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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Mexique (Ratification: 1950)

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 2016-Mexico-C087-Fr

Un représentant gouvernemental a souligné l’engagement du gouvernement du Mexique en faveur de la liberté syndicale et il a évoqué les progrès accomplis. En ce qui concerne la transparence du processus d’enregistrement des organisations syndicales, il a signalé que le nombre de conseils locaux des entités fédérales qui, en application de la loi, publient des registres syndicaux sur leur portail électronique a augmenté de deux l’année dernière à 20 en 2016, et que huit autres sont bien avancés dans cette démarche. Quant aux mesures législatives et pratiques adoptées à propos de la négociation collective libre et de la garantie de la représentativité syndicale, le Président de la République a présenté, le 28 avril 2016, un important projet de réforme de la loi fédérale du travail portant sur deux points importants. En ce qui concerne l’enregistrement des conventions collectives de travail, le projet prévoit que, avant d’enregistrer une convention, les autorités doivent confirmer qu’il existe bien un lieu de travail, que les travailleurs sont en effet protégés par la convention à enregistrer et qu’ils en ont reçu copie ainsi que du statut du syndicat qui la présente, et qu’ils en ont pleinement connaissance. Quant à la qualité de signataire des conventions collectives, le projet contient des règles claires sur les formalités de vote afin de garantir que les votes relatifs à la qualité de signataire des conventions ont été pris librement et démocratiquement. A propos des mesures pratiques, l’orateur a signalé que, en juin 2015, la Conférence nationale des secrétaires du travail du Mexique a adopté une décision conjointe dans laquelle il convient de souligner deux points: i) le refus catégorique des contrats de protection; et ii) l’engagement à renforcer les mesures contre les pratiques visant à simuler une organisation syndicale, contraires à la liberté syndicale. En septembre 2015, le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage a adopté des critères de bonnes pratiques relatives aux formalités de vote en vue de garantir le vote personnel, libre, secret et direct des travailleurs. Du reste, en février 2016, un nouveau protocole d’inspection du travail à propos de la liberté de négociation collective a été élaboré qui établit que les inspecteurs du travail peuvent accéder aux lieux de travail, s’entretenir directement avec les travailleurs et vérifier qu’ils disposent d’informations sur leurs syndicats et les conventions qui les concernent. En matière de pluralisme syndical dans les services de l’Etat, l’orateur a pris acte avec satisfaction que cette commission a pris note en 2015 que les restrictions législatives ne s’appliquent pas et ne constituent pas un problème dans la pratique. A propos de l’interdiction faite aux étrangers d’accéder aux fonctions de dirigeant syndical, cette commission a également pris note que cette restriction législative ne s’applique pas. En outre, aucun cas concret n’a été signalé ni aucune plainte ou réclamation n’a été enregistrée à ce propos. Au contraire, certains statuts syndicaux reconnaissent expressément la possibilité pour des étrangers d’accéder aux fonctions de dirigeant syndical. En ce qui concerne l’inquiétude de la commission vis-à-vis des conseils de conciliation et d’arbitrage et la nécessité qu’ils soient indépendants, autonomes et exempts de tout conflit d’intérêt, le Président de la République a présenté à l’assemblée constituante, le 28 avril 2016, un projet de réforme constitutionnelle qui crée un précédent important et constitue un changement historique pour le pays. Le projet prévoit que la justice du travail soit rendue par des instances du pouvoir judiciaire qui ne dépendent pas du pouvoir exécutif et sans structure tripartite. Dans le même temps, il est prévu de renforcer la commission de conciliation. Le projet prévoit aussi la création d’un organisme autonome pour s’occuper de l’enregistrement des conventions collectives et des syndicats au niveau national. Il revient au Président de la République de proposer un responsable pour cet organisme et au sénat de l’approuver afin de garantir la transparence et l’autonomie de cette entité. Ces projets de réforme sont le résultat d’un long processus participatif à différents niveaux et d’un important dialogue social. Le gouvernement souhaite apporter des changements pour garantir la liberté et l’autonomie syndicales, et la collaboration du BIT pour parvenir à ces changements est appréciée.

Les membres employeurs ont rappelé que c’est la deuxième année que ce cas est examiné devant la commission et que certains des éléments qui y figurent sont les mêmes que l’année dernière. Le Mexique n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Pour autant, certains éléments figurant dans l’observation et dans la demande directe de la commission d’experts sur ce cas introduisent une certaine confusion entre ces conventions. L’observation porte sur plusieurs points: l’assassinat de dirigeants paysans, les manifestations de travailleurs de divers secteurs, l’enregistrement des organisations syndicales, la représentativité syndicale et les contrats de protection, le pluralisme syndical dans les organes de l’Etat et la possibilité de réélection de dirigeants syndicaux, l’élection de dirigeants syndicaux étrangers, et les conseils de conciliation et d’arbitrage (également examinés dans le cas no 2694 du Comité de la liberté syndicale). La demande directe, qui ne figure pas dans le rapport de la commission d’experts, traite de l’enregistrement des syndicats, de l’accréditation des représentants syndicaux, du droit des syndicats d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d’action, et de la proposition de modifier la législation sur la grève. S’agissant du droit de grève, les membres employeurs ont rappelé leurs réserves concernant le contenu de ce droit au sens de la convention no 87. Ils ont indiqué que 40 des 50 observations sur la convention figurant dans le rapport de la commission d’experts de 2016 font référence au droit de grève. Dans les 12 cas sur les 16 où la commission d’experts ne mentionne pas le droit de grève dans une observation, elle le fait par le biais d’une demande directe. Qui plus est, sur les 50 demandes directes sur la convention, 41 se réfèrent au droit de grève. Les membres employeurs ont souligné que les demandes directes ne sont pas soumises à un contrôle tripartite. Bien que le paragraphe 36 du rapport de la commission d’experts explique la différence entre observations et demandes directes et que le président de la commission d’experts a déclaré s’y référer avec soin, il est nécessaire de clarifier cette différence et de revoir, avec l’appui du Bureau, la marge de manœuvre dont dispose la commission d’experts dans le cadre de ses différents commentaires.

Concernant les progrès réalisés par le gouvernement, les membres employeurs ont noté avec satisfaction que les conseils locaux de 20 entités fédérales ont publié sous forme électronique les registres syndicaux et que 8 autres sont en voie de le faire. Ils ont également noté les diverses lois récemment adoptées et ont demandé au gouvernement qu’il précise la portée de la loi générale de transparence à l’accès à l’information publique du 4 mai 2015. Ils se sont félicités du rejet des contrats de protection, selon la décision de la Conférence nationale des secrétaires du travail, ainsi que de la réforme de l’inspection du travail qui permettra de lutter contre des pratiques telles que la procédure dite de «prendre note» mentionnée dans la demande directe et de progresser sur le plan pratique. Concernant la question du pluralisme des syndicats dans les organes de l’Etat, et de l’élection d’étrangers à la direction des syndicats, même si les restrictions législatives y afférent n’ont pas d’effet, le dialogue social doit se renforcer. Le projet de réforme constitutionnel a également été accueilli favorablement, notamment parce qu’il détermine clairement quel est le pouvoir judiciaire qui règle les différends en matière de négociation collective entre les employeurs et les travailleurs. Pour autant, on ne sait pas, vu que le gouvernement n’en a pas parlé, si les employeurs ont été invités à participer aux délibérations sur ce processus de réforme et sous quelle forme, et comment ils seront impliqués et consultés à l’avenir à ce sujet. Les membres employeurs ont invité le gouvernement à approfondir le dialogue social dans les prochains mois. Quant à l’assassinat de dirigeants paysans, thème figurant de nouveau cette année dans l’observation de la commission d’experts, il est désormais clair que cette question n’est pas liée à la liberté syndicale, et ne devrait donc pas être traitée plus avant. Concernant les manifestations de travailleurs, des informations plus détaillées sont nécessaires à ce propos. Etant donné les progrès significatifs réalisés dans ce cas, les conclusions devraient inviter seulement à approfondir le dialogue social.

Les membres travailleurs ont déclaré que, en 2015, la commission s’est penchée sur les manquements du gouvernement aux obligations qu’il a contractées au titre de la convention et elle a conclu qu’il doit notamment recenser, en consultation avec les partenaires sociaux, les réformes législatives qu’il convient de faire en sus de la réforme de 2012 de la loi fédérale du travail, afin de mettre en œuvre la convention, notamment des réformes qui empêchent l’enregistrement de syndicats de protection. Un contrat de protection est une convention collective, signée par un employeur et un syndicat non démocratique, et qui n’est reconnue que par l’employeur. La plupart du temps, les travailleurs ignorent tout de cette convention jusqu’à ce qu’ils veuillent créer leur propre syndicat. La direction les informe alors qu’ils sont déjà membres d’un syndicat et sont couverts par une convention qu’ils n’ont jamais vue ni ratifiée. Le but premier du système de contrat de protection est de réduire les salaires et d’empêcher les travailleurs d’avoir une représentation syndicale démocratique. Ce système, qui laisse la fixation des salaires, la durée et les conditions de travail à la discrétion de l’employeur, est perpétué par les conseils de conciliation et d’arbitrage. Le parti-pris des conseils de conciliation et d’arbitrage contre les droits légaux et les intérêts des syndicats démocratiques est bien connu, et leurs décisions sont influencées par les représentants des syndicats dominés par les employeurs. Conscientes que le système des contrats de protection est générateur de conflits du travail et refusant d’être associées à un système qui viole le droit à la liberté syndicale dans les chaînes d’approvisionnement, huit marques internationales de la confection ont envoyé en 2015 une lettre commune au gouvernement pour lui demander d’y mettre un terme. En avril 2016, le Président de la République a soumis les propositions de réforme de la Constitution et de la loi fédérale du travail au Sénat dans un sens qui: i) éliminerait les conseils de conciliation et d’arbitrage et transférerait leurs fonctions légales au pouvoir judiciaire, soumettant ainsi tous les conflits du travail à une seule audience de conciliation obligatoire; ii) confierait les fonctions administratives des conseils de conciliation et d’arbitrage à une nouvelle entité fédérale décentralisée; iii) exigerait que, avant qu’une convention collective puisse prendre effet, les autorités responsables du travail vérifient que l’entreprise fonctionne réellement, qu’elle a des travailleurs et que ceux-ci ont reçu copie de la convention et y souscrivent; et iv) arrêterait un calendrier rigoureux pour chaque étape du processus électoral visant à déterminer quel syndicat a droit de regard sur la convention collective. Ces réformes avaient aussi la faveur de certaines organisations d’employeurs. Soulignant la longueur de la procédure et le temps que mettrait le sénat à approuver et adopter des modifications de la loi et de la Constitution, les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces réformes soient approuvées dès que possible.

Les contrats de protection restent majoritaires dans le système de relations professionnelles et les efforts des syndicats démocratiques pour organiser un recomptage afin d’éliminer les syndicats de protection se sont heurtés à une opposition et à des irrégularités de procédure. Les membres travailleurs ont cité l’exemple d’une organisation indépendante qui a tenu tête à un grand constructeur automobile et au syndicat de protection et a perdu le scrutin de représentation syndicale lors du recomptage de 2015, après une série d’irrégularités de procédure. En outre, les campagnes antisyndicales agressives lancées par les employeurs restent courantes dans le pays. Fin 2015, 120 travailleurs qui avaient voulu créer un syndicat dans une usine de Ciudad Juarez produisant des cartouches pour imprimantes laser pour une firme américaine ont été licenciés après une grève organisée pour réclamer des hausses de salaires. La modification de 2012 de la loi fédérale du travail, quoique censée apporter davantage de flexibilité de l’emploi en remplaçant la rémunération à la journée par la rémunération horaire, a entraîné un recul de la création d’emplois et fait augmenter les emplois temporaires, tandis que les salaires et les conditions de travail se détérioraient. Bien que la loi interdise aux entreprises d’externaliser un travailleur auquel a été assignée une fonction essentielle de l’entreprise, un rapport de 2015 sur le secteur de l’électronique indique que près de la moitié des travailleurs exerçant des fonctions essentielles sont externalisés et embauchés par contrats temporaires. Le recours à l’externalisation est une tactique courante pour évincer les syndicats ou pour remplacer des travailleurs syndiqués par des contractuels. Les tribunaux ont considérablement réduit le droit de grève en permettant aux employeurs de vider les conventions collectives de leur substance en invoquant la force majeure. Ils ont contesté la constitutionnalité des articles 465 et 937 de la loi fédérale du travail qui permet aux travailleurs de déposer un préavis de grève auprès du Conseil fédéral du travail pour obtenir un arbitrage contraignant. Une législation adéquate s’impose. Les membres travailleurs ont rappelé que les questions qui ont été soulevées sont soumises depuis de nombreuses années aux organes de contrôle de l’OIT et ils ont exprimé l’espoir que le gouvernement prendra des mesures volontaristes pour: i) régler les questions se rapportant aux contrats de protection; ii) veiller à l’absence de collusion entre les conseils de conciliation et d’arbitrage et les employeurs ou les syndicats de protection pour empêcher les syndicats démocratiques de représenter les travailleurs; iii) sanctionner les employeurs qui se rendent coupables de discrimination antisyndicale; et iv) modifier d’autres aspects de la loi qui font l’objet de commentaires de la commission d’experts depuis plusieurs années.

Un membre travailleur du Mexique a considéré que le gouvernement mène à son terme un processus de réformes destiné à le mettre graduellement en conformité avec la convention et qu’il a fourni les informations qui lui étaient demandées et qu’on peut trouver, actualisées, sur l’Internet. Le gouvernement a réalisé cette transformation malgré les contraintes financières, vu que les budgets des ministères ont été diminués, y compris celui du ministère du Travail. Au Mexique, l’exercice de la liberté syndicale dépend de la volonté de chaque travailleur; en conséquence, chaque travailleur peut choisir l’organisation syndicale à laquelle il s’affilie. Le fait qu’une convention collective de travail se limite à contenir ce que la loi impose n’en fait pas un contrat de protection. Quoi qu’il en soit, il y a lieu d’enquêter sur ceux qui utilisent indûment les contrats de protection pour dépouiller les travailleurs de leurs droits. La loi fédérale sur le travail prévoit une procédure pour l’acceptation, l’enregistrement et l’annulation des conventions collectives de travail, de même que pour les demandes de titularisation en tant qu’agent de négociation, ainsi que la possibilité pour les travailleurs de choisir à quelle organisation syndicale s’affilier. Il est faux de dire que les contrats de protection jouissent du soutien des centrales de travailleurs, vu que ce sont les conseils qui remettent un avis positif ou négatif sur une convention collective, constatant ou non sa conformité avec les dispositions légales. L’orateur a conclu en mentionnant la proposition de loi qui a été déposée au Sénat. Il a fait remarquer que ni les travailleurs ni les employeurs n’ont été consultés. Les conseils de consultation et d’arbitrage sont des organes tripartites. Cette proposition vise à judiciariser ces conseils, le juge étant dorénavant appelé à trancher. C’est ainsi qu’est totalement supprimée la participation des représentants des travailleurs et des employeurs, ce qui sonne le glas du tripartisme.

Le membre employeur du Mexique s’est d’abord référé aux méthodes de travail de cette commission. Il estime que, s’il y a eu des modifications positives, dans certains domaines il faut continuer de progresser pour améliorer l’efficacité. Il ressort du rapport de la commission d’experts que beaucoup de cas exigent une intervention rapide de la commission. Pourtant, on donne la priorité à des cas qui ne sont pas prioritaires ou qui ont déjà été examinés à des réunions précédentes et sur lesquels on a obtenu des réponses et des explications, ainsi que des engagements qui sont suivis dans différents rapports. Cela entraîne le risque de répéter les observations et les arguments au lieu de mener un dialogue constructif. Il serait préférable de s’assurer dans les rapports qu’il est donné suite aux engagements qui ont été pris et de laisser aux Etats un délai raisonnable pour s’acquitter de leurs obligations. Ce n’est qu’alors que l’on pourra exiger que soit respecté ce qui ne l’a pas été et reconnaître les cas de progrès. Etant donné que le Mexique n’a pas ratifié la convention no 98, la commission ne devrait pas se référer dans ses conclusions à des questions ayant trait à la négociation collective. De plus, malgré l’insistance de la commission d’experts, il faudrait ne pas traiter les aspects liés à la grève car cette commission ne l’a pas validée. Il y a peu d’éléments nouveaux qui exigent immédiatement une analyse. En ce qui concerne les assassinats de dirigeants paysans, l’orateur les a déplorés tout en précisant qu’il ne s’agissait pas de travailleurs, comme l’a indiqué la commission. A propos des actes de violence présumés contre des syndicalistes, étant donné qu’il s’agit de faits dénoncés récemment mais qui n’ont pas été confirmés, un rapport vient d’être demandé au gouvernement. Pour ce qui est du pluralisme syndical dans les administrations publiques, il est précisé que cette question a été réglée dans la jurisprudence et que plusieurs syndicats et conventions collectives sont en place. Au sujet du fonctionnement des conseils de conciliation, cette question est examinée au Mexique depuis longtemps, et des instances de consultation tripartite ont même été créées. Toutefois, cette question est nouvelle pour la commission. C’est pour cela qu’un rapport a été demandé au gouvernement récemment. Le gouvernement a indiqué à la commission qu’une initiative juridique et constitutionnelle a été présentée. Elle permettra de faire face aux problèmes qui ont été identifiés dans une étude d’avril 2015. Hélas, les employeurs n’ont participé ni à cette étude ni aux travaux préalables à la présentation de l’initiative susmentionnée. L’orateur a voulu croire que les organisations de travailleurs et d’employeurs participeront à la procédure législative afin de rendre effectif le dialogue social, et à la discussion sur les nouvelles dispositions qui devront régir les aspects de procédure et les questions qui se poseront à l’issue de la réforme constitutionnelle. Il est important de disposer suffisamment de temps pour examiner dans le cadre du dialogue tripartite l’initiative de réforme présentée récemment. Au sujet de l’objectif visant à établir un registre syndical transparent, d’après les informations qui ont été données, le projet de réforme contient des dispositions qui garantissent la réalisation de cet objectif. A cette fin, de nouvelles institutions devront être créées à la suite d’un dialogue social, constructif et participatif. L’orateur a espéré que la commission comprenne la difficulté de relever un défi d’une telle ampleur et qu’elle laissera assez de temps pour le faire. L’orateur, en conclusion, a indiqué que, dans le rapport de la commission d’experts, des problèmes qui ont été soulevés n’existent tout simplement pas et correspondent seulement à des déclarations formulées par des organisations dont le seul but est de semer le trouble. Les problèmes réels sont traités et il y a eu des progrès. L’initiative de réforme juridique présentée récemment par le gouvernement comporte des défis importants, mais aussi de grandes opportunités. Il faudra à cette fin réaliser des études, se projeter dans l’avenir et prendre des mesures dans un cadre garantissant le dialogue social.

La membre gouvernementale du Panama, s’exprimant au nom du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a salué les informations du gouvernement sur la suite donnée aux observations de la commission d’experts, et pris note des progrès réalisés dans l’application de la loi fédérale du travail (LFT) en ce qui concerne la publication de registres, de statuts syndicaux et de conventions collectives afin de rendre plus transparent et démocratique le système des relations professionnelles. De plus, l’oratrice a pris note avec intérêt de l’initiative visant à réformer la constitution et la LFT, qui implique une transformation profonde du système de la justice du travail, notamment le transfert de l’administration de la justice du travail au système judiciaire, la création de centres locaux de conciliation et la mise en place d’un organe chargé spécifiquement de l’enregistrement des conventions collectives du travail et des organisations syndicales, et de la conciliation à l’échelle fédérale. Souhaitant au gouvernement plein succès dans la réalisation de ces réformes, l’oratrice prend note avec intérêt de l’esprit d’ouverture du gouvernement et de sa volonté de continuer à promouvoir un dialogue social franc et ouvert. Réaffirmant l’engagement du GRULAC en faveur du respect de la liberté syndicale, l’oratrice a espéré que le gouvernement continuera à mettre en œuvre des réformes pour faire appliquer la convention.

Le membre gouvernemental de l’Espagne, souscrivant à la déclaration faite au nom du GRULAC, a pris note avec intérêt des efforts déployés et des progrès réalisés quant à la publication, par les entités fédérées, de registres et de statuts syndicaux, ainsi que de conventions collectives, en vue d’atteindre les objectifs fixés dans la LFT pour promouvoir la gouvernance et le respect de l’autonomie syndicale. Il a insisté sur l’importance historique des récentes initiatives que sont la réforme constitutionnelle et la LFT en vue de transformer la façon dont la justice du travail est rendue dans le domaine du travail pour renforcer le libre exercice des droits au travail individuels. Il s’agit d’un changement de paradigme qui vise à faire que les organes du pouvoir judiciaire fédéral ou local rendent la justice du travail, que les processus de conciliation soient plus souples et plus efficaces grâce à la création de centres locaux de conciliation, spécialisés et indépendants, et qu’un organisme décentralisé d’enregistrement de toutes les conventions collectives et des organisations syndicales, en sus de la conciliation au niveau fédéral, soit créé. La mise en œuvre efficace de ce changement de paradigme, en consultation avec les partenaires sociaux, contribuera à une transformation importante de la protection des droits au travail et à la réalisation de l’objectif du travail décent.

Le membre travailleur de l’Allemagne a exprimé sa vive préoccupation devant les violations de la convention commises au Mexique, en particulier la pratique des contrats de protection qui, hélas, concernent aussi des employeurs allemands. Les contrats de protection sont des conventions par lesquelles de pseudo syndicats torpillent toute lutte menée pour améliorer les salaires et les conditions de travail. Ces soi-disant syndicats de protection sont chargés par la direction de conclure des conventions avec l’entreprise. Sur le papier, tous les salariés sont membres du syndicat de protection sans le savoir. Les contrats de protection, négociés sans la participation des travailleurs, tirent les salaires vers le bas et des individus peu scrupuleux sont payés par les entreprises pour tenir les syndicats militants à l’écart. Hélas, plusieurs firmes allemandes figurent parmi ces entreprises. Les travailleurs étant liés au syndicat de protection, ils ne peuvent créer d’autre syndicat indépendant et doivent abandonner tout espoir d’une meilleure négociation des conventions collectives. Les travailleurs qui s’organisent pour obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail font l’objet d’intimidation et de répression. Lorsque le contrat de protection entre en vigueur sur papier, les tribunaux du travail, les employeurs et les pouvoirs locaux prennent les choses en mains pour empêcher qu’un syndicat indépendant puisse faire passer une véritable convention collective. Les travailleurs qui essayent de défendre leurs droits sont dépeints comme des fauteurs de troubles et risquent d’être mis sur une liste noire par l’employeur. Ceux qui ont essayé de quitter le syndicat de protection ont perdu leur emploi. Les contrats de protection laissent à l’entreprise une énorme latitude en matière d’embauche et de licenciement, d’externalisation et de travail temporaire, et ils sont parfois signés avant même que l’usine entre en activité. Le nombre des contrats de protection est en augmentation; près de 80 pour cent des conventions collectives en vigueur au Mexique ont été conclues sous la forme de contrats de protection. Les multinationales européennes devraient donner l’exemple plutôt que de conclure des contrats qui sapent les droits des travailleurs, notamment le droit de grève inscrit dans la convention. Il a réclamé l’abolition des contrats de protection au Mexique et a déploré qu’il n’y ait pas eu d’enquête sur les décès de 43 étudiants en 2015.

La membre gouvernementale des Etats-Unis a rappelé que le cas a été discuté en 2015 par la commission, laquelle avait demandé que le gouvernement prenne des mesures spécifiques pour faire face aux problèmes permanents concernant, entre autres, l’administration de la justice du travail et les syndicats de protection, y compris par le biais de réformes législatives et en consultation avec les partenaires sociaux mexicains. A la fin de 2015, le gouvernement a lancé un processus de consultation pour élaborer des propositions en vue d’améliorer le système judiciaire du pays, y compris la justice du travail. Le 28 avril 2016, le Président du Mexique a présenté au Congrès un ensemble de réformes de la justice qui représentait l’aboutissement de ce processus. Cet ensemble incluait des réformes du travail par le biais desquelles le gouvernement s’efforce de répondre aux inquiétudes concernant le droit à la liberté syndicale et aux négociations collectives que soulèvent depuis des dizaines d’années les travailleurs mexicains et le système de contrôle de l’OIT, dont la Commission de la Conférence. L’oratrice a salué la mise en place de telles réformes historiques, comprenant des amendements constitutionnels susceptibles de transformer et de moderniser en profondeur la justice du travail du Mexique. Il incomberait désormais à de nouveaux juges spécialisés en droit du travail dans le système judiciaire mexicain de résoudre les affaires liées au travail et non plus aux conseils de conciliation et d’arbitrage. L’enregistrement des syndicats et des conventions collectives serait transféré à une nouvelle entité indépendante. De tels changements aideraient à garantir un système de la justice du travail équitable, transparent, objectif et efficace au Mexique, garantissant ainsi les droits des travailleurs à s’organiser et négocier de manière collective. De plus, de telles modifications de la législation du travail: aideraient à répondre aux préoccupations de longue date liées aux syndicats de protection en demandant une preuve de soutien des travailleurs avant d’enregistrer une convention collective; et imposeraient un calendrier rigoureux pour les élections syndicales qui déterminerait une représentation syndicale exclusive, aidant à répondre aux préoccupations relatives à la longueur des délais dans le processus électoral. L’oratrice a dit attendre avec intérêt l’adoption rapide par le Congrès mexicain de telles réformes et l’approbation par les Etats du Mexique des amendements à la Constitution qui en découlent. Elle a espéré qu’ils seraient adoptés, comme présentés, et mis en application sans tarder.

Un observateur représentant le syndicat IndustriALL Global Union a été d’avis que le gouvernement maintenait une politique du travail marquée par l’inégalité et l’exploitation sur le modèle des contrats de protection patronale. Les salaires des travailleurs mexicains sont actuellement les plus bas de l’Amérique latine, sans compter qu’ils sont 40 pour cent inférieurs à ceux de la Chine. Lorsque les travailleurs mexicains découvrent qu’ils sont victimes d’un système de contrats de protection patronale, ils demandent immédiatement pourquoi le syndicat ne les représente pas. Ils se trouvent alors confrontés à tout un réseau de complicité, de corruption et de contrôle qui les empêche de s’organiser librement et démocratiquement. Afin que ce syndicat soit modifié pour le rendre indépendant, les travailleurs doivent présenter à l’autorité du travail une demande d’appropriation. Celle-ci passe par une élection, par laquelle les travailleurs élisent le syndicat qui a leur préférence. Mais dans la pratique, ce processus est bien loin de celui que prévoient le droit du travail, la Constitution et la convention. Il peut durer des années, à cause des pièges et autres illégalités auxquels l’autorité, les entreprises et les syndicats ont recours. Par exemple, les demandes de reconnaissance d’agent de négociation formulées dans le secteur minier comme dans d’autres secteurs économiques ont été retardées pour une période de trois à cinq ans. Dans le cas d’une entreprise du secteur de l’automobile, il a fallu attendre presque cinq ans pour que le comptage des votes soit achevé et, lorsque cela a été enfin le cas, les travailleurs ont subi des menaces de la part de salariés de l’entreprise et de membres armés de la police fédérale, les travailleurs autorisés à voter étant élus par l’entreprise. Dans la plupart des cas, les travailleurs qui ont exprimé leur préférence pour un syndicat indépendant ont été licenciés, menacés ou battus. Les travailleurs du secteur minier ont subi un «homicide industriel» dans la mine de charbon de Pasta de Conchos, où, en février 2006, 65 mineurs ont perdu la vie, l’entreprise demeurant impunie à cause de la complicité des autorités mexicaines. De même, des mineurs sont morts ou ont été blessés à la suite de l’agression de groupes de choc, qui ont commis leurs actes avec la complicité des services de la sécurité publique. Le nombre de syndicalistes détenus arbitrairement ou emprisonnés ne cesse d’augmenter. On citera à titre d’exemples les cas de Juan Linares (plus de deux ans de détention), de Gustavo Labastida (presqu’une année de détention) et de José Luis Solorio (retenu durant trois jours dans une maison de sécurité). Dans le secteur minier, il n’existe pas de syndicat qui défende et représente les droits des travailleurs. En guise de conclusion, l’orateur a sollicité instamment le gouvernement de veiller au respect, à la justice et à la dignité des travailleurs.

Un autre membre travailleur du Mexique a considéré que, malgré les informations fournies par le gouvernement, il reste de nombreuses questions à régler pour être en conformité avec la convention. Il critique le fonctionnement des conseils de conciliation et d’arbitrage, tant au niveau fédéral que des Etats, surtout la méthode de désignation de leurs membres et leur façon d’appliquer les procédures qui révèlent de sérieux problèmes structurels. La liberté syndicale est de plus en plus restreinte en partie à cause de la complicité entre le gouvernement, les employeurs et les centrales de travailleurs. Il s’est interrogé sur le recours aux plans d’austérité. Il espère que le gouvernement profitera de cette occasion pour créer un véritable système de relations professionnelles au Mexique, fondé sur le dialogue social entre les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs élus démocratiquement. Mais, entre-temps, le gouvernement devrait prendre des mesures pour veiller à ce que les travailleurs puissent exercer leur droit à la liberté syndicale dans la pratique, en application de la loi existante.

La membre gouvernementale du Panama a dit souscrire à la déclaration du GRULAC et elle a remercié le gouvernement pour les informations fournies qui montrent sa totale volonté et détermination de se conformer pleinement à la convention. Ces informations contiennent les éclaircissements nécessaires et exposent les mesures qui ont été prises en matière de liberté syndicale, comme le droit d’élire librement les représentants syndicaux, le droit d’être réélu, et la publication des registres et statuts des syndicats par les conseils de conciliation et d’arbitrage. Elle a exprimé son soutien à l’initiative de réforme de la Constitution et de la loi fédérale sur le travail lancée par le gouvernement en vue d’une réforme de grande ampleur de la juridiction du travail, des services de conciliation et du registre des conventions collectives et des organisations syndicales, ainsi qu’au dialogue permanent et ouvert qu’il maintient avec les partenaires sociaux. L’oratrice a conclu en formulant le vœu que les efforts consentis par le gouvernement pour se conformer pleinement à la convention soient couronnés de succès.

Le membre travailleur des Etats-Unis, s’exprimant également au nom des membres travailleurs de l’Argentine, du Brésil, du Canada, du Chili, de la Colombie, du Ghana, du Guatemala, du Honduras, du Mali, du Nigéria, du Swaziland, de l’Uruguay et du Zimbabwe, ainsi que de la CONTUA, a rappelé qu’en 2015 la commission a entendu comment, en Basse-Californie, des milliers de migrants travaillant dans des conditions d’esclavage moderne, s’étaient organisés, avaient formulé un programme d’activités et s’étaient mis en grève pour défendre leurs droits sociaux et économiques, obligeant les employeurs et le gouvernement à négocier et signer des accords en mai et en juin. Cet exercice de la liberté syndicale et du droit de grève a pris la forme d’un combat contre une juridiction nationale du travail défaillante et des syndicats rigides et aux ordres des entreprises qui, pendant longtemps, ont prétendument représenté la plupart des travailleurs mexicains au moyen de contrats de protection. Ces travailleurs et ceux de deux autres Etats récoltent 85 pour cent des fruits rouges produits au Mexique, dont plus de 90 pour cent de la récolte part aux Etats-Unis et dont 80 pour cent sont vendus par des grandes marques. La chaîne d’approvisionnement s’est développée rapidement et en l’absence de mise en œuvre des droits fondamentaux des travailleurs, alors qu’elle devrait devenir le secteur à plus forte valeur des exportations agricoles mexicaines, représentant déjà 30 pour cent des fruits rouges produits dans le monde pour un montant de 1,5 milliard de dollars actuellement et qui devrait atteindre 3 milliards d’ici à 2020. Un an après la signature des accords par les employeurs et le gouvernement, les leaders des travailleurs mexicains ont déclaré que les conditions de travail et les salaires n’avaient pas changé, que les violations de la loi se poursuivaient, que les travailleurs et leurs familles n’avaient toujours pas droit à la sécurité sociale, aux soins de santé, au logement et à l’enseignement, que les employeurs et le gouvernement continuaient à signer des conventions vides de sens avec des organisations choisies par eux et pas par les travailleurs. Etant donné que le dernier accord en date se contentait de résumer les engagements qui avaient été faits aux travailleurs agricoles mexicains, sans y affecter des ressources suffisantes, le syndicat qui représente ceux qui avaient fait grève et avaient négocié à San Quintin a refusé de signer. Bien qu’incomplètes, parce qu’elles ne répondent pas aux problèmes du secteur public, les réformes de la juridiction du travail proposées par le gouvernement constituent un point positif parce qu’elles répondent à des revendications de longue date des syndicats indépendants. Toutefois, il faut encore que le gouvernement prenne ces réformes pleinement en charge et fasse preuve de volonté politique pour faire en sorte qu’elles soient rapidement approuvées et mises en pratique, sous peine de perdre toute crédibilité. Au vu de l’expérience de l’année précédente, on peut légitimement se demander si les propositions seront converties en textes de loi et mises en application. Afin d’obtenir le soutien et la confiance de la communauté nationale et internationale, le gouvernement devra adopter les principes d’impartialité et de transparence que les réformes pourraient porter en elles en apportant remède à de nombreuses violations des droits au travail de longue date et démontrées à suffisance, telles que celles des travailleurs agricoles de San Quintin. Faute d’une véritable réforme, en droit et dans les faits, le Mexique sera en infraction par rapport à l’Accord de partenariat transpacifique – par lequel des engagements fermes ont été pris vis-à-vis des conventions fondamentales, et notamment de la convention no 87 – dès le jour de son entrée en vigueur.

Le membre gouvernemental du Honduras, souscrivant à la déclaration du GRULAC, a exprimé son soutien aux mesures adoptées par le Mexique en vue de mettre en œuvre la convention. Il a mis l’accent sur les mesures prises par le gouvernement, notamment la publication des registres syndicaux, le projet de confier l’administration de la justice du travail à des juges, la création de centres de conciliation au niveau local pour accélérer les processus de conciliation, et les procédures d’enregistrement et de dépôt des conventions collectives du travail, entre autres. Le membre gouvernemental a exhorté le gouvernement à poursuivre la mise en place de nouveaux mécanismes de dialogue avec les organisations syndicales, dans le cadre des initiatives de réforme en cours, conformément à la convention et dans l’intérêt des droits fondamentaux des travailleurs, afin de garantir le respect de l’exercice de la liberté syndicale dans le pays.

Un observateur représentant la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a exhorté le gouvernement d’intervenir de toute urgence afin de mettre un terme à la situation dans laquelle se trouve Benito Bahena y Lome, secrétaire général de l’organisation syndicale Alianza de Tranviarios de México (ATM) et membre du comité exécutif de l’ITF. Ce dernier est pourchassé depuis douze mois par la société publique locale de transport pour avoir révélé des violations des droits des travailleurs et dénoncé le manque d’investissements dans les transports publics. En plus d’avoir été licencié, il a subi des agressions physiques et verbales, et s’est vu interdire par la force l’accès à son bureau syndical. Pour paralyser encore davantage le syndicat, la société a refusé de verser les cotisations syndicales dans le cadre du système de retenue à la source. Rien n’a pu empêcher de telles violations des droits syndicaux de se produire, pas même un jugement établissant que M. Bahena y Lome est le dirigeant légitime du syndicat ATM. L’orateur s’est ensuite associé aux inquiétudes et aux indignations d’IndustriALL, motivées par le recours toujours largement répandu aux contrats de protection de la part des employeurs de tous les secteurs industriels au Mexique. Cette pratique prive les travailleurs mexicains du droit d’exiger des conditions de travail saines, des inspections du travail, des indemnités et une sécurité sociale. Toute annonce de nouveaux investissements étrangers dans le pays s’accompagne d’un contrat de protection sur mesure et fait l’objet d’une publicité fort à propos sur Internet. Dans toutes les affaires mentionnées dans le cas no 2694 devant le Comité de la liberté syndicale, le contrat de protection a été signé la semaine même de l’annonce de l’investissement, bien avant que l’usine ne soit construite ou que les travailleurs n’aient été recrutés. Le système de contrats de protection a eu des conséquences tragiques, notamment une explosion dans l’usine pétrochimique Pajaritos de Veracruz le 20 avril 2016. Les compagnies et les agences gouvernementales ont nié toute responsabilité dans cet incident qui a blessé plus de 130 membres du personnel et a tué 32 travailleurs sous–traités, laissant les familles endeuillées sans aucune indemnisation. De la même manière, à Tlaxcala, une société multinationale bien connue du secteur de la chaussure et de la confection a cessé ses activités sans suivre les procédures établies, licenciant 450 personnes et refusant de payer des indemnités correctes au regard de l’ancienneté du personnel (en moyenne, vingt–cinq ans de service). Lorsque le syndicat a organisé un piquet devant l’usine pour stopper le déménagement des machines, le gouverneur de l’Etat est intervenu et a soutenu l’entreprise alors qu’elle portait de fausses accusations contre les dirigeants syndicaux, faisait pression sur les travailleurs pour qu’ils acceptent des indemnités de licenciement inférieures à celles normalement dues et faisait emprisonner le secrétaire général du syndicat pendant plus de neuf mois.

La membre gouvernementale d’El Salvador, souscrivant à la déclaration du GRULAC, a remercié le gouvernement des informations détaillées fournies. Elle a reconnu les progrès réalisés par le Mexique pour mettre en œuvre la convention, notamment en ce qui concerne la publication de registres syndicaux et des conventions collectives du travail, le projet de réforme constitutionnelle et celui de la loi fédérale du travail, l’intention de confier l’administration de la justice du travail à des juges, et la création de centres de conciliation au niveau local pour accélérer le processus de conciliation. Notant l’engagement du Mexique envers la liberté syndicale, elle s’est dite convaincue que le gouvernement allait poursuivre la mise en place de politiques propres à garantir le respect de l’exercice de la liberté syndicale dans le pays et la mise en œuvre de la convention.

L’observateur représentant la Confédération des travailleurs et travailleuses des universités des Amériques (CONTUA) a dénoncé la violence contre les syndicalistes qui sévit au Mexique, à la fois dans les secteurs minier, de la téléphonie, de la chaussure, de l’électricité et de l’enseignement. Loin de cesser, cette violence n’a fait qu’augmenter ces dernières années. Les syndicalistes sont de plus en plus en danger, dans un contexte de violence sociale totale dans lequel se mélangent la corruption politique et la narco-criminalité, et les victimes sont les acteurs de la vie sociale à cause de leur vulnérabilité, comme ce fut le cas pour les 43 étudiants d’Ayotzinapa assassinés. Ce qu’on appelle les contrats de protection sont une parodie de représentation sociale et de négociation collective. Rien n’a été fait pour éliminer ce modèle illégitime que la commission d’experts a qualifié de simulacre de négociation collective. Le gouvernement fournit des informations sur de supposés plan d’élimination de cette pratique, mais la situation n’évolue pas et l’OIT devrait prendre les choses en mains pour dégager une solution qui mette fin à cette pratique. La situation sociale se dégrade au Mexique. La ratification par le Mexique de l’Accord de partenariat transpacifique (TPPA) et la poursuite de la négociation de l’Accord sur le commerce des services (TiSA) vont engendrer un réel recul en matière de droits au travail, vu qu’ils supposent de subordonner les conventions de l’OIT aux règles commerciales. A la suite des négociations du TPPA, le gouvernement achève une initiative de réforme du travail qui répond à la nécessité pour l’exécutif de mettre en avant une proposition de modification de la législation qui réponde à des exigences extérieures. Le gouvernement voulait une procédure accélérée, mais face aux protestations et aux actions d’organisations nationales et mondiales, il s’est vu obligé d’entamer un processus de négociation. Le projet officiel de réforme n’apporte pas une solution définitive au problème des contrats protégés et il ne répond pas non plus à la demande de suppression du contrôle de l’Etat sur les syndicats qui empêchent l’exercice de la liberté syndicale, une véritable négociation collective et le droit de grève, limité par l’article 123, alinéa B, de la constitution pour ce qui est des travailleurs au service de l’Etat. Le projet de l’exécutif conserve la contestée Commission nationale des salaires minimums qui a empêché l’urgent rétablissement du pouvoir d’achat des salaires. L’orateur a terminé en considérant que le gouvernement n’affiche pas une volonté réelle de réaliser les changements nécessaires pour instaurer la liberté syndicale. Au contraire, on constate une volonté d’imposer des normes de flexibilisation qui favoriseraient la promotion des règles du marché sans garantir le respect des droits des travailleurs, l’équité sociale et une redistribution égalitaire des richesses.

Le représentant gouvernemental, remerciant toutes les personnes ayant pris part au débat, a indiqué que toutes les observations et les commentaires seront pris en compte dans le processus de réforme de la législation du travail, qui est actuellement en cours. Le gouvernement s’est engagé à privilégier le dialogue social à cet effet. Concernant les critiques selon lesquelles les employeurs et les travailleurs n’ont pas été consultés dans le cadre du projet, il a indiqué qu’il s’agit seulement d’une proposition. Les détails n’en sont pas encore connus car il s’agit d’une proposition récente. Proposition qui tient compte des commentaires formulés par les employeurs et les travailleurs dans différents domaines. Il faut désormais que tous les partenaires sociaux participent afin que les réformes puissent être mises en œuvre. Pour ce faire, les représentants des employeurs et des travailleurs seront entendus. Le gouvernement a toujours été favorable à ce que tous les secteurs soient impliqués, donnent leur avis et participent aux grandes transformations du pays, y compris celles liées au travail. Le gouvernement a la volonté politique de procéder aux modifications du projet nécessaires pour que les réformes soient mises en œuvre. L’orateur a fait observer qu’il est nécessaire de modifier la législation du travail à certains égards. Aujourd’hui la législation du travail privilégie les questions de forme. L’objectif est que la loi traite, comme il se doit, des problèmes de fond. D’où la nécessité de procéder à ces réformes. Le gouvernement n’est pas d’accord avec certaines des observations formulées durant les débats. S’agissant de l’obligation légale de publier le registre des syndicats dans les conseils locaux dans les 31 Etats du pays, il faut tenir compte du fait que numériser tout un système et une telle quantité d’informations prend du temps. S’agissant de l’externalisation, il a estimé que le problème se pose lorsqu’on y recourt dans le but de contourner la législation du travail. En conclusion, le membre gouvernemental a déclaré que le Mexique est déterminé à poursuivre la réforme et l’adoption de mesures visant à adapter pleinement la législation et les pratiques en matière de travail au contenu des dispositions de la convention.

Les membres travailleurs ont apprécié les informations fournies par le gouvernement et les mandants. Le gouvernement a une occasion unique de créer un véritable système de relations professionnelles dans le pays, qui s’appuie sur le dialogue social entre les représentants des employeurs et les représentants démocratiquement élus des travailleurs. Tels sont les fondements du système de l’OIT, consacrés dans sa Constitution de 1919. Sans une authentique représentativité et de véritables représentants, il ne peut y avoir de justice sociale et donc pas de paix durable, comme le prouve la pratique au Mexique et ailleurs. Ils font, par exemple, référence aux milliers d’enseignants et de professeurs de la Coordination nationale des enseignants (CNTE) qui ont manifesté contre les réformes de l’enseignement qui les privent de leurs droits à la liberté syndicale. Une fois encore, les membres travailleurs saluent les propositions présentées par le Président mexicain qui résolvent de nombreux problèmes et demandent leur adoption le plus rapidement possible tout en insistant pour que, entre-temps, le gouvernement prenne des mesures pour veiller à ce que les travailleurs puissent exercer leur liberté syndicale dans la pratique, en application des lois actuelles. Comme mentionné lors de la discussion, des sociétés continuent de violer régulièrement ce droit en tout impunité. En conclusion, les membres travailleurs demandent instamment au gouvernement: i) qu’il respecte sans délais son obligation légale de publier l’enregistrement des syndicats dans les conseils locaux des 31 Etats du pays; ii) qu’il adopte les réformes de la Constitution et de la loi fédérale sur le travail telles que proposées par le président; iii) qu’il veille à ce que la législation interdise l’utilisation du travail externalisé pour effectuer des activités essentielles dans une entreprise, ce recours ayant affaibli la possibilité du personnel de créer un syndicat et d’y adhérer; et iv) qu’il fournisse un rapport détaillé d’ici la prochaine réunion de la commission d’experts sur les progrès accomplis en vue d’appliquer ces recommandations.

Les membres employeurs ont remercié tous les intervenants de leurs observations ainsi que le gouvernement d’avoir présenté des informations complémentaires très complètes, dans un esprit constructif. Des progrès ont été accomplis concernant de nombreux points soulevés par la commission d’experts, comme l’ont reconnu certains orateurs. D’autres points continueront d’être examinés en vue de leur modification, par exemple, la représentativité syndicale et les contrats de protection. A cet égard, ils ont indiqué qu’il faut d’abord parvenir à la meilleure représentativité possible si l’on veut renforcer le mouvement syndical. En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l’enregistrement des syndicats, ils ont salué les informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles 20 institutions disposent d’un enregistrement électronique, et saluent également le protocole d’inspection en matière de liberté syndicale. Ils se sont dits très satisfaits des changements intervenus dans les conseils de conciliation et d’arbitrage, consistant en des mesures visant à garantir que la justice du travail relève à l’avenir des organes du pouvoir judiciaire, ce qui garantira aussi l’impartialité. Les membres employeurs ont regretté que les organisations d’employeurs n’aient pas participé aux discussions qui se sont tenues préalablement à cette initiative institutionnelle. Sans aucun doute, le gouvernement prendra des mesures immédiates pour garantir la participation des organisations d’employeurs les plus représentatives à cette initiative institutionnelle importante. Enfin, ils ont encouragé le gouvernement à déterminer, en consultation avec les partenaires sociaux les plus représentatifs, les réformes législatives qu’il conviendra de faire pour compléter la réforme de 2012 et donner effet à la convention, y compris des réformes visant à empêcher l’enregistrement de syndicats qui n’ont pas l’appui de la majorité des travailleurs qu’ils sont censés représenter par un processus électoral démocratique.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission a noté avec intérêt les propositions de réformes de la Constitution et de la législation du travail.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement de:

  • - continuer à observer la disposition existante obligeant les conseils de conciliation et d’arbitrage des 31 Etats du pays à publier les registres des syndicats;
  • - engager un dialogue social en vue d’adopter dès que possible les réformes de la Constitution et de la loi fédérale du travail proposées par le Président et de renforcer le dialogue social avec toutes les organisations de travailleurs et d’employeurs, y compris par toute autre législation complémentaire;
  • - assurer que les syndicats sont en mesure d’exercer dans la pratique leur droit à la liberté syndicale;
  • - soumettre à la commission d’experts un rapport sur l’application de la convention no 87, en droit et dans la pratique.

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