National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental, se référant aux observations de la commission d'experts sur ce cas, a déclaré que la liberté syndicale est garantie dans son pays par la Constitution et la législation sur les syndicats, à savoir l'ordonnance sur les relations professionnelles de 1969 (ORP). L'ORP couvre seulement le secteur structuré qui emploie 5 à 6 millions de travailleurs. Les autres secteurs de l'économie sont couverts par les dispositions de la Constitution relatives à la liberté syndicale. Les violations de ces droits sont soumises à la Cour Suprême du Bangladesh, le plus haut organe judiciaire du pays.
En ce qui concerne le droit d'association des personnes exerçant des fonctions de direction ou d'administration, l'ORP permet aux travailleurs et aux employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable. Toute personne travaillant dans une usine, un bureau, une industrie, une boutique ou une entreprise du secteur public peut s'affilier à un syndicat. Les fonctionnaires du Département des télécommunications et du Département des chemins de fer sont également couverts par cette ordonnance. Par contre, les fonctionnaires des autres organes gouvernementaux sont exclus de son champ d'application. En outre, les personnes travaillant dans les entreprises industrielles ou commerciales et exerçant des fonctions de direction ou d'administration ne peuvent pas s'affilier à des syndicats. Représentant environ 2 pour cent de la force du travail, elles peuvent créer des associations pour promouvoir leurs droits et intérêts, conformément à l'article 38 de la Constitution du Bangladesh qui accorde à tout citoyen le droit de constituer une association ou un syndicat dans les limites imposées par la loi en matière de moralité et d'ordre public. En conséquence, les personnes exerçant des fonctions de direction et d'administration dans le secteur privé jouissent du droit d'association.
Quant au droit d'association des fonctionnaires, il convient de rappeler que la législation du Bangladesh est conforme aux exigences de la convention. Comme cela a été dit en 1995 au sein de cette commission de la Conférence, les fonctionnaires, bien qu'exclus du champ d'application de l'ORP, ont le droit de constituer des associations afin de défendre leurs intérêts. Ces associations tiennent des réunions, discutent des problèmes rencontrés par leurs membres et formulent des revendications qui seront présentées au gouvernement pour négociation. En ce qui concerne le déni du droit des travailleurs de "l'imprimerie des titres bancaires" et des fonctionnaires de créer des syndicats, la Constitution leur garantit le droit de constituer des associations pour promouvoir leurs droits.
Lors de la session de la Commission de la Conférence de 1995, le gouvernement a répondu aux commentaires de la commission d'experts concernant les catégories de personnes qui ne peuvent pas exercer de fonctions syndicales. A l'exception des travailleurs licenciés pour faute ou reconnus coupables de détournement de fonds syndicaux, d'atteintes à la morale ou encore de pratiques de travail déloyales, tout travailleur a le droit de s'affilier au syndicat de son choix et d'exercer des fonctions syndicales, quels que soient son âge, son sexe ou sa caste. De plus, un travailleur licencié pour faute peut introduire un recours contre son employeur devant un tribunal. Le fait de permettre à des travailleurs licenciés de devenir membres d'un syndicat ou d'exercer des fonctions syndicales est susceptible de troubler le déroulement des activités syndicales ainsi que la paix sociale et la productivité, ce qui risquerait de compromettre les buts des syndicats et de la négociation collective. Au Bangladesh, les travailleurs licenciés ne sont pas élus pour exercer des fonctions syndicales. Toutefois, l'article 7-A 1) b) de l'ORP, plutôt que de restreindre, garantit le droit de choisir librement les responsables syndicaux.
En réponse aux commentaires de la commission d'experts relatifs au contrôle extérieur, il faut savoir que l'ORP confère au Greffier des syndicats certaines fonctions quasi judiciaires. Toutefois, tout acte du Greffier peut faire l'objet d'un recours devant un tribunal, et la loi ne lui octroie pas le pouvoir d'annuler l'enregistrement d'un syndicat sans autorisation préalable du tribunal du travail. L'orateur est en désaccord avec la commission d'experts lorsqu'elle affirme que la procédure de contrôle par le Greffier des affaires financières du syndicat doit faire l'objet d'un contrôle de l'autorité judiciaire compétente qui assure toutes les garanties d'impartialité et d'objectivité, dans la mesure où il est déjà prévu que tout acte du Greffier peut être contesté devant un tribunal. En outre, une fois le syndicat enregistré, son existence est toujours reconnue.
Le représentant gouvernemental a ajouté que la règle selon laquelle aucun syndicat ne peut être constitué à moins de réunir 30 pour cent au minimum de l'effectif total des travailleurs concernés est nécessaire compte tenu du niveau de développement social, économique et politique du pays. Cette mesure contribue à enrayer la prolifération des syndicats qui est préjudiciable aux intérêts des travailleurs. D'après les dispositions en vigueur, il peut être constitué jusqu'à trois syndicats dans chaque établissement. De plus, l'ORP comprend des dispositions sur la détermination de l'agent de négociations collectives. On ne peut pas considérer que la règle des "30 pour cent" restreint le droit d'association des travailleurs. Toutefois, des mesures adaptées à la situation pourraient être adoptées dans un futur proche. Dans ce contexte, il faut souligner que la convention ne prend pas en compte le danger de prolifération des syndicats, mais prévoit que les travailleurs peuvent constituer librement les organisations de leur choix. La multiplication des organisations conduirait à leur affaiblissement.
En ce qui concerne le droit d'association des travailleurs des zones franches d'exportation, ceux-ci ne sont pas privés de ce droit puisqu'il est garanti par l'article 38 de la Constitution. De la même manière, le Bangladesh, comme d'autres pays qui ont établi des zones franches d'exportation dans un but de développement économique, a suspendu le droit de constituer des syndicats dans ces zones de façon strictement temporaire, conformément aux dispositions de l'ORP. En fait, les travailleurs des zones franches d'exportation jouissent de meilleures conditions d'emploi et de travail, de salaires plus élevés et de relations professionnelles plus harmonieuses. Ils acceptent la réalité de la situation comme le prouve l'absence de plainte émanant de syndicats et alléguant la violation de leurs droits. Toute convention ratifiée permet une certaine souplesse pour s'adapter aux différentes conditions nationales. En outre, les zones franches d'exportation se développent dans de nombreux pays d'Asie. Leur création est nécessaire au développement économique, mais ne doit pas se faire au détriment du bien-être économique et social des travailleurs. Le gouvernement est particulièrement conscient des responsabilités qui lui incombent à l'égard de ses citoyens.
Le gouvernement du Bangladesh a pris note des observations de la commission d'experts concernant les restrictions au droit de grève. Tout en appréciant que la commission ait conscience des difficultés auxquelles un pays peut se heurter en cas de crise nationale profonde, l'orateur a rappelé que les articles 28, 32 2), 32 4), 33 1), 57, 58 et 59 de l'ORP ont été examinés par la Commission nationale tripartite (NLLC) dont le rapport est toujours en cours d'étude par le gouvernement. Le gouvernement du Bangladesh souhaiterait bénéficier de l'assistance technique du BIT dans tous les domaines liés à l'application de la convention.
Les membres travailleurs ont déploré que, malgré la déclaration du gouvernement en 1995, aux termes de laquelle il s'engageait à transmettre des informations détaillées à la commission d'experts, peu semble avoir été accompli à cet égard. Les sept questions traitées par la commission d'experts ne sont pas nouvelles et exigent que des mesures soient prises sans délai par le gouvernement pour rendre la situation plus conforme avec les principes de la liberté syndicale. Elles ont déjà fait l'objet d'une discussion approfondie en 1995 tout comme des problèmes connexes, liés à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, l'ont été en 1994. A titre de remarques liminaires, ils regrettent que, depuis de nombreuses années, la commission d'experts formule des commentaires sur des points importants relatifs à des principes fondamentaux de la liberté syndicale. En 1994 et 1995, le gouvernement du Bangladesh a fait référence aux discussions tenues au sein du Conseil national tripartite. Cet organe aurait apparemment soumis des recommandations sur plusieurs points dont une partie figurerait dans un projet de loi qui n'a pas encore abouti à une modification de la législation. La plupart des critiques soulevées par la commission d'experts, dans le cas du Bangladesh, concernent des points que chaque pays doit respecter quel que soit son degré de développement économique et social. Cette exigence s'inscrit du reste dans le cadre de la campagne du Directeur général du BIT aux fins de promouvoir la ratification et l'application des conventions fondamentales. Les membres travailleurs sont conscients des difficultés économiques et sociales auxquelles est confronté le Bangladesh. Une meilleure collaboration entre les autorités publiques et la société civile, incluant les organisations de travailleurs et d'employeurs, pourrait contribuer à combattre la pauvreté et l'exclusion sociale et pourrait promouvoir la justice sociale et la paix sociale. En fait, les problèmes d'application de la convention trouvent leur origine, au moins pour une bonne partie, dans les tensions entre les autorités publiques et la société civile du Bangladesh.
Pour ce qui est des commentaires spécifiques formulés par la commission d'experts, les membres travailleurs déplorent que le rapport du gouvernement ne fournisse que peu d'informations pertinentes en ce qui concerne le droit d'association des personnes assumant des fonctions de direction et d'administration et des fonctionnaires. Le gouvernement se réfère laconiquement à l'existence de deux associations de fonctionnaires dans le secteur public et fait référence à d'autres associations sans les désigner nommément. En outre, le rapport ne contient pas d'informations sur les dispositions qui garantissent l'exercice du droit d'association dans le secteur privé pour les fonctions de direction. Les membres travailleurs insistent pour que soit garanti à cette catégorie de travailleurs le droit de constituer des syndicats de leur choix ainsi que de s'y affilier, incluant les syndicats couvrant les autres catégories de travailleurs. La notion de fonction de direction doit être définie strictement afin de ne pas affaiblir les syndicats des autres travailleurs.
Pour ce qui est de l'intervention des autorités publiques dans l'établissement et le fonctionnement des syndicats, ils notent que les problèmes sont graves et qu'ils concernent des restrictions sur des catégories de personnes pouvant exercer des fonctions de dirigeants dans le syndicat, de l'ingérence des autorités publiques dans les affaires internes des syndicats et des limitations excessives pour établir et maintenir un syndicat au niveau de l'entreprise.
En ce qui concerne le contrôle externe, ils regrettent que l'information dont dispose la commission d'experts ne permette pas de vérifier si le contrôle est limité à la vérification des statuts et de la loi et s'il peut faire l'objet d'un recours judiciaire réellement impartial.
En ce qui concerne l'obligation pour un syndicat de réunir 30 pour cent des travailleurs d'une entreprise pour pouvoir être enregistré, cette limite pose de sérieux problèmes dans les systèmes de reconnaissance dans les organisations syndicales, basés totalement ou pour partie sur des syndicats d'entreprise puisque les travailleurs de petites et moyennes entreprises risquent d'être exclus. Ils insistent dès lors sur la nécessité d'adopter sans délai des procédures et des dispositions qui facilitent la liberté syndicale, telle que prévue dans le Préambule de la Constitution de l'OIT et dans la convention.
Pour ce qui est des zones franches d'exportation, ils notent que le gouvernement se réfère aux recommandations du Conseil national sur la législation du travail et à un projet de loi et que, par anticipation aux modifications législatives, certains travailleurs semblent être autorisés à constituer des syndicats. Les travailleurs des zones franches d'exportation et leurs organisations doivent se voir garantir à travers des dispositions légales spécifiques l'exercice effectif de la liberté syndicale. La protection des droits de ces travailleurs est une préoccupation majeure du BIT (qui a du reste mis sur pied un programme spécifique à cet égard) et des mouvements syndicaux nationaux et international.
Enfin, en ce qui concerne le droit de grève, les procédures et les modalités pour l'exercice du droit de grève sont telles que, dans la pratique, le principe même du droit de grève est remis en question. Tout en rappelant les conclusions de la commission en 1995, aux termes desquelles elle priait instamment le gouvernement de veiller à ce que les modalités et procédures en matière de grève ne reviennent pas à dénier ce droit fondamental, ils déplorent que le gouvernement ait simplement répondu qu'il avait pris note des commentaires de la commission d'experts. La faculté offerte au gouvernement d'interdire le droit de grève, s'il juge qu'elle est contraire à l'intérêt national, constitue une violation des principes de la liberté syndicale et est inadmissible dans une société démocratique. La législation reflète l'écart entre la société civile et les autorités publiques. Pourtant, une meilleure collaboration entre ceux-ci pourrait promouvoir la paix sociale et l'émergence d'un système de relations industrielles plus stable.
Les membres travailleurs concluent en requérant que le Code du travail et les autres lois pertinentes soient modifiés dans les plus brefs délais afin de tenir compte de toutes les observations de la commission d'experts et des recommandations des partenaires sociaux nationaux. Ils insistent sur le fait que le gouvernement doit informer en détail la commission d'experts sur tous les développements, notamment sur les travaux de la Commission nationale pour la législation du travail et les développements dans la loi ou la pratique. Enfin, le gouvernement doit utiliser au maximum les possibilités offertes par l'assistance technique du BIT.
Les membres employeurs ont rappelé que l'application de la convention no 87 par le Bangladesh a été examinée par la commission d'experts trois fois au cours des années quatre-vingt-dix et discutée par la Commission de la Conférence en 1995. Ce cas soulève un certain nombre de questions importantes qu'il convient d'examiner une par une.
En ce qui concerne le droit d'association des personnes exerçant des fonctions de direction et d'administration dans les secteurs public et privé, il importe de savoir comment ces catégories de personnes sont définies. Aucune information n'a été donnée à ce sujet par le représentant gouvernemental. Toutefois, la réponse du gouvernement aux commentaires de la commission d'experts fait référence à deux associations, et les experts ont demandé au gouvernement de fournir des informations précises sur le nombre et la taille des autres associations de cette nature. Le problème qui se pose, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, est que les personnes en question peuvent être, en pratique, des représentants des employeurs. Elles ne pourraient être dès lors également membres d'un syndicat, car elles devraient alors négocier avec elles-mêmes. Selon le représentant gouvernemental, ces employés représentent 2 pour cent des travailleurs, pourcentage paraissant raisonnable. Bien que tous ceux qui font partie réellement du personnel de direction peuvent se voir dénier le droit de constituer des syndicats et d'en devenir membres, il n'en reste pas moins que ceux qui n'appartiennent pas à cette catégorie doivent être considérés comme des travailleurs ordinaires. Il convient donc de demander au gouvernement de fournir un rapport supplémentaire contenant de plus amples informations sur ce point.
En ce qui concerne le droit d'association des fonctionnaires, les membres employeurs ont noté que le projet de Code du travail ne leur accorde toujours pas ce droit. Par ailleurs, ils font également l'objet de restrictions en ce qui concerne les publications syndicales. Le représentant gouvernemental a fourni peu d'explications sur l'intention du gouvernement de modifier les dispositions du projet.
Quant aux restrictions portant sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions syndicales, il convient de noter que les personnes ayant été licenciées pour inconduite ne peuvent assumer de telles fonctions. Le représentant gouvernemental a déclaré que cette mesure a pour but de protéger les activités des syndicats. La commission d'experts a toutefois souligné qu'une telle législation comporte le risque d'une ingérence de la part des employeurs. C'est à juste titre qu'elle a demandé que les dispositions législatives concernées soient modifiées pour permettre une plus grande souplesse à l'égard de l'appartenance à un syndicat et de l'exercice de fonctions syndicales. Il est nécessaire qu'un examen juridique des cas qui se sont produits dans ce domaine soit effectué même si la commission d'experts n'a pas demandé de précision sur ce point.
En ce qui concerne le contrôle extérieur des activités des syndicats, les membres employeurs ont noté que le Greffier des syndicats dispose de larges pouvoirs qui incluent le droit d'examiner toutes sortes de documents, à tout moment et non selon une certaine périodicité. Dans de tels cas, il est nécessaire que soient mises en place des procédures indépendantes adéquates pour prévenir toute ingérence dans les activités syndicales. Le représentant gouvernemental a indiqué que de telles procédures existent. Il convient dès lors de demander au gouvernement de fournir des informations additionnelles sur les dispositions qui délimitent les pouvoirs du Greffier et qui prévoient un contrôle indépendant de ses activités.
Quant à la règle des "30 pour cent" selon laquelle un syndicat ne peut être enregistré à moins de réunir 30 pour cent au minimum de l'effectif total des travailleurs occupés dans l'établissement ou le groupe d'établissements considéré, les membres employeurs ont relevé qu'un syndicat peut voir son enregistrement annulé lorsque ses effectifs tombent en deçà de cette limite. Il s'agit d'une limitation qui restreint de façon abusive la liberté syndicale et empêche l'établissement de nouveaux syndicats. Il est important de rappeler que certains syndicats ont commencé leurs activités avec peu de membres. Bien que la convention ne contienne pas de conditions particulières à cet égard, il appartient à l'Etat de mettre en place les conditions nécessaires. Ces conditions ne doivent pas être des obstacles à la constitution de nouveaux syndicats.
En ce qui concerne les zones franches d'exportation, qui existent dans de nombreux pays, la commission d'experts a noté que la NLLC avait soumis un rapport au gouvernement sur ce sujet et que celui-ci était en train de l'étudier. Ce rapport ainsi qu'un projet de loi devaient être soumis au Parlement. Bien que le représentant gouvernemental n'ait pas donné d'informations complémentaires sur le rapport de la Commission nationale pour la législation du travail (NLLC), il a déclaré que les travailleurs des zones franches d'exportation jouissent de meilleures conditions de travail que les travailleurs du reste du pays et ne sont pas mécontents de leur sort. Même si la convention ne prévoit pas que la même législation du travail doive s'appliquer sur tout le territoire, et en particulier dans les zones franches d'exportation, elle requiert le respect des principes de la liberté syndicale sur l'ensemble du territoire.
Quant aux commentaires de la commission d'experts sur les restrictions au droit de grève au Bangladesh, les membres employeurs se sont référés à leur propre position sur la question et ont souligné qu'il n'y avait dans la convention aucune base légale permettant de mesurer l'étendue des restrictions imposées à ce droit. Les dispositions de la convention ne seraient pas respectées si le droit de grève était réduit au point de ne plus exister. Il convient toutefois de rappeler que les grèves peuvent avoir de graves répercussions sur l'économie nationale, particulièrement compte tenu de l'interdépendance croissante entre les secteurs de la production et des services. Il est en conséquence fréquent que les gouvernements établissent un certain seuil pour la proportion de travailleurs qui doivent être préalablement d'accord avec le déclenchement d'une grève afin d'empêcher une perturbation dans le processus de production. Dans ce cas, la règle nécessitant l'accord des trois quarts des effectifs concernés semble raisonnable. La commission d'experts a également fait référence à la possibilité d'interdire une grève si elle pouvait porter atteinte à l'intérêt national ou si elle concernait des services d'utilité publique. Ces expressions ne sont pas très claires. Les commentaires de la commission d'experts se fondent sur une interprétation étroite de la notion de services essentiels. Il convient de demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur l'application dans la pratique des dispositions législatives pertinentes ainsi que sur les cas et les circonstances dans lesquels ces dispositions ont été invoquées. Toutefois, la commission d'experts n'a pas requis ces informations. Il convient en outre de rappeler que la détermination de l'étendue des limites qui peuvent être imposées au droit de grève pour des motifs liés à l'intérêt général est une prérogative fondamentale de chaque Etat.
Compte tenu de la complexité et du nombre des questions soulevées, il n'est pas possible d'arriver à une conclusion simple. De plus amples informations doivent donc être demandées sous la forme d'un rapport qui couvrirait en détail toutes les questions soulevées. En outre, le gouvernement doit préciser les domaines dans lesquels des changements sont sérieusement envisagés afin que ces points puissent être étudiés dans le futur et les mesures adoptées évaluées.
Le membre travailleur du Burkina Faso a rappelé que la présente commission et la commission d'experts demandent depuis de nombreuses années au Bangladesh de modifier sa législation et sa pratique pour les rendre plus conformes aux principes de la liberté syndicale. L'oratrice déplore que, malgré ces appels, de nombreuses et graves violations de ces principes sont encore commises, incluant des actes de violence contre les membres et les dirigeants d'organisations syndicales. A titre d'exemple, elle a précisé que le Syndicat indépendant des travailleurs du textile du Bangladesh ainsi que ses membres, dont la plupart sont des femmes, ont fait l'objet d'actes d'agression de la part des autorités publiques. En août 1995, les dirigeants de ce syndicat ont déposé un dossier de reconnaissance officielle qui a été accueilli par une fin de non-recevoir. A la suite de l'institution d'une action judiciaire conjointe avec l'association des exportateurs du Bangladesh, le siège de ce syndicat à Dhaka, en novembre 1995, a été saccagé et les membres se trouvant sur les lieux violentés. En outre, les membres et dirigeants d'un syndicat d'une entreprise de Dhaka, oeuvrant dans le textile, ont fait l'objet de menaces et de harcèlement de la part des autorités publiques au cours des années 1995 et 1996. Au mois de juin 1996, ce syndicat se voyait refuser pour la deuxième fois, par les autorités compétentes, son enregistrement officiel. Elle a observé avec préoccupation que, de façon générale, lorsque les travailleurs déposent des plaintes auprès des autorités publiques compétentes, ils ne sont pas entendus et n'obtiennent aucune collaboration dans la recherche d'un règlement acceptable aux problèmes auxquels ils doivent faire face. Elle a regretté que le rapport du gouvernement ne donne aucune information quant aux mesures qui auraient été prises à cet égard depuis le dernier examen de ce cas par la commission en 1995. Enfin, en ce qui concerne les travailleurs des zones franches d'exportation, elle insiste sur l'importance que ces travailleurs, dont la plupart sont des femmes travaillant dans des conditions misérables, puissent bénéficier du droit d'organisation sans limitation ou discrimination d'aucune sorte. Elle doute fort que l'absence de plaintes émanant de ces travailleurs signifie effectivement qu'ils n'ont aucune récrimination à formuler, comme l'a souligné le représentant gouvernemental. Enfin, elle prie instamment le gouvernement du Bangladesh de modifier sans délai sa loi et sa pratique afin de les rendre plus conformes aux principes de la liberté syndicale, et notamment aux dispositions de la convention.
Le membre travailleur des Etats-Unis a insisté sur la gravité de ce cas qui met en jeu des dispositions fondamentales de la convention, telles que le droit d'association des fonctionnaires, le déni du droit de se syndiquer aux travailleurs des zones franches d'exportation, des restrictions portant sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions syndicales, l'ingérence des autorités publiques dans les affaires des syndicats et des restrictions excessives du droit de grève. Il est regrettable que le représentant gouvernemental n'ait fourni que très peu d'informations nouvelles à la présente commission depuis qu'elle a commencé à examiner ce cas en 1995. En se référant à la déclaration du membre travailleur du Burkina Faso sur l'étendue, en pratique, des violations répétées des dispositions de la convention à l'égard des travailleurs de l'industrie de l'habillement, l'orateur a affirmé qu'environ 80 pour cent des travailleurs de cette industrie étaient des femmes. De nombreuses usines sont situées dans les zones franches d'exportation, dans lesquelles il est toujours illégal de constituer des syndicats. Le représentant gouvernemental ne semble pas s'en excuser et semble même informer la présente commission que cette pratique va se poursuivre. Cette question devra être suivie de près.
Au cours de ces dernières années, des efforts courageux ont été entrepris pour constituer des syndicats indépendants dans l'industrie de l'habillement et pour les regrouper au sein d'une fédération professionnelle unique, le Syndicat des travailleurs indépendants de l'habillement du Bangladesh (BIGU), indépendante des partis politiques, des employeurs et du gouvernement. Si cette tentative de constituer une fédération professionnelle indépendante et démocratique est couronnée de succès, il s'agira là d'une avancée historique pour les travailleurs du Bangladesh. Malheureusement, jusqu'à maintenant, le gouvernement du Bangladesh refuse de reconnaître légalement le BIGU, violant ainsi clairement les dispositions de la convention. Cet effort d'organisation a coïncidé avec la conclusion d'un accord avec l'Association des producteurs et exportateurs de l'habillement du Bangladesh (BGMEA) sur l'élimination du travail des enfants dans cette industrie. L'OIT a joué un rôle dans la conclusion de cet accord et participe également à sa mise en oeuvre. Le BIGU soutient activement cet accord et a d'ailleurs mis en place les premières écoles destinées aux enfants sauvés des usines. Au Bangladesh, toutefois, nombreux sont ceux qui travaillent activement pour saper les efforts du BIGU. Le rapport annuel de la CISL sur les violations des droits syndicaux (1997) contient malheureusement de nombreux autres cas, en particulier dans l'industrie de l'habillement qui exporte massivement vers de nombreuses entreprises multinationales américaines et étrangères renommées. Ce cas met en évidence qu'il n'appartient pas seulement au gouvernement et aux dirigeants de ces usines d'assurer que les conventions de l'OIT relatives aux droits fondamentaux de l'homme soient respectées, mais que cette responsabilité incombe également aux entreprises multinationales qui tirent profit de la production de leurs marchandises au Bangladesh. Nier cette responsabilité ne fera que renforcer la position de ceux qui s'élèvent, partout dans le monde, contre l'expansion du commerce, l'intégration économique et la mondialisation. L'application de l'ensemble des dispositions de la convention par le gouvernement du Bangladesh, avec le soutien et l'assistance actifs des entreprises multinationales qui opèrent dans ce pays, contribuerait grandement à résister à ces forces protectionnistes et encore plus à assurer que les bénéfices retombent sur un plus grand nombre de personnes, tant au Bangladesh qu'ailleurs, et ne soient pas uniquement réservés aux personnes les plus avantagées. Malheureusement, le chemin est long, comme en témoigne ce cas.
Le membre travailleur de l'Inde est d'avis que ce cas soulève de sérieuses questions. Voisin du Bangladesh, il reçoit constamment des rapports qui font état de la violation des droits syndicaux. Bien que le représentant gouvernemental ait déclaré que les syndicats ont accès aux tribunaux, la pratique révèle que ce n'est pas toujours possible. Il se réfère à un cas où les travailleurs ont été licenciés, en 1996, puisqu'ils envisageaient d'introduire un recours judiciaire. Les représentants syndicaux qui les avaient aidés ont été forcés de quitter leur emploi, battus et se sont vu offrir des emplois différents à la condition qu'ils mettent un terme à la procédure judiciaire. Il est dès lors erroné de dire que les tribunaux du Bangladesh assurent aux travailleurs et à leurs représentants la protection de leurs droits.
Rappelant la déclaration du représentant gouvernemental relative au droit d'organisation des fonctionnaires, il a mis en garde sur la question de la différence entre les syndicats et les associations soulevée par cette déclaration. Ces dernières n'ont pas les mêmes droits que les syndicats. Il est dès lors erroné de dire que les fonctionnaires au Bangladesh jouissent du droit d'organisation. Pour ce qui est de la question des 30 pour cent minimum de travailleurs d'une entreprise pour qu'un syndicat puisse être enregistré, il a indiqué que ce niveau est bien inférieur dans la plupart des Etats. Bien que le représentant gouvernemental ait expliqué que cette mesure vise à prévenir la multiplicité des syndicats, il semble que son objectif réel soit d'empêcher la constitution de syndicats en général. En outre, la situation qui prévaut dans les zones franches d'exportation au Bangladesh est particulièrement grave. La publicité adressée aux entreprises multinationales par les autorités nationales responsables de la promotion de ces zones insiste sur le fait que la loi interdit la constitution de syndicats. Cela constitue en soi une preuve que le gouvernement ne respecte pas le droit d'organisation et de négociation collective dans les zones franches d'exportation. Une autre mesure antisyndicale non acceptée par les syndicats des autres Etats est le large pouvoir conféré au Greffier de s'ingérer dans les activités syndicales en s'introduisant dans les locaux ou en inspectant les documents ou le personnel.
En ce qui concerne les restrictions sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions syndicales, il a noté que les travailleurs peuvent être licenciés pour inconduite, sans que l'inconduite soit plus avant précisée dans la loi. Ce large pouvoir donné au gouvernement lui permet de licencier comme bon lui semble les dirigeants syndicaux. Une autre limitation grave imposée à la liberté syndicale est l'exigence de réunir 75 pour cent des travailleurs concernés pour le déclenchement de la grève et la possibilité d'interdire les grèves qui durent plus de 30 jours ou qui sont préjudiciables à l'intérêt national. Ces mesures constituent de sérieuses limites au droit syndical et octroient au gouvernement un large pouvoir pour les interdire. Il a été possible, par exemple, pour le gouvernement d'empêcher une grève des travailleurs du service du téléphone en déclarant qu'il s'agissait d'un service essentiel.
Bien que le Premier ministre du pays soit en faveur de modifications législatives à cet égard, aucune action n'a encore été entreprise. Il est nécessaire d'amender les dispositions législatives pertinentes et de prendre les mesures nécessaires en collaboration avec les organisations de travailleurs. Le gouvernement doit être prié de prendre les mesures nécessaires afin que des progrès soient constatés par la commission l'année prochaine dans l'application de toutes les questions couvertes par la convention.
Le membre travailleur de la Grèce a estimé que, dans ce cas comme dans d'autres, on pouvait s'interroger sur la signification d'une ratification aussitôt oubliée quand il s'agit de passer à l'application pratique. Ce qu'on peut lire dans l'observation de la commission d'experts témoigne d'une sollicitude étrange à l'égard de travailleurs qui sont pourtant des adultes et devraient être laissés libres de s'organiser comme ils l'entendent. L'explication selon laquelle des travailleurs seraient licenciés pour "inconduite" doit être précisée, car il serait inquiétant qu'il revienne à l'employeur ou à une instance gouvernementale, et non à l'autorité judiciaire, de déterminer ce qui constitue une "inconduite". En tout état de cause, les travailleurs ne sont pas assez inconséquents pour se donner des représentants malhonnêtes. Cette disposition doit donc être abrogée. En ce qui concerne l'exigence d'une majorité des trois quarts pour décider d'une grève, elle constitue une ingérence flagrante. La situation économique est souvent invoquée pour ne pas appliquer les normes, alors que l'expérience démontre qu'aucun pays ne peut progresser sans les respecter. Si le gouvernement veut vraiment appliquer la convention, qu'il s'y engage, et la présente commission sera à même de constater des progrès l'année prochaine. Le dialogue au sein de la présente commission ne doit pas avoir un caractère purement diplomatique mais faire entendre la voix des travailleurs qui ne peuvent y être présents et ne peuvent s'exprimer dans leur propre pays.
Le membre travailleur de l'Italie a estimé qu'en dépit des timides éléments de réponse fournis par le gouvernement les sept points relevés par la commission d'experts n'en témoignaient pas moins d'une violation générale et persistante de la liberté syndicale. Les dispositions visées affectent le droit des organisations de choisir librement leurs dirigeants et prévoient des modalités injustifiées d'intervention des autorités dans les locaux syndicaux. Une plainte en violation de la liberté syndicale introduite par un syndicat de travailleurs du textile a d'ailleurs conduit le Comité de la liberté syndicale à de sévères conclusions à ce sujet. L'exigence des 30 pour cent revient, dans la pratique, à empêcher les syndicats de recruter de nouveaux adhérents. En outre, l'ordonnance sur les relations professionnelles permet le licenciement des responsables syndicaux. En ce qui concerne le déni du droit de se syndiquer dans les zones franches d'exportation, il convient de rappeler qu'en 1992 le gouvernement s'était engagé à y mettre fin. Quant à la question du droit de grève dans les services essentiels, elle devrait être réglée par la négociation tripartite et non de manière autoritaire. Les élections qui se sont tenues l'année dernière témoignent de la volonté de ce pays de progresser vers la démocratie. Or celle-ci ne peut prospérer hors du respect des droits fondamentaux. Les débuts du programme conjoint des employeurs du textile, de l'UNICEF et du BIT pour l'élimination du travail des enfants sont encourageants; peut-être un programme analogue pourrait-il aider aussi à lever les entraves à la liberté syndicale.
Le membre travailleur de la Colombie s'est déclaré préoccupé par les carences qui ressortent des indications données par le représentant gouvernemental, compte tenu, notamment, des perspectives de garantie du libre exercice de l'activité syndicale qui avaient été entrevues. L'ingérence du gouvernement dans les affaires internes des syndicats s'avère préoccupante, notamment en ce qui concerne l'impossibilité, pour un travailleur licencié pour "inconduite", d'exercer des fonctions syndicales. Dans certains pays, le seul fait de s'affilier à un syndicat peut déclencher des licenciements sans juste cause. Le droit de se syndiquer et l'exercice du droit de grève doivent être garantis aussi bien dans les zones franches d'exportation que dans le secteur public. Ces droits syndicaux doivent être respectés dans tous les pays du monde, en particulier dans les pays en développement. En dépit des observations formulées par la commission d'experts, la situation a peu évolué et la répression continue de sévir: tout ce que l'on peut souhaiter, c'est de constater, l'an prochain, un réel progrès dans le sens de la garantie des droits des travailleurs.
Le membre travailleur du Pakistan, soulignant que le nouveau gouvernement qui a été mis en place l'année dernière s'est engagé à respecter la liberté syndicale, a demandé au représentant gouvernemental de respecter la convention no 87. L'important n'est pas de ratifier la convention mais d'en appliquer la lettre et l'esprit. D'abord, les droits syndicaux doivent être respectés aussi bien dans les zones franches d'exportation que dans les zones rurales. Ensuite, les restrictions apportées au droit des organisations syndicales d'élire leurs représentants doivent être supprimées puisque la liberté syndicale exige que les organisations syndicales puissent élire librement leurs représentants - sans ingérence du gouvernement. Par conséquent, l'article 7-A 1) b) de l'Ordonnance sur les relations professionnelles (ORP) de 1969 doit être abrogé. Enfin, l'exigence posée par l'ORP, aux termes de laquelle aucun syndicat ne peut être enregistré à moins de réunir 30 pour cent minimum de l'effectif total des travailleurs rend difficile la constitution d'une organisation syndicale dans les grandes entreprises et doit donc être supprimée. Il a exprimé l'espoir que le gouvernement accepte l'offre d'assistance technique du Bureau.
Le membre employeur de l'Inde a indiqué que la législation du travail au Bangladesh est similaire à celle de l'Inde. Ainsi, si la loi sur les syndicats en Inde exige simplement un effectif de sept travailleurs pour enregistrer un syndicat, les personnes exerçant des fonctions de direction ou d'administration préfèrent en général constituer des associations et être enregistrées conformément à la loi sur les sociétés, compte tenu de la nature de leur fonction. Dès lors, les restrictions qui sont imposées à ces personnes au Bangladesh, aux termes de l'ORP, apparaissent justifiées. Sont également justifiées les restrictions sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions dans un syndicat car elles permettent au dirigeants syndicaux de se développer. Quant à la règle des 30 pour cent posée par l'ORP, elle doit être maintenue afin d'éviter une prolifération d'organisations syndicales qui ne serait ni dans l'intérêt de l'industrie ni de celui des travailleurs. Enfin, le droit de grève n'est pas un droit absolu et devrait être subordonné à l'intérêt de l'Etat. Le genre de réglementation en faveur des travailleurs, prônée dans les discussions de la commission, érode le droit des employeurs de gérer leurs entreprises. Il a exprimé l'espoir que la commission adopte un point de vue équilibré et qu'elle garde à l'esprit le système de relations professionnelles dans sa globalité.
Les membres employeurs ont rappelé que sur les sept points relevés par la commission d'experts, qui n'ont pas tous la même importance, de nouvelles informations devraient être fournies et les modifications nécessaires devraient être apportées.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. Elle a constaté que depuis de nombreuses années il existe d'importantes et nombreuses divergences, en particulier dans les zones franches d'exportation entre, d'une part, la législation et la pratique nationales et, d'autre part, les dispositions de la convention. Elle a exprimé l'espoir que la commission nationale de la législation du travail parviendra rapidement au terme de ses travaux de révision de la législation du travail et que le nouveau projet du Code du travail tiendra compte des observations nombreuses et répétées de la commission d'experts et aussi de celles de la présente commission. Ellea rappelé au gouvernement qu'il lui est possible de demander l'assistance technique du Bureau à cet égard.