ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1997, Publication : 85ème session CIT (1997)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Türkiye (Ratification: 1993)

Autre commentaire sur C087

Cas individuel
  1. 2019
  2. 2011
  3. 2010
  4. 2009
  5. 2007
  6. 2005
  7. 1997

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

Concernant l'observation de la commission d'experts selon laquelle il subsiste en Turquie certaines divergences entre les dispositions de la convention, la législation nationale sur les organisations syndicales et la loi relative aux conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, un membre gouvernemental de la Turquie a souhaité attirer l'attention de la commission sur les développements récents intervenus dans son pays avant et après la publication du rapport de la commission d'experts. Conformément à la loi no 4121 du 23 juillet 1995, qui a modifié plusieurs articles de la Constitution turque afin de garantir un plus grand respect des droits syndicaux, un projet de loi amendant les articles pertinents de la loi no 2821 a reçu le soutien unanime des commissions parlementaires compétentes et est actuellement inscrit à l'ordre du jour du Parlement pour approbation définitive. Les amendements soumis à l'examen du Parlement ont pour but de revenir sur l'interdiction qui est faite aux organisations syndicales, à l'article 37 de la loi concernant les syndicats, de s'engager dans toute activité politique, et d'abroger totalement l'article 39, alinéa 1, qui limite la désignation de candidats par les syndicats dans les services publics et qui leur interdit de faire du prosélytisme pour ou contre un candidat. Suite à la suppression de ces restrictions, les sanctions pénales qui figurent aux articles 58 et 59 seront également abrogées. A cet égard, ce même projet de loi supprime la procédure de l'audition des organisations syndicales par le gouvernement - cette question étant désormais du ressort des mécanismes de contrôle internes aux organisations syndicales.

En ce qui concerne les limitations au droit de grève existantes, un autre projet de loi amendant différents articles de la loi no 2 822 a été élaboré afin d'élargir le champ d'application du droit de grève. Les amendements proposés prévoient l'octroi du droit de grève aux établissements ou entreprises tels que les banques, l'industrie du lignite ou encore les transports publics - ce qui reviendrait à limiter de façon importante le recours aux mécanismes d'arbitrage obligatoire en Turquie. On peut également citer les changements suivants au titre de ce projet de loi: le lock-out ne pourra être décidé par l'employeur qu'après le déclenchement de la grève; tout lock-out en cours prendra fin automatiquement en cas d'arrêt de la grève; le nombre de piquets de grève qui peuvent être disposés à chaque entrée et sortie d'un établissement en grève (fixé à l'article 48) sera accru; et, dès que les amendements proposés seront adoptés, les sanctions pénales dont sont passibles les contrevenants seront automatiquement supprimées.

Il a informé la commission qu'un nouveau projet de loi a été préparé, en ce qui concerne le droit d'organisation et de négocier collectivement des agents publics, qui prend en compte la version remaniée de l'article 53 de la Constitution turque et les dispositions de la convention no 151 sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Aux termes de ce projet de loi, les agents publics - tels que strictement définis par l'article 128 de la Constitution - sont autorisés à s'organiser au sein de syndicats et à négocier collectivement avec l'administration sur les questions de salaires et de conditions de travail. Après consultation des partenaires sociaux, le projet de loi a été examiné par le Conseil des ministres le 14 mai 1997. Ce projet de loi prend en compte les principes essentiels consacrés par la convention no 151, notamment celui du recours à un mécanisme de conciliation impartiale. L'orateur a fait observer que les travailleurs employés dans le secteur public, et qui ne sont pas considérés comme des agents publics aux termes de l'article 128 de la Constitution, bénéficient des mêmes droits syndicaux et de négociation collective que les travailleurs du secteur privé depuis les débuts du système de négociation collective en Turquie. Ils sont couverts par les lois nos 2 821 et 2 822. Il a déclaré que l'on pouvait s'attendre à ce que ce projet de loi relatif aux droits syndicaux des agents publics soit examiné prochainement et de façon prioritaire par les commissions parlementaires compétentes afin de donner suite à la modification constitutionnelle de 1995. A cet égard, il a souligné que les agents publics et autres fonctionnaires employés dans les services essentiels et continus de l'Etat, conformément à la réglementation sur les services publics (tels que définis par l'article 128 de la Constitution), avaient déjà commencé à s'organiser avant l'entrée en vigueur de l'amendement constitutionnel de 1995. Il existe actuellement trois confédérations d'agents publics et de nombreux syndicats et syndicats de branches de fonctionnaires.

Enfin, il a fait référence aux observations de la commission d'experts selon lesquelles en Turquie la législation syndicale est détaillée à l'excès et réglemente des aspects qui devraient être du ressort des statuts et règlements des organisations syndicales elles-mêmes. La tendance à édicter des législations détaillées est profondément enracinée dans la tradition législative de la société turque, et ce depuis la création de la République en 1923. C'est grâce à l'adoption d'une législation détaillée, approuvée par les partenaires sociaux, que la législation du travail turque a progressé au cours des années - parallèlement au développement des autres branches du droit en Turquie. Les dispositions restrictives des lois nos 2821 et 2822 ont néanmoins été améliorées par les amendements successifs, intervenus en 1986, 1988 et 1995; par la ratification de plusieurs conventions fondamentales de l'OIT en 1993 et 1994; et par l'amendement constitutionnel de 1995. En outre, un projet de loi ayant pour objet de renforcer l'autonomie des partenaires sociaux dans l'élaboration de leurs règlements est en préparation. Les efforts constants du gouvernement, illustrés par les différentes mesures législatives mentionnées ci-dessus, démontrent l'engagement de la Turquie de mettre sa législation sur les organisations syndicales et la négociation collective en conformité avec les dispositions des normes de l'OIT, notamment la convention. L'orateur a informé la commission que, outre les conventions fondamentales nos 87, 98, 100, 105 et 111 déjà ratifiées par son pays, les conventions no 29 sur le travail forcé, 1930, et 138 sur l'âge minimum, 1973, sont actuellement soumises à l'examen du Parlement afin qu'il se prononce sur leur ratification. Il a ajouté que le ministre du Travail a présenté la convention no 159 sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, au Conseil des ministres en vue de sa ratification. Les mesures de protection qui existent déjà dans la législation turque dans ces domaines seront renforcées par la ratification des conventions nos 29, 138 et 159. Il a fait observer qu'avec la ratification des conventions nos 29 et 138 la Turquie aurait ratifié l'ensemble des sept conventions relatives aux droits fondamentaux des travailleurs.

Les membres employeurs considèrent qu'un certain nombre d'éléments positifs sont à noter. Depuis un certain nombre d'années, le gouvernement de la Turquie se présente régulièrement devant la commission à propos de la convention no 98. A de nombreuses reprises, la commission a déploré que la Turquie n'ait pas ratifié la convention no 87. Le rapport dont elle est saisie aujourd'hui constitue le premier rapport sur la convention no 87 depuis la ratification de cet instrument et, une fois de plus, la Turquie est au nombre des cas examinés par la commission. Il convient toutefois de noter que la Constitution de ce pays a été modifiée sur plusieurs points pour lever les obstacles à la liberté syndicale. Ces amendements de la Constitution concernent également l'interdiction pour les syndicats d'exercer des activités politiques, les restrictions à la liberté d'association et les restrictions au droit de négocier collectivement, pour les salariés du secteur public non assimilés aux fonctionnaires. A la suite de ces modifications de la Constitution, la législation du travail a subi elle aussi plusieurs modifications, et des mesures ont été prises pour saisir le Parlement d'autres instruments modificateurs nécessaires à la mise en oeuvre des réformes constitutionnelles. Il s'agit notamment d'une nouvelle législation sur la négociation collective pour les salariés du secteur public non assimilés aux fonctionnaires. Le dernier point soulevé par la commission d'experts dans son rapport concerne l'excès de précision de la législation sur les syndicats en Turquie. A cet égard, le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement s'emploie à simplifier les textes en question. On constate, sur la base de son rapport, qu'un certain nombre d'étapes appréciables ont été accomplies. Après la ratification de la convention, des efforts ont été déployés en vue d'adapter les dispositions juridiques de la Constitution du pays, cette démarche devant être suivie d'une modification de la législation du travail. Les membres employeurs veulent croire que le gouvernement communiquera dans son prochain rapport sur cette convention toutes les précisions utiles et se réjouit par avance de prendre connaissance de ce document.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations transmises oralement et ont noté avec intérêt l'annonce de la ratification d'autres conventions fondamentales de l'OIT. La commission examine ce cas pour la première fois puisque la ratification de la convention par la Turquie ne date que de 1993. Toutefois, ils rappellent que la présente commission avait examiné des questions intimement liées concernant la Turquie, dans le contexte de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, à quatre reprises au cours des années quatre-vingt-dix. Il est indiscutable que la ratification par cet Etat de la convention et d'autres conventions, telles la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, est un acte important. Néanmoins, la ratification n'est pas suffisante et, dans le cas de la Turquie, elle doit s'accompagner de modifications législatives. En effet, tel que la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale l'ont relevé, la législation syndicale turque est détaillée à l'excès et réglemente plusieurs aspects qui devraient être du ressort des statuts et règlements des organisations de travailleurs et d'employeurs. Ils notent que depuis 1995 plusieurs lois ont été modifiées, et que l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat toute activité politique a été supprimé. Pourtant, des mesures s'imposent encore afin de rendre la législation conforme aux dispositions de la convention. Ces modifications permettront la mise en oeuvre de relations de travail efficaces, saines et démocratiques et favoriseront, en conséquence, la justice et la paix sociales. La législation doit être simplifiée afin notamment d'éliminer les dispositions qui permettent l'ingérence des autorités et des employeurs dans les affaires internes des syndicats et qui entravent la libre négociation collective. Ils citent, à titre d'exemples, l'interdiction de constituer un syndicat sur la base de la profession, le double critère quantitatif pour réaliser les négociations collectives, l'interdiction générale de la grève de solidarité, l'interdiction de piquets de grève accompagnés de lourdes sanctions pénales, les restrictions graves à la liberté syndicale dans les zones franches d'exportation et l'absence de dispositions législatives permettant la réintégration de travailleurs qui ont été victimes de mesures antisyndicales. Enfin, comme la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, les membres travailleurs ont pris note avec intérêt de la déclaration du gouvernement selon laquelle il entend poursuivre la réforme de sa législation afin de la rendre pleinement conforme aux dispositions de la convention. Ils ont insisté pour que le gouvernement transmette toutes les informations pertinentes et prenne les mesures nécessaires pour supprimer toutes les dispositions légales antisyndicales, antinomiques à tout développement sain des relations professionnelles. A cet égard, ils ont rappelé que l'assistance technique du BIT est à la disposition du gouvernement s'il le souhaite.

Le membre travailleur de la Turquie a rappelé que la réclamation présentée par son organisation syndicale le 4 juillet 1994 pour non-respect, par la Turquie, de la convention no 87 a donné lieu à un rapport très complet du Comité de la liberté syndicale, qui a été adopté par le Conseil d'administration en mars 1996. Du fait qu'aucune modification de la législation ne soit intervenue depuis la publication de ce rapport, ses conclusions et recommandations restent entièrement pertinentes. La Commission de la Conférence devrait donc maintenir à l'examen ses éléments essentiels qui sont également visés dans le rapport de la commission d'experts.

En mars 1996, dans son rapport sur le cas no 1810, le Comité de la liberté syndicale notait avec préoccupation que, malgré les assurances réitérées du gouvernement dans le cadre des nombreuses affaires concernant la Turquie examinées par ce comité, certaines dispositions législatives continuaient de violer les droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que la pratique nationale était loin de satisfaire aux engagements internationaux du pays. Il avait demandé au gouvernement d'intensifier ses efforts pour que des mesures soient prises d'urgence afin de remédier à la situation. L'orateur a fait observer qu'en l'absence de garanties efficaces et du fait de la précarité de l'emploi nombre de travailleurs s'étant affiliés à des syndicats ont perdu leur emploi. Le gouvernement de la Turquie, en ne rendant pas sa législation conforme à la convention no 158, n'a pas rempli ses obligations. Il est en outre regrettable que l'adhésion à un syndicat soit strictement interdite au personnel contractuel des entreprises du secteur public, au personnel de sécurité des établissements privés et aux appelés du contingent employés comme travailleurs dans le secteur public. La législation en vigueur ne garantit pas aux fonctionnaires ni aux travailleurs à domicile le droit de se syndiquer. En outre, si la Constitution telle que modifiée stipule que les fonctionnaires sont autorisés par la loi à constituer des organisations syndicales et des organisations de niveau supérieur, aucune législation à cet effet n'a encore été adoptée au bout de deux ans. C'est ainsi que les fonctionnaires continuent d'être poursuivis pour exercice d'activités syndicales qui sont devenues légales. Le projet de loi élaboré par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en janvier 1997 est loin de satisfaire aux prescriptions des conventions nos 87 et 98. Selon l'article 6 de ce texte, les fonctionnaires doivent avoir au moins deux années d'ancienneté pour pouvoir constituer un syndicat. Selon les articles 14 et 20 de ce même texte, ces syndicats ne peuvent s'affilier qu'à des organisations internationales de fonctionnaires, ce qui exclut la CISL ou la CES. L'interdiction pour le personnel de l'appareil judiciaire, les salariés civils des forces armées et le personnel pénitentiaire de s'affilier à des syndicats veut dire que les deux syndicats actuels de fonctionnaires devront être dissous. Deux fédérations syndicales ayant demandé leur adhésion à la CISL et à la CES s'opposent à ce projet de loi. Selon des informations de source syndicale, 73 000 fonctionnaires ont été condamnés à des peines d'amendes, 1 500 ont été démis de leurs fonctions, 1 700 stoppés dans leur carrière, près de 8 000 on fait l'objet de sanctions disciplinaires, 1 900 ont été licenciés et 4 000 ont été mutés dans une autre ville pour s'être engagés dans des activités syndicales légales. Le syndicat représentant les salariés du secteur public dans les services postaux a été supprimé. Les prérogatives politiques des syndicats ont été sérieusement amputées. Malgré l'abrogation de l'article 52 de la Constitution, la loi sur les syndicats, la loi sur la fonction publique et le décret concernant le personnel contractuel comportent encore d'importantes interdictions ou restrictions à l'activité politique pour les fonctionnaires et les syndicats représentant cette catégorie. L'article 82 de la Constitution, qui dispose que la fonction syndicale n'est pas compatible avec celle de membre du Parlement, est toujours en vigueur. Les syndicats restent soumis à un contrôle administratif et financier de la part des pouvoirs publics.

Bien que le droit de grève soit l'une des composantes fondamentales et indispensables de la convention, la législation du travail turque persiste à violer cet instrument à de nombreux égards. La modification de la Constitution n'a pas suffi à résoudre ces questions. Dans le secteur informel comme dans le secteur non organisé, les travailleurs ont toujours l'interdiction de faire grève. D'une manière générale, les travailleurs ne peuvent toujours pas appeler à la grève sans autorisation préalable de leur syndicat et ne peuvent recourir à cette forme d'action qu'en conséquence d'un conflit d'intérêts dans le cadre d'une négociation collective. La grève reste interdite aux confédérations de même qu'aux travailleurs des zones franches d'exportation, aux fonctionnaires, au personnel contractuel, aux étudiants employés temporairement aux fins de formation, aux appelés du contingent employés dans des entreprises publiques et aux employés de la Banque centrale. La grève reste également interdite aux travailleurs des secteurs de l'eau, de l'électricité, du gaz, du lignite et de la pétrochimie. Cette interdiction touche même les employés de banque, les notaires, les pompiers et les travailleurs des transports terrestres, ferroviaires et maritimes, en dépit du fait qu'aucun de ces services ne constitue un service essentiel au sens strict du terme. Restent également interdites, malgré les recommandations du Comité de la liberté syndicale, les grèves de solidarité, les grèves générales et les grèves du zèle ainsi que les occupations pacifiques des lieux de travail.

L'appel à la grève nécessite une procédure extrêmement laborieuse. Il en résulte que les suspensions de l'action revendicative et les piquets de grève sont difficiles à envisager. Un préavis de six jours doit être donné aux employeurs et les tribunaux conservent le droit de suspendre des grèves légales au motif du préjudice subi par la collectivité. En outre, la grève peut être totalement interdite en cas de loi martiale ou de situation d'urgence. Dans de telles circonstances, les sanctions en cas de violation de ces interdictions sont extrêmement sévères. Dans ce domaine, les projets de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 ont connu le même sort que les autres textes modificateurs évoqués par le gouvernement turc dans le cadre des discussions relatives à la convention no 98 au cours des cinq dernières années.

Pour conclure, l'orateur a déclaré que des améliorations mineures ne sauraient rendre la législation turque conforme à la convention. Comme le préconisent les conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1810, l'assistance technique du BIT s'avère nécessaire pour remédier à cette regrettable situation.

Le membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom des travailleurs des pays nordiques et des Pays-Bas, a fermement appuyé l'intervention du membre travailleur de la Turquie relative aux violations de la convention. En premier lieu, il convient de rappeler que, dans ses commentaires, la commission d'experts a mentionné que de nombreuses activités politiques étaient toujours interdites aux syndicats, que plusieurs dispositions législatives limitaient le droit de grève, en violation des principes de la liberté syndicale, et que la législation nationale réglementait plusieurs aspects qui devraient être de la compétence des organisations d'employeurs et de travailleurs. Au cours de l'automne 1996, son organisation s'est rendue deux fois en Turquie. Les constats effectués lors de cette visite ont confirmé que le gouvernement était responsable de violations graves et permanentes des droits syndicaux fondamentaux, et plus particulièrement du non-respect d'instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, les conventions de l'OIT nos 87 et 98 ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme. A cet égard, il convient de partager les sérieuses préoccupations du Comité de la liberté syndicale qui, en examinant les cas nos 1810 et 1830, a constaté avec un profond regret que certaines dispositions législatives continuaient à porter atteinte aux droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que la pratique nationale était loin d'être conforme aux engagements internationaux souscrits par la Turquie. Ensuite, l'orateur a énuméré les graves restrictions subies par le mouvement syndical. Aux termes de la législation, le personnel contractuel des entreprises publiques ne dispose ni du droit de grève ni du droit d'association, ni du droit de négociation collective. En outre, selon la pratique nationale, les fonctionnaires sont privés du droit d'association, de grève, et de négociation collective. La réglementation impose de larges limitations à ces droits à l'égard des travailleurs des secteurs public et privé. La loi sur les zones franches interdit de recourir à la grève dans les zones franches d'exportation et impose le recours à l'arbitrage. Il n'existe aucune disposition prévoyant la réintégration des syndicalistes licenciés, et le manque général de sécurité en matière d'emploi porte préjudice à la protection juridique. Enfin, les lois contiennent des prescriptions et des règles excessives à l'égard des statuts et des règlements des syndicats. En se référant aux commentaires de la commission d'experts, il convient de souligner que, bien que la commission ait relevé l'abrogation de l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat toute activité politique, elle passe sous silence le fait que cette interdiction existe toujours dans la législation nationale (article 37 de la loi sur les syndicats). En outre, l'article 53 de la Constitution qui accorde le droit de négociation collective aux syndicats du secteur public ne contient pas un droit effectif puisqu'il laisse le soin à la législation nationale de régler cette question et que, jusqu'à présent, rien n'a été fait à ce niveau. De plus, de nombreux syndicalistes ont fait l'objet de poursuites judiciaires en vertu de la loi antiterroriste qui prévoit des peines sévères. En fait, dans certaines régions de Turquie, les activités syndicales ne peuvent être menées normalement et de nombreux syndicalistes ont été emprisonnés pour avoir organisé des réunions syndicales. Selon des informations récentes, plusieurs dirigeants syndicaux ont été arrêtés à la fin du mois de mai 1997. Dans la mesure où il y a peu de raisons de croire que le gouvernement parviendra seul à mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de la convention, il convient de proposer que le BIT offre son assistance afin que, dans un avenir proche, les dispositions de cette convention nouvellement ratifiée soient incorporées dans la législation nationale.

Le membre travailleur de la Grèce a souligné que, dans ce cas aussi, les informations des syndicats mettent en évidence le fossé qui sépare la ratification d'une convention de sa mise en oeuvre effective. Selon ces informations, seulement deux millions de travailleurs sont couverts par les conventions collectives en Turquie. Les seuils de 10 pour cent des travailleurs d'une branche et de 50 pour cent des travailleurs d'une entreprise n'ont pour seul but que de restreindre l'exercice de la liberté syndicale. Par exemple, dans le cas de la société de chemins de fer, un syndicat ne pourrait fonctionner que s'il représentait 50 pour cent de l'ensemble des travailleurs en activité sur l'ensemble d'un territoire très vaste. Par ailleurs, l'organisation d'une assemblée syndicale est soumise à l'autorisation préalable de la police à laquelle doit être fournie une liste complète des orateurs. Il ne s'agit là que de quelques éléments à verser au dossier et qui conduisent à se demander quelles sont les dispositions de la convention qui ont réellement été introduites dans la législation. Il est urgent que le gouvernement démente ces informations par sa pratique et non par une simple déclaration vouée à rester lettre morte.

Le membre travailleur de l'Allemagne a souligné les contradictions entre la déclaration du représentant gouvernemental et celle du membre travailleur de la Turquie en ce qui concerne la législation et la pratique au regard de la convention. Si l'on se réfère aux cas individuels décrits par ce travailleur, la pratique enfreint les dispositions de la convention dans une bien plus large mesure que la loi. Par conséquent, il est important de savoir si le représentant gouvernemental est en mesure de confirmer que les mesures nécessaires seront adoptées ainsi que la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, dans les cas nos 1810 et 1830, l'ont requis. Si l'on se réfère aux conclusions du Comité de la liberté syndicale, deux questions essentielles se posent. En premier lieu, le représentant gouvernemental peut-il indiquer les mesures prises pour supprimer l'interdiction faite aux syndicats de créer des stations de radio et de télévision, dans la mesure où cette interdiction porte atteinte au droit de mener des activités syndicales? Deuxièmement, comme le représentant gouvernemental n'a pas fourni d'informations précises sur la portée et le contenu du projet de loi visant à modifier la loi sur les syndicats, il conviendrait de savoir si ce projet modifie toutes les dispositions ayant fait l'objet de critiques en matière de droit de grève. L'orateur a recommandé que les conclusions sur ce cas ne fassent référence à une évolution positive de la situation que si le représentant gouvernemental était en mesure de donner des réponses satisfaisantes sur ces points.

Le membre gouvernemental de l'Islande, s'exprimant au nom des gouvernements du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a noté avec intérêt l'abrogation de l'article 52 de la Constitution qui interdisait à un syndicat d'exercer toute activité politique et a déclaré attendre avec impatience l'application de cette mesure dans la pratique. Toutefois, plusieurs lois qui interdisent aux syndicats l'exercice de nombreuses activités demeurent en vigueur. Des mesures devraient être prises par le gouvernement pour mettre ces lois en conformité avec les dispositions de la convention. A cette fin, le gouvernement devrait demander l'assistance technique du Bureau.

Le membre travailleur du Pakistan a apporté son entier soutien aux appels lancés au gouvernement par les autres orateurs afin que celui-ci mette la législation nationale en conformité avec les dispositions de la convention. Dans son commentaire, la commission d'experts a noté que certaines lois limitaient toujours les activités politiques et syndicales ainsi que le droit d'association des fonctionnaires. Afin d'aligner la législation sur les dispositions de la convention, le gouvernement devrait envisager de recourir à l'assistance technique du Bureau.

Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il appréciait les opinions formulées par les membres travailleurs et par les membres employeurs. Toutefois, il serait souhaitable que l'on reconnaisse que l'adoption de législation, particulièrement dans le domaine des relations de travail, est difficile et prend du temps dans tous les pays, en raison des divers intérêts en présence. Comme les membres travailleurs l'ont souligné à juste titre, la ratification seule n'est pas suffisante. C'est pourquoi le gouvernement a entrepris de modifier la loi sur les syndicats. Ces amendements font actuellement l'objet d'un débat au Parlement. En ce qui concerne le maintien du double critère pour négocier collectivement, auquel les membres travailleurs se sont référés, l'orateur a souligné que son gouvernement souhaite abroger cette exigence mais que le consentement des partenaires sociaux est nécessaire pour y parvenir. Jusqu'à présent, ceux-ci se sont montrés satisfaits de l'existence de cette condition. En réponse à la déclaration du membre travailleur de la Turquie affirmant que les membres et les dirigeants des syndicats toujours employés par l'entreprise ne bénéficient d'aucune sécurité en matière d'emploi, il convient de souligner que ces personnes sont protégées par la législation nationale qui prévoit que l'indemnisation ne doit pas être inférieure au montant total du salaire annuel. Seuls les délégués syndicaux peuvent faire l'objet d'une réintégration. Toutefois, lorsque la convention no 158 sera incorporée dans la législation nationale, tous les travailleurs, syndicalistes et non syndiqués, bénéficieront d'une protection. Quant à l'appel lancé pour la suppression des diverses interdictions faites aux syndicats d'exercer des activités politiques, l'article 37 2) de la loi no 2821 relative aux syndicats prévoit seulement que les syndicats et les confédérations ne peuvent pas exercer d'activité en dehors de leurs objectifs ni utiliser le nom, l'emblème, le logo ou le symbole d'un parti politique. De plus, l'article 37 3) du projet de loi sur les syndicats (no 2821) prévoit que, lorsque des dirigeants syndicaux sont candidats aux élections générales et locales, leur mandat syndical est suspendu. S'ils sont élus, il est mis fin à leur fonction de dirigeants. Le projet de loi prévoit également que les dirigeants des syndicats et confédérations élus aux organes des partis politiques conservent leurs fonctions dans les syndicats. Dans le but de promouvoir le commerce, la loi no 3218 de juin 1985 sur les zones franches d'exportation interdit les grèves dans les zones franches d'exportation pendant dix ans. Des négociations collectives peuvent toutefois s'y dérouler. Si ces négociations échouent, le conflit est soumis à l'arbitrage obligatoire pour une période décennale à partir de l'ouverture de la zone franche d'exportation. De même, les stagiaires, qui travaillent dans des établissements dans le cadre de leur formation, ne disposent pas du droit de grève en vertu de l'article 22 de la loi no 3308, car ils sont considérés comme des étudiants et non des travailleurs au sens des lois nos 2821 et 1475. L'interdiction de se syndiquer prévue par l'article 21 de la loi sur les syndicats a été supprimée par la loi no 4101 de 1995. Actuellement, seuls les membres professionnels des forces armées ne bénéficient pas de ce droit. Les travailleurs contractuels se trouvent uniquement dans les entreprises d'Etat et leur nombre diminue du fait des privatisations. De plus, les contractuels qui sont considérés comme des autres fonctionnaires en conformité avec l'article 128 de la Constitution sont couverts par le projet de loi sur le droit syndical des fonctionnaires. Le projet de loi visant à modifier la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out prévoit de porter à huit le nombre de piquets de grève autorisés alors que la législation actuelle n'en autorise que quatre à la fois. En outre, ce projet de loi supprime les contrôles administratifs et financiers auxquels les syndicats sont soumis et laisse aux statuts des syndicats le soin de régler cette question. Bien que le syndicat TUMHABER-SEN ait été dissous par la Cour de cassation en raison de l'absence de loi d'habilitation, cette décision n'est applicable qu'à ce cas d'espèce.

En outre, il serait prématuré de faire des remarques définitives sur un texte pour lequel la procédure législative n'est pas encore arrivée à terme. Le projet de loi en amendement de la loi no 2822 supprime les interdictions sur le droit de grève dans les banques, dans la production et la distribution de la lignite, tout en maintenant les restrictions à la grève dans certains des services essentiels, où l'arbitrage obligatoire constitue le dernier recours. Le déni de la négociation collective et du droit de grève aux confédérations est simplement évident, puisque, dans nombre de pays, les confédérations constituent des structures horizontales au sommet non favorables à la négociation collective. Les travailleurs non organisés jouissent du droit de grève au même titre que les syndicats. Bien que les syndicats ne peuvent réclamer à leurs adhérents des frais supplémentaires autre que ceux qui leur sont normalement dus, ils disposent, contrairement à d'autres pays, du droit à une retenue automatique à la source des cotisations syndicales qui les a fortifiés sur le plan financier. L'interdiction du droit de grève pour les conflits de droit est fondée sur une disposition constitutionnelle, le droit de grève est uniquement reconnu pour les conflits d'intérêt, comme c'est le cas dans divers pays occidentaux. La loi prévoit maintenant l'arbitrage des conflits collectifs par les juridictions du travail ou l'arbitrage volontaire. L'allégation selon laquelle beaucoup de militants syndicaux font actuellement l'objet de harcèlement juridique dans le Sud-Est de la Turquie, constitue une tromperie, dans la mesure où lesdites personnes - vivant dans une zone où sévit l'activisme terroriste séparatiste - ont probablement fait l'objet de détention pour des actes sans rapport avec leurs droits et leurs fonctions syndicales.

Ainsi, tous les autres syndicats de fonctionnaires exercent aujourd'hui dans la légalité. Les autres points soulevés n'ont pas trait aux conventions nos 87, 98 et 151. Enfin, il convient de souligner l'impact qu'a eu l'OIT sur l'élaboration de la législation nationale relative aux normes du travail, depuis que la Turquie est devenue Membre de cette Organisation en 1922.

Les membres travailleurs ont estimé que, même après l'approbation des projets de changement de législation, des problèmes subsisteront en ce qui concerne notamment les zones franches d'exportation ou le droit de grève. Il convient de rappeler que le gouvernement s'est engagé devant le Comité de la liberté syndicale à poursuivre la réforme de la législation pour la rendre conforme à la convention. Il convient de l'inviter à recourir à temps à l'assistance technique du BIT.

Les membres employeurs ont souligné qu'après la modification de la Constitution, celle du code du travail serait nécessaire. Comme la Constitution établit les principes qui doivent être mis en oeuvre par la loi, il est logique pour un pays de modifier sa législation en conséquence et il n'y a pas là matière à préoccupation. Certains orateurs se sont référés à la convention no 98, alors qu'il serait préférable de s'en tenir aux questions effectivement soulevées par l'application de la convention en discussion. Lorsque la commission d'experts indique dans son rapport qu'elle "note avec intérêt", c'est le signe d'une appréciation positive des progrès accomplis. Cette appréciation positive devrait également se refléter dans les conclusions de la présente commission.

La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a eu lieu en son sein. La commission rappelle que la commission d'experts a noté avec intérêt les modifications constitutionnelles qui ont levé l'interdiction des syndicats d'exercer des activités politiques et l'autorisation accordée aux syndicats de fonctionnaires publics de participer aux négociations collectives. Cependant, la commission d'experts demande à nouveau au gouvernement qu'il adopte dans un avenir proche toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec les exigences de la convention. La présente commission recommande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en particulier celles relatives aux droits de tous les travailleurs sans distinction de créer des syndicats de leur choix, aux droits des organisations des travailleurs de rédiger librement leurs statuts, de formuler leur programme d'action ainsi que de négocier collectivement sans ingérence des autorités publiques. La commission exprime le ferme espoir que des progrès concrets, en droit comme en pratique, seront observés dans le prochain rapport du gouvernement. La commission rappelle au gouvernement qu'il peut faire appel à l'assistance technique du BIT.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer