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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Nicaragua (Ratification: 2010)

Autre commentaire sur C169

Observation
  1. 2024
  2. 2018

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Articles 2 et 33 de la convention. Action coordonnée et systématique. La commission prend note du décret exécutif no 71-98 de 2021 portant règlement de la loi relative à l’organisation, à la compétence et aux procédures du pouvoir exécutif qui établit également les compétences du secrétariat au Développement de la côte caraïbe pour ce qui concerne les communautés indigènes de la région, à savoir: i) la promotion de la communication entre le gouvernement, les autorités régionales et les chefs des communautés indigènes; ii) la cohérence du déploiement des actions du gouvernement pour ce qui concerne les régions autonomes; iii) le renforcement des institutions indigènes régionales; et iv) la coordination des procédures de consultation avec la population de la côte caraïbe.
La commission prend également note de l’adoption du Plan de développement de la côte caraïbe et du Haut Wangki Bocay (2019-2029), publié sur la page Internet du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles. Élaboré en collaboration avec les gouvernements régionaux de la côte caraïbe et les gouvernements territoriaux du Haut Wangki Bocay, ce plan s’articule autour de quatre axes: le développement socioculturel; le développement économique territorial sous l’angle des changements climatiques; la transformation productive et économique; et le renforcement des institutions des autonomies. La commission note également que, dans son rapport, le gouvernement fait part de l’adoption du Plan national de lutte contre la pauvreté (2022-2026) qui prévoit le renforcement de la gouvernance des régimes de propriété communautaire dans la côte caraïbe grâce à l’élaboration de plans de développement territoriaux dans les 23 territoires indigènes et d’ascendance africaine que le gouvernement avait délimités et enregistrés avec un titre de propriété. Ces plans devront suivre un modèle d’économie verte, s’inscrire dans le processus d’institutionnalisation de la protection des territoires, favoriser la protection des biens culturels et encourager l’économie familiale, rurale et urbaine.
Par ailleurs, la commission note que tant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies, dans leurs observations finales respectives de 2021 et 2023, se sont déclarés préoccupés par les allégations relatives au fait que le gouvernement ne prend pas en considération les autorités indigènes élues dans le cadre d’assemblées communautaires et par la création d’instances parallèles pour supplanter la représentation des communautés indigènes légitimement constituées, ce qui altère les procédures de participation politique et de consultation et facilite l’usurpation de territoires indigènes (E/C.12/NIC/CO/5 et CERD/C/NIC/CO/15-21). La commission note également que, dans ses observations finales de 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a indiqué que les communautés indigènes et d’ascendance africaine, en particulier les femmes, rencontraient des difficultés pour participer aux instances de prise de décisions et aux institutions de l’État, en particulier les gouvernements communautaires et les gouvernements territoriaux indigènes (CCPR/C/NIC/CO/4).
La commission prend note de ces informations avec préoccupation et regrette que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations sur le fonctionnement des mécanismes de participation des différents peuples indigènes du pays à l’élaboration des politiques et des programmes qui les concernent, aussi bien dans le cadre du régime d’autonomie de la côte caraïbe qu’en dehors.
La commission prie le gouvernement d’indiquer comment il garantit une action coordonnée et systématique, avec la participation des peuples indigènes, par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives, dans le cadre des politiques et des programmes qui les concernent (aux niveaux national, régional et communautaire). Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises au titre des axes du Plan de développement de la côte caraïbe et du Haut Wangki Bocay (2019-2029) et sur les actions visant les peuples indigènes déployées dans le cadre du Plan national de lutte contre la pauvreté (2022-2026), et d’indiquer comment il est garanti que ces mesures sont prises en coopération avec les peuples couverts par la convention (aussi bien ceux de la région caraïbe que ceux du Pacifique).
Article 3. Droits de l’homme. Climat de violence dans la côte caraïbe nord. Dans ses commentaires précédents, la commission a constaté que régnait un climat de violence dans la côte caraïbe nord en raison de conflits liés à l’occupation des terres et prié le gouvernement de prendre des mesures pour enquêter et sanctionner ces actes de violence, ainsi que pour protéger l’intégrité des peuples indigènes. La commission déplore que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations sur ce point, compte tenu de la gravité des situations exposées.
En outre, la commission note que, d’après le rapport de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme du 11 février 2021, entre octobre 2019 et janvier 2020, la police a recensé 20 faits d’homicide, deux cas de disparition et deux cas de coups et blessures survenus dans le cadre de litiges fonciers dans la région autonome de la côte caraïbe nord. La Haute-Commissaire a également indiqué que dix hommes indigènes avaient été tués et que sept personnes avaient été blessées dans des affaires qui seraient liées à des litiges fonciers dans cette même région. À cet égard, le gouvernement a indiqué qu’il avait procédé à des enquêtes sur ces événements et que la Cour suprême de justice avait instauré une commission interinstitutionnelle chargée d’examiner tous les cas concernant une atteinte aux droits des peuples indigènes (A/HRC/46/21).
La commission note également que, dans son rapport annuel de 2023, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a réitéré sa préoccupation concernant la hausse de la violence à l’égard des peuples indigènes et des communautés d’ascendance africaine, ainsi que les attaques continues, la criminalisation et le harcèlement dont sont la cible les communautés indigènes de la côte caraïbe du Nicaragua, et le déplacement subséquent de celles-ci. Par ailleurs, la commission note que la Cour interaméricaine des droits de l’homme, par voie de la résolution du 27 juin 2023, a élargi les mesures provisoires prononcées en 2016 pour éradiquer le climat de violence qui affecte la côte caraïbe nord en raison des conflits autour de la propriété des terres, et a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits à la vie et à l’intégrité personnelle des membres du peuple indigène mayangna qui vivent dans la communauté Wilú et qui se sont déplacés du fait des actes de violence commis par des tiers ou des agents de l’État. La commission note également que, dans ses observations finales de 2024, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies a noté avec préoccupation les informations relatives à la violence physique, psychologique et sexuelle exercée sur les femmes indigènes, en particulier dans la réserve de Bosawas et sur le territoire indigène de Mayangna Sauni (CEDAW/C/NIC/CO/7-10).
La commission note avec une profonde préoccupation ces informations qui attestent de la persistance du climat de violence et d’atteintes à la vie et à l’intégrité physique des communautés indigènes de la région autonome de la côte caraïbe nord, climat lié aux revendications territoriales et aux processus de vérification du statut des terres (saneamiento) de ces communautés. À cet égard, la commission rappelle qu’un climat de violence tel que décrit constitue un sérieux obstacle à l’exercice des droits des peuples indigènes consacrés par la convention et souligne que l’absence de poursuites et de condamnations à l’égard des auteurs de faits de violence crée un climat d’impunité inacceptable qui a des effets sur l’exercice des droits des peuples indigènes. La commission prie instamment et fermement le gouvernement d’adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir un climat exempt de violence dans le cadre duquel est dûment protégée l’intégrité physique et psychologique des peuples couverts par la convention. Elle prie ainsi le gouvernement de mettre en œuvre, de toute urgence, les mesures nécessaires pour: i) que tous les actes de violence commis dans les zones où vivent les peuples indigènes de la côte caraïbe nord fassent l’objet d’une enquête, que les responsabilités soient établies et les coupables poursuivis, y compris dans le cadre des travaux de la commission interinstitutionnelle établie par la Cour suprême de justice; ii) que la vie et l’intégrité physique et psychologique des peuples indigènes de la côte caraïbe nord, en particulier des femmes indigènes, soient protégées; et iii) qu’une action coordonnée soit menée pour déterminer les racines des conflits à l’origine de la violence et que des mesures soient prises à cet égard.
Article 6. Consultations. La commission constate que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le fonctionnement des mécanismes de consultation préalable sur les mesures législatives et administratives susceptibles de toucher directement les peuples indigènes. La commission note que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et le Comité des droits de l’homme des Nations Unies ont exprimé leur préoccupation face à l’absence de mécanisme efficace garantissant que les communautés indigènes sont consultées sur des décisions susceptibles d’avoir des incidences sur leurs droits, en particulier sur leurs territoires traditionnels, en raison des allégations reçues au sujet de situations dans lesquelles l’exigence de consultation préalable n’a pas été respectée ou de tenue de consultations menées avec des personnes non habilitées à représenter les peuples indigènes concernés (E/C.12/NIC/CO/5, CCPR/C/NIC/CO/4, et CERD/C/NIC/CO/15-21). La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour mener à bien des consultations avec les peuples couverts par la convention au sujet de toute mesure législative et administrative susceptible de les toucher directement. Elle prie également le gouvernement de préciser le cadre règlementaire de la consultation préalable, en indiquant l’institution chargée de la coordination et du suivi de ces processus.
Article 14. Délimitation et processus de délivrance de titres de propriété foncière. La commission rappelle que la délimitation et la délivrance de titres de propriété foncière pour les peuples indigènes des régions autonomes de la côte caraïbe nord sont régies par la loi no 445 de 2002 (loi sur le régime de propriété communautaire des peuples indigènes et des communautés ethniques des régions autonomes de la côte atlantique du Nicaragua et des fleuves Bocay, Coco, Indio et Maíz) et qu’il n’existe pas de loi régissant expressément la propriété communautaire des peuples indigènes du Pacifique, du centre et du nord du pays.
En réponse à la demande d’informations de la commission sur les avancées en matière de délimitation et de délivrance de titres de propriété foncière pour les terres indigènes, le gouvernement indique qu’il a délivré 125 277 titres de propriété dont bénéficient 134 491 personnes, par la voie du projet d’administration des terres (PRODEP III), et qu’il a effectué le relevé topographique afin de mettre à jour le cadastre dans les territoires des communautés indigènes des départements de Madriz, de Nueva Segovia et de Jinotega, concernant: 13 452 parcelles dans la municipalité de Telpaneca; 4 851 parcelles dans la municipalité de San José de Cusmapa; 3 087 parcelles dans la municipalité de las Sabanas; 5 240 parcelles dans la municipalité de Mozonte; et 3 504 parcelles dans la municipalité de María de Pantasma. La commission note également que, d’après les informations fournies par le gouvernement, en coordination avec la Commission nationale de délimitation et de délivrance de titres de propriété foncière (CONADETI), des titres de propriété foncière ont été délivrés dans deux zones complémentaires, dans le territoire de Mayangna Sauni Bu et dans le territoire Miskitu Indian Tasbaika Kim.
La commission note également que, d’après les informations de la CONADETI, entre 2005 et 2022, dans la région autonome de la côte caraïbe nord et dans la région autonome de la côte caraïbe sud, 23 titres de propriété communautaire et trois zones complémentaires qui représentent un total de 3 881 598,9 hectares (soit 29,7 pour cent du territoire national) ont été approuvés et les justificatifs remis; ces éléments ont été enregistrés au registre foncier public. Ces décisions ont bénéficié à 313 communautés indigènes et d’ascendance africaine et à 284 161 personnes. La commission note également que le gouvernement indique que les affaires portant sur des droits réels dans un territoire occupé par les communautés indigènes sont soumises à l’autorité judiciaire compétente qui, à son tour, les porte à la connaissance de l’autorité territoriale concernée afin que les communautés touchées puissent intervenir.
La commission note également que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies, dans ses observations finales de 2023, s’est déclaré préoccupé par les allégations relatives à l’absence de vérification du statut des terres (saneamiento) des territoires indigènes, ce qui a donné lieu à des invasions illégales de la part de colons et de personnes non indigènes, ainsi qu’à des conflits et des violences autour de l’accès aux terres et aux ressources naturelles (CERD/C/NIC/CO/1521).
La commission prie le gouvernement de continuer à s’employer à faire avancer la délivrance des titres de propriété, la délimitation et la vérification du statut (saneamiento) des terres traditionnellement occupées par les peuples couverts par la convention et de continuer à fournir des informations détaillées à cet égard. Elle prie également le gouvernement de fournir des exemples de cas relatifs à des différends entre peuples indigènes ou tribaux et des tiers qui auront été réglés par l’autorité judiciaire, ainsi que sur les procédures en cours.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2025.]
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