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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Türkiye (Ratification: 1952)

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La commission prend note des observations de l’Organisation internationale de employeurs (OIE), reçues le 30 août 2024, sur les discussions qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (Commission de la Conférence) à propos de l’application de la convention par la Türkiye. La commission prend également note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues respectivement les 31 août et 17 septembre 2024, qui portent sur des questions examinées dans le présent commentaire. La commission prend note des réponses du gouvernement à ces observations.

Suivi des conclusions de l a Commission d ’ application des normes (Conférence internationale du Travail, 112 e   session , juin 2024)

La commission prend note de la discussion tenue au sein de la Commission de la Conférence en juin 2024 sur l’application de la convention par la Türkiye, au cours de laquelle elle a noté avec préoccupation les nombreux cas de discrimination antisyndicale enregistrés dans le pays et le manque de sanctions suffisamment dissuasives pour lutter contre ce phénomène, en droit comme dans la pratique. La commission note également avec préoccupation les lacunes importantes, en droit et dans la pratique, concernant la portée de la négociation collective. Prenant en compte cette discussion, la Commission de la Conférence a appelé le gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, à prendre des mesures adéquates et efficaces pour:
  • garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur les licenciements antisyndicaux présumés, pratiqués en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence, dans le cadre de procédures offrant toutes les garanties d’une procédure régulière;
  • adopter des sanctions efficaces et dissuasives contre la discrimination antisyndicale, y compris les licenciements antisyndicaux, dans les secteurs public et privé, et garantir que les travailleurs ayant subi de tels préjudices ont droit à des voies de recours et de réparation adéquates (y compris la réintégration, l’indemnisation financière, etc.);
  • mener un examen complet des mécanismes judiciaires et non judiciaires afin que les cas de discrimination antisyndicale fassent sans délai l’objet d’enquêtes et de réparations efficaces;
  • établir un système solide de collecte de données relatives à la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé;
  • prévenir l’ingérence dans les activités syndicales légitimes ainsi que le recours de la violence à l’égard des syndicalistes et des travailleurs;
  • modifier l’article 34 de la loi no 6356 en vue de permettre aux parties du secteur privé souhaitant conclure des accords régionaux ou nationaux intersectoriels de le faire;
  • veiller à ce que les syndicats minoritaires soient en mesure d’exercer leurs droits protégés par la convention;
  • garantir que les procédures judiciaires concernant la valeur juridique des certificats de majorité syndicale sont conclues dans des délais raisonnables;
  • modifier l’article 28 de la loi no 4688 afin de lever les restrictions sur la portée matérielle de la négociation dans le secteur public et de faire en sorte que les parties concernées puissent décider, en toute autonomie, des sujets de la négociation;
  • modifier la législation en vigueur afin de garantir que le personnel pénitentiaire, les travailleurs suppléants et les fonctionnaires dépourvus de contrat écrit peuvent effectivement exercer leur droit d’organisation et de négociation collective garanti par la convention;
  • fournir des voies de recours efficaces et rapides en cas de licenciement de syndicaliste fondé sur les pouvoirs d’exception;
  • revoir la méthode de nomination des membres du conseil d’arbitrage de salariés du secteur public afin d’en garantir l’indépendance et l’impartialité;
  • élaborer et mettre en œuvre des campagnes et des programmes de sensibilisation afin de faire connaître les droits syndicaux aux forces de sécurité, au pouvoir judiciaire et à l’administration; et
  • communiquer toute information manquante demandée par la commission d’experts avant sa prochaine session, ainsi que les informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations et sur les résultats obtenus.
La Commission de la Conférence a invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre efficacement toutes les recommandations de la commission.
Articles 1 à 6 de la convention. Champ d’application de la convention. Personnel pénitentiaire. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié à plusieurs reprises le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations collectives. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle: i) en vertu d’un arrêt de 2023 de la Cour constitutionnelle, les chefs de départements, les doyens de faculté, les directeurs d’instituts et de lycée et leur adjoints sont autorisés à constituer des syndicats et à s’y affilier, ce qui laisse penser que leur rôle au sein d’une autorité publique ne les empêche pas automatiquement de s’affilier à un syndicat; et ii) la justification de cette décision peut servir de jurisprudence édifiante pour que les catégories de fonctionnaires ne pouvant pas se syndiquer soient moins nombreuses. Prenant note des indications du gouvernement, la commission rappelle qu’aux termes de la présente convention le personnel pénitentiaire dispose du droit de négociation collective, qui inclut le droit d’être représenté dans les négociations par l’organisation de son choix. La commission prie donc de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, notamment en révisant l’article 15 de la loi no 4688, pour garantir que le personnel pénitentiaire peut être effectivement représenté par les organisations de son choix dans les négociations collectives.
Travailleurs suppléants et fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de garantir que les travailleurs suppléants, dont les enseignants, le personnel infirmier et les sagefemmes, ainsi que les fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit, peuvent exercer leurs droits consacrés par la convention. La commission note que, tout en rappelant que ces travailleurs ne peuvent pas s’affilier à des syndicats établis en vertu de la loi no 4688 car ils ne sont pas employés dans un cadre ou un poste visé à l’article 3 de la loi, le gouvernement indique que le Conseil consultatif tripartite a organisé en octobre 2023, au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, une réunion sur le thème du dialogue social. Pendant la réunion, présidé par le ministre en personne, des représentants du ministère, de ses institutions affiliées, de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ), de la Confédération des syndicats turcs authentiques (HAK-İŞ), de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) ont discuté des défis rencontrés par le pays dans ce domaine. Il a été décidé de former des souscommissions de travail, qui commenceront immédiatement à travailler aux côtés des confédérations, des syndicats, des experts juridiques et des universitaires. Une souscommission de travail a tenu sa première réunion, le 23 mai 2024, consacrée aux difficultés intrinsèques à la législation collective du travail actuelle, en vue d’apporter d’éventuels amendements dans ce domaine. Il a été convenu d’organiser une deuxième réunion le 26 juin 2024. Prenant note des indications du gouvernement, la commission s’attend à ce que le gouvernement puisse rapidement faire état de progrès afin de garantir que les travailleurs suppléants et les fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit peuvent exercer leur droit d’organisation et de négociation collective, soit en modifiant la loi afin de leur permettre de s’affilier à des organisations constituées en vertu de la loi no 4688, soit en leur offrant un cadre dans lequel ils peuvent créer leurs propres organisations.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements de masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté avec une profonde préoccupation que les fonctionnaires affirmant que leur licenciement en vertu de l’application des lois d’urgence à la suite de la tentative de coup d’état de 2016 était en réalité motivé par des raisons antisyndicales, n’avaient pas eu accès à une procédure efficace, rapide et équitable les protégeant contre le licenciement antisyndical. La commission avait alors prié instamment le gouvernement de prendre les mesures adéquates pour garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur ces allégations, dans le cadre de procédures efficaces et rapides présentant toutes les garanties d’une procédure régulière. La commission note que, selon les dernières observations de la KESK sur cette question, la situation perdure et pratiquement 60 pour cent des affiliés de ce syndicat qui ont été licenciés continuent de demander justice. La KESK allègue que même parmi ceux qui ont obtenu le droit de reprendre leur travail, certains n’ont pas encore réintégré leur poste en raison d’enquêtes de sécurité, ce que le gouvernement ne conteste pas dans sa réponse. La commission note également que le gouvernement rappelle que la commission d’enquête a examiné et évalué les demandes en vertu des principes et procédures contenues dans la loi No 7075 et qu’il n’est donc pas juste de dire que les membres de la KESK ont été délibérément pris pour cibles. Le gouvernement rappelle que la tâche principale de la commission d’enquête est de déterminer si les personnes concernées ont agi sous les ordres et les instructions d’une organisation terroriste. Le gouvernement ajoute que, pour chaque cas, les motifs de licenciement et les données recueillies ont été soigneusement examinés. En outre, les décisions prises par les autorités judiciaires ont fait l’objet d’un suivi par le biais du système national d’information judiciaire. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: i) les décisions de la commission d’enquête, détaillées dans le rapport d’activité, ont été notifiées aux institutions concernées; ii) les personnes acceptées ont été réintégrées dans leur institution respective ou dans le Conseil de enseignants du supérieur. Celles qui n’étaient pas d’accord avec les décisions rendues pouvaient faire appel devant neuf tribunaux administratifs spécialisés d’Ankara; et iii) les licenciements ont été effectués conformément aux dispositions constitutionnelles et légales, et visaient à éliminer toute menace à la sécurité nationale. Pour le gouvernement, les questions liées à la sécurité sont séparées de celles concernant le travail, et comme aucun syndicaliste n’est à l’abri de faire l’objet de poursuites pour des actes illicites, des syndicalistes ont été arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’être des membres d’organisations terroristes ou d’avoir participé à des activités terroristes en violation du Code pénal, de la loi antiterroriste et de la loi sur les réunions et les manifestations. La commission note une fois de plus qu’il ne peut être déduit des informations fournies par le gouvernement que, dans le cadre des travaux de la commission d’enquête, une attention particulière a été accordée et des garanties ont été mises en place pour examiner de manière adéquate les allégations de discrimination antisyndicale. La commission note également que le gouvernement rappelle l’information donnée à la Commission de la Conférence en juin 2024 selon laquelle le Président de la République a lancé une stratégie de la réforme judiciaire en 2019, dans le cadre de laquelle le huitième train de mesures judiciaires, publiée en mars 2024, a élargi le mandat et l’autorité de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme, établie en 2013, afin de raccourcir la procédure de contentieux. Au vu de ce qui précède, la commission note une fois de plus avec une profonde préoccupation que les fonctionnaires qui affirment que leur licenciement prononcé en application des décretslois d’urgence était motivé par des raisons syndicales n’ont pu avoir accès à une procédure efficace, rapide et équitable les protégeant d’un licenciement antisyndical. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures adéquates pour garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur ces allégations, dans le cadre de procédures efficaces et rapides présentant toutes les garanties d’une procédure régulière. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard, ainsi que sur l’impact de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme dans le contexte du huitième train de mesures judiciaires.
Pouvoirs d’exception continuant d’être utilisés pour licencier des syndicalistes. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de faire part de ses commentaires sur l’observation de la KESK selon laquelle, bien que l’état d’urgence soit levé, les gouverneurs et les ministères ont continué à utiliser l’article provisoire 35 du décret-loi d’urgence no 375 et ont licencié, le 29 novembre 2021, 21 enseignants membres du Syndicat des travailleurs de l’éducation et des sciences (EĞİTİM SEN) de Diyarbakir. Regrettant l’absence de nouvelles informations à ce sujet, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires concernant l’allégation selon laquelle les pouvoirs d’exception continuent d’être utilisés pour licencier des syndicalistes.
Article 1. Protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux. Secteur privé. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu’en vertu de la législation en vigueur: i) les autorités judiciaires ne pouvaient en aucun cas ordonner à un employeur du secteur privé qu’il réintègre un salarié; ii) l’article 25(4) de la loi no 6356 (loi sur les syndicats et les conventions collectives) fixait un montant minimum pour «l’indemnité syndicale» en cas d’acte de discrimination antisyndicale autre que le licenciement, qui correspondait au salaire annuel du travailleur mais, en cas de licenciement antisyndical, la loi ne fixait ni montant minimum ni plafond, la question semblant être laissée à la discrétion de l’autorité judiciaire; et iii) le gouvernement n’a fait référence à aucune autre pénalité ou sanction existante pour les licenciements antisyndicaux, et l’article 78 de la loi no 6356 concernant le volet pénal était muet sur la discrimination antisyndicale. La commission note que, pour le gouvernement, la législation prévoit suffisamment de protection contre les actes discriminatoires et de sanctions dissuasives en la matière. Le document rappelle en particulier que: i) les dispositions de la loi no 4857 sur le travail concernant les licenciements injustifiés sont conçues dans le droit fil de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, qui n’impose pas non plus la réintégration mais prévoit des indemnités adéquates; ii) les dommages et intérêts et amendes administratives, ainsi que les actions en dommages et intérêts sont les sanctions prévues pour la violation des articles 17, 19 et 25 de la loi no 6356; iii) les actions en dommages et intérêts en cas de discrimination antisyndicale concernant l’emploi sont réglementées par l’article 25 de la loi no 6356; et iv) l’article 118 du Code pénal no 5237 dispose que quiconque emploie la force ou la menace à l’égard d’une personne afin de la contraindre à s’affilier ou non à un syndicat, à participer aux activités d’un syndicat ou à quitter son poste dans un syndicat ou à la direction d’un syndicat, encourt entre six mois et deux ans de prison. Concernant le montant des compensations versées à un travailleur licencié pour des motifs antisyndicaux, la commission rappelle, cependant, qu’il n’existe pas de disposition précise en vertu de la loi no 6356 qui fixe le montant d’une «indemnité syndicale» et que cela est laissé à la discrétion du magistrat. La commission rappelle par ailleurs les recommandations formulées à cet égard par le Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 3410. Au vu de ce qui précède, la commission prie de nouveau instamment le gouvernement, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures appropriées pour adopter des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux dans le secteur privé. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations concernant la pratique judiciaire au moment de déterminer le montant de l’indemnité accordée aux travailleurs licenciés pour des motifs antisyndicaux. Enfin, en l’absence d’autres informations portées à sa connaissance, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires concernant l’observation de la CSI alléguant le licenciement sommaire de 180 travailleurs, tous membres du Syndicat turc des travailleurs de l’industrie du bois et du papier (AGACIS) après qu’un tribunal eut ordonné à l’entreprise d’engager des négociations avec le syndicat, en juin 2022.
Discrimination antisyndicale dans le secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait observé que: i) bien que l’article 18 de la loi no 4688 interdise la discrimination antisyndicale, notamment les mutations et les licenciements, l’amende prévue à l’article 38b de la loi ne semble pas applicable aux actes de discrimination antisyndicale par rapport à l’emploi, puisqu’elle ne couvre pas les violations de l’article 18 de la loi qui interdit de tels actes, et ii) il en va de même pour l’article 118 du Code pénal. La commission note que, même si le gouvernement rappelle que les dispositions susmentionnées garantissent une protection suffisante contre tout type de discrimination, il ne mentionne pas d’autre disposition légale qui permettrait d’accorder une indemnité aux travailleurs du secteur public faisant l’objet de discrimination antisyndicale. En conséquence, la commission ne peut que noter à nouveau que la législation ne prévoit pas d’indemnité pour les victimes de discrimination antisyndicale (y compris le licenciement), ni toute sanction à l’endroit des personnes responsables de discrimination antisyndicale. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures appropriées pour garantir que la législation prévoit la protection adéquate contre la discrimination antisyndicale dans le secteur public, en accordant une compensation complète pour le préjudice subi, du point de vue tant professionnel que financier, et en prévoyant des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard et de faire part de ses commentaires concernant les observations de la KESK en 2023 et 2024, alléguant la mutation antisyndicale de 30 membres parmi ses affiliés.
Collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public. La commission rappelle qu’elle avait prié le gouvernement d’établir un système de collecte des données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: i) des travaux ont été lancés par le «bureau de distribution» au sein du système national d’information judiciaire. Cependant, la capacité de ce bureau et la très lourde charge de travail des instances judiciaires, ainsi que le nombre élevé de cas alourdissent le système d’enregistrement des cas pour lesquels une discrimination antisyndicale a été identifiée; ii) la permanence téléphonique Alo 170 est également un outil utile pour recevoir toutes sortes d’informations sur les questions d’emploi et de sécurité sociale; iii) dans le cadre du projet de renforcement du dialogue social dans la vie professionnelle, mené conjointement par le BIT et le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, le rapport sur les «méthodes de mise en place d’un système de collecte de données visant à détecter les cas de discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public et une proposition de modèle pour la Türkiye» a été préparé en collaboration avec les partenaires sociaux et publié le 3 octobre 2018. Cependant, malgré tous les efforts décrits dans le rapport, il n’a pas été possible d’établir une proposition de modèle pour le pays et aucun exemple établi pour d’autres pays ne pouvait servir de référence en matière de communication des données sur la discrimination antisyndicale. La commission note en outre que le gouvernement rappelle qu’il revient aux tribunaux de décider si le licenciement d’une personne est dû à son affiliation à un syndicat ou à sa participation à des activités syndicales; cependant, au vu des procédures judiciaires et de la durée des affaires, il est extrêmement difficile de relever et d’enregistrer les informations nécessaires, et il n’est actuellement pas possible d’obtenir des données fiables sur la discrimination antisyndicale. Notant avec regret l’absence de progrès significatifs à ce sujet, la commission souligne une fois de plus la nécessité de prendre des mesures concrètes en vue d’établir un système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale et espère que le gouvernement fournira, dans son prochain rapport, des informations sur les avancées et les progrès enregistrés à cet égard.
Article 2. Protection adéquate contre les actes d’ingérence. Prime à la convention collective. La commission a pris note des observations du Syndicat des services de santé (SAHİM-SEN) concernant la prime à la convention collective, uniquement versée aux membres de syndicats de fonctionnaires qui comptent pour au moins 2 pour cent du nombre total de fonctionnaires pouvant s’affilier à un syndicat dans un secteur donné. La commission note que, d’après le gouvernement, comme suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 janvier 2024, la règle exigeant que le nombre de membres de syndicats de fonctionnaires dépasse le seuil des 2 pour cent pour que soit versée la prime à la convention collective a été révoquée. La Cour constitutionnelle a affirmé que, même si les fonctionnaires ne sont pas dans l’obligation de s’affilier à des syndicats, la pratique de la prime à la convention collective uniquement versée aux membres de ces syndicats limite la constitution de nouveaux syndicats et la liberté de choix qu’ont les travailleurs au moment de s’affilier au syndicat de leur choix. La commission prend bonne note de l’arrêt de la Cour.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, si la négociation intersectorielle aboutissant à des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public» était possible dans le secteur public, ce n’était pas le cas dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement d’engager un nouveau processus de consultation avec les partenaires sociaux, en vue de modifier l’article 34 de la loi no 6356, afin de garantir que les parties du secteur privé qui le souhaitent peuvent conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux sans entrave. La commission note que, s’il dit de nouveau que le système actuel est le produit d’un système de relations professionnelles ancien et bien établi en Türkiye et qu’il n’empêche pas les parties qui le souhaitent de conclure un accord sectoriel aux niveaux régional et national, le gouvernement est prêt à examiner des propositions de modification du système de négociation collective actuel, conjointement formulées par les partenaires sociaux s’ils parviennent au consensus nécessaire sur ce point. À cet égard, le gouvernement met en avant le processus législatif engagé début 2024, avec la participation des partenaires sociaux, au sein du Conseil consultatif tripartite. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tous faits nouveaux concernant la modification de l’article 34 de la loi no 6356.
Conditions requises pour devenir un agent de négociation. Secteur privé. Détermination du syndicat le plus représentatif et droits des syndicats minoritaires. La commission rappelle que l’article 41(1) de la loi no 6356 énonce la condition suivante pour devenir un agent de négociation collective au niveau de l’entreprise: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée, et plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise pour participer à la négociation collective. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’abaissement en 2015, de 3 à 1 pour cent, du seuil de représentativité au niveau de la branche pour devenir un agent de négociation collective au niveau de l’entreprise avait eu un impact positif sur le taux de syndicalisation et avait estimé que la suppression du seuil de représentativité au niveau de la branche aurait un impact positif similaire sur le taux de syndicalisation ainsi que sur la capacité des syndicats, en particulier des syndicats indépendants qui ne sont pas affiliés à de grandes confédérations, à utiliser les mécanismes de négociation collective. La commission prend note des observations de la CSI d’après lesquelles le seuil de 1 pour cent empêche des organisations syndicales importantes de différents secteurs non négligeables de négocier collectivement et la méthode de collecte et de calcul du nombre de membres devient au fil du temps discutable. La commission note que le gouvernement réitère que le seuil de 1 pour cent permet que des syndicats forts deviennent parties à des conventions collectives et ainsi que les salariés bénéficient plus efficacement des droits syndicaux. En ce qui concerne les données statistiques, la commission note que le gouvernement répond à la CSI en indiquant que: i) les taux d’affiliation syndicale sont publiés dans le cadre de la loi no 6356, qui régit les règles auxquelles doivent se plier les syndicats pour protéger et faire valoir les droits de leurs membres ainsi que pour réglementer leurs activités; ii) le ministère du Travail et de la Sécurité sociale établit ces données statistiques à partir du nombre de membres enregistrés sur le portail de l’administration en ligne et des notifications concernant les travailleurs soumises à l’Institution de sécurité sociale; et iii) comme les données sont entièrement transférées depuis des plateformes numériques, le ministère ne peut s’ingérer. Le gouvernement souligne que, d’après le communiqué du ministère du Travail et de la Sécurité sociale sur les statistiques de juillet 2024, la Türkiye compte 231 syndicats, dont 102 sont affiliés à sept confédérations syndicales de travailleurs et 129 sont indépendants. Soixante et un syndicats dépassent le seuil de 1 pour cent exigé pour la négociation collective, dont 57 sont affiliés à trois grandes confédérations, à savoir la TÜRK-İŞ, la HAK-İŞ et la DİSK. La commission continue néanmoins de constater que: i) près des trois quarts des syndicats du pays ne rempliraient pas les conditions nécessaires pour devenir agent de négociation collective en raison de l’application du seuil sectoriel de 1 pour cent; ii) les différentes règles régissant la reconnaissance d’organisations aux fins de négociation collective ne sont pas propices au développement de la négociation collective dans le pays; et iii) d’après ILOSTAT, 7,4 pour cent des salariés en Türkiye étaient couverts par une convention collective en 2019. Notant que le gouvernement réaffirme qu’il est prêt à envisager des propositions de modification de l’article 41(1) de la loi no 6356 si les partenaires sociaux parviennent à un consensus à cet égard, la commission prie de nouveau le gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures adéquates pour: i) modifier l’article 41(1) de la loi no 6356 de manière à ce qu’un plus grand nombre d’organisations de travailleurs puisse s’engager dans la négociation collective avec les employeurs; et ii) modifier la législation pour faire en sorte que, lorsqu’un syndicat ne remplit pas les conditions nécessaires pour devenir un agent de négociation exclusif, les syndicats minoritaires soient au moins en mesure de conclure, conjointement ou séparément, une convention collective ou un accord direct au nom de leurs membres. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à ce sujet. La commission prie aussi le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de syndicats dans le pays, en indiquant lesquels franchissent le seuil sectoriel de 1 pour cent, ainsi que sur le nombre de conventions collectives conclues et en vigueur et le nombre de travailleurs couverts.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires non commis à l’administration de l’État. Portée matérielle de la négociation collective. La commission avait noté dans ses précédents commentaires que l’article 28 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, limitait le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée de travail, la promotion, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. À cet égard, la commission prend note des observations de la KESK de 2024 insistant sur le fait que le cadre de négociation collective pour les agents publics limite les négociations aux droits économiques et ne permet pas d’examiner d’autres aspects de la vie professionnelle. La commission note que le gouvernement indique de nouveau que: i) les activités syndicales de certains fonctionnaires, en particulier ceux qui travaillent dans des secteurs stratégiques ou sous contrat, sont limitées et, si ces limites sont conformes aux intérêts nationaux et aux conventions internationales, un suivi continu est indispensable pour garantir que tous les fonctionnaires sont dûment représentés; ii) la modification apportée en 2012 a bien élargi la portée matérielle de la négociation collective dans le secteur public et permis aux syndicats et aux confédérations de fonctionnaires de participer et d’intervenir dans les décisions et l’élaboration des décisions, auparavant unilatéralement endossées par les autorités publiques; iii) nombre d’améliorations concernant les droits financiers et sociaux des fonctionnaires ont été apportées grâce à ce processus; et iv) des progrès ont également été accomplis sur d’autres points, notamment les droits en matière de congé, l’instauration d’une amnistie disciplinaire, l’abolition de la pratique consistant à rompre la relation d’emploi avec une personne ayant reçu un blâme pendant la période d’essai, la présence des représentants syndicaux aux comités disciplinaires et les modalités importantes concernant les fonctionnaires en situation de handicap. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de fournir davantage d’informations sur la portée matérielle exacte de la négociation collective en ce qui concerne les fonctionnaires non commis à l’administration de l’État, en droit et dans la pratique.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs publics (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans le service public. Même si les syndicats les plus représentatifs de la branche sont représentés au sein de la PSUD et prennent part aux négociations au sein des comités techniques de branche, leur rôle au sein de la PSUD est restreint dans la mesure où ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, notamment lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche. La commission avait donc prié le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et son application dans la pratique permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions pour les conventions collectives, y compris sur des questions susceptibles d’intéresser plus d’une branche, s’agissant des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. La commission note que le gouvernement se contente de reproduire les informations qu’il avait fournies au sujet du rôle que jouent les syndicats de branche représentatifs au sein du comité technique créé pour chaque branche. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations portant spécifiquement sur le rôle que jouent concrètement les syndicats de branche les plus représentatifs au sein de la PSUD en ce qui concerne la conclusion de conventions collectives applicables à plusieurs branches d’activité.
Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement d’envisager de revoir le mode de désignation des membres du Conseil afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties. La commission note que le gouvernement se contente une fois de plus d’indiquer que le président du conseil d’arbitrage est désigné parmi les présidents, les vice-présidents ou les chefs de service de la Cour de cassation, du Conseil d’État (Cour suprême pour les juridictions administratives) et de la Cour suprême en matière de comptes publics. La commission note que, pour sa part, la KESK rappelle que le septième cycle de négociation collective, qui s’est déroulé en août 2023, s’est terminé sur un renvoi au conseil d’arbitrage, où il a été décidé que l’offre du gouvernement était juste, et qu’aucun changement n’a été apporté en faveur des salariés du secteur public. Rappelant que le Président de la République nomme non seulement le président mais aussi sept des 11 membres du conseil d’arbitrage des salariés du secteur public et que le gouvernement est aussi l’employeur dans le secteur public, et qu’il est donc partie aux négociations sur lesquelles le conseil d’arbitrage doit se prononcer, la commission note avec regret le manque de progrès sur ce point et prie de nouveau instamment le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de désignation des membres du conseil d’arbitrage et de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin.
Rappelant que le gouvernement peut se prévaloir de l’assistance technique du BIT, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un avenir proche.
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