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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Emirats arabes unis (Ratification: 1997)

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Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant l’obligation de travailler pour punir l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. 1. Loi no 7 sur la lutte contre les infractions terroristes de 2014 (loi antiterroriste). La commission note que la loi antiterroriste de 2014 contient diverses dispositions qui prévoient une peine d’emprisonnement pour diverses «infractions liées au terrorisme». Elle note que les peines d’emprisonnement impliquent une obligation de travailler, en application de l’article 71 du décret-loi fédéral no 31 de 2021 promulguant la loi sur les délits et les peines (Code pénal) et de l’article 292 du décret-loi fédéral no 38 de 2022 promulguant la loi sur les procédures pénales (Code de procédure pénale).
La commission prend note d’une communication datée du 13 novembre 2020 (OL ARE 6/2020), dans laquelle les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations Unies se disent préoccupés par le fait que la formulation des dispositions pénales incluses dans la loi antiterroriste est parfois imprécise et ambiguë, au point qu’elle pourrait porter atteinte au principe de sécurité juridique, y compris en ce qui concerne la définition même du terrorisme. Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales se sont dit préoccupés par le fait que l’utilisation de termes ambigus tels que «s’opposer au pays», «influencer les autorités publiques du pays ou d’un autre pays ou d’une organisation internationale», soulève de graves inquiétudes quant à leur application arbitraire en raison de leur manque de spécificité juridique. Ils se sont également dit préoccupés par le fait que l’article 63 de la loi antiterroriste semble donner au ministre des Affaires présidentielles un large pouvoir discrétionnaire pour qualifier n’importe quelle organisation d’entité terroriste, sans procédure claire pour l’exercice de ce pouvoir ni contrôle sur ce dernier.
La commission prend note des avis émis le 5 mai 2023 par le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, concernant le cas de 12 personnes émiraties impliquées dans le procès de masse UAE94. Ce groupe, composé d’universitaires, de magistrats, d’avocats, d’étudiants et de défenseurs des droits humains, a été condamné en 2013 sous différents chefs d’accusation liés à la lutte contre le terrorisme et à la cybercriminalité. Après avoir purgé leur peine, ils ont ensuite été placés en détention dans des centres munasaha en vertu de la loi antiterroriste de 2014, au motif qu’ils étaient perçus comme des menaces terroristes. Entre autres constatations, le Groupe de travail fait observer que leur placement en détention a été fondé rétroactivement sur l’application de la loi antiterroriste, dont les dispositions sont formulées de manière vague et générale et peuvent avoir un effet dissuasif sur l’exercice des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté d’opinion et d’expression, et à la liberté de réunion et d’association pacifiques. Le Groupe de travail conclut également qu’il semble que les 12 détenus aient été sélectionnés pour être maintenus en détention en vertu de la loi antiterroriste sur la base de leurs activités publiques liées à l’exercice de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion, pour lesquelles ils ont été détenus arbitrairement à l’origine.
La commission prend note avec préoccupation des informations concernant des cas d’usage abusif des dispositions de la loi antiterroriste et observe que les personnes condamnées en vertu de ces dispositions peuvent se voir infliger des sanctions pénales sous la forme de peine d’emprisonnement qui, comme indiqué plus haut, prévoient un travail pénitentiaire obligatoire. La commission rappelle que, en vertu de l’article 1 a) de la convention, aucune peine comportant l’obligation de travailler ne peut être imposée à des personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission souligne à cet égard que la protection prévue par la convention ne s’étend pas aux personnes qui ont recours ou qui incitent à la violence, ou préparent des actes de violence. Elle souligne également que, si la législation antiterroriste répond au besoin légitime de protéger la sécurité et la sûreté de la population, elle peut, lorsqu’elle est rédigée en termes généraux et peu précis, devenir un moyen de sanctionner l’exercice pacifique des droits et libertés civils, tels que la liberté d’expression et le droit de réunion. La convention protège ces droits et libertés contre toute répression qui s’exerce au moyen de sanctions comportant l’obligation de travailler.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’aucune sanction comportant l’obligation de travailler ne puisse être imposée en application de la loi antiterroriste de 2014 aux personnes qui, sans recourir à la violence ni la préconiser, expriment des opinions politiques ou manifestent leur opposition à l’ordre politique, social ou économique établi. Elle prie le gouvernement de fournir des informations qui permettraient à la commission d’évaluer la manière dont la loi est utilisée et interprétée par les autorités compétentes, notamment le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de peines imposées pour avoir commis des infractions liées au terrorisme, ainsi qu’une description des faits ayant conduit à ces condamnations.
2. Loi fédérale n15 de 1980 régissant les publications. La commission avait précédemment pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi réglementant les activités des médias était à l’étude, lequel réviserait la loi fédérale no 15 de 1980. À cet égard, la commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle se réfère aux dispositions suivantes de la loi fédérale no 15 de 1980, en vertu desquelles des sanctions pénales impliquant l’obligation de travailler en prison peuvent être imposées en cas de violation des dispositions suivantes:
  • article 70: interdiction de critiquer le chef de l’État ou les dirigeants des Émirats;
  • article 71: interdiction de publier des écrits portant atteinte à l’islam, au gouvernement, aux intérêts du pays ou encore aux systèmes fondamentaux sur lesquels la société est fondée;
  • article 76: interdiction de publier des écrits diffamatoires à l’égard d’un chef d’État d’un pays arabe ou musulman ou d’un pays ami, ou des écrits qui pourraient altérer les relations du pays avec des pays arabes ou musulmans ou des pays amis;
  • article 77: interdiction de publier des écrits de nature à causer une injustice aux Arabes ou à donner une image déformée de la civilisation ou du patrimoine culturel arabe;
  • article 81: interdiction de publier des écrits de nature à fragiliser la monnaie nationale ou à semer la confusion sur la situation économique d’un pays.
La commission constate avec regret l’absence d’informations de la part du gouvernement sur tout fait nouveau concernant la révision de la loi fédérale no 15 de 1980.
La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans le cadre de l’adoption du projet de loi sur les activités des médias ou de toute autre révision législative, les dispositions susmentionnées seront réexaminées afin que la législation régissant les publications et les médias ne contienne pas de dispositions qui permettraient de condamner et d’imposer des peines d’emprisonnement aux personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.
3. Code pénal. Depuis un certain nombre d’années, la commission attire l’attention du gouvernement sur l’incompatibilité qui existe entre la convention et certaines dispositions du Code pénal de 1987 qui interdisent la création d’une organisation ou l’organisation d’une réunion ou d’une conférence dans le but d’attaquer ou de malmener les fondements ou les enseignements de l’islam, ou d’appeler à la pratique d’une autre religion, ces infractions étant passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de dix ans (article 317 et 320). La commission s’est également référée aux articles 318 et 319 du Code pénal, qui prévoient une peine d’emprisonnement pour tout membre d’une association spécifiée à l’article 317 qui conteste les fondements ou les enseignements de l’islam, et qui fait du prosélytisme pour une autre religion ou pour une idéologie qui en relève.
La commission note avec regret que le nouveau Code pénal adopté en 2021, en ses articles 368 et 371, érige en infraction les mêmes délits et maintient la peine d’emprisonnement et l’obligation de travail pénitentiaire.
La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre les articles 368 à 371 du Code pénal en conformité avec la convention, par exemple en limitant leur champ d’application aux actes de violence ou d’incitation à la violence. Dans l’attente de l’adoption de ces modifications, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de ces dispositions, y compris le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, ainsi que les faits à l’origine de ces condamnations et la nature des sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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