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Observation (CEACR) - adoptée 2024, publiée 113ème session CIT (2025)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Chine (Ratification: 2022)

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La commission salue le premier rapport, présenté en temps voulu, par le gouvernement et aux informations détaillées sur le cadre législatif complet qui a été élaboré au cours des dernières décennies pour supprimer le travail forcé sous toutes ses formes. La commission fait bon accueil aussi aux efforts significatifs qui sont déployés pour renforcer la législation et la pratique nationales, afin de combattre les différentes formes de travail forcé au cours de cette période, avec l’assistance technique que fournit ponctuellement le Bureau depuis 2003. La commission reconnaît en particulier les progrès réalisés par la Chine au cours de la période à l’examen, en vue de l’application effective de la convention dans le cadre de la préparation de la ratification de la convention, notamment les suivants: l’adoption de la loi sur les contrats de travail (2007), qui a formalisé les relations professionnelles afin que les travailleurs soient moins exposés au travail forcé, et qui a introduit des dispositions spécifiques aux fins de la prévention ou de l’interdiction du travail forcé; l’abolition en 2013 de la «rééducation par le travail» (劳动敎养); la modification de l’article 241, paragraphe 6, de la loi pénale en 2015 afin d’ériger en délit pénal l’achat de femmes et d’enfants victimes de la traite; l’abolition du système de «détention et d’éducation» (收容教育) pour les travailleurs du sexe et leurs clients en 2019; le renforcement progressif des sanctions dans la loi pénale à l’égard des auteurs de travail forcé; la ratification en 2010 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants; la détermination à enquêter sur les responsabilités administrative, civile et pénale dans des cas de travail forcé, à lutter contre les crimes de cyber-traite des personnes et à améliorer les procédures de recrutement de la main-d’œuvre dans le Plan d’action de la Chine contre la traite des êtres humains (2021-2030) qu’a approuvé le Conseil d’État en 2021; et les dispositions administratives sur les stages pour les élèves des centres d’enseignement professionnel approuvées par neuf ministères en 2021 et qui ont renforcé la protection des élèves, qui est prévue à l’article 50 de la loi sur l’enseignement professionnel (2023).
Article 1, paragraphe 1, de la convention.Travail forcé ou obligatoire de minorités ethniques et religieuses. La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 18 septembre 2024, dont certains aspects ont été examinés en 2021 et 2022 par la commission dans le cadre de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et par la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2022 – ainsi que dans le cadre de l’examen, actuel et passé, par la commission de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964. Dans ses dernières observations, la CSI fait état de pratiques de travail forcé généralisées et soutenues par l’État dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang (Xinjiang) et dans la région autonome du Tibet (Tibet). Selon la CSI, deux grands systèmes de placement coercitif existent au Xinjiang. D’un côté, un système de détention arbitraire pour les Ouïghours et d’autres minorités ethniques et religieuses soupçonnés de mettre en danger la stabilité sociale et la sécurité nationale (système des «Centres de formation et d’éducation aux compétences professionnelles» ou système VSTEC). En 2020, ce système a été remplacé par la détention institutionnalisée à long terme dans des prisons ordinaires à l’issue d’une procédure judiciaire formelle, en particulier la détention d’intellectuels éminents, et par le placement forcé persistant, de détenus «libérés», dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme le textile et l’électronique. De l’autre côté, un système de transfert des travailleurs ruraux «excédentaires» – à savoir, un transfert d’activités traditionnelles à faible revenu vers d’autres secteurs: entre autres, traitement de matières premières pour la production de panneaux solaires, de batteries et d’autres pièces détachées de véhicules; travail agricole saisonnier et transformation des fruits de mer. Ces dernières années, dans le cadre d’une campagne intense d’enquête et de suivi sur la situation de pauvreté de millions de ménages ruraux, les autorités ont accru leurs objectifs, d’où une augmentation des transferts de main-d’œuvre entre les provinces. Dans le même temps, les autorités locales ont «activement conduit» de petits exploitants agricoles issus de communautés ethniques à céder leurs parcelles agricoles à de grandes coopératives dirigées par l’État, «libérant» ainsi des travailleurs ruraux «excédentaires» pour les transférer dans l’industrie manufacturière ou le secteur des services. La CSI affirme qu’au cours de la dernière décennie, des politiques analogues ont été menées dans la région autonome du Tibet (Tibet). Ces politiques appliqueraient des méthodes coercitives, telles que des méthodes de formation professionnelle de type militaire, et comporteraient l’intervention de cadres politiques afin que les populations nomades et les agriculteurs tibétains passent de leurs moyens de subsistance traditionnels à des emplois comportant des revenus quantifiables en espèces dans divers secteurs – construction de routes, exploitation minière ou transformation de produits alimentaires –, ces mesures ayant pour effet de diluer «l’influence négative de la religion». Des courtiers en main-d’œuvre et des entreprises locales ont été incités à réaliser des activités de placement, ce qui a contribué à une augmentation constante du transfert de travailleurs ruraux, dont le nombre devrait atteindre 630 000 travailleurs en 2024. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires détaillés en réponse à ces observations de laCSI.
La commission prend note des rapports de divers mécanismes des droits de l’homme de l’ONU ces dernières années qui examinent des allégations analogues, et qui ont fait bon accueil à la ratification des conventions no 29 et no 105. En 2022, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), dans le cadre de ses procédures d’alerte précoce et d’action urgente, a demandé une enquête immédiate au sujet de l’ensemble des allégations de violations des droits de l’homme au Xinjiang, y compris des allégations de travail forcé. En 2023, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies s’est dit préoccupé par les informations concernant la situation en matière d’emploi des Ouïghours, des Kazakhs, des Kirghizes, des Hui, des peuples de langue turcique et d’autres minorités ethniques en Chine, notamment musulmanes, informations qui témoignent à de nombreux égards de l’application de mesures coercitives, dont le travail forcé (E/C.12/CHN/CO/3). En 2023, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies s’est dit préoccupé par les informations selon lesquelles les programmes de «transfert de main-d’œuvre» et de «formation professionnelle», dans la région autonome du Tibet en Chine, reléguaient les femmes tibétaines à des formations à des emplois peu qualifiés et ne tenaient pas compte de leurs compétences spécifiques; et par les informations faisant état de mesures coercitives en matière d’emploi à l’égard des femmes ouïghoures, y compris le travail forcé, ainsi que de violences sexuelles dans des centres d’enseignement et de formation professionnels pour les femmes ouïghoures. Plusieurs rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont reçu à plusieurs reprises des informations qui semblent aller dans le sens des allégations que la commission examine actuellement.
La commission rappelle en outre ses commentaires précédents et ceux de la Commission de la Conférence sur l’application par la Chine de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Dans ces commentaires, la commission avait exprimé sa profonde préoccupation quant aux allégations graves de discrimination à l’égard des minorités ethniques et religieuses au Xinjiang, qui se fonde sur des orientations générales exprimées dans différents documents nationaux et régionaux d’ordre général et réglementaire. En particulier, la commission avait noté la définition large de l’extrémisme dans le règlement du Xinjiang sur la déradicalisation (XRD), étayée par des indicateurs («principales expressions de radicalisation») qui au demeurant pourraient être considérés comme des questions relevant du choix de chacun et de la pratique religieuse. La commission avait noté le vaste dispositif numérique de surveillance des personnes au Xinjiang et les possibilités que comporte la législation pour placer en détention administrative les personnes soupçonnées d’extrémisme. Dans ses commentaires sur la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, la commission avait en outre relevé plusieurs indices qui laissent supposer la présence d’une «politique de transfert de main-d’œuvre» recourant à des méthodes qui entravent gravement le libre choix de l’emploi – le gouvernement a mentionné la «délocalisation» en grand nombre de «main-d’œuvre rurale en surnombre» vers des sites d’emploi industriel et agricole situés dans la province du Xinjiang et en dehors de celle-ci, dans des «conditions structurées» de «gestion de la main-d’œuvre». Dans ce contexte, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées, tant en droit que dans la pratique, pour modifier les dispositions réglementaires nationales et régionales afin de réviser ses politiques de déradicalisation et d’emploi de telle sorte que les minorités ethniques et religieuses ne soient pas victimes du travail forcé ou obligatoire.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Situation de vulnérabilité des migrants étrangers à l’imposition de travail forcé. La commission prend note d’un rapport du HautCommissariat aux droits de l’homme (HCDH, 2024) selon lequel plusieurs indicateurs de travail forcé de l’OIT mettent en évidence la pratique du travail forcé à l’égard de ressortissants de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) qui travaillent à l’étranger, y compris en Chine. D’après ce rapport, ces ressortissants de la RPDC travaillent dans des conditions de coercition et d’exploitation et sont menacés de rapatriement s’ils ne sont pas assez productifs ou s’ils commettent des infractions. Toujours en 2024, plusieurs rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont demandé un complément d’information au sujet d’enquêtes sur la situation des filles et des femmes de la RPDC qui ont été victimes de la traite à des fins de mariage forcé, d’exploitation sexuelle, de travail forcé et de servitude domestique. La commission rappelle que les États ayant ratifié la convention doivent supprimer l’emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes, sur leur territoire ou dans leur juridiction. La commission prie le gouvernement de déployer des efforts pour empêcher que des migrants étrangers ne soient victimes de pratiques et de conditions abusives qui relèvent de l’imposition de travail forcé, et pour garantir leur accès à la justice et aux voies de recours. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre, parmi les travailleurs migrants, de victimes de pratiques abusives qui ont été identifiées, et sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de sanctions imposées aux auteurs.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement, dans laquelle elle note en particulier que la pleine application de la convention exige que les dispositions légales et réglementaires adoptées à tous les niveaux administratifs (c’est-à-dire aux niveaux national, provincial, municipal, préfectoral, des comtés et des municipalités) soient conformes aux dispositions de la convention.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2025.]
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