ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2018, Publication : 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Brésil (Ratification: 1952)

Autre commentaire sur C098

Cas individuel
  1. 2019
  2. 2018
  3. 1998
  4. 1991
  5. 1989

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

 2018-BRA-C098-Fr

Le gouvernement a communiqué les informations écrites ci-après.

Dans son rapport à la 107e session (mai-juin) de la Conférence internationale du Travail, publié en février dernier, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), faisant ses observations sur le cycle régulier de présentation des rapports, s’est référée aux articles 611-A (prévalence de la négociation collective sur la législation), 442-B (travail indépendant) et 444, paragraphe unique (articulation entre les contrats de travail individuels et les conventions collectives) du Code du travail, tel que modifié par la loi no 13.467 (2017).

Réforme du travail au Brésil: contexte et objectifs

  • – La précédente législation brésilienne du travail, qui remonte à 1943, a subi quelques changements au fil des ans, mais a dû être actualisée pour répondre aux exigences de l’économie du XXIe siècle.
  • – L’intervention des tribunaux du travail annulant des clauses approuvées dans la négociation collective a conduit à de fréquentes plaintes de la part des syndicats. Dans ce contexte, les syndicats de la métallurgie de l’ABC, qui sont à l’origine du mouvement syndical brésilien, ont proposé en 2011 l’adoption de la convention collective à but spécifique (ACE) visant à faire prévaloir la négociation collective sur la loi et ayant comme seule limitation les droits inscrits à l’article 7 de la Constitution fédérale, plus précisément les aspects mis en œuvre par la réforme du travail.
  • – La réforme du travail (loi no 13.467, entrée en vigueur en novembre 2017) résulte de nombreuses années de discussions sur les défis auxquels le marché du travail brésilien doit faire face, les insuffisances de la législation du travail et les inquiétudes quant au fonctionnement de la justice du travail.
  • – Ces problèmes sont devenus particulièrement urgents dans le cadre de la grave récession économique que nous traversons: en 2016, le chômage est passé à 11,3 pour cent – taux le plus élevé depuis la formule moderne d’enregistrement qui date de 1992 – avec une augmentation de 82 pour cent depuis 2012. Il existe d’autres facteurs qui ont une incidence sur le marché du travail. On citera, par exemple, la proportion de 44 pour cent d’emplois informels par rapport au nombre total d’emplois, dont 60 pour cent de travailleurs non qualifiés; un nombre élevé d’interventions de la justice, une plus faible productivité du travail depuis les années soixante-dix (près de 1 pour cent par an); des mouvements importants de travailleurs; une sous-utilisation de la négociation collective et un manque de sécurité juridique dans le cadre de son application.
  • – Une consultation inclusive, exhaustive et approfondie avec tous les partenaires sociaux est un aspect essentiel de la réforme du travail au Brésil. La proposition de modernisation de la législation du travail a été élaborée à la suite d’une série de débats organisés par le ministère du Travail et par le chef du personnel du Cabinet de la présidence en décembre 2016, avec la participation de représentants de syndicats et d’employeurs.
  • – Par la suite, au cours de la procédure législative de 2017, 17 audiences publiques, 7 séminaires régionaux et plus de 40 réunions des parties concernées ont eu lieu au Parlement et dans différents Etats, ce qui a conduit à l’approbation du projet de loi par la Chambre des représentants et le Sénat fédéral.
  • – La réforme du travail vise à offrir à la fois au marché du travail et au système juridique plus de flexibilité, une meilleure productivité du travail, une sécurité juridique et rationnelle, des garanties renforcées contre les violations de la loi, ainsi que des principes et droits fondamentaux au travail pleinement respectés.
  • – Un des principaux aspects de la réforme du travail au Brésil est le renforcement des conventions et des accords collectifs entre syndicats et employeurs, de manière à permettre à chacune des parties de négocier collectivement les meilleures conditions pour concilier qualité de l’emploi et augmentation de la productivité sans porter atteinte aux droits des travailleurs.

CEACR – Mandat et cycles de présentation des rapports

  • – Comme stipulé régulièrement dans les rapports de la CEACR, la mission de la commission porte sur le contrôle, par le biais d’une analyse impartiale, de l’application des conventions «en droit et dans la pratique».
  • – L’évaluation du cas du Brésil par la CEACR ne répond pas à cette mission et aux exigences d’équité minimales, et ce au regard de plusieurs aspects.
  • – La CEACR n’a fourni aucune explication sur la mesure exceptionnelle consistant à ne pas respecter le cycle de présentation et à commenter sur la réforme avant même la présentation par le gouvernement du rapport sur l’application de la convention no 98. En outre, le vaste contexte de la réforme du Brésil n’a pas du tout été pris en considération.
  • – Manifestement, la CEACR n’a pas eu suffisamment de temps pour évaluer tous les aspects pertinents de la mise en œuvre de la nouvelle législation brésilienne. Lors de la réunion de la commission en novembre 2017, la loi no 13.467 n’était entrée en vigueur que depuis quelques jours.
  • – Un délai supplémentaire aurait été nécessaire pour permettre une compréhension appropriée et équilibrée du cadre juridique tel qu’il se présente, notamment des décisions des hautes juridictions, et de l’impact que peut avoir ce cadre sur le marché du travail.
  • – Le respect des cycles réguliers de présentation des rapports aurait facilité une évaluation exhaustive, en 2019-20, de l’application, dans le cadre de la réforme, des principes de la convention no 98. Le Brésil a présenté son dernier rapport sur la convention no 98 en 2016, et son prochain rapport est prévu normalement pour le 1er septembre 2019. La CEACR devra donc publier ses commentaires en février 2020, et toute discussion éventuelle de la Commission de l’application des normes ne pourra avoir lieu qu’à la 109e session de la Conférence (2020).

Articulation entre le droit du travail et les conventions collectives (article 611-A de la loi no 13.467)

  • – Selon les experts, l’article 611-A, malgré les garanties contenues à l’article 611-B du Code du travail, «contrevient aux dispositions et aux objectifs généraux des conventions nos 98 et 154, ainsi que de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978», qui «est la promotion de la négociation collective pour trouver un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation [...]».
  • – L’analyse faite par les experts est sérieusement entachée par le fait que ces derniers n’ont fait aucun effort pour se reporter au sens courant donné au texte de la convention no 98, comme le prévoit pourtant le droit international.
  • – Il convient de souligner à cet égard qu’aucun élément de l’article 4 de la convention no 98 ni aucun des termes approuvés par les organes tripartites n’indiquent que la négociation collective se limite aux conditions plus favorables que «celles prévues par la législation» (voir l’article 4: «Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi.»).
  • – Au contraire, si l’on en croit les recommandations du Comité de la liberté syndicale, dans l’esprit de l’article 4 et de l’ensemble de la convention, aucune limitation du champ de négociations ni aucune annulation des conventions collectives par les tribunaux et le pouvoir exécutif ne sont prévues.
  • – Dans le même ordre d’idées, le Guide de politique sur la négociation collective (2015) stipule que: «Le cadre de la négociation collective a besoin de donner aux parties à la négociation toute la latitude nécessaire pour décider les sujets qu’elles souhaitent inclure dans leurs programmes de négociation. Le mécanisme de contrôle de l’OIT considère que les questions qui peuvent être négociées sont généralement incompatibles avec les normes internationales du travail et les principes sur le droit à la négociation collective.»
  • – De plus, la première partie du texte de l’article 4 porte expressément sur les mesures visant à promouvoir les procédures de négociation volontaire «aux conditions nationales appropriées» – termes qui ont une connotation à la fois juridique et pratique, ce qui nécessite un examen approfondi de la situation sur le terrain avant que la moindre conclusion ne puisse être tirée (là encore, la CEACR passe complètement sous silence un aspect pourtant essentiel si elle veut faire une interprétation correcte des obligations prévues par la convention no 98).
  • – Dans cette ligne de pensée, il est essentiel de procéder à une évaluation du contexte dans lequel a lieu la réforme du pays et du cadre plus large se référant aux principes et droits fondamentaux au travail contenus dans la Constitution brésilienne de 1988 (chaque élément composant les droits du travail contenus dans ladite Constitution a sa spécificité dans notre système juridique). Les dispositions pertinentes de la Constitution, l’article 611-B de la nouvelle législation (qui exclut de la négociation une trentaine de droits fondamentaux des travailleurs) ainsi que toutes les voies de recours juridique disponibles au Brésil permettent donc un système de garanties qui devrait être utilisé à chaque fois que l’application de la convention no 98, en droit comme dans la pratique, fait l’objet d’une étude approfondie (étude dont il n’est pas du tout fait état dans le rapport de la CEACR).
  • – Dans des systèmes de droits de l’homme solides et bien développés, comme c’est le cas au Brésil, une interprétation de l’article 4 comme celle de la commission peut conduire à une restriction grave et erronée de la portée de la négociation collective, ce qui va à l’encontre du texte et de l’esprit de la convention no 98.
  • – La référence faite aux «travaux préparatoires» de la convention no 154 (de 1981) constitue une autre irrégularité juridique grave relevée dans l’analyse effectuée par la CEACR. Les «travaux» ne devraient en aucune manière être un motif approprié pour restreindre les résultats de la négociation:
    • i) Cette convention ayant été conclue ultérieurement, elle ne peut déterminer le sens qu’ont voulu lui donner les Membres qui ont participé à l’élaboration de la convention no 98 (de 1949), ou ceux qui l’ont ensuite ratifiée (le Brésil a ratifié cette convention en 1952, soit vingt-neuf ans avant l’adoption de la convention no 154).
    • ii) Conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, le recours à des «travaux» consiste en une interprétation à caractère purement supplétif, qui est subordonnée au sens ordinaire qui lui est donné, et qui doit être utilisé soit pour confirmer le texte du traité faisant l’objet de l’interprétation (en l’occurrence, la convention no 154, et aucune autre encore moins une convention plus ancienne, telle que la convention no 98), soit en cas d’ambiguïté ou de manque de clarté du texte.
    • iii) Si, par exemple, la convention no 154 devait être examinée, il convient de se prévaloir alors du texte de l’article 9 dudit instrument, plutôt que des «travaux préparatoires»: «La présente convention ne porte révision d’aucune convention ou recommandation existantes.»
    • iv) Même si ces «travaux» sont envisagés, il convient de lire l’ensemble du texte (rapport IV (1) de la 67e session de la CIT, 1981), et en particulier les paragraphes 58 et 65. On notera que la discussion est plus nuancée: l’interdiction de résultats qui dérogeraient aux dispositions de la loi n’est même pas envisagée et, quoiqu’il en soit, aucune partie ne prévoit la clause juridique spécifique contenue dans la législation du Brésil.

Articulation entre les contrats de travail individuels et la négociation collective

  • – La commission «rappelle également que les dispositions législatives permettant aux contrats de travail individuels de contenir des clauses contraires à celles contenues dans les conventions applicables (les contrats de travail individuels pouvant toujours contenir des clauses plus favorables aux travailleurs) sont contraires à l’obligation de promouvoir la négociation collective prescrite par l’article 4 de la convention».
  • – Il convient de rappeler que l’article 4 de la convention no 98 ne porte pas sur les contrats de travail individuels.
  • – L’éventualité prévue à l’article 444 (et non l’article 442, comme indiqué à tort dans le rapport) de la législation sur le travail telle qu’amendée ne s’applique qu’à une faible proportion de la population brésilienne (0,25 pour cent) dont les revenus sont les plus élevés et occupant en général des postes de direction.

Entrepreneurs indépendants (article 442-B de la loi no 13.467)

  • – La commission déclare en outre que «la convention s’applique à tous les travailleurs, à l’exception possible de la police, des forces armées (article 5) et des fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat (article 6)».
  • – Le nouveau texte de l’article 442-B (et non 444-B, comme indiqué à tort dans le rapport) apporte simplement des éclaircissements sur le statut juridique de l’entrepreneur indépendant («autónomo», en portugais).
  • – Contrairement à la conclusion des experts, rien dans cette disposition ne va à l’encontre de la convention no 98: si l’entrepreneur indépendant (homme ou femme) ne garde pas une position de subordination vis-à-vis de la partie contractante dont il dépend, il n’aura pas le statut d’employé. De plus, l’article 511 n’a pas été modifié par la nouvelle législation, de sorte que les entrepreneurs indépendants («trabalhadores autónomos», en portugais) ont toujours la possibilité de s’organiser en syndicats.

Commission de l’application des normes

  • – Si l’on en croit les propres commentaires de la CEACR, le Brésil a jusqu’au 1er septembre 2018 pour soumettre l’ensemble de son rapport sur l’application de la convention no 98, afin de prévoir un délai suffisant pour répondre aux observations des partenaires sociaux et de la commission.
  • – Le pays était d’avis que, compte tenu du temps et des ressources limitées dont la Commission de l’application des normes dispose, il serait bon qu’elle se consacre aux cas graves. C’est pourquoi le fait d’inscrire le Brésil dans la liste restreinte de la Commission de l’application des normes revient à traiter son cas avant que le gouvernement ne se soit exprimé, ce qui va à l’encontre des normes applicables en matière de procédure régulière.
  • – Dans une analyse comparative d’autres cas ou de situations comparables, on constate que la CEACR n’a pas eu recours à des termes trop forts dans le cas du Brésil. Alors que des expressions telles que «profonde préoccupation», «profond regret», «prie instamment» ou «prie instamment et avec fermeté [diverses lignes d’action]», «la persistance et la gravité des allégations» reviennent relativement souvent dans le rapport, aucune d’elles n’est utilisée dans le cas du Brésil. Ces expressions révèlent clairement une situation de gravité et/ou d’urgence, dont les partenaires sociaux devraient tenir dûment compte au moment de dresser les listes de cas qu’elles soient complètes ou restreintes.

Conclusions

  • – En ne prenant pas en considération l’application des conventions dans la pratique et dans le contexte national, les observations des experts sont, au mieux, prématurées, en même temps qu’elles risquent d’aller à l’encontre du propre mandat de leur commission. En outre, elles proposent une interprétation de la convention no 98 qui est contraire à la loi et qui s’écarte du sens ordinaire donné dans le texte de l’instrument.
  • – Elle s’écarte également des recommandations cohérentes du Comité de la liberté syndicale, de même que des textes techniques de l’OIT.
  • – Il n’y a aucune raison de laisser entendre, comme le suggèrent les experts, que la nouvelle législation du travail au Brésil pourrait décourager la négociation collective. Les travailleurs ont toujours la possibilité et le choix, dans le cadre d’une négociation volontaire, de privilégier les dispositions légales partout où elles sont jugées plus favorables que les conditions proposées par l’autre partie.
  • – Inversement, la révision des articles pertinents du Code du travail, avec les modifications introduites par la réforme du travail (loi no 13.467 de 2017) que suggère la commission, découragerait les négociations, car elle permettrait au pouvoir judiciaire de réviser et d’annuler les conventions collectives, comme cela s’est du reste produit récemment, et la portée de ce qui peut être négocié en serait considérablement réduite, ce qui aurait un impact négatif sur le marché du travail.
  • – En fait, la réforme du travail prévoit une formule qui concilie négociations libres et volontaires et protection des droits des travailleurs (inscrits pour la plupart dans notre Constitution). Il convient de noter que le même principe (prévalence de la négociation sur la législation), introduit dans le Code du travail, a également été revendiqué en 2011 par les syndicats des métallurgistes de l’Etat de São Paulo, à travers leur proposition de convention collective à but spécifique (ACE).
  • – En assurant la sécurité juridique et la fiabilité de la négociation collective et sans porter atteinte à la protection des travailleurs, la réforme du travail respecte et promeut de manière effective la convention no 98, conformément à nos obligations internationales.
  • – Il est important de souligner que la protection des travailleurs n’est en aucune façon remise en cause par la nouvelle législation du Brésil. Les syndicats de travailleurs peuvent librement négocier les questions qui les intéressent tout en restant couverts par les dispositions du Code du travail pour tous autres sujets non négociés ou non convenus dans la négociation collective. Le système de protection juridique et les garanties constitutionnelles du Brésil offrent un niveau élevé de protection quel que soit le contexte. En outre, le processus de négociation collective lui-même garantit que l’intérêt supérieur des travailleurs est reflété dans les accords définitifs: d’abord, par le pouvoir de négociation de leur syndicat, qui doit être représentatif, puis par la prescription juridique selon laquelle la convention collective doit être approuvée par une assemblée générale de la branche; et, enfin, par le système de contrôle judiciaire exercé par le Bureau du Procureur du travail et les tribunaux du travail.
  • – Le Brésil a montré une volonté constante de favoriser le dialogue social tout au long et au-delà du processus qui a conduit à l’adoption de la réforme du travail. En juin 2017, le ministère du Travail a créé le Conseil national du travail pour discuter de toutes les questions urgentes du monde du travail, et, à partir d’octobre, les ordres permanents du Conseil sont approuvés par les mandants tripartites, ce qui les rend pleinement opérationnels.
  • – Enfin, il est important de noter que, depuis l’entrée en vigueur de la réforme du travail au Brésil, un certain nombre d’actions judiciaires revendiquant le caractère inconstitutionnel des nouvelles dispositions ont été déposées devant la Cour suprême, mais aucune d’entre elles n’a trait aux problèmes portés à l’attention de la CEACR. La plupart concernent en réalité la fin de la contribution obligatoire des syndicats.
  • – Le Brésil est disposé à continuer à discuter avec les partenaires sociaux et la société civile sur tous les aspects de notre législation.

En outre, devant la commission, un représentant gouvernemental, ministre du Travail, a regretté que la discussion de ce cas soit animée par des raisons politiques, ce qui peut avoir un impact négatif sur la qualité du système, alors que le Brésil a toujours été favorable à un renforcement du système de contrôle de l’OIT. Le Brésil est un membre fondateur et a ratifié 97 conventions, dont 80 sont en vigueur. Il est un des Etats les plus exposés au système de contrôle. Son comportement vis-à-vis des mécanismes de contrôle de l’OIT est exemplaire. Chaque année, le gouvernement communique tous les rapports dus, démontrant ainsi que tous les instruments ratifiés sont appliqués dans leur intégralité. En outre, la Commission tripartite des relations internationales, dans laquelle les normes de l’OIT et leur application sont largement discutées, appliquant pleinement en cela le dialogue social préconisé dans la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, se réunit régulièrement. Avec des références aussi solides, et alors que rien ne justifie l’urgence d’un tel examen, on peut difficilement comprendre pourquoi la commission d’experts, s’écartant de son mandat qui consiste à examiner l’application des instruments de l’OIT en droit et dans la pratique, n’a pas attendu la fin du cycle normal de présentation des rapports pour examiner la loi no 13.467/2017. Sur plusieurs points de grande importance, cette loi a été jugée prématurément quelques jours après son entrée en vigueur. L’analyse s’est faite trop vite, à un point tel que les articles de la législation examinée ont été échangés. Etant donné l’attachement du pays à l’OIT et à son système de contrôle des normes, le traitement tendancieux, partiel et techniquement vicié de ce cas est très dérangeant. L’OIT est l’otage d’un jeu politique qui conjugue motivations partisanes et intérêts corporatistes. La modernisation du Brésil n’a pas affecté les travailleurs, mais seulement les syndicats dépendant de l’Etat et manquant d’un réel engagement en faveur des travailleurs. Sur plus d’une vingtaine d’«actions directes en inconstitutionnalité» (procédure d’examen judiciaire) soumises à la Cour suprême fédérale contre certains points de la réforme, aucune ne portait sur les points analysés par la commission d’experts. Les deux tiers traitaient de la fin de la taxe sur les syndicats, une mesure qui fut très controversée, mais que les syndicats brésiliens n’ont pas remis en cause dans leurs observations adressées à la commission d’experts. Avec cette mesure, le Brésil s’approche de la pratique de la grande majorité des pays du monde et promeut l’autonomie et l’indépendance des syndicats que préconise la convention. L’orateur a affirmé que la mise en cause de cette mesure aurait mis en lumière la fragilité de l’ensemble des arguments des centrales syndicales (centrois sindicais). La réforme a abrogé une disposition qu’avait adopté, dans les années quarante, un gouvernement qui voulait avoir la mainmise sur les syndicats. La commission d’experts a déclaré que la possibilité d’apporter, par voie de négociation collective, des dérogations aux droits et à la protection que la législation du travail octroie aux travailleurs découragerait la négociation collective et serait par conséquent contraire aux objectifs poursuivis par la convention. Il est regrettable que la commission d’experts semble avoir fait sienne la thèse politique qui veut que la réforme soit synonyme de travail précaire. Or ce ne serait possible que si les syndicats acceptaient volontairement les termes d’un accord moins favorable que les dispositions légales existantes, que si l’inspection du travail ne fonctionnait pas, que s’il n’existait pas de tribunaux compétents en matière de travail et si la constitution fédérale n’était pas respectée. La commission d’experts a omis de considérer que les syndicats ne sont pas obligés d’accepter des conditions moins favorables que celles définies par la loi. Une négociation sans possibilité de concessions réciproques, qui ne confère des avantages qu’à une seule partie, n’incite pas l’autre à négocier. Un principe de base de toute négociation est qu’il y ait des concessions de chaque part.

Dans un pays comme le Brésil où la législation du travail est extrêmement vaste et détaillée, le fait de limiter la négociation collective aux seuls points qui ne sont pas couverts par la législation ou qui vont au-delà des dispositions légales réduirait leur portée et leur champ d’application d’une manière déraisonnable. Ce serait contraire à la convention qui dispose que les gouvernements doivent promouvoir une négociation aussi complète que possible, comme l’explique le manuel de l’OIT sur la question et comme le réaffirment de manière répétée les recommandations actuelles du Comité de la liberté syndicale. La commission d’experts n’a pas cité tout un éventail de droits au travail que protège la Constitution dans le système juridique brésilien et qu’aucune réforme ne peut abroger, même s’il s’agit d’une réforme de la Constitution. Ces droits figurent dans la loi no 13.467/2017. Quatre-vingts conventions de l’OIT sont intégrées dans le système légal brésilien et ne sont pas touchées par la réforme. Dans l’étude d’ensemble de 2018, la commission d’experts reconnaît que la protection que la Constitution garantit à ces droits au Brésil est un exemple à suivre. Ces droits ne peuvent pas faire l’objet de dérogations, et toute possibilité de négociation est expressément exclue dans leur cas. Cela prouve que le but de la réforme n’était pas d’abroger l’un ou l’autre droit mais, en les consolidant, de laisser autant de place que possible à la négociation collective, et ainsi appliquer la convention d’une manière plus efficace. La commission a négligé de mentionner que, dans le passé, il était courant que le pouvoir judiciaire brésilien annule des clauses de conventions collectives ou des conventions entières, sans aucune justification juridique objective. Cela créait une incertitude légale et décourageait la négociation collective. Celle-ci ne peut être renforcée, comme le préconise l’OIT, qu’en lui donnant force de loi et en protégeant l’autonomie des parties, en instaurant la primauté de ce qui est négocié sur ce qui est légiféré. Il est surprenant que des dirigeants syndicaux contestent ce point, étant donné qu’il reprend une proposition faite au départ en 2011 par un des plus grands et plus puissants syndicats du pays, le syndicat des travailleurs de la métallurgie ABC de São Paulo. On nous oppose que la primauté de ce qui est négocié sur ce qui est légiféré offre la possibilité à des syndicats de négocier contre les intérêts des travailleurs. Ce n’est pas ce qui se passe dans la négociation collective au Brésil. Des études montrent qu’en 2016, année d’une crise économique dure, dans plus de la moitié des conventions collectives les syndicats ont négocié des réajustements de salaires supérieurs à l’inflation, tandis que la grande majorité a réussi à préserver l’emploi à un moment où les licenciements étaient nombreux. Les syndicats brésiliens ont déjà intégré dans leurs conventions collectives les dispositions de la nouvelle législation. La nouvelle législation n’a pas découragé la négociation collective. Lorsque l’analyse pratique dément les théories qui servent au mieux les intérêts politiques, certains préfèrent ignorer la pratique et s’en tenir à la théorie. Outre les garanties que donne la Constitution, les travailleurs sont protégés par le système d’enregistrement des conventions collectives par le ministère du Travail, qui exige la preuve que la convention a été approuvée par une assemblée représentative de la catégorie; par les services de l’inspection du travail, composés de spécialistes qui savent identifier et combattre administrativement les fraudes et les violations; par le bureau du procureur de la juridiction du travail, une institution unique en son genre qui peut engager des poursuites lorsqu’elle perçoit des infractions aux préceptes juridiques, comme elle l’a déjà fait; et par l’appareil de la justice du travail, qui regroupe des spécialistes qui, en 2017, avant la prise d’effet de la nouvelle loi, a reçu plus de 4 millions de nouveaux recours. La commission d’experts n’a pas précisé que le Brésil compte 17 509 organisations syndicales enregistrées, dont beaucoup ont fait très peu pour leurs mandants. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il y en a autant, contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde. Du fait qu’il bénéficie d’une taxe obligatoire, un syndicat n’a pas besoin pour exister d’être représentatif ou de défendre les intérêts des travailleurs. L’enveloppe garantie par l’Etat, qui en 2017 dépassait les 4 milliards de reals (1,25 milliard de dollars E.-U.), justifie à suffisance leur existence, dans un incontestable détournement des valeurs qui devraient guider et justifier les organisations de travailleurs. La réforme du travail a mis fin à cette situation. Cela suppose que les syndicats travaillent davantage, au bénéfice des travailleurs comme des employeurs. Pour cette raison, la même réforme qui favorise la négociation collective promeut aussi l’indépendance des syndicats, qui est l’essence même de la convention. Il est clair que rien, d’un point de vue technique, ne justifie la mise à l’examen du cas du Brésil par la commission à ce stade et il est regrettable que l’OIT se soit fait manipuler politiquement. Cela arrive quand on privilégie les négociations politiques tenues secrètes au détriment des aspects techniques. Des analyses faites à la hâte et sans rigueur technique peuvent suffire à exposer un pays, si des intérêts politiques le requièrent, et le forcer à fournir des éclaircissements à la commission. Pendant une année électorale, cet examen est décrit par la presse brésilienne comme une procédure inquisitoire, sans qu’il soit tenu compte de l’engagement pris par le pays de remplir ses obligations. Un tel système ne répond ni aux revendications ni aux enjeux qui se posent au monde du travail, ni non plus aux attentes placées dans l’OIT. Alors qu’approche le centenaire de la création de l’OIT, le moment est venu de réformer le système afin d’améliorer sa cohérence vis-à-vis du monde du travail et de principes démocratiques et inclusifs, tels que la régularité de la procédure qui est exigée de toutes les institutions du système des Nations Unies. Depuis de nombreuses années, le GRULAC dénonce cet état de choses dans la plus totale indifférence. Le moment est venu de commencer à écouter, sinon le système de contrôle des normes courrait le grave risque de perdre sa crédibilité et, par conséquent, sa pertinence. Dans une organisation tripartite, il est étonnant que le système régulier de contrôle des normes n’ait rien de tripartite. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres institutions, les gouvernements n’interviennent pas dans la sélection des membres de la commission d’experts ni dans la définition des méthodes de travail. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres institutions, il n’existe pas réellement de méthode universelle de contrôle. C’est toujours le même groupe de pays qui, prétendument, ne respecte pas ses engagements. Une telle situation privilégie la sélectivité au détriment de la transparence et de l’universalité. L’orateur a pointé du doigt une fois encore les méthodes de travail actuelles de la commission. Si l’on veut améliorer le degré de respect et d’adhésion aux instruments de l’OIT, il faut prendre en compte les points de vues des gouvernements dans la sélection des listes de cas afin de répondre aux critères techniques, dans l’élaboration des conclusions afin qu’elles soient effectivement mises en application, et dans les méthodes de travail en général pour qu’elles soient respectées. La composition de la commission d’experts doit être revue afin de refléter la diversité et la qualité technique attendues. Les critères de sélection des listes de cas à examiner doivent être revus afin de s’assurer que les décisions soit exclusivement de nature technique. Le Brésil porte un vif intérêt à la poursuite du débat avec les acteurs sociaux dans le but d’améliorer sa législation du travail, et il est prêt à le faire. Il a exprimé la permanence de son engagement envers les obligations contractées envers l’OIT et a réitéré que la modernisation de la législation n’est contraire à aucune convention. Au contraire, la loi no 13.467/2017 promeut et renforce la négociation collective, en donnant pleinement effet à la convention. L’orateur a préconisé avec insistance un changement en profondeur dans le système de contrôle avant qu’il soit trop tard et exprimé la détermination de son gouvernement à participer de bonne foi à un effort collectif pour améliorer le système de contrôle pour tous.

Les membres travailleurs ont indiqué que c’est la première fois depuis vingt ans que la commission examine l’application de la convention au Brésil. Faisant observer que le pays est résolument engagé sur la voie du progrès social et du leadership mondial à cet égard, ils se sont dits profondément déçus par les mesures législatives régressives qui ont été prises et qui auront pour effet de démanteler le droit à la négociation collective et la forte tradition de relations de travail bâtie au fil de ces deux dernières décennies. En 2016, les syndicats brésiliens ont déjà communiqué des informations à la commission d’experts pour faire état de défauts et de lacunes graves concernant les projets de loi qui sont actuellement devant le Congrès. Considérant que l’introduction d’une possibilité générale d’abaisser, par le biais de la négociation collective, la protection des travailleurs prévue dans la législation aura un important effet dissuasif sur l’exercice du droit à la négociation collective et pourrait contribuer à saper sa légitimité à long terme, la commission d’experts a demandé au gouvernement de prendre ses commentaires en considération lors de l’examen des projets de loi. Bien que ce cas n’ait finalement pas été examiné par la Commission de la Conférence en 2017, le Brésil a été classé dans la liste préliminaire des cas. Malgré ces signaux avertisseurs, le gouvernement a adopté les amendements problématiques le 13 juillet 2017, sans tenir compte des commentaires de la commission d’experts. Tous les partenaires sociaux avaient préalablement donné leur avis sur cette réforme législative, adoptée avant la session de 2017 de la commission d’experts. Les membres travailleurs désapprouvent le fait que ce cas, portant sur un thème qui a une longue histoire au sein de ce système de contrôle, soit traité de manière prématurée par la commission d’experts. Ils désapprouvent aussi totalement les critiques liées au traitement de ce cas en dehors du cycle régulier des rapports. Rappelant que les critères pour modifier le cycle des rapports sont reproduits chaque année dans le rapport général de la commission d’experts, ils considèrent que le cas du Brésil est conforme aux critères selon lesquels les observations qui concernent des propositions législatives et des projets de loi peuvent être examinées par la commission, même en l’absence d’une réponse du gouvernement. Le mécanisme pour modifier le cycle des rapports a obtenu un soutien tripartite et a été mis en place à titre de précaution lorsque le Conseil d’administration a prolongé le cycle des rapports pour certains types de conventions, de manière à maintenir le contrôle efficace de l’application des conventions ratifiées. Les membres travailleurs n’accepteront jamais qu’un cas individuel soit utilisé pour mettre en cause l’impartialité et l’indépendance largement reconnues et soutenues de la commission d’experts. Les membres travailleurs se sont dits profondément préoccupés par les amendements législatifs très importants qui ont été apportés à la hâte, en l’absence de consultations véritables et significatives au préalable; ce qui aura effectivement pour effet de démanteler le cadre de la négociation collective au Brésil et d’affaiblir les droits des travailleurs. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle la législation a été élaborée après une série de débats organisés par le gouvernement en décembre 2016, avec la participation de représentants syndicaux et d’employeurs, ils ont rappelé au gouvernement que ces «débats» ne sauraient remplacer de véritables consultations effectives et que la plupart des syndicats n’ont pas pris part à ces débats. En outre, le projet de loi ne contenait alors que sept articles, tandis que la loi, telle qu’adoptée, est très vaste et contient plus de 100 articles. Par ailleurs, le Conseil des relations du travail, qui était l’organe tripartite officiel chargé d’examiner les questions liées à l’OIT, n’a plus été convoqué après avril 2016. Lorsque le nouveau Conseil national du travail a été créé, le 1er juin 2017, la loi avait déjà été approuvée à la chambre basse.

Ils estiment que les amendements sont contraires à l’objectif et à l’esprit de la convention. Le nouvel article 611A de la loi sur la consolidation des lois du travail (CLT), qui pose comme principe général que les conventions collectives prévalent sur la législation et que les accords collectifs, négociés par des délégations sur le lieu de travail au niveau de l’entreprise, prévalent sur les conventions collectives, permet ainsi, par le biais de la négociation collective, de déroger aux dispositions protectrices de la législation. Si la loi no 13.467/2017 contient une liste de questions au sujet desquelles la négociation collective prévaut sur la législation, cette liste couvre de nombreux aspects de la relation de travail, par exemple sur l’aménagement du temps de travail. Dans la mesure où cette liste n’est qu’indicative, elle peut être largement étendue par les parties, avec pour seule limite la liste fermée des droits mentionnés à l’article 611B, qui en contient 30, énoncés à l’article 7 de la Constitution fédérale du Brésil. En outre, l’article 611A précise que l’absence de contrepartie ne constitue pas un motif de nullité des conventions collectives, même si ces dernières prévoient une dérogation aux droits reconnus par la loi. Les membres travailleurs souhaitent rappeler que l’objectif général de l’article 4 de la convention est de promouvoir de bonne foi la négociation collective afin de parvenir à un accord sur les conditions d’emploi qui sont plus favorables que celles prévues dans la loi. En autorisant des dérogations moins favorables que celles prévues dans les conventions collectives pour pratiquement tous les domaines de la relation de travail, le gouvernement supprime aux travailleurs le droit fondamental à la négociation collective et ne garantit pas la mise en œuvre d’un ensemble minimum de droits s’appliquant de la même manière à tous les travailleurs brésiliens. En outre, le nouvel article 444 de la CLT, qui dispose que les travailleurs titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de la sécurité sociale peuvent échapper, par le biais de leurs contrats de travail individuels, aux dispositions de la législation et des conventions collectives, n’est pas conforme à l’article 4 de la convention ni à la recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, qui établit le principe de la force obligatoire des conventions collectives et de leur primauté sur le contrat de travail individuel, lorsque ce dernier est moins favorable. En outre, en élargissant le champ de la définition des travailleurs indépendants, qui ne jouissent pas du droit d’organisation et de négociation collective, pour y inclure ceux qui travaillent exclusivement et à titre permanent pour une entreprise, le nouvel article 442B de la CLT a pour effet de diluer la représentation des travailleurs moyennant une classification erronée. Les membres travailleurs se sont dits très préoccupés par les changements profonds et de grande portée mis en œuvre par la réforme législative, qui affaiblissent le droit à la négociation collective auparavant garanti aux travailleurs. En ce qui concerne l’argument du gouvernement selon lequel la réforme était nécessaire en raison du contexte général de récession économique, ils ont indiqué que, malgré la baisse de 29 pour cent du nombre des conventions collectives depuis l’adoption de la réforme, la situation économique du pays ne s’est pas pour autant améliorée. Le chômage et le niveau d’emploi dans l’économie informelle ont même augmenté. Aucun pays n’a jamais accompli de progrès économiques durables en privant les travailleurs de leurs droits fondamentaux. Réitérant leurs profondes préoccupations face aux pratiques régressives ayant cours dans le pays, alors que celui-ci était jadis le défenseur des droits fondamentaux au travail, les membres travailleurs ont appelé le gouvernement à prendre d’urgence les mesures nécessaires pour réformer la législation et la mettre en conformité avec la convention, avant que cela ne porte davantage atteinte aux travailleurs du Brésil.

Les membres employeurs se sont dits préoccupés par l’observation formulée par la commission d’experts sur l’application de la convention par le Brésil. Tout en reconnaissant que la commission d’experts peut décider, dans des situations exceptionnelles, d’examiner un cas en dehors du cycle régulier de présentation des rapports, ils se disent préoccupés par l’usage de ce pouvoir discrétionnaire dans le cas présent. Alors qu’un syndicat national a critiqué la réforme du travail, l’organisation nationale des employeurs a communiqué des informations faisant part de sa satisfaction quant à la modernisation du système de relations professionnelles, aujourd’hui dépassé. De plus, malgré le fait qu’elle n’a pas encore reçu de réponse du gouvernement au sujet des avis divergents des partenaires sociaux, la commission d’experts a adopté une observation, quelques jours seulement après que la réforme sur le droit du travail soit entrée en vigueur. Il convient d’ajouter que 2017 n’est pas une année où le Brésil doit présenter son rapport et qu’il est à jour dans ses obligations en la matière. Etant donné l’absence d’informations sur la position du gouvernement, il aurait peut-être été plus approprié de prévoir une demande directe qui aurait été une première étape dans l’examen de la situation. Etant donné qu’il s’agit là d’un cas sensible, les membres employeurs regrettent que la Commission de la Conférence n’aborde sa discussion que sur la base d’informations incomplètes, ce qui la met dans l’incapacité d’examiner ce cas de manière appropriée et équilibrée. L’examen du cas dans le cadre du cycle régulier aurait permis d’effectuer une évaluation complète de l’impact des réformes sur l’application de la convention, en droit comme dans la pratique. Les membres employeurs ont bien pris note de la déclaration du gouvernement. Des informations complémentaires sont nécessaires pour assimiler pleinement la réforme du droit du travail.

Les membres employeurs ont noté que la réforme du droit du travail établit, en tant que principe général, que les conventions collectives prévalent sur la législation nationale, à l’exception des droits constitutionnels cités à l’article 611B de la CLT. A cet égard, la commission d’experts a observé que l’objectif général de la convention est la promotion de la négociation collective en vue d’un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation. Les membres employeurs rappellent que les prescriptions de l’article 4 prévoient que les Etats Membres doivent prendre des mesures appropriées pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges des procédures de négociation collective entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue d’arrêter par ce moyen les conditions d’emploi. A leur avis, il n’est absolument pas nécessaire que les résultats de la négociation collective portent sur des conditions qui soient plus favorables que celles qui sont établies par la loi. Un mécanisme qui autorise les conventions collectives encourage dans la loi le principe de la négociation collective. Il peut créer une incitation à plus de négociation collective volontaire. Il n’est pas encore possible d’analyser l’effet qui peut être tiré du système dans la pratique, donc de savoir à ce stade si ce mécanisme porte atteinte au principe de la négociation collective. Afin de pouvoir vérifier en détail si la réforme est conforme à la convention, les membres employeurs encouragent le gouvernement à fournir dans son prochain rapport des informations sur le fonctionnement des articles 611A et 611B de la CLT, en droit comme dans la pratique. Cette analyse doit prendre en considération l’ensemble des droits des travailleurs consacrés dans la Constitution et repris à l’article 611B, portant sur 30 points relatifs à la protection, au droit à l’assurance chômage, au salaire minimum, au repos hebdomadaire et aux congés payés, aux congés de maternité et de paternité, à la sécurité et la santé au travail (SST) et à la liberté d’association. Il est préoccupant de noter que la liste complète des droits qui sont protégés ne figure pas dans l’observation adoptée par la commission d’experts. Pour ce qui est de la question de la relation entre les contrats de travail individuels et les conventions collectives, la commission d’experts a noté que les travailleurs titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de la sécurité sociale, doivent pouvoir déroger aux dispositions de la législation et des conventions collectives par le biais de contrats de travail individuels. A cet égard, les membres employeurs notent qu’il n’est pas possible de tenir une discussion libre et éclairée sur l’impact d’une telle disposition dans le droit et dans la pratique, ni d’en évaluer la conformité avec la convention, sans que le gouvernement et les partenaires sociaux aient complété leurs informations. D’après eux, la question de la prévalence des contrats individuels sur la législation nationale n’entre pas dans le champ d’application de la convention. Enfin, en ce qui concerne l’extension de la définition des travailleurs autonomes et son effet sur les travailleurs qui se trouvent ainsi exclus des droits syndicaux, les membres travailleurs notent qu’il n’est pas possible d’avoir une discussion libre et éclairée sans informations appropriées. Ils demandent donc au gouvernement de faire part de ses commentaires sur les observations émanant des syndicats, pour examen par la commission d’experts.

Le membre travailleur du Brésil, s’exprimant au nom des centrales syndicales brésiliennes, a salué la qualité du travail de la commission d’experts, qui est devenue une référence indiscutable dans les discussions relatives aux relations professionnelles. Les connaissances techniques et l’impartialité des membres de la commission d’experts ne doivent pas être remises en question uniquement parce que leurs commentaires ne vont pas dans le sens d’une certaine position. La fonction de la commission d’experts est indispensable pour éclairer les débats et parvenir à l’équilibre nécessaire au sein de l’Organisation. Par conséquent, ceux qui attaquent la commission d’experts attaquent l’Organisation elle-même. La gravité des violations engendrées par la loi no 13.467/2017 se lit dans les observations sévères formulées par la commission d’experts. Ce nouveau texte de loi constitue l’attaque la plus grave portée aux droits syndicaux des travailleurs dans toute l’histoire du Brésil. Ce n’est pas la première fois que ce débat a lieu au sein de la commission. En effet, en 2001, le gouvernement avait tenté d’adopter une loi qui permettait de diminuer les droits prévus par la loi au moyen de négociations collectives. En 2002, suite à une consultation lancée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), le Département des normes du BIT avait déjà affirmé que permettre de dévaloriser des droits garantis par le biais de la négociation collective était contraire aux dispositions des conventions nos 98 et 154. Le processus engagé, qui s’est conclu par l’adoption de la réforme du travail en juillet 2017, a été marqué par l’absence totale de consultation, tant avec les représentants des travailleurs que d’autres secteurs liés au monde du travail, notamment l’Association nationale des juges du travail, le ministère public du travail et l’Association des avocats du travail. La nouvelle loi facilite l’affaiblissement général de l’ensemble du système de protection des travailleurs, en attaquant l’organisation syndicale et le droit des travailleurs de saisir les tribunaux et en imposant des frais importants à ceux qui le font. A cet égard, l’orateur a dénoncé toute pratique visant à poursuivre les magistrats du travail qui ont suivi une approche juridique différente au moment d’appliquer la nouvelle loi. Au motif d’une modernisation des relations professionnelles, la nouvelle loi revient sur des paramètres de relations juridiques décidés depuis longtemps et fondés sur la liberté contractuelle et le principe selon lequel les parties ont le même pouvoir de négociation. Ce retour en arrière est manifeste si l’on tient compte du fait que la loi permet que la négociation individuelle prive d’effet les conventions collectives, en violation des dispositions de l’article 4 de la convention. De la même manière, sous prétexte de lutte contre le travail informel, la nouvelle loi légalise différents types de travail précaire et autorise le travail de femmes enceintes ou allaitantes dans des lieux insalubres. Non seulement la réforme n’a pas créé les emplois promis, mais elle a augmenté le taux de chômage. Ainsi, alors qu’au moment de l’entrée en vigueur de la loi le taux de chômage était de 12,2 pour cent, d’après les chiffres de l’Institut officiel de l’Etat brésilien (IBGE), en avril 2018, ce taux s’élevait à 13,1 pour cent, soit 13,7 millions de chômeurs. Si l’on ajoute à ce chiffre le nombre de travailleurs potentiels qui ont cessé de chercher du travail (7,8 millions) et ceux qui sont en sous-emploi (6,2 millions), 27,7 millions de Brésiliens ne sont pas sur le marché du travail, soit 24,7 pour cent de la population active. La position du gouvernement selon laquelle la nouvelle loi contribue à promouvoir la négociation collective est loin d’être la réalité. Une étude réalisée par l’Institut d’enquête économique de l’Université de São Paulo à ce sujet montre que le nombre d’accords collectifs conclus au cours des premiers mois de 2018 a chuté de 34 pour cent. D’après la nouvelle loi, la négociation collective prime sur la législation, y compris quand celle-ci énonce de meilleures conditions. L’accord d’entreprise prévaut sur la convention collective, et les accords individuels peuvent exclure des travailleurs de la protection garantie par les accords et conventions existants, ce qui contrevient clairement à la convention. Cette réforme a durement attaqué l’organisation syndicale dans la mesure où elle a supprimé le modèle de financement existant sans en créer d’autre. De la même manière, les syndicats, réunis en assemblée, n’ont pas le droit de fixer des redevances ou des contributions pour alimenter leur caisse, ce qui contrevient également à la convention. Il est impossible de renforcer la négociation collective si l’on affaiblit les syndicats. La nouvelle loi doit être abrogée, compte tenu qu’elle retire des droits, qu’elle attaque les syndicats, qu’elle encourage la négociation individuelle au détriment de la négociation collective et qu’elle éloigne le pays de l’Agenda du travail décent.

Le membre employeur du Brésil a affirmé qu’aucun fondement juridique ne justifie la comparution du Brésil devant la commission pour apporter des éclaircissements sur la négociation collective. La commission d’experts, en ne respectant pas le cycle régulier de soumission des rapports établi pour la convention, a préjugé de l’application de cet instrument, en s’appuyant sur une analyse superficielle et abstraite de la nouvelle loi qui ne prend pas en compte les effets de son application dans la pratique, ne se fonde pas sur des données ou des faits, rapidement et à partir du texte d’une législation récente (qui n’est appliquée que depuis six mois). On ne se trouve pas dans une discussion technique, mais dans un débat politique et idéologique. Le Brésil est l’un des pays qui ont ratifié le plus de conventions de l’OIT et un pays où les droits au travail ont rang constitutionnel. La réforme du travail n’abroge ni ne modifie ces droits. La nouvelle loi permet simplement aux travailleurs et aux employeurs d’arrêter, s’ils le souhaitent, des normes sur les conditions de travail applicables sur une période donnée. On ne peut affirmer que, en vertu de la réforme, la négociation collective prive d’effet la législation applicable, en particulier parce qu’en l’absence d’accord collectif la législation en vigueur est appliquée. Il apparaît clairement que, contrairement à ce qui a été affirmé, la loi no 13.467/2017 n’affaiblit pas la convention mais en renforce les objectifs dans le cadre de la législation du travail, en garantissant que des conventions et accords collectifs peuvent être conclus au vu des modalités de travail et de production réelles, sans ingérence de l’Etat. La Cour constitutionnelle du Brésil a reconnu, en 2015, le rôle fondamental de la négociation collective en tant que mécanisme d’adaptation des normes professionnelles à différents secteurs de l’économie et situations économiques. A cet égard, la réforme du travail ne fait que confirmer le grand principe de la convention, à savoir la négociation volontaire, en établissant expressément que les droits des travailleurs, consacrés dans la Constitution fédérale, ne peuvent être supprimés ou restreints au moyen de la négociation. Parmi ces droits figurent ceux énumérés par la porte-parole du groupe des employeurs. La nouvelle loi vise à instaurer un contexte propice à la négociation collective en assurant la sécurité juridique aux partenaires sociaux afin qu’ils puissent reprendre le dialogue sur des questions au sujet desquelles la négociation était incertaine, parce que ses résultats étaient souvent annulés par la justice du travail en dépit de la volonté exprimée par les parties. La réforme n’a nullement porté préjudice aux travailleurs, contrairement à ce qu’affirment certains syndicats qui réclament le rétablissement des cotisations syndicales obligatoires, sans offrir en échange les services dus à ceux qu’ils représentent. Aucun recours existant au niveau national n’a été formé avant que l’on se tourne vers l’OIT. En effet, les centrales syndicales ont uniquement saisi la Cour constitutionnelle pour demander que les cotisations syndicales redeviennent obligatoires, et non pour faire état de violations présumées de la Constitution ou de la convention. La réforme du travail était nécessaire pour relancer la négociation collective et moderniser une loi du début des années quarante. Cette nouvelle loi, fruit d’un processus démocratique dans le cadre de nombreuses auditions publiques et adoptée par une large majorité au Congrès national, n’affaiblit pas la convention, mais protège la négociation collective contre toute ingérence extérieure, renforce un mécanisme efficace face aux difficultés économiques, harmonise la législation avec celle des autres Etats Membres de l’OIT et s’emploie à trouver un équilibre entre la liberté de négociation et le principe de la protection des travailleurs. Il est préoccupant de constater que l’OIT peut estimer que la négociation n’est valable que si elle contient des termes et conditions de travail plus favorables que ceux établis dans la loi, en particulier parce que cette idée résulte d’une interprétation large de la convention qui, si elle suivie, finirait par devenir contraignante pour tous les 165 pays qui l’ont ratifiée alors que ne doit pas être permise une modification des règles du jeu fixées dans la convention. Rappelant qu’il y a quelques années encore la commission considérait son pays comme une référence, l’orateur a voulu croire que l’examen de ce cas se ferait en toute impartialité, dans le respect du rôle institutionnel de l’OIT, sur la base du tripartisme et sans enjeu politique ni idéologique, et il a demandé que la commission considère dans ses conclusions que la négociation collective doit être libre et spontanée, comme le dit le texte de la convention.

La membre gouvernementale du Paraguay, s’exprimant au nom d’une majorité significative des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, a de nouveau exprimé sa vive préoccupation quant aux méthodes de travail adoptées par la Commission de la Conférence, qui ne se fondent pas sur le consensus tripartite. En outre, différents aspects des commentaires de la commission d’experts suscitent des interrogations. En ce qui concerne la rupture du cycle d’examen, en l’absence de rapport du gouvernement, l’existence de critères à cet égard montre simplement qu’il est nécessaire de justifier une décision de ce type. Compte tenu du mandat de la commission d’experts, reflété dans son rapport général, qui dispose que les avis de la commission d’experts n’ont pas un caractère contraignant et qu’ils tiennent compte de l’application des conventions «dans la législation et la pratique […], en gardant à l’esprit les diverses réalités nationales et les différents systèmes juridiques», il est regrettable qu’en l’espèce on n’ait pas laissé passer suffisamment de temps avant d’évaluer la complexe réforme du travail, qui doit être examinée dans son ensemble, ainsi que ses répercussions concrètes et l’interprétation qui en est faite par les tribunaux. Ainsi, le rôle important des droits au travail consacrés par la Constitution fédérale du Brésil n’a pas non plus été pris en compte. Dans le cas du Brésil, il convient de se pencher non seulement sur la Constitution, mais également sur l’action de la justice du travail et du bureau du procureur général chargé des questions relatives au travail, organe indépendant du gouvernement, sur le fait que les inspecteurs du travail sont des fonctionnaires et sur l’utilisation du cadre de la CLT. L’oratrice s’est de nouveau engagée à promouvoir la négociation collective et le principe contenu à l’article 4 de la convention, dont le sens premier est clair, y compris en ce qui concerne les «conditions nationales».

Le membre gouvernemental du Panama s’est référé au modèle des comités de dialogue social tripartites établis dans son pays pour l’harmonisation du système juridique avec les conventions et recommandations de l’OIT et a souligné le caractère fondamental de l’assistance technique fournie par le Département des normes internationales du travail du BIT à cet égard. Toutefois, il s’est dit préoccupé par les méthodes qui ont déterminé l’inclusion du Brésil dans la liste des cas à examiner par la Commission de la Conférence, notamment la rupture du cycle régulier par la commission d’experts, celle-ci s’étant prononcée en l’absence de rapport gouvernemental. Réaffirmant son attachement aux organes de contrôle, l’orateur a souligné la nécessité d’adopter des méthodes de travail dûment approuvées par les mandants.

Le membre travailleur du Portugal a estimé que la réforme de la législation du travail adoptée par le gouvernement brésilien suit la matrice des réformes intervenues en Espagne, au Portugal et en Grèce et qui, depuis 2009, a entraîné une régression sociale pour les travailleurs du sud de l’Europe à des niveaux remontant à plusieurs décennies. Sous prétexte d’assouplir les relations de travail, d’accroître l’emploi, de mettre fin à la fragmentation du marché du travail et de renforcer la négociation collective, la troïka, composée du Fonds monétaire international (FMI), de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne (BCE), et les gouvernements ont imposé aux travailleurs des réformes du droit du travail permettant à des organisations informelles de négocier collectivement, éliminant ainsi le principe de faveur, augmentant la durée du travail et abaissant la rémunération des heures supplémentaires. Ces changements ont eu des conséquences désastreuses pour les travailleurs, avec une baisse des revenus du travail, des taux de chômage qui ont atteint des niveaux sans précédent, passant de moins de 10 pour cent à plus de 20 pour cent en moins de deux ans, forçant des centaines de milliers de travailleurs, principalement des jeunes, à chercher du travail dans d’autres pays. Il semble que l’objectif central de ces réformes de la législation du travail est de réduire les revenus des travailleurs et des retraités. La réforme qui est imposée aux travailleurs brésiliens suit la même matrice, les mêmes bases et les mêmes objectifs. En posant le principe qu’un contrat individuel de travail peut stipuler des conditions et modalités inférieures à celles fixées par la loi ou par des conventions collectives, en permettant que la négociation collective puisse être engagée sans la participation des syndicats et en permettant le développement de relations de travail précaires, la réforme du travail conduit à une augmentation du travail précaire et à la segmentation du marché du travail, au lieu de les combattre. La réforme du travail du gouvernement porte gravement atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs consacrés par les conventions fondamentales de l’OIT et constitue une violation de la convention, dès lors qu’elle autorise la négociation collective sans la participation des syndicats et qu’elle écarte les conventions collectives au moyen de contrats individuels. L’orateur a exhorté le gouvernement à accepter l’assistance technique du BIT en vue de mettre la législation du travail en conformité avec les instruments internationaux auxquels il est tenu et à respecter le rôle indispensable de la commission d’experts pour assurer l’efficacité des conventions de l’OIT.

Le membre gouvernemental de l’Inde a salué les efforts déployés par le gouvernement et les mesures positives prises pour réformer sa législation du travail dans le but d’assurer la sécurité juridique et la fiabilité de la négociation collective, en concertation avec les partenaires sociaux et conformément à la Constitution du pays ainsi qu’à ses obligations internationales. Les pays ne doivent pas figurer dans la liste préliminaire ou finale des cas avant la fin du cycle de soumission des rapports, en dehors des procédures régulières et pour des motifs autres que les aspects techniques d’un cas. Un tripartisme véritable et constructif est la condition sine qua non d’un mécanisme de contrôle de l’OIT efficace et crédible. La commission doit soutenir pleinement le gouvernement dans la mise en œuvre de ses obligations relatives au travail.

La membre travailleuse de l’Italie a déclaré que le gouvernement a mis en œuvre dans la loi no 13.467/2017 une série de réformes qui violent les principes fondamentaux de l’OIT. Aucune consultation avec les partenaires sociaux n’a eu lieu, aucun débat public n’a accompagné la discussion, et la loi, qui a supprimé l’ensemble des garanties existantes, a été approuvée en un temps record. Les politiques néolibérales adoptées de manière unilatérale entraînent l’insécurité de l’emploi et la précarité. La soi-disant «innovation» ne fait qu’aggraver les conditions de travail et nier les droits syndicaux, compromettant ainsi les mécanismes de négociation collective. La loi no 13.467/2017 permet que la convention collective dégrade encore davantage les conditions prévues par la loi. Pour des millions de travailleurs brésiliens, les réformes signifient un creusement des inégalités dans l’un des pays industrialisés les plus inégaux. Les critères et la procédure que la commission d’experts doit respecter pour pouvoir rompre le cycle d’examen des cas prévoient des garanties pour assurer un contrôle efficace de l’application des conventions ratifiées. Cette possibilité renforce non seulement le système de contrôle de l’OIT, mais garantit également que des questions urgentes, y compris des questions de vie ou de mort ou de droits humains fondamentaux, soient traitées de manière appropriée. L’oratrice prie instamment le gouvernement de modifier la législation pour la rendre conforme à la convention.

Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a salué les informations fournies par le représentant gouvernemental sur le fond du problème, ainsi que sur ses aspects procéduraux. Il déclare partager bon nombre des préoccupations exprimées, en particulier en ce qui concerne la décision d’examiner ce cas en dehors du cycle régulier de présentation des rapports, des explications complémentaires sur les motifs de cette décision étant nécessaires. Lors de l’examen de la mise en œuvre des conventions de l’OIT, il est important de prendre en compte à la fois l’application de la loi dans la pratique et le contexte général lié aux particularités du système juridique du pays concerné. Etant donné que la réforme vient d’être adoptée, il faut laisser au gouvernement le temps de travailler avant de tirer des conclusions sans ambiguïté. L’orateur estime qu’il est possible d’améliorer les méthodes de travail de la commission. Les propositions concrètes faites à cet égard méritent un examen attentif. La commission étant essentielle pour assurer le respect conforme et rigoureux des normes internationales du travail, elle doit compter sur la pleine confiance des gouvernements, des travailleurs et des employeurs.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé que le mandat de la commission d’experts est clairement énoncé dans son rapport général. Il est important que la Commission de la Conférence rappelle que la légitimité et la rationalité des travaux de la commission d’experts reposent sur son impartialité, son expérience et son expertise. C’est sur cette base qu’au fil des ans, lorsque les allégations sont suffisamment étayées et qu’il est urgent de remédier à la situation, des cas exceptionnels sont identifiés et le cycle de présentation des rapports est rompu. En outre, les observations relatives à des propositions ou projets de loi peuvent être examinées par la commission d’experts en l’absence de réponse du gouvernement lorsqu’il en va de l’intérêt du pays. Par conséquent, l’orateur estime que la commission d’experts a agi dans le cadre de son mandat et conformément aux critères de rupture du cycle des rapports, le droit d’organisation et de négociation collective étant un droit humain fondamental susceptible d’être érodé par l’adoption de la loi no 13.467/2017.

Le membre employeur de la Colombie a signalé que la réforme du travail du Brésil est le fruit de vastes discussions menées avec les partenaires sociaux pendant plus de vingt ans. Il s’agit d’une norme établie pour améliorer les relations de travail au Brésil, en adaptant la législation aux nouvelles réalités, toujours sur la base de la négociation collective. Cette réforme du travail entend arrêter les conditions les plus favorables pour la compétitivité, la productivité et le développement socio-économique dans le respect des droits fondamentaux du travail et du travail décent. Une évaluation des effets produits par la réforme est prématurée; une période raisonnable de mise en œuvre est nécessaire pour parvenir à des conclusions précises et fondées sur des données probantes. La réforme du travail au Brésil n’est pas un blanc-seing pour déroger à la législation du travail au moyen de la négociation collective, comme cela a été dénoncé. Les changements réalisés visent à garantir les accords conclus entre les travailleurs et les employeurs et dans le cadre des négociations collectives. La nouvelle législation du travail ne prive pas les travailleurs de leurs droits et garanties en matière de travail ni ne porte atteinte aux conventions nos 98 et 154. La législation du travail en vigueur protège les négociations collectives, consolide un mécanisme nécessaire et efficace pour régler les conflits de nature économique et améliore les possibilités de négociation des employeurs et des travailleurs, sans porter atteinte aux droits du travail prévus par la Constitution. S’agissant de la réglementation du travail indépendant, la nouvelle législation donne une définition claire des personnes considérées comme travailleurs indépendants et des critères pour les identifier. Les travailleurs indépendants ou autonomes relèvent des normes différentes de celles des employés, normes qui dans les deux cas respectent le principe du travail décent. Les droits syndicaux ne sont pas restreints, car les travailleurs indépendants n’ont pas de relation de travail et, par conséquent, ne sont pas couverts par la législation du travail.

Le membre travailleur de l’Argentine a indiqué qu’une étude récente, présentée au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, affirme que plus de 130 pays ont engagé ces dernières années des réformes d’austérité en matière de politiques et de normes du travail et que la déréglementation du marché du travail ne favorise ni la croissance ni l’emploi. Au contraire, un nombre croissant d’études confirme que les normes du travail ont des effets économiques positifs tant en matière de productivité que d’innovation. La réforme du travail du Brésil généralise l’externalisation et la sous-traitance, ce qui porte atteinte aux salaires, fragilise les syndicats et la négociation collective et favorise les sociétés multinationales. La montée du travail informel et la précarisation aggravent les inégalités. La nouvelle loi élimine la notion de journée de travail en créant le travail intermittent, supprime les recours dont disposait le travailleur pour porter plainte devant la justice du travail, permet que les femmes enceintes travaillent dans des conditions insalubres et supprime le financement des syndicats, ce qui compromet l’existence des syndicats et de la négociation collective. En imposant la «négociation» entre l’employeur et le travailleur, sans la présence du syndicat, il est plus facile d’imposer des conditions inférieures à celles de la convention collective. La nouvelle loi constitue en outre une atteinte aux normes fondamentales de l’OIT et une mesure régressive qui ne saurait être une réponse admissible face aux crises économiques et financières. Il est nécessaire d’instaurer des économies durables, assurant la protection sociale, des emplois sûrs et des salaires décents tant au Brésil que dans le reste du continent américain.

Le membre gouvernemental du Honduras a exprimé ses préoccupations concernant l’interruption du cycle régulier de présentation des rapports. Il a formulé le vœu que le gouvernement continue d’encourager la négociation collective en adoptant des mesures adéquates visant à recourir à des processus de négociation libre et volontaire et à des conventions collectives qui réglementent les conditions de travail.

Le membre travailleur des Etats-Unis, s’exprimant également au nom du membre travailleur du Canada, a déclaré que les institutions stables du marché du travail, le dialogue social et la négociation collective sont en cours de démantèlement au Brésil. En novembre 2017 sont entrées en vigueur les modifications de la CLT qui réduisent la capacité des travailleurs à défendre leurs droits et à négocier de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Ces changements ont eu pour effet que des syndicats et des particuliers ont négocié des accords qui abaissent les salaires et les conditions tout en faisant progresser le travail précaire. Contrairement au principe de la négociation collective, des employeurs et des travailleurs peuvent négocier des accords qui abaissent les normes en-dessous du seuil prévu par la législation. Comme l’indiquait le rapport de la commission d’experts, la loi no 13.467/2017 n’est pas fondée sur la négociation, mais sur l’abdication des droits dans un large éventail de matières. Les modifications apportées à la CLT ont créé une nouvelle catégorie, celle de travailleur autonome exclusif, et nient l’existence d’une relation d’emploi, même lorsqu’un travailleur a été engagé de manière exclusive et permanente par une seule et même firme. Ces travailleurs n’ont aucun droit, qu’il s’agisse de liberté syndicale ou de négociation collective, ce qui a conduit à une atomisation des relations de travail. Pendant les trois premiers mois de ce nouveau régime, on a vu une augmentation de près de 3 000 pour cent du nombre des relations d’emploi stables dissoutes, principalement dans les postes à bas salaires occupés par des travailleurs n’ayant pas le niveau d’instruction supposé leur donner davantage de force de négociation à titre individuel. Ces changements exposent un plus grand nombre de travailleurs au travail précaire et les syndicats ne peuvent plus compter sur un revenu stable de ceux qu’ils représentent. En mars 2018, les syndicats ont perçu à peu près 20 pour cent du montant de mars 2017. Au premier trimestre 2018, le nombre total des conventions collectives avait chuté de 29 pour cent par rapport à la même période en 2017. En 2018, on dénombre 1 000 conventions collectives de moins que les six années précédentes. Le chômage, l’informalité et le travail précaire ont progressé au cours de la même période. Le Brésil connaît une polarisation extrême exacerbée par un démantèlement délibéré du dialogue social et de relations du travail matures. Il ne faut pas qu’une réforme du droit du travail soit synonyme d’abandon des normes du travail. Une autre voie pourrait mener à un progrès et une croissance du revenu largement partagés.

Le membre gouvernemental du Bangladesh a salué le gouvernement brésilien pour la série de discussions qu’il a eues avec les représentants des syndicats et des employeurs pendant la réforme de la CLT qui est entrée en vigueur en novembre 2017. Une consultation des partenaires sociaux inclusive, complète et extensive est la clé de la réforme de toute législation portant sur les droits au travail. Un des aspects majeurs de la réforme du travail conduite au Brésil a été le renforcement des conventions collectives conclues entre les syndicats et les employeurs, dans le souci de permettre à chacun de négocier collectivement sans affecter les droits des travailleurs. Il faudra du temps pour constater l’impact de la loi sur le marché du travail parce qu’elle en est encore au premier stade de son application. Comme cela a été dit, il ne faut pas interrompre le cycle de présentation des rapports et faire des commentaires avant qu’un rapport soit déposé, et les propos du représentant du gouvernement sur la réforme du mécanisme de contrôle de l’OIT sont fondés. Pour conclure, il faut souligner l’importance de l’objectivité, la transparence, la neutralité et l’impartialité qui empreignent les travaux de la commission grâce à l’application du tripartisme à tous les processus décisionnels, notamment pour l’adoption de la liste finale des cas et pour l’examen des conclusions.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a déclaré que la réforme de la législation du travail que le Brésil a appliquée en juillet 2017 est contraire à la convention. Elle a déréglementé plus de 120 normes du travail, dont des garanties visant à ce que les femmes enceintes ne soient pas exposées à des substances toxiques au travail, des règles en matière de licenciement et des lois sur l’égalité de rémunération. Cette réforme a en outre démantelé le système de négociation collective, notamment lorsqu’elle a permis que des conventions collectives supplantent des normes réglementaires. L’objectif affiché de la réforme était d’augmenter la flexibilité, de réduire le chômage et de régulariser l’économie informelle. Toutefois, le taux de chômage au Brésil reste élevé, l’économie informelle va grandissant et les formes précaires de travail sont en hausse. Les travailleurs occupant des postes non sécurisés sont dissuadés de s’affilier à des syndicats, par crainte de représailles ou de licenciement. Du fait de la réforme, des travailleurs diplômés ont conclu des contrats individuels excluant la rémunération et les conditions établies par une convention collective. Comme l’a observé la commission d’experts, il s’agit d’une violation manifeste de la convention. Le gouvernement est appelé à modifier sa législation nationale et à rétablir les droits syndicaux, conformément à la convention.

Le membre gouvernemental du Mexique a pris note avec intérêt du processus de larges consultations qui a abouti à l’adoption d’une réforme législative visant à offrir à la fois au marché du travail et au système juridique plus de flexibilité, une meilleure productivité du travail, ainsi qu’une sécurité juridique et rationnelle. Tout en soulignant sa préoccupation concernant l’interruption injustifiée du cycle régulier de présentation de rapports, l’orateur a estimé qu’il faut examiner les processus de réforme de façon globale, en tenant compte de leur contexte de mise en œuvre, ainsi que d’autres mesures pratiques qui contribuent à l’établissement d’un cadre juridique efficace, qui s’aligne sur les principes et droits fondamentaux.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que la réforme ôte toute légitimité à l’objectif de la négociation collective, qui vise à améliorer les conditions de travail, en ce sens qu’elle permet que des décisions ou des conventions collectives portent atteinte aux normes minimales énoncées par la loi. La restriction de la durée des décisions et des conventions collectives, ramenée à deux ans maximum, conformément à l’article 614 de la réforme, et l’interdiction de maintenir la pleine application d’une décision ou d’une convention en attendant qu’elle soit remplacée limitent la capacité des parties et sont contraires à la convention. L’orateur a rejeté catégoriquement la possibilité selon laquelle les travailleurs, individuellement ou de manière collective, sans la participation des syndicats, négocient des conditions de travail en dehors du cadre de la négociation collective ou conviennent de déroger à l’application des décisions ou des conventions.

Un autre membre travailleur de la Colombie a dit vivement regretter que le gouvernement ne respecte pas la convention et il a exprimé sa solidarité avec les centrales ouvrières du pays.

Le membre gouvernemental de la Chine a fait part des préoccupations exprimées concernant les méthodes de travail de la commission. Celle-ci est au cœur du système de contrôle de l’OIT, et ses méthodes de travail peuvent être améliorées. On constate un manque de transparence dans la sélection des cas individuels, qui doit être fondée sur des critères objectifs, équitables et transparents, et non sur des considérations politiques, conformément aux procédures établies par l’OIT. Il faut transmettre aux gouvernements qui sont appelés à se présenter devant la commission la liste définitive à l’avance, afin qu’ils aient suffisamment de temps pour se préparer. Les recommandations formulées par la commission doivent refléter le consensus tripartite. Il faut que les gouvernements jouissent pleinement du droit à l’information et du droit de participer au processus d’examen des cas individuels. En outre, le BIT doit renforcer les capacités du gouvernement concerné et lui fournir son assistance technique.

Le membre travailleur du Paraguay a fait observer que la réforme du travail au Brésil précarise le travail, fragilise la négociation collective et le dialogue social et porte atteinte à l’organisation syndicale. La réforme a été approuvée au pire moment de la crise politique et institutionnelle de l’histoire du Brésil, sans dialogue avec les syndicats et les travailleurs. La conséquence est que les chefs d’entreprise pourront procéder à des licenciements collectifs sans qu’il soit nécessaire de discuter avec le syndicat. En plus de restreindre la représentation syndicale, la réforme prive le mouvement syndical brésilien de ses principales sources de financement. Rappelant que les centrales syndicales du Brésil n’ont cessé ces dernières années de dénoncer les pratiques antisyndicales et les propositions de réforme qui viennent de se concrétiser, il a dit appuyer la discussion de ce cas de violation de la convention.

Le membre travailleur de l’Uruguay a exprimé sa solidarité avec les centrales syndicales du Brésil s’agissant de la nouvelle loi qui a pour effet d’accroître le chômage et la pauvreté et se traduit par une aggravation des conditions de vie dans le pays. S’agissant de la nécessité d’attendre l’envoi du rapport par le gouvernement, la mise en œuvre des dispositions de la convention est plus importante que l’obligation d’envoyer des rapports. Au niveau du Cône Sud, la Déclaration sociale et du travail du MERCOSUR, mécanisme tripartite qui protège les droits du travail, a été forgée à la faveur de vastes débats entre les partenaires sociaux. La réforme du travail au Brésil tend au contraire à imposer des recettes des années quatre-vingt-dix pour déréglementer les relations de travail.

Un observateur représentant l’Organisation mondiale des travailleurs a indiqué que la réforme du travail au Brésil constitue une violation du droit syndical fixé par la Constitution du pays et les articles 3 et 4 de la convention. Compte tenu de cette réforme, la réglementation des contrats de travail se fait de manière individuelle et privée, soit entre le travailleur et l’employeur, sans la participation des organisations syndicales, ce qui met les travailleurs dans une situation de vulnérabilité extrêmement dangereuse. Du fait de cette méconnaissance des organisations syndicales et de la négociation collective, les employeurs procèdent à des licenciements collectifs. Ces dernières années, les centrales de travailleurs du Brésil n’ont eu de cesse de dénoncer les pratiques antisyndicales. Si l’on autorise les violations de la liberté syndicale et de la négociation collective dans plusieurs pays, cela peut entraîner une régression des institutions syndicales dans le monde.

Le membre travailleur de la République bolivarienne du Venezuela a dit considérer que la réforme du travail au Brésil, qui permet de négocier les droits à la baisse, constitue une régression qui entraîne l’absence de protection des travailleurs et viole la convention. Elle permet aussi la dissolution du lien d’affiliation syndicale s’agissant des travailleurs qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de sécurité sociale. De plus, cette réforme permet la création du statut de travailleur autonome exclusif, ce qui porte préjudice aux droits de liberté syndicale et de négociation collective.

Le membre employeur du Mexique a souligné que l’OIT reconnaît la convention collective comme l’un des principaux moyens d’arrêter librement et volontairement les conditions de travail et autres réglementations par l’intermédiaire des représentants désignés à cet effet. La convention collective est un instrument contraignant qui lie les parties et garantit la sécurité juridique. Malheureusement, au Brésil, avant la réforme du travail, les contrats collectifs étaient continuellement soumis à l’intervention des autorités, qui les annulaient de manière récurrente. La réforme du travail reconnaît et privilégie l’importance de la négociation collective, dans le cadre constitutionnel qui établit les droits fondamentaux inaliénables.

Le membre employeur du Guatemala a considéré que la nouvelle législation répond à la nécessité de renforcer la négociation collective, au regard des dispositions prévues par l’article 4 de la convention. Le fait que les droits des travailleurs inscrits dans la Constitution constituent le socle de la négociation est une garantie de protection large. Avant la promulgation de la nouvelle législation, une décision de la Cour constitutionnelle a expressément reconnu le rôle important de la négociation collective en tant que mécanisme visant à assurer une application correcte des normes du travail aux différents secteurs de l’économie et à la conjoncture économique. Avant la réforme, l’ingérence du gouvernement par le biais de l’annulation de clauses convenues entre les parties a été fortement critiquée et sujette à des plaintes de la part des travailleurs et employeurs brésiliens. En 2011, un important syndicat du Brésil a proposé l’adoption d’une convention collective à but spécifique, visant à assurer la primauté de la négociation collective sur la loi. La réforme permet à ceux qui ne veulent pas négocier collectivement de jouir des garanties définies par la législation; ceux qui adhèrent à cette option auront la possibilité d’adapter la législation à leur convenance et en fonction de leur situation, sans préjudice des garanties générales du travail consacrées au niveau constitutionnel.

Le membre travailleur du Chili a fait remarquer qu’à de nombreux égards, avant l’adoption de la loi no 13.467/2017, la législation brésilienne relative à la liberté syndicale constituait un exemple. Il a pris note avec préoccupation de cette loi récente qui porte réforme de la CLT et qui pourrait avoir une incidence sur le respect de la convention. Il est aussi très préoccupant que, au nom de la défense supposée de l’emploi, de l’investissement et de la croissance économique, le pays ait recours à la formule classique qui consiste à priver les travailleurs de droits, en violation des dispositions de la convention. L’orateur a rappelé que l’inégalité est le principal défi de ce siècle et peut-être de l’histoire de l’humanité et que la négociation collective, avec des acteurs syndicaux forts, peut contribuer à créer un moyen pour une croissance équitable et inclusive permettant de réduire l’inégalité. Par conséquent, la commission devrait prier instamment le gouvernement de se conformer à la convention, en revoyant les aspects de la loi no 13.467/2017 qui ne sont pas conformes à la convention et à l’objectif de promouvoir la négociation collective libre et volontaire et les objectifs de développement durable.

Le membre employeur de l’Espagne a souligné que la réforme de la législation brésilienne du travail met l’accent sur la primauté de la négociation collective sur la législation ordinaire qui, par sa rigidité, laissait avant la réforme très peu de marge de négociation aux travailleurs et aux employeurs, ce qui entraînait de nombreux conflits. La modernisation de la législation du travail a renforcé la négociation collective, conformément à la convention. Les entreprises et les travailleurs, représentés par les syndicats, pourront convenir, après les avoir négociées, de conditions de travail adaptées aux réalités propres aux secteurs, aux régions et aux entreprises. L’orateur a souligné que la loi ne rend pas obligatoire la négociation collective, laquelle se fonde sur l’autonomie et la volonté des parties.

Une observatrice représentant l’Association latino-américaine des avocats du travail a souligné la gravité du cas et son importance pour l’application effective du système de contrôle de l’OIT. Elle a insisté sur le rôle de la négociation collective en tant que mécanisme pour compenser les inégalités qui existent dans la relation entre employeur et travailleur. La nécessité de normes minimales internationales se fonde sur ce principe. Les normes internationales découlent également de processus de négociation et l’emportent sur le droit interne lorsqu’il est moins favorable aux travailleurs. La réforme de la législation brésilienne du travail qui prévoit que l’accord individuel prévaut sur la convention collective est une régression grave et inacceptable en matière de droits sociaux et a un impact sur de nombreux pays, y compris dans la région de l’Amérique latine.

Le membre employeur de l’Uruguay a fait référence à la pratique dite du «recours à la justice du travail» dans les pays de la région, qui pollue la négociation collective et la gestion des entreprises. La faiblesse du cadre juridique encourage cette pratique. La réforme de la législation du travail au Brésil tente de trouver des solutions à ces situations d’abus en conférant une sécurité à tous les acteurs sociaux sur les conséquences de ce qui a été conclu.

La membre gouvernementale de l’Egypte a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental sur les mesures adoptées pour se conformer à la convention. Saluant les efforts consentis pour renforcer sa législation du travail et stimuler la négociation collective, elle a invité le gouvernement à poursuivre son action pour respecter entièrement la convention et à se prévaloir de l’assistance technique du BIT.

Le membre employeur du Chili a estimé que la commission d’experts a rompu le cycle de présentation des rapports sans aucune explication pour procéder à une évaluation précipitée de la loi no 13.467/2017. Il est évident que l’on n’a pas laissé le temps minimum nécessaire à la loi pour évaluer ses effets de façon sérieuse et responsable. Les commentaires de la commission d’experts donnent à la convention une interprétation que son contenu n’envisage pas lorsqu’ils estiment que l’objectif général de la convention est la promotion de la négociation collective pour trouver un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation. En outre, les commentaires ne tiennent pas compte de l’ampleur et du niveau de détail des droits au travail contenus dans la Constitution ni de toutes les voies de recours à la disposition des travailleurs pour garantir leurs droits. L’article 4 de la convention ne prévoit aucune limite à la négociation collective, dans le sens où celle-ci ne devrait aboutir qu’à un accord sur des conditions de travail plus favorables que celles prévues par la législation. Tout au contraire, l’article envisage expressément la possibilité d’adopter des mesures appropriées aux conditions nationales. Dans un monde en pleine évolution et face aux nouvelles formes d’emploi, il est important que les lois protègent la liberté des parties de s’adapter aux changements et à la modernisation.

Le membre gouvernemental de l’Angola, soulignant les liens d’amitié entre les deux pays, a soutenu la déclaration du Brésil et considéré que la présentation orale de la délégation du Brésil indiquait que le gouvernement avait rempli ses obligations.

Le membre employeur de la Grèce a indiqué qu’il y a une erreur méthodologique dans les données sur le chômage et l’informalité au Brésil auxquelles il a été fait référence pendant la discussion. Cela induit la commission en erreur. Les indicateurs que l’Institut brésilien de géographie et de statistiques a publiés en mai 2018 révèlent de façon évidente que, en tenant compte du caractère saisonnier de l’activité économique, le taux de chômage du Brésil a diminué de 0,7 pour cent en 2018 par rapport à la même période en 2017, reproduisant la même tendance que celle enregistrée lors du trimestre modèle couvrant la période janvier-mars 2018. De plus, il est encore trop tôt pour évaluer la nouvelle législation puisqu’elle n’a pas encore été entièrement mise en œuvre. L’orateur a dit estimer que la réforme de la législation du travail offre des possibilités d’accroître le nombre d’emplois formels et de qualité.

Une observatrice, représentant l’Internationale des services publics (ISP), s’est également exprimée au nom de l’Internationale de l’éducation (IE), d’IndustriALL Global Union et de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). La possibilité de déroger, au moyen de la négociation collective, aux droits minimums fixés par la loi trahit l’objectif fondamental de la convention, ainsi que les conventions nos 151 et 154. La commission d’experts n’a pas eu tort d’interpréter comme elle l’a fait l’article 4 de la convention, contrairement aux affirmations du gouvernement, et ses commentaires techniques sont recevables. Le nouvel article 611A de la CLT, qui permet que les accords collectifs restreignent les droits et les protections garantis par la législation du travail, peut avoir des conséquences catastrophiques sur les travailleurs et les syndicats. Dans les secteurs aéronautique et maritime, de telles exceptions peuvent compromettre l’application des normes de sécurité propres à ces secteurs, dans le respect des protections découlant des conventions techniques de l’OIT. Les garanties qui figurent à l’article 611B de la CLT sont insuffisantes. Il est également possible que la négociation collective déroge à l’application des conventions de l’OIT. Une récente décision de la Cour supérieure du travail contredit l’affirmation selon laquelle la réforme constitue une modernisation de la législation du travail visant à renforcer les négociations et les syndicats. La Cour a récemment déclaré l’illégalité d’une grève de travailleurs du secteur pétrolier et infligé aux syndicats une amende pour chaque jour de grève. Cela crée un environnement hostile qui n’est pas propice à un dialogue social réfléchi. En décembre 2017, le Président a opposé son veto à la loi no 3831, réglementant la négociation collective dans l’administration publique, ce qui constituait un affront pour les fonctionnaires brésiliens, d’autant plus que le Brésil est partie à la convention no 151. Cette loi avait été rédigée par consensus au sein de la Chambre bipartite du gouvernement et des fonctionnaires du ministère du Travail et de l’Emploi et approuvée à l’unanimité par le Sénat fédéral et la Chambre des députés. La réforme du travail a également eu des conséquences directes sur le secteur de l’éducation, en ce qui concerne la privatisation de l’enseignement secondaire et le salaire minimum des enseignants. Contrairement à ce qu’a indiqué le membre employeur du Brésil, la loi no 13.467/2017 n’est pas le fruit de larges discussions. Les syndicats brésiliens ont simplement été informés des modifications proposées. D’après les organes de contrôle de l’OIT, il est impératif qu’il y ait des consultations franches et libres sur toute question ou projet de loi qui a une incidence sur les droits syndicaux et de négociation collective. Une réforme complète de la législation du travail, en concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux, est donc nécessaire pour mettre la législation du Brésil en conformité avec la convention.

Le représentant gouvernemental a apprécié le leadership, la fermeté et la sérénité dont le président a fait preuve en dirigeant les travaux de la commission, a remercié les pays et les orateurs qui ont soutenu le Brésil et affirmé l’importance d’améliorer le système de contrôle en vue d’une meilleure prédictibilité, d’une plus grande transparence et d’un véritable tripartisme. Le gouvernement s’est préparé au dialogue et a présenté des arguments techniques pour démontrer la totale conformité de la réforme du travail avec les normes de l’OIT. La discussion a renforcé ses convictions que le débat sur la réforme est prématuré, et l’orateur a réaffirmé ses inquiétudes à propos du mauvais usage du mécanisme pour servir d’autres desseins que le mandat et les objectifs de l’Organisation, qui doivent rester techniques, impartiaux et justes afin de préserver son efficacité et sa légitimité. Par rapport à certains points abordés lors du débat, il convient de rappeler que la réforme du travail est le fruit de nombreuses années de discussions sur les difficultés que rencontre le marché du travail brésilien en raison de failles dans la législation du travail et du mauvais fonctionnement de la justice du travail. De telles discussions se faisaient de plus en plus pressantes ces dernières années compte tenu de la vigueur de la crise économique. En 2016, le pays a connu le plus haut taux de chômage jamais enregistré depuis le début des relevés, en 1992, et une augmentation du taux de chômage de 82 pour cent depuis 2012. La crise n’est pas le fait du gouvernement, qui ne peut en être tenu responsable, mais la réforme est une partie de la solution et produit déjà des résultats. De janvier à avril 2018, plus de 310 000 emplois formels ont été créés, la plus forte hausse enregistrée ces cinq dernières années. Malgré la présentation de statistiques qui critiquent la modernisation du travail au Brésil, la comparaison du trimestre de février à avril 2018 avec la même période en 2017 révèle une diminution de 0,7 point de pourcentage du taux de chômage, confirmant la tendance déjà notée au trimestre mobile de janvier à mars 2018, où une réduction de 0,6 point de pourcentage a été enregistrée par rapport au même trimestre de 2017. L’orateur a rejeté les affirmations selon lesquelles la réforme précarise les droits. La réforme lutte contre l’informalité et les pires formes de précarité et assortit les nouvelles formes d’emploi de toutes les garanties juridiques et des droits constitutionnels, par exemple en multipliant pratiquement par huit le montant des amendes appliquées aux entreprises qui ne déclarent pas leurs salariés. En ce qui concerne l’article 444 de la CLT, l’observation de la commission d’experts n’a pas de fondement, puisque la convention ne fait pas référence aux contrats individuels. En outre, la loi no 13.467/2017 ne prévoit l’application d’une telle disposition que dans des cas exceptionnels, pour les travailleurs titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de la sécurité sociale. Cette disposition légale vise à stimuler les négociations pour mieux traiter la situation particulière de ces travailleurs, qui n’est en général pas prévue dans les conventions collectives. Alors que la précédente législation prévoyait déjà le traitement différencié de cette catégorie de travailleurs, la réforme du travail instaure une série de critères objectifs pour veiller à ce que cette disposition ne s’applique qu’aux personnes disposant d’une capacité de négociation, sans préjudice de leurs droits. La réforme n’a pas affaibli les syndicats, puisque les cotisations syndicales n’ont pas été supprimées et peuvent toujours être déduites avec l’accord du travailleur ou de l’entreprise. Afin d’encourager l’indépendance financière des organisations syndicales par rapport à l’Etat, conformément à la convention, l’obligation faite à tous les travailleurs de cotiser à un syndicat a été annulée, mais les organisations syndicales brésiliennes peuvent toujours compter sur d’autres sources de financement autorisées par la loi. Il est également faux que la réforme a eu lieu sans consultation des travailleurs, une série de débats ayant été organisée par le précédent ministre du Travail qui, en décembre 2016, a rencontré les six principales centrales syndicales et des représentants des plus grandes confédérations d’employeurs afin de discuter des propositions préparées par le ministère du Travail, qui ont été ensuite soumises au Congrès national. En 2017, au cours du processus législatif, 17 audiences publiques, 7 séminaires régionaux et plus de 40 réunions avec les parties prenantes ont eu lieu au Parlement et dans les différents Etats, ce qui a permis au projet de loi d’être approuvé par une large majorité à la Chambre des députés et ensuite au Sénat. Il y a eu 1 340 propositions d’amendements au projet de réforme du travail, un des nombres les plus élevés de toute l’histoire du Parlement brésilien. Sur les 452 amendements acceptés, 62 ont été présentés par des parlementaires de l’opposition. L’amendement no 150, qui a été accepté, prévoit, entre autres mesures liées au renforcement de la négociation collective, la possibilité de négocier collectivement la durée journalière du travail dans les limites fixées par la Constitution et la protection contre les licenciements injustifiés en cas de réduction de la durée du travail et/ou du salaire. L’auteur de l’amendement a souligné qu’il s’agissait du fruit de «la précieuse contribution de la Confédération nationale des travailleurs du commerce (CNTC)», prouvant bien la participation effective des travailleurs et l’approbation de leurs suggestions. En ce qui concerne la représentation sur le lieu de travail, il s’agit d’une demande de longue date du mouvement syndical brésilien, prévue depuis une trentaine d’années dans l’article 11 de la Constitution et réglementée par la réforme du travail, conformément aux dispositions de la convention no 135. Les représentants des travailleurs au sein de l’entreprise ne font pas concurrence aux syndicats ni à leur mission. Le nombre de conventions collectives diminue depuis 2016, ce qui laisse penser que ce phénomène est davantage lié à la crise économique qu’à la réforme du travail. De plus, la même étude indique que les représentants des travailleurs ont noté un changement qualitatif des accords conclus, ce qui atteste de l’extension de la portée de la négociation et du souci d’améliorer la représentation sur le lieu de travail. En ce qui concerne les femmes enceintes, les nouvelles règles ont été pensées pour prévenir la discrimination à l’embauche des femmes. Elles ont été rédigées par des syndicats de travailleurs de la santé et défendues par le groupe parlementaire des femmes, et elles garantissent la protection de la santé de la mère et de l’enfant. La norme réglementaire no 15 contient une définition large des lieux insalubres, qui incluent par exemple des hôpitaux et des aéroports, et la règle reste la protection des femmes enceintes. Une journée de travail de douze heures n’est permise que si elle est suivie d’un repos obligatoire de trente-six heures, ce qui, à la fin de la semaine ou du mois, représente moins d’heures de travail sans réduction de salaire. La commission d’experts a également commis une grave erreur en considérant que la loi refuse aux travailleurs contractuels indépendants la possibilité de créer des syndicats et de mener des négociations collectives. Celle-ci est prévue à l’article 511 qui traite des organisations syndicales et qui n’a pas été modifié par la nouvelle loi. L’objectif de l’article 442B est simplement de préciser conceptuellement et d’affirmer les éléments qui caractérisent la relation de travail, conformément à la recommandation no 198 de l’OIT, telle que définie par l’article 3 de la CLT que la réforme n’a pas modifié. Le représentant gouvernemental a rejeté les commentaires de la commission d’experts selon lesquels la convention devrait s’appliquer aux travailleurs autonomes, puisqu’elle ne contient pas de définition du «travailleur» aux fins de l’application de la convention et que la nouvelle législation ne modifie pas la caractérisation de l’emploi déjà présente dans la CLT. Le gouvernement a travaillé de façon constructive et dans le respect de l’intérêt commun de tous les membres de la Commission de la Conférence, et ce en dépit des déficiences de l’actuel processus. Le membre gouvernemental a réitéré son appel à tous les membres en faveur d’un effort urgent, collectif et véritablement tripartite pour réformer le système de contrôle des normes.

Les membres employeurs se sont félicités des informations détaillées fournies par le représentant gouvernemental, notamment en ce qui concerne les consultations qui ont eu lieu au sujet de la réforme du droit du travail, et sur la nature de la réforme. Certains aspects de la discussion à la commission dépassent le cadre de la discussion sur l’application de la convention. Rien ne permet de dire que le Brésil, suite à l’adoption de la réforme de la législation du travail, contrevient à ses obligations au titre de la convention. Moderniser le droit du travail peut être un processus difficile, source de changement et d’incertitude. La discussion du cas est prématurée. Au titre de l’article 4 de la convention, le gouvernement doit encourager et promouvoir la négociation volontaire de conventions collectives entre les organisations d’employeurs et de travailleurs en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. C’est dans le cadre de cette obligation que doivent être appréciées les informations fournies par le gouvernement. S’agissant de la réforme du droit du travail, un mécanisme qui fait passer les négociations collectives avant les dispositions de la loi peut être perçu comme favorisant la négociation collective en droit, en élargissant le champ de la négociation collective tout en veillant à ce que le socle des droits de la Constitution demeure garanti. Cela ne saurait constituer une violation de l’obligation de promouvoir la négociation volontaire en droit. Rien ne permet en outre de soutenir l’affirmation selon laquelle la réforme constitue une violation de la convention dans la pratique. On ne dispose d’aucune évaluation objective de l’impact de la réforme sur le marché du travail et sur la négociation collective. Des éléments de fait sont donc nécessaires pour évaluer l’impact qu’elle a eu sur la capacité des partenaires sociaux à participer à des négociations collectives. Il est également possible d’examiner la question de la relation entre les contrats de travail individuels et les négociations collectives en prenant en compte le point de vue des membres employeurs selon lequel les travailleurs disposent en outre de la liberté contractuelle et ne peuvent être liés par un accord collectif contre leur volonté. La question de la primauté d’un contrat individuel sur la législation nationale n’entre pas dans le champ d’application de la convention. D’autres points soulevés durant la discussion, comme la protection de la maternité, n’entrent pas non plus dans le cadre de la discussion. Les membres employeurs ont encouragé le gouvernement à fournir des informations sur le contenu et l’application de la réforme du droit du travail, notamment dans quelle mesure les partenaires sociaux recourent à la possibilité de négocier des accords collectifs qui priment sur la législation nationale et dans quelle mesure les travailleurs adoptent des contrats de travail individuels qui priment sur les conventions collectives. Les membres employeurs ont noté la déclaration du gouvernement selon laquelle l’avis de la commission d’experts sur les travailleurs autonomes ou indépendants est erroné. En conséquence, des informations supplémentaires sur l’effet de l’extension de la définition d’un travailleur autonome doivent être fournies par le gouvernement, ainsi que sur l’impact que cela a eu sur la capacité de ces travailleurs à représenter leurs intérêts. Les membres employeurs ont conclu en encourageant le gouvernement à conserver son attachement au respect des normes internationales du travail, en coopération et en consultation avec les organisations nationales de travailleurs et d’employeurs.

Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde déception devant les remarques du représentant du gouvernement qui a décrit les syndicats comme des instruments politiques qui n’auraient pas fait grand-chose pour faire progresser les droits des travailleurs. Le droit à la liberté syndicale est un préalable obligatoire du droit d’organisation et de négociation collective. Quant aux remarques sur la capacité de la commission d’experts à évaluer la législation brésilienne compte tenu du contexte de ce pays, il faut rappeler que les membres de la commission d’experts sont choisis par le Conseil d’administration du BIT et que ce sont d’éminents juristes venus des quatre coins du monde. Ils ont réitéré leur profond respect pour les travaux de cette commission. Pour rappel aussi, le document D.1 sur les méthodes de travail de la Commission de la Conférence a été adopté à l’unanimité et sur un mode tripartite. Les gouvernements ont toute occasion de participer à la Commission de la Conférence et d’apporter des compléments aux informations contenues dans le rapport de la commission d’experts. Il est à souligner que, comme cela fut rappelé dans les travaux préparatoires de la convention no 154, la négociation collective est un processus destiné à améliorer la protection des travailleurs garantie par la législation. Comme il est dit dans la Constitution de l’OIT, dans la Déclaration de Philadelphie, dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998 et dans la Déclaration sur la justice sociale de 2008, la négociation collective contribue à ce que soient établis des conditions de travail justes et équitables ainsi que d’autres avantages et contribue, par là, à la paix sociale. Cela ne veut pas dire qu’il faille descendre sous les seuils de la protection minimale légale. Ce principe est bien appliqué dans de nombreux systèmes juridiques. A titre d’exemple la Cour de justice de l’Union européenne a statué que les conventions collectives échappent au champ d’application de la loi de la concurrence dans la mesure où elles visent à imposer des mesures améliorant les conditions de travail et d’emploi. La Cour européenne a été jusqu’à étendre ce principe pour protéger le droit des travailleurs erronément qualifiés d’indépendants de négocier collectivement. Les membres travailleurs se sont dits vivement tracassés par l’ampleur de la réforme de structure du système de négociation collective adoptée en 2017 et par les lourdes conséquences qu’elle aura sur la reconnaissance et l’exercice du droit fondamental de négocier collectivement pour les travailleurs du pays. Lorsqu’il a entrepris cette réforme, le gouvernement n’a pas pris en compte comme il l’aurait dû les précédents commentaires formulés par la commission d’experts à cet égard. Les partenaires sociaux ont simplement été informés de ces changements permanents et d’une portée considérable, qui pourraient avoir pour conséquence l’effondrement des relations professionnelles. Un processus de réforme complète de la législation s’impose si l’on veut renverser les changements dévastateurs qui ont été apportés. Il faut que le gouvernement fasse en sorte que la législation soit en totale conformité avec l’article 4 de la convention. Il faut que soient abrogées les dispositions législatives relatives à la possibilité d’ordre général de réduire, par la voie de la négociation collective, les droits et les protections que la législation du travail donne aux travailleurs. En outre, les dispositions qui offrent la possibilité de déroger, à titre individuel, de la loi et des conventions collectives aux travailleurs titulaires d’un diplôme supérieur ou qui dépassent un niveau de revenu donné doivent être abrogées. La définition du travailleur autonome doit être révisée pour faire en sorte que les travailleurs dont le classement est erroné ne soient pas privés du droit de s’organiser et de négocier collectivement. Etant donné l’absence de consultations tripartites dignes de ce nom pendant le processus de réforme législative, les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement à associer les partenaires sociaux à d’authentiques négociations dans le cadre de l’instance tripartite nationale. A cet égard, ils ont invité le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT afin d’élaborer une feuille de route assortie d’un calendrier pour la réforme de la législation. Le gouvernement devrait aussi accepter une mission de contacts directs avant la prochaine Conférence internationale du Travail afin de pouvoir évaluer les progrès accomplis. Enfin, il est essentiel que ce cas figure dans un paragraphe spécial du rapport.

Conclusions

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

Prenant en compte le fait que la commission d’experts a examiné ce cas en dehors du cycle régulier de présentation des rapports, considérant les éléments présentés oralement par le gouvernement devant la commission concernant la réforme de la législation du travail et la conformité de celle-ci avec ses obligations au titre de la convention no 98, et la discussion qui a suivi, la commission recommande au gouvernement de:

  • - fournir des informations et une analyse sur l’application des principes de la négociation collective libre et volontaire dans la nouvelle réforme de la législation du travail; et
  • - fournir des informations sur les consultations tripartites avec les partenaires sociaux à propos de la réforme de la législation du travail.

La commission prie le gouvernement de communiquer ces informations à la commission d’experts avant sa session de novembre 2018.

Le représentant gouvernemental a noté qu’une nette majorité des membres de la commission a incontestablement exprimé des critiques envers les méthodes de travail de la commission d’experts dans le cas du Brésil. Il a prié instamment la commission d’experts et la Commission de la Conférence de bien prendre en considération ce fait important. L’examen du cas du Brésil contrevient aux principes les plus fondamentaux de régularité de la procédure. Un système qui permet ce genre de situation, sans freins et contrepoids, ne correspond pas aux buts et objectifs de l’OIT. Il ébranle aussi le nécessaire sentiment fort et partagé par les Etats Membres et les partenaires sociaux que le système devrait fonctionner de manière juste et équitable, en fonction des mérites techniques des cas. A tous ces points de vue, le système a échoué. Sa réforme s’impose d’urgence pour le bien de l’Organisation. Son gouvernement a présenté des arguments solides quant à la pertinence et à l’actualité de la modernisation de la législation du travail, qui crée de nouveaux emplois, réintègre d’importants secteurs dans l’économie formelle, préserve les droits au travail et promeut la négociation collective dans le respect total des obligations internationales du pays et, en particulier, de la convention no 98. Tout en remerciant la majorité de la commission pour son comportement digne de parlementaires, l’orateur a dit regretter que certains membres aient porté un jugement sur des questions qui sont étrangères aux travaux de la commission. C’est là un nouvel exemple de la politisation de la commission qu’on ne peut accepter. Son pays rejette toutes les attaques contre ses institutions. Au cours des deux dernières années, le Brésil a été confronté à une crise politique et une récession économique. Il a mis en œuvre d’importantes réformes économiques et du travail, adopté une législation essentielle et suscité un changement positif. La démocratie est vivante, la société est vibrante, le débat politique bat son plein, l’état de droit règne et s’impose et le pouvoir judiciaire conserve sa totale indépendance. Quant aux conclusions adoptées par les seuls partenaires sociaux, dont il vient d’être informé, elles constituent un autre exemple des méthodes de travail déficientes de la commission où le consensus tripartite fait défaut. Si l’information sur le cas était incomplète, ce n’est pas à cause d’un manque d’engagement politique de son gouvernement. C’est plutôt une question d’une réalité qui s’impose, étant donné que la réforme n’a que six mois d’existence, et que les faits ne peuvent pas et surtout ne devraient pas être manipulés. S’agissant de la mention des consultations, la discussion doit porter sur l’application de la convention no 98 et toute question se rapportant à d’autres conventions doit à l’évidence être traitée dans le respect du cycle de soumission des rapports correspondants. L’orateur a conclu en indiquant que son gouvernement examinera le texte des conclusions qui viennent tout juste de lui être remises et, le cas échéant, y répondra en temps utile.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer