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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Géorgie (Ratification: 1999)

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La commission prend note des observations de la Confédération géorgienne des syndicats (GTUC), reçues le 24 septembre 2024.
Articles 3 et 5 de la convention. Droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leur gestion, de s’affilier à des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs, et de recevoir une aide financière de leur part. Loi sur la transparence de l’influence étrangère (la loi). La commission prend note de l’adoption de la loi, le 28 mai 2024. Elle constate qu’en vertu de ses articles 2(1)(a) et 4(1), les personnes morales non entrepreneuriales (non commerciales) (sauf celles expressément exclues) doivent s’inscrire auprès de l’Agence nationale du registre public en tant qu’«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère» si une puissance étrangère est la source de plus de 20 pour cent de leur revenu annuel par année civile. Par puissance étrangère s’entend une entité (y compris une fondation, une association, une société ou un syndicat) ou toute autre forme d’association de personnes au regard de la législation d’un autre État ou du droit international (article 3). La commission constate donc qu’une organisation d’employeurs ou un syndicat peut être tenu de s’enregistrer comme organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère si elle est affiliée à une organisation internationale d’employeurs ou de travailleurs et si elle en reçoit une aide financière équivalente à plus de 20 pour cent de son revenu. La commission note que la loi impose d’autres obligations aux organisations de travailleurs et d’employeurs reconnues comme organisations poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère, à savoir: i) l’obligation de soumettre une déclaration financière annuelle (article 6(1)); et ii) l’obligation de fournir immédiatement les informations nécessaires à la personne habilitée par le ministère de la Justice, dans le cadre de l’examen et de l’enquête menés sur la déclaration d’enregistrement ou les déclarations financières, ainsi que dans le cadre du suivi (article 6(1) et 8(3) et (4)). La commission note également qu’en vertu de l’article 8 de la loi, toutes les organisations sont soumises à un suivi afin de déceler si elles poursuivent les intérêts d’une puissance étrangère, et qu’un suivi n’est engagé que comme suite à: i) une décision d’une personne habilitée par le ministère de la Justice; ou ii) une demande écrite soumise au ministère de la Justice, contenant des informations pertinentes sur une organisation précise poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère. La commission constate que le champ d’application de cette disposition semble illimité, car elle ne contient aucun critère précis sur les entités ou les personnes pouvant soumettre de déclarations déclenchant un suivi ni d’éléments restreignant le pouvoir discrétionnaire des agents de l’État. La commission prend également note des amendes prévues à l’article 9 en cas de violation de la loi: i) 25 000 lari géorgien (environ 9 200 dollars É.-U.) en cas de manquement à l’obligation de s’enregistrer ou de soumettre une déclaration financière; ii) 10 000 lari en cas de manquement à l’obligation remplir la déclaration d’enregistrement ou de combler une lacune, et 20 000 lari en cas de manquement continu; et iii) 5 000 lari en cas de manquement à l’obligation de fournir les informations demandées par la personne habilitée par le ministère.
Tout en notant que l’article 1(2) dispose que la loi ne doit pas restreindre les activités d’une entité enregistrée en tant qu’organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère, la commission considère qu’il est difficile de concilier ainsi la charge bureaucratique supplémentaire imposée aux syndicats et aux organisations d’employeurs recevant une aide financière de l’étranger (y compris d’un syndicat international ou d’une organisation d’employeurs à laquelle ils sont affiliés), et les lourdes peines qui peuvent être imposées aux organisations, avec le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leur gestion, d’organiser librement leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que le contrôle exercé par les autorités publiques sur les finances des organisations de travailleurs et d’employeurs ne devrait pas aller au-delà de l’obligation de soumettre des rapports périodiques et que le pouvoir discrétionnaire des autorités de procéder à des inspections et de demander des informations à tout moment entraîne un risque d’ingérence dans l’administration interne de ces organisations. La commission rappelle qu’une loi qui entrave gravement les activités d’un syndicat ou d’une organisation d’employeurs au motif qu’ils acceptent une aide financière d’une organisation internationale de travailleurs ou d’employeurs à laquelle ils sont affiliés porte atteinte aux principes relatifs au droit de s’affilier à des organisations internationales énoncé à l’article 5 de la convention.
La commission comprend que la loi a été adoptée sans que les partenaires sociaux aient été consultés et prend note, à ce propos, de l’avis urgent de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe dans lequel la Commission s’est dite profondément préoccupée par le fait que cette loi a été adoptée à la hâte sans processus de consultation digne de ce nom. La commission rappelle que des consultations franches et libres avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives doivent précéder l’introduction de tout projet de loi touchant les droits et les intérêts des travailleurs et des employeurs. La commission constate également que la Commission de Venise a estimé qu’en faisant référence à plusieurs reprises à des organisations «poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère», la loi stigmatisait et affaiblissait toute organisation recevant des fonds de l’étranger. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, en vue d’en exclure expressément les organisations d’employeurs et les syndicats du champ d’application. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis en réponse à sa préoccupation, notamment sur toutes les mesures prises à cet égard.
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