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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2001, Publication : 89ème session CIT (2001)

Convention (n° 122) sur la politique de l'emploi, 1964 - Portugal (Ratification: 1981)

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Un représentant gouvernemental a remercié la commission de l'occasion qui lui est donnée d'apporter un complément d'information sur le marché du travail et sur la politique de l'emploi dans son pays. Il s'est d'abord référé aux questions sur lesquelles la commission d'experts a demandé un complément d'information. A propos du niveau général d'instruction et de formation de la population active, la commission d'experts a demandé des renseignements sur les mesures adoptées pour l'améliorer et pour coordonner l'offre et la demande d'emplois. Dans son rapport, le gouvernement a indiqué que le niveau de qualification de la population est, dans l'ensemble, faible, surtout chez les adultes. Le taux de scolarisation des jeunes est proche de la moyenne de l'Union européenne. Toutefois, la proportion de jeunes qui n'ont pas suivi plus des neuf ans de scolarité obligatoire est significative. Il y a aussi des jeunes qui ne finissent pas la scolarité obligatoire et entrent prématurément dans le marché du travail.

Depuis 1997, l'Union européenne donne une priorité élevée à la politique de l'emploi, laquelle a été renforcée pendant la présidence portugaise de l'Union. Au premier semestre de 2000, les autorités européennes ont adopté des stratégies globales de plein emploi et de cohésion sociale, et souligné l'importance de la formation continue et du rôle des partenaires sociaux dans la modernisation de l'organisation du travail, dans la formation continue et dans la croissance de l'emploi. La stratégie européenne pour l'emploi se fonde sur les engagements politiques définis au plus haut niveau.

Le Directeur général du BIT, dans son rapport "Réduire le déficit du travail décent", qui a été présenté cette année, a signalé que la stratégie européenne pour l'emploi constitue un bon exemple de bonne stratégie globale de l'emploi.

A propos de cette stratégie, le Portugal dispose d'un Plan d'action nationale pour l'emploi qui a été révisé en 2001 et qui, à la lumière des résultats du plan l'an passé, tient compte des recommandations que l'Union européenne a adoptées, en particulier les recommandations relatives à la formation continue, aux problèmes de l'abandon scolaire, à la qualité de l'éducation et de la formation ainsi qu'à la contribution des partenaires sociaux à la modernisation de l'organisation du travail et à l'adaptation des relations de travail et de la formation continue.

L'intervenant a ajouté que le gouvernement et les partenaires sociaux ont fait bon accueil à ces recommandations et qu'ils ont conclu au début de cette année un accord sur la politique de l'emploi, le marché du travail, l'éducation et la formation. Cet accord prévoit des mesures de formation des jeunes et des adultes qui figurent dans le Plan d'action nationale pour l'emploi pour 2001. Ce plan prévoit des initiatives pour accroître l'employabilité, en particulier celle des groupes qui ont le plus de difficulté pour s'insérer dans le marché du travail - jeunes, femmes, chômeurs de longue durée. Le plan prévoit aussi de nombreuses mesures relatives à l'instruction et à la formation des enfants et des jeunes, notamment: a) le renforcement de l'enseignement préscolaire; b) la poursuite du programme de lutte contre l'exclusion scolaire et sociale au stade de l'éducation de base (ce programme prévoit des mesures en faveur des enfants et des jeunes ayant des problèmes de comportement et d'apprentissage); c) un système qui permet aux jeunes de moins de 18 ans qui entrent ou souhaitent entrer sur le marché du travail de finir l'enseignement obligatoire, le cas échéant, ou de suivre une formation professionnelle. Cette formation est d'au moins 1 000 heures et, pour les jeunes ayant un emploi, elle prévoit que 40 pour cent des heures de travail à temps complet sont destinés à des fins de formation. Dans ce cas, les entreprises perçoivent des subventions pour compenser les salaires qu'elles versent pendant la formation; d) la mise en place à court terme d'un système qui permettra aux jeunes ayant fini leur scolarité à 15 ans - la législation portugaise fixe à 16 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi - de suivre une dixième année d'instruction (enseignement professionnel) dans le cas où ils ne souhaiteraient pas poursuivre leurs études. Cette mesure sera appliquée à l'avenir à tous les jeunes ayant terminé la scolarité obligatoire et ne souhaitant pas poursuivre leurs études; e) la familiarisation des jeunes aux nouvelles techniques d'information et de communication. Cette année, toutes les écoles seront connectées à Internet; f) des programmes d'enseignement et des cours de formation pour faciliter le passage à la vie active des jeunes ayant terminé l'enseignement secondaire ou supérieur.

A propos de la promotion de l'instruction et de la formation de la population active adulte, l'intervenant a fait mention, entre autres mesures, de l'introduction dans le système d'enseignement des adultes de l'enseignement extrascolaire, de la formation continue et de la formation continue des groupes les plus désavantagés. Il a signalé que, à partir de l'année prochaine, au moins 10 pour cent des travailleurs de chaque entreprise participeront à la formation continue. Ainsi, en 2003 et en 2006, tous les travailleurs bénéficieront respectivement d'au moins 20 heures et 35 heures de formation certifiée. L'objectif est que toute la population ait accès aux technologies de l'information et de la communication, et que au moins la moitié de la formation continue porte sur ces domaines.

A propos du deuxième point sur lequel la commission d'experts a formulé des commentaires, l'intervenant a souligné que, faute de temps, il n'y fera pas référence mais qu'il en sera question dans le rapport que le gouvernement communiquera à la commission d'experts.

Au sujet de la structure de l'emploi en fonction du niveau de qualification, et du taux de chômage en fonction du niveau d'instruction, la commission d'experts a demandé des informations sur les résultats de la politique gouvernementale, en particulier sur les stratégies d'application des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le représentant gouvernemental a indiqué que ces informations figureraient dans le prochain rapport. A titre d'exemple, il a signalé que, récemment, un programme interministériel pour l'innovation dans les technologies susmentionnées a été lancé en vue de la mise en place de ces technologies dans les services publics et les entreprises. A propos de l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail, son gouvernement et les partenaires sociaux ont conclu cette année un accord sur les conditions de travail, sur la santé et la sécurité au travail et sur la prévention des accidents du travail. Cet accord prévoit principalement l'appui de l'Etat pour la formation et l'engagement de techniciens de la sécurité et de la santé au travail, de médecins et d'infirmières. L'intervenant a ajouté que c'est dans le secteur des services qu'il y a le plus de possibilités de création de nouveaux emplois. Il a formulé l'espoir que soient créés de nouveaux emplois qualifiés, notamment dans l'enseignement préscolaire, dans le tourisme et en vue du développement de la politique culturelle.

A propos du Plan d'action nationale pour l'emploi, qui doit avoir pour effet de resserrer le lien entre protection sociale et politique de l'emploi, d'améliorer le dialogue social et le partenariat à tous les niveaux, de créer des partenariats avec les organismes locaux de développement et de réduire les inégalités entre hommes et femmes, le représentant gouvernemental a indiqué que le prochain rapport contiendra des informations complètes sur ces points. Au sujet de la protection sociale, il a indiqué qu'elle a des incidences sur la politique de l'emploi. Il a mentionné trois mesures récentes: a) un revenu minimum a été fixé pour les familles et les personnes ayant peu de ressources, celles-ci s'engageant en contrepartie à participer à des programmes de formation et à accepter des emplois appropriés pour s'insérer dans la vie active; b) les chômeurs qui reçoivent des prestations de chômage et qui sont embauchés ultérieurement à temps partiel peuvent continuer de recevoir des prestations d'un montant réduit; c) pour favoriser l'accès à l'emploi des jeunes et l'emploi des chômeurs de longue durée, les employeurs qui les engagent sont exemptés de cotisations de sécurité sociale pendant trois ans, le niveau de protection de ces travailleurs étant garanti.

Au sujet du dialogue social, des initiatives ont été prises et ont a réussi à conclure les deux accords susmentionnés dans les domaines de l'emploi, du marché du travail, de l'éducation, de la formation, de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que de la prévention des accidents du travail. Ces accords ont été signés par toutes les confédérations syndicales et patronales qui participent au plus haut niveau au dialogue social. Les négociations se sont poursuivies sur l'organisation du travail, la productivité et les salaires, et sur les améliorations de la protection sociale. Le Plan d'action nationale pour l'emploi se soucie particulièrement des politiques d'égalité de chances et des politiques qui visent à concilier activités professionnelles et vie privée. L'intervenant a signalé que le gouvernement donnerait dans ses prochains rapports des informations sur les résultats de ces politiques.

A propos de l'initiative interministérielle visant à promouvoir l'emploi à l'échelle régionale et nationale, l'orateur a indiqué que cette initiative correspond, d'une part, au Plan d'action nationale pour l'emploi. Le plan est complété par des plans régionaux qui visent à adapter les mesures aux caractéristiques des régions. Le Portugal est un pays dont le territoire est peu étendu mais il compte actuellement cinq plans régionaux. Par ailleurs, la mise en œuvre d'un sixième plan est prévue pour cette année.

Enfin, à propos des méthodes d'évaluation de la politique de l'emploi, de ses résultats et de son suivi, l'intervenant a fait observer que l'exécution du Plan d'action nationale pour l'emploi est évaluée à l'échelle communautaire, ce qui permet d'identifier les éventuelles difficultés et de recommander aux Etats les mesures à adopter à l'avenir. A l'échelle nationale, la Commission permanente de concertation sociale, où sont représentés les partenaires sociaux, évaluera l'exécution du plan tous les six mois. L'un des récents accords sur la concertation sociale comporte deux mesures qui renforcent les mécanismes du plan: a) l'Observatoire tripartite pour l'emploi et la formation professionnelle, qui existait déjà, dépendra désormais de la Commission permanente de concertation sociale au sein de laquelle sont négociés les accords de concertation sociale, d'où un renforcement du rôle de la commission dans l'évaluation et le contrôle du Plan d'action nationale pour l'emploi; b) sera institué un Conseil consultatif national tripartite pour la formation professionnelle qui évaluera globalement la formation professionnelle, les structures qui permettent de la réaliser et son suivi. Ce conseil dépendra également de la Commission permanente de concertation sociale.

L'intervenant a exprimé l'espoir que ces informations auront permis de préciser les points soulignés par la commission d'experts à propos de la politique de l'emploi. Il a ajouté que, la salle de réunion n'étant pas dotée des nouveaux moyens techniques d'information, il n'a pas pu présenter de données statistiques. Ces données figureront dans le prochain rapport sur la convention no 122. Il s'est déclaré à la disposition de la commission pour toute information complémentaire.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental de l'information fournie. Ils ont indiqué que la convention no 122 est une convention à caractère promotionnel portant davantage sur les politiques économiques et les politiques du marché du travail que sur des aspects juridiques. Avant de faire part de leurs observations, ils ont indiqué à l'intention de la commission d'experts qu'il y a une légère différence entre la situation décrite dans le rapport et celle présentée par le gouvernement dans son exposé à la commission, et qu'ils espèrent que cela pourrait être rectifié.

Le Portugal a ratifié la convention no 122 en 1981 et la commission d'experts a formulé à au moins six reprises des observations concernant l'application de cette convention par le Portugal, principalement en ce qui concerne l'article 1 de la convention, aux termes duquel l'objectif du plein emploi doit être atteint par le biais d'une croissance économique soutenue. Cet objectif est toujours valable. Le gouvernement semble indiquer que des progrès ont été réalisés dans ce domaine, et les membres employeurs ont noté que la commission d'experts a elle aussi fait état d'une évolution positive qui se traduit par la croissance de l'emploi, un taux d'activité plus élevé et une baisse du chômage pour de nombreuses catégories de travailleurs, ainsi que par une amélioration générale de la situation économique. Il n'en demeure pas moins nécessaire de déterminer si l'évolution de la structure de l'emploi a favorisé le plein emploi, productif et librement choisi. Au nombre de ces changements structurels, il convient de mentionner de nouvelles formes d'emploi flexible, une plus grande rotation des emplois et la tendance à réduire et à assouplir les horaires de travail. Les membres employeurs ont considéré que le travail à temps partiel et temporaire n'est pas une mauvaise chose. Les emplois de ce type permettent la coexistence de faibles taux de chômage et de faibles taux d'inflation tout en permettant aux travailleurs de choisir leur formation professionnelle et leur style de vie.

Comme cela est très souvent le cas, il y a au Portugal une inadéquation entre les compétences et les emplois offerts. Le gouvernement a indiqué que le problème réside dans le faible niveau d'instruction et de formation professionnelle. La centrale syndicale, quant à elle, évoque un problème de sous-emploi. En l'absence de données concrètes et étant donné que la commission d'experts a demandé de plus amples informations, les membres employeurs ont l'impression que celle-ci donne crédit aux vues du syndicat. En réalité, le gouvernement a déclaré que la base de compétences a tendance à orienter la production vers des technologies à forte intensité de main-d'œuvre et à faible productivité. Il est évident que le gouvernement doit fournir des informations supplémentaires mais il n'est pas moins évident que, pour parvenir à une situation de plein emploi, productif et librement choisi, le Portugal doit prendre des mesures telles que la réduction des taux d'intérêt et des déficits budgétaires ainsi que des incitations à l'investissement permettant de mettre en place des entreprises offrant des salaires plus élevés et l'emploi à plein temps. Le gouvernement doit élaborer une politique d'investissement qui soit de nature à créer des emplois garantissant des salaires élevés ainsi que des mesures de formation professionnelle qui permettent une adaptation des systèmes de formation et d'enseignement de façon à parvenir à une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de compétences. Le gouvernement a parlé d'amélioration du système d'enseignement et de la création d'un système de formation professionnelle reconnu, mais il doit aussi être en mesure d'évaluer les qualifications qui seront nécessaires à l'avenir sur le marché du travail étant donné l'écart qui existe entre les compétences demandées et les emplois existants.

En ce qui concerne la remarque de la commission d'experts relative au nouveau Plan d'action nationale pour l'emploi, les membres employeurs ont considéré que le gouvernement n'a apporté que quelques éléments de réponse. Le plan a pour but de resserrer le lien entre protection sociale et politique de l'emploi, d'améliorer le dialogue social, de créer des partenariats avec les organismes locaux de développement et de réduire les inégalités entre hommes et femmes. Ce qui manque à cette stratégie, ce sont des mesures destinées à améliorer le contexte économique et la compétitivité par le biais d'une politique fiscale, de l'assouplissement du marché du travail et de la réduction des coûts. Ils ont demandé en conséquence au gouvernement d'indiquer de quelle manière ces différents facteurs ont été pris en compte.

A propos de l'article 1 de la convention, les membres employeurs se sont néanmoins félicités de l'approche multidisciplinaire adoptée par le gouvernement en s'engageant, dans le cadre d'une initiative interministérielle, à promouvoir l'emploi et à élaborer des stratégies aux niveaux à la fois régional et national. A propos de l'article 2 de la convention, les membres employeurs ont noté que le gouvernement avait modifié ses indicateurs de surveillance en ne privilégiant plus les dépenses mais plutôt les résultats, ce qui, selon eux, va dans le bon sens. Des données statistiques actualisées sont essentielles à une adaptation efficace et régulière des politiques du marché du travail. En conclusion, les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement est sur la bonne voie mais qu'il devrait prendre des mesures susceptibles de favoriser la croissance économique, la création d'emplois mieux rémunérés et le perfectionnement professionnel des travailleurs.

Les membres travailleurs ont noté que c'est la première fois que le cas du Portugal est appelé devant la commission. Il a également mentionné que l'envoi régulier de rapports par le gouvernement a permis à la commission d'experts de faire part de ses observations de manière soutenue depuis 1990, ce qui a permis à la Commission de la Conférence de constater des évolutions intéressantes concernant l'application de cette convention au Portugal, et d'apprécier les efforts entrepris par le gouvernement en la matière. Cette année la commission d'experts a attiré notre attention sur l'application des articles 1 et 2 de la convention. Tout en appréciant les efforts du gouvernement et prenant note de l'influence positive de la dynamique économique, il convient de constater que la politique active de l'emploi se traduit en grande partie par l'augmentation rapide du nombre de contrats à durée déterminée. Il ne s'agit pas d'un phénomène isolé, les tendances actuelles sur le marché du travail veulent que l'emploi n'ait de valeur que par rapport à son utilité économique et immédiate. Celui-ci est soumis à des impératifs de rentabilité extrême. Les exemples sont bien connus, notamment: les "hamburger-jobs", répandus dans un nombre croissant de secteurs aux Etats-Unis et ailleurs, et le recours à des contrats qui sont plus que flexibles (qui sont en fait des non-contrats) et qui ressemblent, par l'exigence de la disponibilité permanente, à une version moderne de l'esclavage.

Il y eut une époque où l'on justifiait cette pratique comme une mesure d'insertion temporaire, notamment pour permettre aux jeunes défavorisés d'accéder à l'emploi. Aujourd'hui, tel que les membres travailleurs l'ont toujours souligné, le risque pervers de cette politique est qu'elle ne touche pas seulement les jeunes mais des secteurs entiers de la population active. L'augmentation généralisée de contrats flexibles a comme corollaire préoccupant la précarisation grandissante de l'emploi et surtout du statut social des travailleurs et souvent des travailleuses concernées. En effet, qui dit travail précaire doit immédiatement penser à des revenus précaires, à des temps de travail hors du contrôle du travailleur et de sa famille, et à une couverture sociale également précaire en termes de sécurité sociale, etc.

Le travail dit "flexible", mais en fait mieux défini comme "précaire", devient un nouveau fléau dans nos sociétés. Il mène à une dualisation du marché du travail avec, d'une part, des travailleurs qui pour survivre doivent souvent cumuler deux emplois, travaillant parfois pendant quinze heures ou plus par jour et, d'autre part, des travailleurs ayant des emplois stables et bien rémunérés. Le Directeur général, dans son rapport soumis à cette Conférence, s'est justement interrogé sur ce déficit de travail décent. Il mentionne notamment: "pour beaucoup, le travail décent est le moyen primordial de sortir de la pauvreté". La tendance vers la précarisation de l'emploi est diamétralement opposée à l'aspiration légitime des gens de sortir de la pauvreté et d'accéder à la dignité à travers un emploi. En outre, il importe de mesurer l'impact ainsi que le coût social et économique de cette précarité. Il est évident que, par la flexibilisation de l'emploi, c'est la société tout entière, et notamment les travailleurs, qui paiera pour le déficit de protection sociale, et cela au nom de la soi-disant efficacité économique. Les membres travailleurs ont voulu souligner, en accord avec le rapport général de la commission d'experts, l'importance du débat sur la convention no 122 car il permet d'aborder des questions fondamentales et de dégager de nouvelles méthodes et politiques en matière d'emploi. Ce débat doit aussi permettre à la commission de constater les effets pervers de certains développements. Tout comme les organisations syndicales du Portugal l'ont fait dans leurs commentaires soumis à la commission d'experts, les membres travailleurs ont voulu souligner l'importante question de la précarisation grandissante qui leur paraît, d'une part, en contradiction avec les termes de l'article 1 de la convention, qui vise la promotion du "pleinemploi, productif et librement choisi" et, d'autre part, ne pas correspondre aux objectifs du travail décent, tel que compris et défini par l'OIT dans sa politique actuelle.

Ils ont donc demandé au gouvernement de leur faire part, outre des politiques annoncées en matière de politique d'emploi et de formation professionnelle, des mesures qu'il entend prendre pour combattre la précarisation de l'emploi dans le cadre des évolutions actuelles du marché du travail et pour évaluer l'impact des politiques suivies.

Le membre travailleur du Portugal, se référant aux observations de la commission d'experts sur la convention no 122, a évoqué le lien entre promotion de l'emploi et protection sociale. Il a indiqué que, lors de sa dernière réunion, la Confédération générale des travailleurs portugais a rappelé l'importance qu'elle accordait à ce lien. L'orateur a indiqué que l'accord tripartite conclu entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats constitue une évolution positive pour le marché du travail car il met en place les structures nécessaires pour améliorer l'instruction et la formation et qu'il comble les lacunes existantes. En ce qui concerne le Plan d'action nationale pour l'emploi révisé pour l'année 2001, la Confédération générale des travailleurs portugais s'est déclarée satisfaite de l'amélioration du volet protection sociale. Tous ces accords constituent, certes, des avancées considérables mais n'ont pas résolu tous les problèmes. Il faut donc les considérer comme une première étape. L'orateur a insisté sur le fait que le débat sur l'emploi ne doit pas se limiter aux mesures normatives mais qu'il devrait aussi tenir compte d'aspects sociaux tels que la sécurité au travail et les conditions de travail, qui sont déterminants pour la vie des travailleurs. Sur ce plan, la situation a empiré au Portugal. Un travailleur sur quatre - principalement des hommes de plus de 50 ans, des femmes et des jeunes - a un emploi précaire. Beaucoup travaillent au noir. En outre, ces travailleurs ne sont pas protégés. L'orateur a précisé que le PIB du Portugal, qui est de 2,2 pour cent, est le plus bas d'Europe. Cela signifie que la croissance économique est insuffisante pour créer des emplois. Enfin, la Confédération générale des travailleurs portugais lutte et continuera à lutter activement pour la stabilité de l'emploi et une rémunération correcte de celui-ci.

Le membre travailleur de la France a repris à son compte les propos du porte-parole du groupe des travailleurs. Il a déclaré que la convention no 122 est une convention très importante pour les travailleurs, car l'exercice d'un travail salarié constitue le seul moyen pour le travailleur d'assurer des conditions d'existence dignes pour lui et sa famille. Il a indiqué que, l'accord-cadre conclu entre les organisations d'employeurs et de travailleurs de l'Union européenne sur le travail à temps partiel a expressément reconnu que les contrats à durée indéterminée, à temps plein et librement choisis constituent la forme normale d'emploi. A cet égard, il note que le gouvernement portugais reconnaît lui-même que, comme l'a souligné la CGTP, non seulement les emplois précaires s'accroissent par rapport à l'emploi à durée indéterminée mais également que cette précarité affecte tout particulièrement les femmes, les jeunes et les travailleurs à temps partiel. Cette situation pourrait s'analyser comme une discrimination dans l'emploi à l'encontre de ces différentes catégories de travailleurs et travailleuses.

L'orateur a souligné que le Portugal n'est pas un pays où le taux de chômage est particulièrement élevé. Il est même plutôt faible par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Néanmoins, la qualité des emplois et la reconnaissance des qualifications ainsi que des compétences sont aussi des composantes importantes de la politique de l'emploi si l'on veut motiver une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée mais sous-utilisée et faiblement rémunérée. Une telle situation n'encourage d'ailleurs pas l'amélioration des compétences dont ont impérativement besoin l'économie et la société portugaises. Elle ne peut qu'inciter les jeunes, les plus qualifiés notamment, à aller chercher dans d'autres pays une meilleure reconnaissance de leurs compétences, privant ainsi le Portugal du capital humain indispensable à la poursuite de son développement. Les gouvernements ainsi que les organisations d'employeurs et de travailleurs ont d'ailleurs signé en février dernier un accord tripartite sur l'éducation, la formation et l'emploi. Il s'agit de mettre en œuvre comme l'a souligné le représentant du gouvernement portugais un programme d'action. L'intervenant a estimé que mettre les jeunes ainsi que d'une manière générale tous les travailleurs au niveau requis de formation est une œuvre de longue haleine qui nécessite la mise en place de moyens correspondants. La reconnaissance des qualifications et des compétences et la qualité des emplois sont également des éléments à prendre en considération pour évaluer une politique de l'emploi. Les services de l'emploi devraient s'impliquer pleinement et d'une manière suivie dans la politique de l'emploi en tenant compte de tous ces paramètres comme le souligne la CGTP.

Le Plan d'action nationale pour l'emploi du Portugal entre dans le cadre du processus dit "du Luxembourg" aux termes duquel tous les Etats membres de l'Union européenne s'engagent à adopter un plan d'action nationale qui a entre autres pour objet d'harmoniser les différentes politiques de l'emploi et d'échanger des informations sur de bonnes pratiques. Il convient d'encourager et d'espérer que les intentions louables du gouvernement seront mises en œuvre prochainement. L'orateur a conclu ses propos en soulignant que la plupart des gouvernements de l'Union européenne rencontrent des problèmes analogues, voire plus sérieux que ceux rencontrés par le Portugal et qu'ils pourraient faire l'objet d'un même examen de la part de la commission.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres travailleurs et employeurs de leurs commentaires. Il a souhaité revenir sur trois points. D'abord, il a confirmé que son gouvernement adresserait les informations demandées dans les délais prévus. Ensuite, en réponse aux employeurs, il a souligné que son gouvernement était conscient de ce que la politique économique est une condition essentielle à la durabilité de l'emploi. Dans son intervention précédente, il s'en est tenu aux questions soulevées par la commission d'experts et il n'a pas évoqué la question de la politique économique portugaise, ayant estimé qu'il n'était pas opportun de le faire dans le cadre de la présente discussion. Enfin, au sujet de la précarité, il a souligné que c'est une question importante. Toutefois, il a considéré qu'il ne devait répondre qu'aux points soulevés par la commission d'experts et a indiqué que celle-ci n'a pas évoqué la question de la précarité. Il a estimé que la commission n'avait pas partagé les critiques de la Confédération générale des travailleurs du Portugal sur ce point. Il a aussi indiqué qu'il n'y avait pas lieu, pour cette discussion, de présenter des chiffres et des statistiques.

A propos des travailleurs et des relations professionnelles, il a estimé nécessaire de faire un examen critique de la différence entre contrats à durée déterminée et contrats à temps partiel. Ces derniers ne sont pas nécessairement précaires. Il faut tenir compte de la différence qu'il y a entre les faits et le droit. Le droit portugais prévoit les contrats de courte durée et les contrats de longue durée, en conformité avec les directives de l'Union européenne et les normes de l'OIT. Pour ce qui est des contrats à durée déterminée, la législation portugaise envisage trois formes de protection qui sont prévues dans la recommandation (no 166) sur le licenciement, 1982. L'intervenant a reconnu que, dans les faits, il y a des abus et qu'il ressort de l'analyse faite par le gouvernement et les partenaires sociaux qu'il est nécessaire de promouvoir la qualité de l'emploi. A cette fin, il faut contrôler de plus près le recours abusif, et contraire à la loi, aux contrats à durée déterminée. Il faut poursuivre les efforts visant à aligner la pratique sur le droit.

L'intervenant a réitéré que les contrats de travail à temps partiel ne sont pas nécessairement précaires. Ils sont librement conclus entre les parties en fonction de la situation économique. Il a dit son désaccord avec la Confédération générale des travailleurs du Portugal qui a affirmé que les travailleurs acceptent n'importe quelle condition d'emploi pour éviter le chômage. Il n'a pas nié que cela puisse se produire mais il a ajouté que les contrats de travail à temps partiel sont conformes à la loi et aux directives européennes même si, au Portugal, ils ne sont pas très fréquents. Il a précisé que, pour ce type d'emploi, son pays enregistre les taux les plus faibles d'Europe. L'intervenant a déclaré que, à l'échelle communautaire, il existe des accords-cadres sur les contrats de travail à durée déterminée et sur les contrats de travail partiel, et que la législation portugaise est conforme à ces accords. Enfin, il a indiqué que le Portugal communiquerait en temps utile des informations détaillées sur ce point.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant du gouvernement et ont insisté pour que le gouvernement les informe des mesures prises pour évaluer les tendances vers la précarisation de l'emploi, et des mesures qu'il entend prendre pour remédier à cette tendance néfaste sur le marché du travail.

Les membres employeurs ont remercié le représentant du gouvernement pour sa déclaration finale clarifiant le fait que la convention no 122 concernait l'économie et non des règles juridiques. Ils ont souligné que, lorsque cet instrument a été adopté par l'OIT en 1964, l'économie globale n'existait pas encore. Depuis ce temps, il y a eu des niveaux inacceptables de chômage et de sous-emploi dans les marchés du travail de toutes les régions. Ces problèmes ont surgi dans le cadre de changements technologiques rapides et de l'intégration croissante de l'économie mondiale. Cela a eu pour conséquence de changer la structure du travail et a fait en sorte que les qualifications requises changent constamment au cours de la vie d'un travailleur. Cette structure mène à une plus grande rotation du personnel, à la réduction des heures de travail, à des heures de travail flexibles et à des contrats à court terme. Cette problématique a été considérée comme étant relative à l'emploi précaire. Toutefois, les membres employeurs ont considéré cela comme étant un changement positif, opinion avec laquelle les membres travailleurs ne sont pas d'accord. Néanmoins, considérant le fait que le terme d'emploi précaire est perçu comme un terme négatif, les membres employeurs ont demandé qu'il ne soit pas utilisé dans les conclusions de la commission.

La commission a pris note des informations communiquées oralement par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a demandé au gouvernement de poursuivre ses efforts, en concertation avec les partenaires sociaux, pour améliorer le niveau général de la formation en vue de l'emploi, et concilier les qualifications des travailleurs et les emplois offerts. La commission a également pris note des informations données sur l'évolution de la structure du marché de l'emploi, et des mesures visant à stimuler l'emploi et à améliorer la qualité de certaines catégories de contrats. La commission a demandé au gouvernement de communiquer un rapport détaillé pour que la commission d'experts puisse l'examiner à sa prochaine session et évaluer l'évolution de la situation.

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