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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2010, Publication : 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Egypte (Ratification: 1957)

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Cas individuel
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Une représentante gouvernementale a déclaré que l’observation de la commission d’experts, qui contient des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) de l’année 2008 et fait état d’allégations concernant un événement qui se serait produit le 6 avril 2008, reprend des allégations qui ont déjà été examinées par la Commission de la Conférence en 2008 et auxquelles le gouvernement s’est déjà opposé car il n’y avait pas d’informations précises. Le gouvernement a fourni des explications, la discussion a eu lieu et s’est conclue par l’adoption de recommandations, y compris une invitation à accepter une mission d’assistance technique du BIT. La mission a eu lieu en avril 2009. Suite à cette mission, un séminaire tripartite, auquel les partenaires sociaux, des organes nationaux compétents, des ONG et des fonctionnaires du BIT ont participé, s’est tenu en avril 2010. Le séminaire a centré ses travaux sur la promotion du dialogue social et avait pour but d’assurer la conformité de la législation nationale avec les dispositions de la convention. Il a permis des échanges de vues sur les principes et les pratiques de divers syndicats, les capacités institutionnelles nécessaires pour exercer le droit de négociation collective et le rôle du gouvernement et des partenaires sociaux en matière de promotion d’une culture de dialogue social, ainsi que sur les mesures pratiques à prendre.

Suite au séminaire d’avril 2010 et après consultation du BIT, une commission tripartite a été mise en place. Cette commission est chargée de compiler et d’examiner les textes proposés en vue de modifier la législation nationale et ses travaux devraient être bientôt finalisés, en collaboration avec le BIT. En outre, l’oratrice a souligné l’importance du projet du BIT intitulé «promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail et le dialogue social» mené en Egypte, qui contribue à renforcer les capacités institutionnelles des partenaires sociaux à long terme et à améliorer les relations professionnelles et ainsi, à mettre en oeuvre les recommandations de 2008 de la Commission de la Conférence.

Réaffirmant l’engagement de l’Egypte de respecter pleinement les normes internationales du travail, l’oratrice a exprimé l’espoir que les discussions au sein de cette commission aboutiraient à une recommandation positive qui tiendrait compte des mesures prises par le gouvernement.

La protection et le bien-être des travailleurs sont des priorités et des objectifs au plus haut niveau de l’Etat. Ils sont reflétés dans le programme de travail du gouvernement, conformément à l’appel lancé par le Président de revoir et de développer les relations professionnelles, ainsi que des mécanismes en vue d’atteindre un équilibre entre les droits et les devoirs de tous les partenaires sociaux, partie intégrante des échanges démocratiques à tous les niveaux de la société. La protection et le bien-être des travailleurs doit continuer à être un devoir national pour lequel il faut se battre et qu’il faut respecter.

Les membres employeurs ont fait remarquer qu’avant la discussion de 2008, ce cas n’avait plus été examiné depuis deux décennies. Lors des discussions de la commission en 2008, le gouvernement avait été prié de répondre aux allégations formulées par la CSI en 2007. Bien que le gouvernement ait fourni une quantité importante d’informations pour examen par la commission d’experts, les membres employeurs ont demandé que ces informations soient également fournies par écrit. Le gouvernement a communiqué des informations à propos du séminaire tenu en 2010, à la suite duquel une commission d’experts tripartite a été mise en place avec l’aide du BIT. Il faut espérer que le gouvernement sera en mesure de préciser ses objectifs et de répondre aux questions soulevées par la commission d’experts s’agissant des divergences existant entre la loi no 35 de 1976 sur les syndicats et la convention no 87. Les principales divergences portent en particulier sur l’institutionnalisation d’un système de syndicat unique, du fait que plusieurs articles de la loi no 35 empêchent toute possibilité de pluralisme syndical, pourtant prévu à l’article 2 de la convention. En outre, la loi no 35 attribue aux syndicats de niveau supérieur le contrôle sur les procédures de nomination et d’élection des syndicats de base. Ceci constitue une violation de l’article 3 de la convention, qui reconnaît aux syndicats le droit absolu d’élaborer leurs statuts et règlements, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme. De plus, la commission d’experts a fait remarquer que la loi no 35 permet l’ingérence du gouvernement dans la gestion financière indépendante des syndicats. S’agissant du droit de grève, les membres employeurs ont rappelé que la convention no 87 ne prévoit pas expressément le droit de grève. Tout au plus, elle se réfère à un droit général à la grève qui ne peut être réglé en détail en vertu de la convention. Les gouvernements peuvent réglementer ce droit en fonction de leurs besoins et des circonstances. Ce pouvoir discrétionnaire appelle toutefois une réserve, dans la mesure où il faut que les droits humains et les libertés civiles des personnes participant à une action collective soient respectés. Le gouvernement doit fournir un rapport sur les allégations communiquées au Bureau par la CSI en précisant le calendrier législatif nécessaire pour le redressement de toutes les questions soulevées.

Les membres travailleurs ont déclaré que la commission est appelée à examiner à nouveau ce cas, qui a déjà été discuté en 2008. Bien qu’ayant ratifié la convention no 87 depuis plus d’un demi-siècle, l’Egypte persiste à refuser de modifier sa législation afin de la mettre en conformité avec la convention.

La commission d’experts fait état de nombreuses violations de la liberté syndicale dans le pays et met en lumière, à partir de faits irréfutables, des situations montrant l’obstination du gouvernement à ne pas mettre en oeuvre la convention. Elle mentionne notamment la répression violente par la police d’une manifestation de travailleurs en 2008, même si ces faits semblent contestés par le gouvernement. La commission d’experts insiste sur l’importance de mener une enquête judiciaire indépendante, afin d’établir les responsabilités et de fixer les sanctions à l’encontre des coupables, et sur la nécessité d’adopter des mesures de prévention pour éviter que de telles situations ne se reproduisent. Selon la commission d’experts, d’après des sources dignes de foi, les droits des travailleurs continuent d’être bafoués dans les zones économiques spéciales, dans lesquelles les conditions de travail sont insupportables (longues heures de travail, faibles rémunérations et faibles normes de sécurité), et les militants syndicaux peuvent difficilement agir en raison des restrictions imposées à la négociation collective et de l’interdiction des grèves. La plupart des travailleurs de la 10e zone de Ramadan City sont obligés de signer par avance une lettre de démission lors de leur embauche, ce qui permet aux employeurs de les licencier à leur gré.

Depuis de nombreuses années, la commission d’experts mentionne l’existence de divergences importantes entre la législation nationale et la convention: le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier est gravement restreint; la loi instaure un système d’unicité syndicale; l’autorisation de mener des activités n’est accordée qu’aux syndicats qui s’affilient à l’une des 23 fédérations industrielles affiliées à la seule centrale syndicale reconnue légalement. La législation offre surtout aux entreprises la possibilité de licencier sans justification des travailleurs qui agissent en dehors de la structure syndicale en place. Si l’unité syndicale est importante, elle ne devrait cependant pas être imposée par le biais d’une législation instaurant un monopole syndical. En raison de l’institutionnalisation d’un système d’unicité syndicale en vertu de la loi no 35 de 1976, modifiée par la loi no 12 de 1995 (art. 7, 13, 14, 17 et 52; 41, 42 et 43), le gouvernement a mis sous contrôle judiciaire de nombreux syndicats représentant des groupes professionnels (médecins, ingénieurs, avocats, pharmaciens). Ce contrôle s’exerce sur les organisations syndicales au plus haut niveau, à travers une mainmise sur les procédures de nomination et d’élection aux comités directeurs, en violation de l’article 3 de la convention. La commission d’experts mentionne des cas graves et des actes d’ingérence, tels que la tentative du gouvernement de contrôler les candidats aux élections syndicales et d’en empêcher certains de se présenter à ces élections. Par ailleurs, la loi prévoit le contrôle de la gestion des organisations de travailleurs par la Confédération des syndicats, aucune indépendance financière n’étant par conséquent accordée aux syndicats. Les organisations syndicales de base doivent en outre verser un certain pourcentage de leurs recettes aux organisations nationales de niveau supérieur. Cette décision de rétrocession des cotisations relève normalement du conseil d’administration des organisations et ne devrait pas être imposée par la loi.

Les membres travailleurs ont souligné que la législation permet également la destitution des membres du comité national exécutif d’un syndicat qui provoquerait des arrêts de travail ou de l’absentéisme dans un service public ou un service d’intérêt collectif. En ce qui concerne le droit de grève, la commission d’experts a rappelé la nécessité de modifier l’article 192 du Code du travail qui requiert l’approbation préalable de la Confédération des syndicats avant l’organisation de mouvements de grève et prévoit que le préavis de grève doit en spécifier la durée. Elle a également précisé que l’article 69, paragraphe 9, du Code du travail, qui prévoit que les travailleurs qui participent à une grève et contreviennent à l’article 192 peuvent être licenciés, constitue une violation de la convention no 87. Les membres travailleurs ont aussi tenu à souligner que les restrictions au droit de grève et le recours à l’arbitrage obligatoire dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, ainsi que les sanctions prévues à l’article 194 du Code du travail, constituent également des violations de la convention.

Les membres travailleurs ont rappelé que la mission d’assistance technique qui s’est rendue dans le pays en avril 2009 a abouti à la signature d’un protocole d’accord entre les partenaires sociaux, selon lequel les parties s’engagent à participer à un séminaire tripartite afin d’analyser les questions soulevées par l’application de la convention, d’étudier des expériences comparables d’autres pays et de formuler des propositions. Or, bien que la représentante gouvernementale ait indiqué que ce séminaire avait eu lieu en avril 2010, les membres travailleurs ont insisté sur le fait qu’ils ne disposaient d’aucune information permettant de confirmer les déclarations de la ministre.

Les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement de modifier la législation du travail afin de mettre un terme à l’institutionnalisation d’un système d’unicité syndicale qui exclut la possibilité de constituer différentes fédérations de syndicats, indépendantes de la Confédération des syndicats. Les membres travailleurs ont instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier le Code du travail de manière à assurer que: 1) aucune restriction au droit des travailleurs de s’organiser librement ne soit permise ni favorisée; 2) toute ingérence dans la définition des procédures électorales soit interdite; 3) aucune obligation légale de spécifier à l’avance la durée d’une grève ne soit prévue; 4) les travailleurs participant à une grève dont la durée n’a pas été préalablement spécifiée ne soient pas sanctionnés; 5) les articles 179, 187, 193 et 194 soient abrogés. Enfin, des mesures immédiates pour garantir les droits des travailleurs et prendre en charge les préoccupations du monde du travail doivent être prises. Le membre travailleur de l’Egypte a déclaré qu’un désaccord de longue date ne doit pas conduire à l’abandon du dialogue. Cela est valable pour tous les syndicats. La plupart des informations contenues dans le rapport de la commission d’experts relatives aux divergences entre les dispositions de cette convention et la pratique nationale, et en particulier celles qui concernent les meurtres et le placement en détention de travailleurs, n’ont pas été confirmées ou ne correspondent pas à la réalité. Ces informations proviennent probablement de sources discutables. Ainsi que la commission d’experts le confirme, la Constitution de l’Egypte et la législation nationale prévoient l’indépendance des syndicats sans aucune ingérence extérieure. Comme la mission du BIT l’a indiqué, en Egypte, les syndicats ont été en mesure d’initier les changements nécessaires pour assurer l’application des normes internationales du travail. En ce qui concerne la législation relative à l’affiliation syndicale et au droit de grève, le projet de loi concerné avait été soumis au BIT pour examen en 1994 et n’avait fait l’objet d’aucun commentaire. L’unité syndicale constitue une force qu’il faut préserver. Alors que l’existence de divers syndicats dans un secteur dans un pays donné peut être justifiée, la division en matière syndicale ne bénéficie en général pas aux travailleurs. La Confédération des syndicats, fondée en 1898, regroupe 23 syndicats nationaux et plus de 2 000 comités. Elle a récemment signé d’importants accords avec les employeurs qui veulent licencier des travailleurs. La mission du BIT en a reçu copie. L’orateur a exprimé l’espoir que l’on permettrait à la Confédération des syndicats égyptiens de poursuivre ses efforts incessants.

Le membre employeur de l’Egypte s’est dit surpris que l’Egypte ait été inscrite sur la liste des cas à examiner par la commission, car le gouvernement a déjà pris d’importantes mesures. Au nombre de ces mesures figurent la mission d’assistance technique du BIT de 2009, qui a abouti à un protocole d’accord en vue de l’organisation d’un atelier tripartite sur la liberté syndicale, qui s’est déroulé en avril 2010. L’atelier tripartite a permis des discussions et des résultats positifs et a abouti à la recommandation de mettre sur pied un comité tripartite. En réponse aux remarques formulées par le membre travailleur de l’Egypte, l’orateur a déclaré que les travailleurs égyptiens bénéficient d’une protection et ont des droits. Les allégations des membres travailleurs selon lesquelles la majorité des travailleurs de la zone de Tenth Ramadan City ont dû signer des lettres de démission avant d’être embauchés sont fausses. L’orateur a invité toute mission à l’effet de vérifier ces faits. En Egypte, les travailleurs ont le droit de faire grève à condition de donner un préavis. Certains travailleurs ont fait grève sans préavis, ce qui n’est pas acceptable. L’examen de ce cas ne se justifie pas, car les données et informations disponibles montrent que le gouvernement respecte les obligations qui lui incombent en vertu de la convention. En Egypte, la situation est positive, et l’examen de ce cas engendre des tensions inutiles entre les partenaires sociaux. Ce cas aurait dû être supprimé de la liste.

La membre gouvernementale du Liban a souligné qu’il convenait de prendre en considération la situation et la culture spécifiques de chaque pays. La représentante gouvernementale a montré que son gouvernement a tout mis en oeuvre pour rectifier les manquements identifiés. Il ne faut pas passer sous silence les efforts qui ont ainsi été déployés en vue de mettre la législation nationale en conformité avec la convention no 87.

La membre travailleuse de l’Espagne a fait observer que l’article 56 de la Constitution égyptienne garantit le droit de créer des syndicats. Or il n’existe en Egypte qu’une seule centrale syndicale légalement reconnue, sous l’égide de laquelle tous les syndicats doivent opérer, ce qui a pour effet de rendre difficile à la fois l’affiliation syndicale et la représentation syndicale. Le droit de constituer des syndicats, comme celui de s’y affilier, se trouve fortement restreint. La loi no 35 de 1976, modifiée par la loi no 12 de 1995, institutionnalise le système de syndicat unique, et la teneur de cette loi préoccupe les travailleurs car ce sont eux qui en subissent les conséquences. Cette loi confère à la Confédération générale des syndicats un pouvoir quasi absolu et, indirectement, à travers un syndicat unique, le gouvernement contrôle les procédures de création et d’enregistrement des syndicats, ainsi que les procédures de désignation ou d’élection de leurs dirigeants. Par ailleurs, il existe des organisations dont l’objectif est de défendre les droits des travailleurs et des travailleuses, d’améliorer leurs conditions de travail et de promouvoir le dialogue social et un syndicalisme indépendant, mais les membres de ces organisations sont victimes de persécution et de harcèlement sous différentes formes. De même, des manoeuvres ont été entreprises en vue de faire obstacle à l’activité d’un syndicat indépendant officiellement créé en avril 2009, le premier syndicat indépendant apparu en Egypte depuis plus de 50 ans, en marge de la Confédération générale des syndicats. A ce sujet, le président de ce nouveau syndicat, M. Kamal Abu Eita, a déclaré, au cours d’un séminaire international qui s’est tenu au Caire, que son organisation continue de faire l’objet d’une campagne de harcèlement dirigée contre ses membres. Imposer par la loi un syndicat unique n’est pas la voie de la démocratie et ce n’est pas par ce moyen que l’on parvient à réaliser l’unité des travailleurs. L’unité passe par la discussion des objectifs et leur acceptation par tous les travailleurs, y compris lorsque ceux-ci sont organisés au sein de plusieurs syndicats. En conclusion, l’oratrice a appelé le gouvernement à adopter et mettre en oeuvre les instruments adéquats, de telle sorte que les travailleurs égyptiens puissent jouir, de manière effective et réelle, du droit de s’organiser librement au sein des syndicats qu’ils décident eux-mêmes de créer.

Le membre gouvernemental de l’Inde a noté les mesures proactives prises par le gouvernement de l’Egypte pour donner suite aux conclusions adoptées par cette commission en 2008. Une mission d’assistance technique s’est rendue dans le pays en 2009 et un atelier tripartite a été organisé en 2010. Il convient d’encourager cette approche participative. L’orateur s’est réjoui de voir les prochaines mesures que le gouvernement prendra avec l’assistance technique du BIT.

La membre travailleuse de la République de Corée s’est déclaré préoccupée par les restrictions au droit syndical et au droit de grève des travailleurs. Il existe des divergences très marquées entre les principes posés dans la convention et la législation nationale. Le système de syndicat unique et la condition d’approbation préalable par la Confédération générale des syndicats pour l’organisation d’une grève suscitent des inquiétudes. Le Code du travail de 2003 impose plusieurs restrictions au droit de grève, mais il ne s’agit là que de quelques exemples illustrant la manière dont le gouvernement empêche les travailleurs de recourir à la grève en tant que moyen de négociation collective. Dans le secteur privé, les travailleurs n’ont aucune structure chargée de les aider à s’organiser et doivent s’organiser eux-mêmes, sans protection légale. Il faudrait prévoir une base légale afin que l’ensemble des travailleurs puissent bénéficier des droits découlant des conventions de l’OIT qui ont été ratifiées. Dans un contexte de crise sociale et économique aiguë, dans lequel les travailleurs luttent pour obtenir de meilleures conditions de travail et se battent en raison de salaires bas et impayés, il importe de modifier le Code du travail et la loi sur les syndicats. La mission d’assistance technique du BIT est un bon début, mais il faut maintenant rendre les lois conformes à la convention.

Le membre gouvernemental du Bélarus a souligné qu’il ne fallait pas ignorer les mesures positives adoptées par le gouvernement de l’Egypte. De nombreuses questions importantes ont été abordées lors de l’atelier tripartite qui s’est tenu en avril 2010. Il s’agit là d’une manifestation claire de la volonté du gouvernement d’aller de l’avant, avec l’assistance du BIT. Les actions positives se poursuivent, et les résultats attendus finiront par être atteints. L’esprit de coopération dont le gouvernement fait preuve doit être reconnu.

Le membre travailleur de la Malaisie a souligné une série de problèmes qui entravent la négociation collective en Egypte. Le système de syndicat unique empêche les travailleurs de désigner les représentants de leur choix. Avec la privatisation croissante, les travailleurs se retrouvent sans aucune organisation pour défendre leurs intérêts, puisque le seul syndicat légalement reconnu n’est pas bien établi dans le secteur privé. En outre, la négociation collective n’est pas autorisée dans le secteur public, où le gouvernement a fixé unilatéralement les salaires et les autres modalités et conditions d’emploi. Selon le Code du travail de 2003, une convention collective n’est valable que si elle est conforme à la loi sur l’ordre public et à «l’éthique générale», un concept qui n’a jamais été défini par le gouvernement, comme l’avait demandé la commission d’experts. En plus des limitations légales au droit de grève, les droits fondamentaux des travailleurs sont compromis par l’utilisation des forces de sécurité dans les conflits du travail. Les enquêteurs chargés de la sécurité de l’Etat sont intervenus à maintes reprises dans des conflits du travail, y compris en l’absence de motif légitime sur le plan de la sécurité. Enfin, l’orateur a évoqué la grève organisée par le comité syndical dans une entreprise de textile de la zone économique spéciale de Mahalla Al-Kubra, et la dissolution subséquente du comité, comme autre exemple de limitation grave des droits syndicaux. De toute évidence, les travailleurs sont confrontés à de sérieuses limitations aux droits qui leur sont garantis par la convention no 87, et le gouvernement doit mettre sa législation en conformité avec les conventions de l’OIT qu’il a ratifiées.

Le membre gouvernemental du Soudan s’est félicité de la coopération entre le gouvernement de l’Egypte et le BIT. Au cours d’une mission d’assistance technique, des représentants du BIT ont rencontré de nombreux parlementaires égyptiens. L’orateur a loué les efforts déployés par le gouvernement, plus particulièrement en ce qui concerne les amendements législatifs qui ont fait l’objet d’un accord et ont été soumis au BIT et au parlement.

En réponse aux demandes de clarification formulées par les membres travailleurs au cours de la discussion, la représentante du Secrétaire général a indiqué qu’une mission du BIT s’était effectivement rendue en Egypte les 25 et 26 avril 2010. Au cours de cette mission, un atelier d’une journée s’est tenu sur le thème de la liberté syndicale et du développement. Tous les acteurs étaient présents ce jour-là et il y a eu un vif débat sur le pluralisme syndical. Au cours de la deuxième journée, des réunions de suivi sur les mesures à entreprendre ont été tenues. En ce qui concerne la question de savoir si le gouvernement a répondu aux observations communiquées par la Confédération syndicale internationale (CSI) le 29 août 2009 en vertu de l’article 23 de la Constitution de l’OIT, au sujet de la violente répression d’une manifestation de travailleurs qui aurait eu lieu les 6 et 7 avril 2008, l’oratrice a déclaré que, dans ses conclusions de 2008, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations complètes en réponse aux allégations d’agressions violentes contre des syndicalistes dans le prochain rapport qu’il soumettrait à la commission d’experts. La commission d’experts a également demandé au gouvernement de fournir des informations à ce sujet.

La représentante gouvernementale a remercié la représentante du Secrétaire général pour les précisions qu’elle a apportées. Elle a indiqué que les membres travailleurs s’étaient basés, dans leur déclaration, sur des informations inexactes. Pourquoi ont-ils mis en doute les indications de la représentante gouvernementale selon lesquelles l’atelier tripartite avait effectivement eu lieu? L’Egypte est l’un des premiers Etats à avoir ratifié la convention no 87. Elle a toujours manifesté sa confiance envers l’Organisation et cette confiance est réciproque. Un membre travailleur a également affirmé que le Code du travail n’avait pas été modifié depuis les années cinquante, alors qu’il a été modifié pour la dernière fois en 2003, après dix ans de débats. Le parlement qui l’a approuvé est d’ailleurs composé pour moitié de représentants des travailleurs. L’oratrice a exprimé son respect envers la CSI, tout en s’étonnant de constater que celle-ci a obtenu des informations de la part d’organisations non gouvernementales illégales qui bénéficient de fonds en provenance de l’étranger, ne sont pas liées au mouvement des travailleurs et cherchent à déstabiliser le pays. Elle a indiqué que, depuis le mois de novembre 2008, elle avait rencontré à cinq reprises des fonctionnaires du Département des normes du BIT, en leur transmettant à chaque fois toutes les informations disponibles au sujet des questions devant être résolues en Egypte. Il a été affirmé que la plupart des travailleurs étaient victimes d’oppression. Et pourtant, 140 conventions collectives, dont 138 au niveau des entreprises, ont été conclues. Plusieurs pays connaissent un système de syndicat unique. En Egypte, tel n’est pas le cas, il s’agit d’un système présentant une nature spécifique. La représentante gouvernementale a déclaré que, depuis son entrée en fonctions en tant que ministre du Travail, en 2005, elle a oeuvré, avec le reste du gouvernement, pour la promotion de la liberté syndicale. De progrès considérables ont été accomplis: le mouvement syndical a acquis une grande autonomie, les dernières élections syndicales ont été libres et des informations ont été communiquées au BIT à ce sujet. En conclusion, la représentante gouvernementale a demandé que toutes les informations fournies par son gouvernement soient mises à la disposition des organes compétents de l’Organisation. Elle a exprimé l’espoir que la commission tiendrait compte du statut historique de l’Egypte et des mesures prises par le gouvernement pour promouvoir les normes internationales du travail en coopération avec le BIT.

Les membres travailleurs ont remercié la représentante gouvernementale pour les informations qu’elle a communiquées, tout en regrettant que celles-ci n’aient pas été transmises avant la présente séance de la commission. En réponse à un point soulevé par la représentante gouvernementale, ils ont précisé que le rapport de la commission d’experts constitue leur principale source d’informations. D’autres informations proviennent de la CSI dont ils sont membres et qui examine la situation dans les différents pays. Faisant suite à la déclaration du membre employeur de l’Egypte, ils ont rappelé que la liste des cas devant être examinés par cette commission avait fait l’objet d’un accord entre les représentants des employeurs et des travailleurs. Les membres travailleurs ont également pris note des informations fournies par la représentante du Secrétaire général, tout en précisant que, dans leur déclaration liminaire, ils avaient reconnu que l’atelier tripartite avait effectivement eu lieu. Les membres travailleurs constituent un groupe uni qui souhaite que les droits syndicaux soient respectés en Egypte. Or l’unicité syndicale constitue une violation de la convention. Chaque travailleur doit avoir le droit de s’affilier à l’organisation de son choix. La situation d’unicité syndicale est aussi le moyen de refuser aux travailleurs le droit d’organiser des élections syndicales comme ils l’entendent. La situation de monopole syndical ne résulte pas du libre choix des travailleurs mais de la loi, et il est important que le gouvernement accepte les conclusions de l’atelier qui s’est tenu sous l’égide du BIT et effectue les modifications législatives nécessaires, conformément aux commentaires de la commission d’experts.

La promotion de la négociation collective et de relations professionnelles saines est tout aussi importante que le dialogue social auquel se réfère le gouvernement et nécessite un cadre juridique approprié. Des conflits, sous la forme d’actions professionnelles et de grèves, sont normaux dans un contexte de relations professionnelles saines; les restrictions légales au droit de grève doivent être abrogées. Il en va de même en ce qui concerne l’arbitrage obligatoire dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme. La représentante gouvernementale n’a pas fait état des mesures concrètes que le gouvernement a l’intention de prendre pour modifier sa législation à cet égard.

Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement d’adopter sans délai un plan d’action afin de rendre sa législation et sa pratique conformes à la convention no 87. Ils ont demandé avec insistance que le système d’unicité syndicale, qui est en flagrante contradiction avec la liberté syndicale, soit modifié afin de permettre l’existence et le rôle actif d’autres organisations de travailleurs dans le dialogue social à tous les niveaux. Comme dans les autres pays, c’est aux organisations syndicales de décider si elles veulent ou non s’unir. Les membres travailleurs ont également demandé que la loi sur les syndicats, et le Code du travail soient modifiés sur les différents points soulevés dans le commentaire de la commission d’experts, et que le gouvernement fournisse un rapport sur l’application de la convention pour la prochaine session de la commission d’experts. Le gouvernement n’a pas encore manifesté de réelle volonté de régler les problèmes qui se posent et les membres travailleurs suivront de très près l’évolution de la situation, comme doit également le faire le BIT. Les travailleurs se trouvent dans une situation difficile et doivent avoir le droit de s’organiser. En conclusion, les membres travailleurs ont souligné que seul le respect de la convention no 87 devait guider la discussion.

Les membres employeurs ont félicité le gouvernement pour avoir fait le nécessaire afin de résoudre les questions d’ordre législatif soulevées par la commission d’experts, tout en regrettant que ce processus ait pris deux ans. Le gouvernement n’a pas remis en question le fait que ces questions doivent être réglées, comme le montre la création du comité tripartite qui a été chargé d’entreprendre ce travail. Le gouvernement est conscient que la liberté syndicale constitue une pierre angulaire de l’OIT. La convention no 87 est une convention fondamentale et il n’est pas acceptable de s’y conformer en partie seulement. Les discussions et consultations tripartites sont également essentielles, mais ne remplacent pas la liberté syndicale. Par conséquent, afin d’assurer cette conformité, le comité tripartite doit traiter deux aspects fondamentaux de la convention: premièrement, le pluralisme syndical requis par la convention et, deuxièmement, la liberté pour les syndicats de fixer leurs règles et de déterminer leur structure organisationnelle sans ingérence du gouvernement. Ces obligations ont été acceptées au moment de la ratification de la convention. Il convient donc que le comité tripartite progresse rapidement et qu’il formule des propositions sur le plan législatif d’ici à la fin de l’année. Ces dernières devront être transmises au BIT, en vue de s’assurer de leur conformité à la convention.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a fait suite.

La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts portaient sur un certain nombre de divergences déjà anciennes entre les dispositions de la convention et la législation du travail, notamment le cadre légal instituant un système de syndicat unique.

La commission a pris note des indications données par le gouvernement sur les mesures prises par ce dernier depuis 2008, c’est-à-dire depuis la dernière fois que ce cas a été examiné par la présente commission. La représentante gouvernementale a pris note, en particulier, du protocole d’accord tripartite signé par le gouvernement et les principaux partenaires sociaux en avril 2009, ainsi que de la tenue en avril dernier d’un atelier ouvert à tous les partenaires sur la liberté syndicale. Elle a noté que le gouvernement prévoit de procéder à une révision de la législation avec l’assistance du BIT, en vue de la rendre pleinement conforme à la convention; que, dans cette optique, un comité d’experts tripartite a été chargé d’examiner les lois; et que le gouvernement portera à la connaissance de la commission d’experts les progrès réalisés à cet égard.

La commission, tout en prenant acte des mesures prises récemment par le gouvernement, a néanmoins regretté qu’aucun progrès tangible n’ait encore été accompli en vue de mettre la législation en pleine conformité avec la convention sur ces aspects fondamentaux. Encouragée de constater que le gouvernement reconnaît aujourd’hui ces problèmes toujours non résolus par rapport à l’application de la convention, la commission le prie à nouveau instamment de persévérer dans la voie des importantes réformes démocratiques auxquelles il se réfère et qui doivent nécessairement inclure le respect plein et entier de la liberté syndicale.

La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement se fixera un programme accéléré garantissant que des initiatives tangibles seront prises dans un très proche avenir, afin que la législation soit modifiée de manière à garantir que tous les travailleurs puissent constituer librement les organisations de leur choix et puissent librement s’affilier à de telles organisations, et à garantir aussi que soient éliminées toutes les formes d’ingérence des pouvoirs publics dans les activités des organisations de travailleurs, notamment l’inscription dans la législation de l’autorité d’un syndicat unique. La commission a demandé que le gouvernement communique d’ici à la fin de cette année au BIT, pour avis quant à leur conformité par rapport à la convention, les propositions d’amendement indispensables, notamment les propositions d’amendement de la loi sur les syndicats. Elle a demandé en outre que le gouvernement communique par écrit, en vue de la session de la commission d’experts de cette année, des informations détaillées sur toutes les mesures prises à cet égard, de même que sur les actes de violence allégués par la Confédération syndicale internationale.

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