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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2007, Publication : 96ème session CIT (2007)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Zimbabwe (Ratification: 2003)

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Le président a informé les membres de la commission que la directrice du Département des normes internationales du travail avait reçu, l'après midi du jour même où le gouvernement devait se présenter devant la commission, une lettre du ministre de la Fonction publique, du Travail et du Bien-être social, M. Goche, ainsi libellée:

Suite à l'inscription du gouvernement du Zimbabwe sur la liste des cas cette année comme les cinq dernières années, je souhaite vous informer que le gouvernement a décidé de ne pas se présenter devant vous cette année, pour les raisons suivantes:

La commission d'experts ne semble pas soulever de nouvelles questions; au contraire, elle répète les mêmes griefs auxquels nous avons répondu entièrement lors des précédentes auditions. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement du Zimbabwe est déterminé à ne plus être complice des abus de cet auguste mécanisme de la Commission de l'application des normes de la Conférence. Le gouvernement reste prêt à s'engager auprès du BIT et de tout autre groupe qui cherchent à améliorer la condition des travailleurs au Zimbabwe, en tout lieu et en tout temps, de bonne foi.

Les informations communiquées par le gouvernement du Zimbabwe dans le document D.10 soumis à la Commission des normes récusent la manière politique dont les questions concernant le Zimbabwe ont été traitées au cours des précédents examens. Il s'agissait de donner une réponse de bonne foi aux questions techniques soulevées par la commission d'experts, mais en aucun cas de faire part de notre intention de nous présenter devant la Commission des normes.

Le scénario déjà connu de la Commission de l'application des normes ne semble pas servir les buts qui nous sont chers et que nous avons soulignés ci-dessus.

Le président, après avoir discuté avec les deux vice-présidents, a estimé qu'il y avait assez d'éléments qui permettaient de tenir une discussion sur ce cas. Toutefois, en accord avec les deux vice-présidents, il a été décidé de clore le débat et de faire mention de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission et de tenir la discussion sur ce cas en séance plénière de la Conférence.

Les membres employeurs ont déclaré que la situation créée par la position du gouvernement du Zimbabwe était fort regrettable, insultante pour la commission et pour le système de contrôle de l'Organisation. La veille, la commission avait exceptionnellement accepté de reprogrammer la présentation du gouvernement, en dépit du fait que celui-ci savait, depuis le 15 mai 2007, qu'il figurait sur la liste des pays susceptibles d'être appelés à se présenter devant la commission. En outre, le gouvernement a communiqué des informations dans le document D.10 qu'il avait préparé en vue de la discussion de ce cas. Les membres employeurs ont rappelé que la commission a la possibilité, dans ce cas, comme elle l'a fait dans le cas de la Bosnie-Herzégovine en 2005, de discuter de ce cas sur la base du document D.10. Cette discussion sera reflétée dans la partie II du rapport de la commission et, conformément à la pratique suivie dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, ce cas apparaîtra également dans un paragraphe spécial de la partie I du rapport de la commission.

Les membres employeurs ont rappelé que la commission est appelée, dans le cas présent, à examiner deux des éléments préalables fondamentaux requis pour s'assurer de l'exercice de la liberté syndicale, telle que définie par la convention, à savoir que les libertés civiles et politiques sont effectivement protégées. Sur la base des informations dont dispose la commission, les dirigeants syndicaux au Zimbabwe sont victimes de tortures, harcèlement, arrestations et violences policières. Le second élément nécessaire à l'exercice de la liberté syndicale est la liberté d'expression. Cet élément semble également être absent dans la situation du Zimbabwe, si l'on s'en réfère aux arrestations effectuées sur la base de la loi sur la sécurité et l'ordre public (POSA). Pour exister réellement, la liberté syndicale exige, à titre tout à fait préalable, l'existence du droit à la liberté et à la sécurité des personnes, la liberté de mouvement, la liberté de s'organiser et de s'exprimer. Ces droits ne sauraient être limités aux questions d'ordre purement syndical. Les membres employeurs ont estimé que la situation au Zimbabwe est particulièrement grave.

Les membres travailleurs ont évoqué certaines attaques générales faites par le gouvernement du Zimbabwe dans le document D.10 avant d'aborder le fond de la discussion. Premièrement, le fait d'apparaître devant la Commission de la Conférence résulte de la violation par le gouvernement de la convention, qu'il a volontairement ratifiée en 2003, sans aucune influence coloniale, et sous la direction du président Mugabe. Deuxièmement, il convient de rappeler au gouvernement que le rapport de la commission d'experts n'a absolument rien de colonial ou de partisan, ou qui soit en rapport avec, ou qui puisse annoncer, un programme politique visant à changer le régime, et qu'un tel point de vue est le produit d'une imagination fertile et de tentatives désespérées de détourner l'attention du véritable problème qui concerne simplement l'application réelle de la convention au Zimbabwe. Les membres travailleurs se sont dits par conséquent convaincus que les arguments soulevés dans le document D.10 sont déplacés, mal orientés, hors de propos et malheureux. Le gouvernement du Zimbabwe est dans la première division des délinquants pathologiques et en série qui refusent, de manière flagrante, continue et systématique, au peuple du Zimbabwe la liberté d'exercer ses droits fondamentaux, notamment son droit à la liberté syndicale consacré par la convention. L'attitude du gouvernement constitue un défi suprême, un mépris total à l'égard du système de contrôle de l'OIT dans son ensemble et une parodie de justice indicible, extrêmement regrettable, que l'on ne doit pas laisser prévaloir sans qu'elle soit sanctionnée.

Les membres travailleurs ont rappelé que, lundi 4 juin 2007, le gouvernement s'est volontairement inscrit pour se présenter le mercredi 6 juin 2007 dans l'après-midi, et qu'il a été programmé en conséquence; qu'il a ensuite demandé un report, le mercredi après-midi, alors même qu'il avait communiqué sa position dans le document D.10 - lequel ne témoigne pas d'un langage diplomatique; et qu'il a finalement décidé de boycotter sa présence devant la commission, au cours de la onzième heure. Cette attitude arrogante démontre que, sur le terrain, les travailleurs, en particulier les membres du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), reçoivent un encore plus mauvais traitement. Comme il s'agit d'un cas de manquement répété à coopérer avec le BIT, de violation permanente de la convention et, en outre, comme la situation sur le terrain démontre une escalade dans la répression, dans l'usage de la violence et de la force à l'encontre des travailleurs et, en particulier, des dirigeants du ZCTU, les membres travailleurs ont appelé les membres de la commission à faire en sorte que les conclusions sur la discussion soient mentionnées dans un paragraphe spécial. Les membres travailleurs ont indiqué qu'un certain nombre de représentants gouvernementaux étaient présents dans la salle et observaient les débats et qu'ils pouvaient les nommer. Pour conclure, ils ont cité Martin Luther King Junior, qui avait déclaré qu'il arrive un moment où un homme fait que la loi s'éloigne de ce qu'imposent la justice sociale et la dignité humaine. Cette citation reflète parfaitement la situation qui prévaut actuellement au Zimbabwe.

Le membre travailleur du Zimbabwe a indiqué que, contrairement aux affirmations contenues dans les informations écrites fournies par le gouvernement, dans la pratique les principes régissant la liberté syndicale sont violés quotidiennement au Zimbabwe. Se référant à la POSA, il a relevé que, si en principe les dispositions de ce texte ne s'appliquent pas aux activités des organisations d'employeurs et de travailleurs, la réalité est tout autre. Ainsi, son organisation, la ZCTU, doit systématiquement obtenir l'autorisation préalable de la police pour manifester ou tenir ses réunions; la condition sine qua non pour l'obtention de cette autorisation étant que la police participe à ces réunions sans aucune restriction. Pour étayer ses propos, il a lu à la commission un extrait d'une lettre de la police en réponse à une communication de la ZCTU l'informant de son souhait d'organiser une réunion syndicale. En ce qui concerne les accusations écrites du gouvernement, selon lesquelles les membres de la ZCTU sont des politiciens et non des syndicalistes authentiques, ce qui justifierait l'intervention musclée des forces de l'ordre en vertu de la POSA, il y a lieu de rappeler que, lorsque les anciens dirigeants de la ZCTU ont décidé en 1999 de créer un parti politique d'opposition, le MDC, les membres de la ZCTU, réunis en congrès extraordinaire, ont immédiatement adopté une résolution en vertu de laquelle ils ont déclaré que ce syndicat resterait indépendant de tout parti politique, s'inspirant en cela des principes énoncés dans la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1952. A cet égard, la ZCTU comprenait certes des membres appartenant au MDC, mais également au parti au pouvoir. L'exercice du droit syndical au Zimbabwe est rendu difficile par le fait que le gouvernement considère que toutes les questions soulevées par le mouvement syndical sont a priori politiques et, de ce fait, tombent sous le coup de l'application de la POSA. Dans ces conditions, il n'existe pas au Zimbabwe de possibilité pour le mouvement syndical indépendant de se livrer à des activités licites et légitimes de défense des intérêts de ses membres, puisque toute activité syndicale est criminalisée par principe. Les membres de la ZCTU estiment que les syndicalistes font partie du genre humain, comme toute autre catégorie sociale, et qu'à ce titre ils ont le droit de jouir de leurs droits civils et politiques comme tout autre citoyen. En tout état de cause, comme les organes de contrôle de l'OIT l'ont maintes fois rappelé, l'absence de ces libertés enlève toute signification au concept de droits syndicaux.

L'orateur a rappelé que, lors de la visite que la directrice du Département des normes internationales du travail du BIT a effectué au Zimbabwe en août 2006, elle a rencontré tous les partenaires sociaux et a noté que la déficience du dialogue social dans le pays était à la source de nombreux problèmes, et c'est pourquoi elle a exhorté ceux-ci à signer la Déclaration tripartite de Kadoma, intitulée "Vers une vision économique et sociale nationale partagée" (déclaration adoptée en 2001 par les trois partenaires), comme un premier pas pour tenter de remédier à la défiance réciproque, profondément ancrée parmi les mandants tripartites de ce pays. Enfin, l'orateur a conclu ses propos en rappelant qu'il est très risqué au Zimbabwe d'être un syndicaliste.

Les membres travailleurs ont pleinement souscrit aux propos du membre travailleur du Zimbabwe, selon lesquels la situation des syndicalistes au Zimbabwe est des plus dangereuses. A cet égard, ils ont insisté sur le fait que les syndicalistes présents à cette Conférence encourent de graves risques, et ils ont lancé un appel au BIT pour veiller à ce que ces personnes puissent rentrer chez elles en toute sécurité.

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