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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Fédération de Russie (Ratification: 1998)

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Article 1 a) de la convention. Peines impliquant un travail obligatoire imposé à titre de sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Loi no 114-FZ de 2002 sur la lutte contre l’extrémisme et Code pénal. La commission a noté que les infractions liées à l’extrémisme visées aux articles 280 (appels publics à mener des activités extrémistes), 282.1 (création d’un groupe extrémiste) et 282.2 (organisation des activités d’un groupe extrémiste) du Code pénal, lus conjointement avec la loi no 114-FZ de 2002 sur la lutte contre l’extrémisme, sont passibles, entre autres, de peines impliquant une obligation de travail, en particulier de peines privatives de liberté ou de peines de travaux obligatoires.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que les tribunaux fixent les peines réprimant la commission d’actes à caractère extrémiste en tenant compte de leur gravité. La commission note en outre que, dans ses observations finales publiées en 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, a constaté avec préoccupation que la loi no 144-FZ de 2002 sur la lutte contre l’extrémisme était fréquemment invoquée pour cibler les opposants politiques, les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, les journalistes, les communautés religieuses, les artistes et les avocats, afin de restreindre l’espace civique, y compris la liberté d’expression (CCPR/C/RUS/CO/8).
La commission note également que, à la suite de l’adoption de la loi no 32-FZ du 4 mars 2022, le Code pénal a été complété par l’introduction des articles ci-après, qui prévoient des peines impliquant un travail obligatoire:
  • article 207.3 (Diffusion en connaissance de cause de fausses informations sur les forces armées de la Fédération de Russie; sur l’exercice par les organes publics des pouvoirs qui leurs sont dévolus; sur l’assistance apportée bénévolement par des groupements, des organisations ou des particuliers à l’accomplissement de tâches assignées aux forces armées de la Fédération de Russie);
  • article 280.3 (Actions publiques visant à jeter le discrédit sur l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie à des fins de protection des intérêts de la Fédération de Russie et de ses citoyens et du maintien de la paix et de la sécurité internationales; sur l’exercice par les organes publics des pouvoirs qui leurs sont dévolus; sur l’assistance apportée bénévolement par des groupements, des organisations ou des particuliers à l’accomplissement de tâches assignées aux forces armées de la Fédération de Russie).
À cet égard, la commission note que, dans son rapport de 2023, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie a indiqué que l’article 207.3 du Code pénal était formulé en des termes généraux, vagues et imprécis et que des personnes qui avaient légitimement exercé leur droit à la liberté d’expression avaient été condamnées à des peines d’emprisonnement disproportionnées (A/HRC/54/54). La commission note en outre que, dans son avis no 78/2022, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention d’un défenseur des droits de l’homme condamné à une peine privative de liberté au titre de l’article 207.3 du Code pénal était arbitraire (A/HRC/WGAD/2022/78). Dans son avis no 76/2023, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a estimé que les dispositions de l’article 280.3 du Code pénal étaient vagues et trop générales et a conclu que la privation de liberté de la personne qui avait été condamnée au titre dudit article était arbitraire (A/HRC/WGAD/2023/76,). En outre, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a recommandé que les articles 207.3 et 280.3 du Code pénal, qui restreignent indûment la liberté d’expression, soient abrogés (CCPR/C/RUS/CO/8).
La commission rappelle que la raison d’être de l’article 1 a) de la convention est de protéger les personnes qui, dans l’exercice de la liberté d’expression ou d’autres libertés publiques connexes, expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi, en établissant que, dans ce contexte, elles ne peuvent pas être sanctionnées par des peines impliquant une obligation de travailler. La commission a attiré l’attention sur des situations dans lesquelles les restrictions sont justifiées et ne relèvent pas de l’article 1 a); par exemple, les situations dans lesquelles l’expression d’opinions opposées à l’ordre établi sont exprimées en recourant à la violence ou en incitant à la violence ne relèvent pas du champ d’application de la protection accordée par la convention. La commission a également rappelé que, comme le reconnaissent des organismes internationaux ou régionaux de défense des droits de l’homme, toute restriction au droit à la liberté d’expression et au droit de réunion doit répondre à l’exigence de légalité, et être à la fois nécessaire et proportionnée (voir observation générale 2023 concernant l’application de la convention no 105).
La commission note avec une profonde préoccupation que diverses dispositions de la législation nationale sont invoquées pour poursuivre et condamner des personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, lesquelles ont conduit ou pourraient conduire à l’imposition de sanctions impliquant une obligation de travail. La commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre immédiatement des mesures efficaces, en droit comme dans la pratique, pour garantir qu’aucune personne exprimant des opinions politiques ou manifestant une opposition idéologique au système politique, social ou économique établi ne peut être condamnée à une peine d’emprisonnement impliquant une obligation de travail.En particulier, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour: i) assurer que les dispositions du Code pénal réprimant les infractions liées à l’extrémisme sont appliquées de telle manière qu’aucune peine impliquant une obligation de travail ne puisse être imposée à des personnes qui expriment pacifiquement leurs opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi de façon pacifique; et ii) modifier les articles 207.3 et 280.3 du Code pénal en limitant clairement leur champ d’application aux menaces effectives et concrètes contre l’ordre public ou au recours ou à la menace de recours à la violence, ou en abrogeant les dispositions prévoyant des peines impliquant une obligation de travail, dont les peines privatives de liberté et de travaux obligatoires. Enfin, la commission prie instamment le gouvernement d’assurer la remise en liberté immédiate de toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement impliquant une obligation de travail pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou avoir manifesté son opposition au système politique, social ou économique établi de façon pacifique.
Loi fédérale no 65-FZ du 8 juin 2012 portant modification de la loi fédérale no 54FZ du 9 juin 2004 sur les rassemblements, réunions, manifestations, défilés et piquets de grève ainsi que du Code des infractions administratives. Faisant suite à ses commentaires précédents, la commission note avec un profond regret l’absence d’informations portant précisément sur l’application concrète des articles 20.2 (violation de la procédure établie régissant l’organisation ou la tenue de rassemblements, réunions, manifestations, défilés et piquets de grève) et 20.18 (blocage des moyens de transport) du Code des infractions administratives. La commission note en outre que, dans son rapport de 2023, la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie a fait état d’arrestations et de mises en détention généralisées de manifestants majoritairement pacifiques (A/HRC/54/54). En outre, dans une communication conjointe publiée le 28 mars 2022, des experts indépendants de l’ONU chargés des droits de l’homme se sont déclarés préoccupés par les informations indiquant que des milliers de manifestants qui avaient légitimement exercé leur droit à la liberté d’expression et leur droit de réunion pacifique ont été arrêtés et placés en détention (AL RUS 3/2022).
La commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’application dans la pratique des articles 20.2 et 20.18 du Code des infractions administratives ne donne pas lieu à l’imposition de sanctions impliquant une obligation de travail à l’égard des manifestants et des défenseurs des droits de l’homme qui expriment leur désaccord avec, ou critiquent, les autorités de manière pacifique. Elle le prie également de fournir des informations sur l’application des articles 20.2 et 20.18 du Code des infractions administratives dans la pratique, y compris les poursuites engagées et les décisions judiciaires prononcées, en donnant des précisions sur les peines imposées et les faits qui ont donné lieu à des condamnations.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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