès à une information de qualité, la manière d’évaluer l’existence d’une affectation et l’adéquation du mécanisme de consultation à la réalité culturelle des communautés indigènes. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute évaluation du fonctionnement du processus actuel de consultation, y compris dans la cadre de la Commission permanente multisectorielle pour l’application du droit à la consultation préalable.
Article 14. Terres. En ce qui concerne les mesures pour identifier et délimiter les terres des peuples couverts par la convention, et pour délivrer les titres fonciers correspondants, le gouvernement indique que la Commission permanente multisectorielle chargée de proposer, de suivre et de superviser la mise en œuvre des mesures et actions stratégiques pour le développement intégral des peuples indigènes ou originaires travaille à une proposition de norme visant à établir une procédure administrative pour faciliter la démarcation territoriale. Le gouvernement indique aussi que la Direction générale de la régularisation de la propriété agraire et du cadastre rural dispose d’un budget pour mettre à jour le service du cadastre de 251 communautés natives des départements de Junín, de Cusco, d’Huánuco, de Pasco, de Madre de Dios et d’Ucayali. Selon les données statistiques communiquées par le gouvernement, en mai 2023, sur un total de 2 297 communautés natives reconnues, 692 communautés devaient encore recevoir leur titre de propriété pour leurs terres ancestrales.
Par ailleurs, la commission note que, dans leurs observations, la CGTP, la CUTPerú et la CATP font référence à l’adoption, en janvier 2024, de la loi no 29763 portant modification de la loi sur les forêts et la faune sylvestre et approbation des dispositions complémentaires destinées à promouvoir le zonage forestier. Selon ces organisations, la nouvelle loi établit des modifications qui encouragent la déforestation de terres traditionnellement occupées par des peuples indigènes en supprimant l’étape de vérification préalable pour l’autorisation d’activités d’exploitation forestière. À cet égard, la commission observe que, si la deuxième disposition complémentaire de cette loi prévoit qu’aucun titre concernant les forêts et la faune sylvestre n’est délivré pour des zones où un processus de reconnaissance des terres des communautés paysannes et natives, d’octroi de titres de propriété et d’extension des terres est en cours, et pour des zones où un processus de reconnaissance des peuples en isolement volontaire est en cours, cette exception ne semblerait pas s’appliquer aux peuples dont la propriété foncière n’a pas encore été identifiée ni soumise à un processus de reconnaissance ou d’octroi de titres.
La commission veut croire que les mesures adoptées par le gouvernement permettent de garantir la protection des terres traditionnellement occupées par les peuples couverts par la convention et prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les progrès accomplis en ce qui concerne les processus de délimitation des terres et de délivrance des titres de propriété foncière. La commission prie également le gouvernement de préciser l’incidence de la loi no 29763 portant modification de la loi sur les forêts et la faune sylvestre, adoptée en 2024, sur les peuples et les communautés indigènes qui vivent dans des zones recouvertes de forêts et dont les terres n’ont pas encore été identifiées ni reconnues.
Article 20, paragraphe 3 c). Protection contre la servitude pour dette sous toutes ses formes. La commission note que la Commission de la Conférence a prié le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés dans les enquêtes concernant les plaintes relatives à l’abattage illégal de bois et aux cas de travail forcé dans le cadre de la pratique de l’habilitación dans le département d’Ucayali. La commission examine les informations communiquées par le gouvernement à cet égard dans le cadre de ses commentaires formulés au titre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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