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Rapport intérimaire - Rapport No. 409, Mars 2025

Cas no 3185 (Philippines) - Date de la plainte: 05-FÉVR.-16 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes font état d’une dégradation des droits du travail dans le pays, caractérisée par de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires de dirigeants et de membres de syndicats, de tentatives d’assassinat, d’arrestations et de détentions illégales, d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et de menaces à l’encontre de syndicalistes, ainsi que de répression et d’ingérence dans les affaires syndicales. Les organisations plaignantes dénoncent l’incapacité du gouvernement à enquêter de manière appropriée sur ces cas et à traduire les auteurs en justice, ce qui renforce le climat d’impunité, de violence et d’insécurité et nuit par conséquent à l’exercice des droits syndicaux

  1. 324. Le comité a examiné pour la dernière fois le présent cas, soumis initialement en février 2016, à sa réunion de mars 2024, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 405e rapport, paragr. 477-509, approuvé par le Conseil d’administration à sa 350e session.] 
  2. 325. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications datées du 16 avril 2024 et du 10 janvier 2025.
  3. 326. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 327. A sa réunion de mars 2024, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 405e rapport, paragr. 509]:
    • a) Le comité exhorte à nouveau le gouvernement à tout mettre en œuvre pour traduire en justice et condamner les auteurs des meurtres de M. Antonio «Dodong» Petalcorin, M. Emilio Rivera et M. Kagi Alimudin Lucman et, si cela n’est plus possible en raison du classement des cas concernant M. Petalcorin et M. Rivera, à engager le dialogue avec les syndicats concernés afin de garantir l’examen complet de ces cas par un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant, en vue d’envisager toute indemnisation appropriée. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
    • b) S’agissant des allégations de répression antisyndicale formulées par l’ITF, l’UMA et la NFSW-FGT en mars et juin 2021 (allégations faisant état d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations illégales, de mises en détention, d’accusations mensongères, d’intimidations, de harcèlement, d’inscriptions sur liste rouge et de menaces visant des membres et dirigeants syndicaux), le comité s’attend à nouveau fermement à ce que les enquêtes et les procédures judiciaires en cours prennent pleinement en considération tout lien direct ou indirect entre ces agissements violents et les activités syndicales des victimes et à ce que les auteurs des violences contre les syndicalistes soient identifiés et traduits en justice dès que possible, qu’il s’agisse de particuliers ou d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et de prévenir la répétition de tels agissements. Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à lui communiquer des informations à jour sur les progrès accomplis à cet égard.
    • c) Le comité exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que toutes les allégations faisant état d’assassinats et de tentatives d’assassinat formulées par le KMU en septembre 2021 fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée par un mécanisme indépendant afin d’identifier et de punir les coupables, et de fournir des informations sur toute avancée réalisée à cet égard. Constatant que le gouvernement n’a encore fourni aucune information au sujet des incidents ayant trait à l’assassinat de M. Danny Boy Bautista et de M. Reynaldo Malaborbor, le comité le prie instamment de lui fournir des précisions sur les démarches entreprises et les enquêtes effectuées pour faire la lumière sur ces affaires.
    • d) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de lui communiquer des observations détaillées et concrètes au sujet des graves allégations supplémentaires formulées par le KMU en septembre 2021, dénonçant une répression antisyndicale et une criminalisation des activités syndicales. Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que tous les cas présumés de violences physiques, d’arrestations, de détentions, de menaces et d’intimidations fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et que les auteurs de violences contre des syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, y compris lorsqu’il s’agit d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et de prévenir la répétition de tels agissements.
    • e) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de veiller à ce que toutes les poursuites pénales en instance soient abandonnées et que tous les syndicalistes placés en détention soient immédiatement libérés, s’il devait s’avérer que leur arrestation ou leur détention sont liées à l’exercice légitime de leurs droits syndicaux.
    • f) Le comité prie également à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux allégations dénonçant des pressions exercées sur des syndicalistes pour les contraindre à renoncer à leur affiliation syndicale, afin d’empêcher la répétition de tels incidents, et de veiller à ce que les grèves menées par les travailleurs, pour autant qu’elles restent pacifiques, ne donnent pas lieu à un usage disproportionné de la force par la police ou l’armée.
    • g) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à faire tout ce qui est en son pouvoir, en pleine consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, pour répondre et remédier aux allégations extrêmement graves selon lesquelles la violence et la répression syndicales s’inscrivent dans le cadre d’un programme commandité par l’État visant à réduire au silence les syndicats légitimes. Il prie également instamment le gouvernement d’intensifier encore ses efforts pour combattre la violence contre les syndicalistes en adoptant, y compris dans le cadre du Comité interinstitutionnel créé en vertu du décret-loi no 23, toutes les mesures nécessaires à cet effet, telles que la diffusion d’orientations et d’instructions claires à l’intention de tous les agents de l’État et rendre pleinement opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et d’enquête. Le comité prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard.
    • h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 328. Dans ses communications datées du 16 avril 2024 et du 10 janvier 2025, le gouvernement fournit des informations détaillées sur les questions en suspens et souligne, outre le fait qu’il a continué de coopérer avec les mécanismes de contrôle de l’OIT, sa détermination à régler les affaires en suspens conformément aux recommandations de l’OIT.
  2. 329. En ce qui concerne les meurtres d’Antonio Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin Lucman, qui étaient à l’origine du présent cas, le gouvernement souligne avoir pris toutes les mesures raisonnables et concrètes possibles pour enquêter comme il se doit sur les faits et traduire les responsables en justice. Il souligne qu’en dépit des circonstances difficiles (absence de témoins directs, non-coopération des familles des victimes à l’enquête, temps écoulé) les affaires restent suivies par les mécanismes tripartites et gouvernementaux existants. En particulier, il rappelle que les actions pénales à l’égard des accusés du meurtre de MM. Petalcorin et Rivera ont été classées par le tribunal sans préjudice de leur réouverture lorsque les accusés seront placés en détention. En juillet 2024, l’ordonnance no 23 du Comité interinstitutionnel chargé de promouvoir et de protéger la liberté syndicale et le droit des travailleurs de s’organiser (EO 23-IAC) a ordonné à la police de réexaminer et de valider les résultats de son enquête précédente, mais elle n’a été en mesure d’obtenir aucune information supplémentaire justifiant une conclusion autre que celle selon laquelle les meurtres constituaient des crimes ordinaires, dont la motivation n’était pas liée au rôle de dirigeants syndicaux des victimes. De même, d’après l’enquête de la Commission des droits de l’homme (CDH), rien n’indiquait que les meurtres commis dans ces affaires aient été liés à l’exercice de la liberté syndicale, et les efforts pour localiser et appréhender les accusés se poursuivaient. L’Organe régional tripartite de surveillance (RTMB) – Région XI a également réitéré, dans une décision d’avril 2024 (dont une copie en partie expurgée a été communiquée avec le rapport du gouvernement), sa recommandation antérieure de radier de sa liste de suivi les affaires relatives à M. Petalcorin et à M. Rivera, étant donné que les services de l’État avaient épuisé le travail d’enquête et de poursuites concernant ces affaires et que ni l’implication de l’État ni une atteinte à la liberté syndicale n’avaient été établies. Le RTMB a donc considéré que l’allégation d’absence d’enquête suffisante de la part des pouvoirs publics n’était pas exacte, mais il a également recommandé à la police d’intensifier son «opération chasse à l’homme» et ses «opérations conjointes en matière de répression de la criminalité» afin de délivrer des mandats tous les deux mois grâce au système renforcé de mandats électroniques. Concernant le meurtre de M. Lucman, le gouvernement indique que les enquêtes n’ont pas progressé en raison de l’absence de témoins directs et du départ de la famille pour un lieu non divulgué.
  3. 330. En réponse à la recommandation du comité d’ouvrir un dialogue avec les syndicats concernés afin de garantir l’examen complet de ces cas par un organe non judiciaire, le gouvernement fournit des détails sur les mécanismes existants et les moyens d’indemnisation prévus. En particulier, il indique que, par l’intermédiaire du RTMB – Région XI tripartite, il a pleinement engagé le dialogue avec les syndicats pour examiner les cas, et que l’organe national indépendant habilité par la Constitution, la CDH, a également examiné les cas. Le gouvernement précise que la CDH est compétente pour accorder une aide financière aux victimes de violations des droits de l’homme et à leurs familles et qu’en août 2023 le Conseil national tripartite pour la paix sociale (NTIPC) a adopté une résolution demandant que la CDH soit dotée d’un budget suffisant pour renforcer la capacité de celle-ci de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, y compris la liberté syndicale, en particulier s’agissant des enquêtes sur les violations et de l’octroi d’une aide financière aux victimes et à leurs familles. Le gouvernement précise aussi que la commission des réclamations, sous l’égide du ministère de la Justice, administre un programme d’indemnisation des victimes de crimes violents. En mars 2024, la CDH et le ministère de la Justice ont conclu un mémorandum visant à renforcer l’aide offerte aux victimes de violations des droits de l’homme et à leurs familles pour l’obtention d’une indemnisation, notamment par le biais d’un système d’orientation, en vertu duquel la CDH enquêtera sur les violations des droits de l’homme et orientera tous les demandeurs intéressés éligibles à une aide financière vers la Commission des réparations qui, pour sa part, facilitera l’évaluation des demandes qui lui sont renvoyées par la CDH.
  4. 331. En ce qui concerne les allégations supplémentaires de répression antisyndicale dont les plaignants ont fait part en mars, juin et septembre 2021, le gouvernement apporte des précisions sur la plupart des incidents mais se déclare à nouveau fermement opposé à l’examen de ces allégations par le comité. Selon le gouvernement, les allégations n’ont pas été étayées par les plaignants et elles procèdent de circonstances factuelles distinctes des allégations initiales et sans lien avec celles-ci, et dès lors ne constituent pas des nouvelles preuves pertinentes pour l’affaire. Le gouvernement estime que le comité n’a pas dûment pris en considération les informations par lesquelles le gouvernement a montré que les allégations ne se rapportaient pas véritablement ou raisonnablement à l’exercice de la liberté syndicale, mais étaient liées, dans bien des cas, à des litiges fonciers ou agraires. Le gouvernement soutient également que ces allégations supplémentaires ont été résolues judiciairement ou ont donné lieu à une enquête par une autorité compétente (la CDH ou le RTMB), qui n’a pas constaté de liens avec la liberté syndicale, même si une aide financière a été recommandée pour les cas de possibles violations des droits de l’homme. Il souligne que les renseignements ci-après sur les affaires en cours ou tranchées montrent que le système judiciaire est indépendant et fonctionne, et que le seul fait d’appartenir à un syndicat n’exonère pas un syndicaliste qui se livrerait à des activités criminelles de la responsabilité pénale.
  5. 332. En ce qui concerne les cas de meurtre rapportés par les plaignants, le gouvernement fournit les informations suivantes sur l’état des procédures judiciaires ou des enquêtes entreprises par la CDH et le RTMB, selon le cas:
    • - La police a recommandé le classement de l’affaire concernant le meurtre de Leonardo Escala, estimant que les preuves étaient insuffisantes pour établir l’identité des responsables, tandis que la famille et les collègues de la victime demeuraient réticents à coopérer à l’enquête. La CDH a enquêté sur l’affaire; elle a constaté une violation des droits de l’homme et a recommandé l’octroi d’une aide financière à la famille.
    • - L’enquête de la police sur l’affaire du meurtre d’Ariel Diaz a révélé que celui-ci aurait pu être motivé par un litige foncier. Une procédure pénale pour meurtre a été ouverte et un mandat d’arrêt a été émis contre des particuliers, mais en mars 2019 l’affaire a été classée par le tribunal, sans préjudice de sa réouverture lorsque les accusés seront placés en détention. En novembre 2023, la police a demandé un portrait-robot de l’accusé pour faciliter l’arrestation, mais le seul témoin oculaire était gravement malade et n’a pas pu donner les informations. Lorsque le RTMB – Région II a invité le syndicat auquel était affiliée la victime à des réunions en septembre et novembre 2023, puis mars et juin 2024 pour obtenir des informations supplémentaires, aucun de ses agents n’y a assisté. La CDH a constaté une privation arbitraire du droit à la vie de la victime, recommandé l’octroi d’une aide financière à la famille et classé l’affaire, tout en recommandant un suivi continu de la procédure pénale.
    • - L’affaire des 9 agriculteurs de Sagay («9 de Sagay») (d’Hacienda Nene Barbara) a été classée par le tribunal en attendant l’arrestation des accusés. La CDH a constaté que les victimes avaient été arbitrairement privées de leur droit à la vie et a recommandé l’octroi d’une aide financière aux familles (qui a été accordée sauf pour une victime). La CDH ne s’est pas prononcée catégoriquement sur le motif des assassinats, même si mention a été faite du droit des peuples à la terre et de l’obligation incombant à l’État de protéger le droit de réunion pacifique.
    • - Dans le cas d’Alexander Ceballos, son épouse a identifié un régisseur comme étant l’agresseur, mais n’a pas souhaité porter plainte contre ce dernier. D’après son témoignage, la police a conclu qu’un litige foncier était peut-être à l’origine du meurtre. En décembre 2018, la CDH a constaté une violation des droits de l’homme et estimé probable que la victime ait été tuée en raison de son travail de dirigeant syndical. L’identité du responsable n’ayant pu être établie à cette époque, la CDH a clos l’affaire sans préjudice de sa réouverture et a recommandé l’octroi d’une aide financière à la famille de la victime.
    • - L’affaire concernant Flora Gemola a été classée par la CDH, qui a conclu à une violation des droits de l’homme et a recommandé l’octroi d’une aide financière, laquelle a été accordée à la famille en février 2021.
    • - En octobre 2020, le RTMB – Région VI a recommandé que le cas de Ronald Manlanat soit retiré de sa liste de suivi parce que l’affaire était liée à un litige foncier et que la famille de la victime ne souhaitait pas engager de poursuites contre les auteurs de l’infraction. La CDH a constaté une violation des droits de l’homme, peut-être motivée par un litige foncier, et a recommandé l’octroi d’une aide financière à la famille en juillet 2024.
    • - Dans l’affaire du meurtre de Julius Broce Barellano, l’enquête de police a révélé que le motif possible était que la victime ait été impliquée dans un litige foncier. L’accusé (un particulier) est en détention et fait l’objet actuellement d’un procès pour meurtre. La CDH a constaté des violations des droits de l’homme et recommandé de garder à l’examen l’instruction du procès et d’envisager une mesure d’aide financière.
    • - Dans l’affaire du meurtre de Felipe Dacal-Dacal, la CDH a constaté des violations des droits de l’homme et a recommandé une aide financière. L’épouse de la victime a indiqué ne pas souhaiter porter plainte contre les agresseurs.
    • - Dans les affaires concernant le meurtre de Jose Jerry Catologo, une enquête de la CDH est en cours.
    • - En juin 2024, la CDH a constaté une violation des droits de l’homme, en particulier du droit à la vie, dans l’affaire concernant le meurtre d’Antonio Cano Arellano, mais a recommandé de classer l’affaire, les auteurs n’ayant pu être identifiés.
    • - La CDH a enquêté sur le cas présumé de menaces de mort contre Jerry Alicante en 2019, estimé qu’une violation du droit à la vie avait été commise, et classé l’affaire.
    • - Dans l’affaire concernant Paul John Dizon, la CDH a estimé que l’allégation de menaces de mort n’était pas suffisamment étayée et a classé l’affaire.
    • - Dans l’affaire concernant le meurtre de Reynaldo Malaborbor, l’épouse de la victime s’en est remise à la police de Laguna pour l’enquête en faisant savoir qu’elle ne souhaitait pas y être associée. En mars 2022, le bureau régional de la police de Calabarzon a indiqué que le suspect du meurtre avait été retrouvé mort en août 2020; l’affaire pénale a donc été classée. En mars 2021, la CDH a classé l’affaire sans préjudice de sa réouverture si de nouvelles preuves matérielles devaient être produites. Elle a estimé que, si la victime était bien affiliée à une organisation syndicale, l’hypothèse que son décès soit lié à une affaire ou un différend syndicaux n’était pas suffisamment étayée. La CDH a recommandé l’octroi d’une aide financière à l’épouse de la victime.
    • - Dans le cas du meurtre de Danny Boy Bautista, l’enquête de police a établi que le mobile du meurtre était un vol présumé. Une plainte pénale a été déposée pour meurtre, mais le procureur l’a rejetée en février 2019, et aucun témoin ne s’est présenté lorsque la police a mené une enquête plus approfondie en avril 2022, tandis que l’épouse de la victime n’a pas exprimé le souhait que la procédure soit poursuivie. La CDH a également estimé que le meurtre avait probablement été motivé par un vol, en s’appuyant sur un entretien avec l’épouse de la victime, et a déclaré le dossier clos en septembre 2019, sans préjudice qu’il soit réouvert en cas de preuve d’une responsabilité de l’État. Le RTMB – Région XI a recommandé, en décembre 2023 et en avril 2024, de radier l’affaire de sa liste de suivi, estimant que, après enquête aussi bien de l’État que de la CDH sur l’incident, il avait été conclu à l’absence de preuves permettant de rattacher la mort de la victime à une question de liberté syndicale, et à l’absence de preuves d’une responsabilité de l’État. Néanmoins, le RTMB a recommandé à la police de mener un complément d’enquête dans l’optique d’une possible réouverture du dossier.
    • - En ce qui concerne le meurtre de Dandy Miguel, la CDH a constaté une privation arbitraire du droit à la vie et, tout en relevant que la victime était un dirigeant syndical, a estimé ne pas disposer de preuves suffisantes pour établir que l’intéressé ait été ciblé ou tué en raison de son affiliation syndicale. L’affaire a été classée en mai 2022 et une aide financière a été accordée à l’épouse de la victime.
    • - En ce qui concerne l’affaire des perquisitions dans le sud de Luçon, une enquête a été diligentée pour le cas d’Emmanuel «Manny» Asuncion par une équipe d’enquête spéciale constituée en vertu de l’ordonnance administrative no 35, qui a recommandé le dépôt d’un acte d’accusation de meurtre. Une plainte pénale a été déposée contre 17 agents des forces de l’ordre impliqués dans l’incident, mais a été rejetée par un collège de procureurs en janvier 2023 (le plaignant ne s’étant pas acquitté de l’obligation de prouver l’existence d’un crime et l’identité des responsables). Une demande de réexamen a également été rejetée en août 2023. L’enquête de la CDH sur les exécutions a été classée sans suite en septembre 2022 et une aide financière a été accordée à l’épouse de la victime. Les dossiers relatifs à Puroy Dela Cruz, Randy Dela Cruz, Ariel Evangelista, Chai Lemita Evangelista, Mark Lee Bacasno, Melvin Dasigao, Abner Esto et Edward Esto ont été clos par une constatation de violation des droits de l’homme et une recommandation d’octroi d’aide financière.
  6. 333. S’agissant des cas d’arrestations et détentions illégales présumées de syndicalistes, ainsi que des accusations criminelles fabriquées de toutes pièces dont ces personnes auraient fait l’objet, le gouvernement indique ce qui suit:
    • - Les affaires pénales visant John Milton Lozande, Lindy Perocho, Roberto Lachica et Ramir Corcolon, ainsi que Joel Guillero, Leon Charito, Rolly Hernando et Kenneth Serando (membres du Teatro Obrero), ont été classées de même que celles visant Rene Manlangit et Rogelio Arquillo.
    • - L’affaire relative à Joseph Canlas, qui avait été arrêté en mars 2021, a été close en mai 2024 après son décès en détention des suites de la COVID-19. La CDH a estimé qu’il n’y avait pas eu de violation des droits de l’homme, que le mandat d’arrêt et le mandat de perquisition avaient été régulièrement délivrés et que Canlas, selon son propre témoignage, avait été bien traité et qu’il n’avait pas subi de préjudice.
    • - Les actions pénales engagées contre Marklen Maojo Maga pour possession illégale d’armes à feu et meurtre ont été rejetées par le tribunal en septembre 2022 et en juillet 2024. Les circonstances de son arrestation et de sa détention sont en cours d’enquête par la CDH pour déterminer s’il y a eu violation des droits de l’homme.
    • - Imelda Sultan a été acquittée en juillet 2024 des chefs d’accusation dont elle faisait l’objet.
    • Selon la CDH, Alfredo Omandan a été libéré en novembre 2019 et le dossier en instance devant le RTMB a été clos en l’absence de preuves concernant l’atteinte présumée à la liberté syndicale.
    • - Les dossiers en instance devant le RTMB concernant Ricky Omandam et Angelica Pavorada Regasajo ont été clos, l’atteinte présumée à la liberté syndicale n’ayant pas été étayée. Par ailleurs, Ricky Omandam a confirmé qu’il s’était rendu volontairement aux autorités et n’avait pas porté plainte au sujet de son arrestation supposée.
    • - En octobre et novembre 2023 et en septembre 2024, le RTMB – Région X a recommandé la radiation des cas de Julie Belvastamen, Susanu Aguaron, Ariel Ronido et Edgardo Andales, estimant ne pas disposer de preuves suffisantes pour établir que ces cas étaient imputables à des actes ayant pour but de réprimer la liberté syndicale et le droit d’association ou en rapport avec l’affiliation syndicale des victimes. Julie Belvastamen et Susanu Aguaron n’ont pu être localisées pour être interrogées par la CDH.
    • - Dennise Velasco a été libérée après qu’un tribunal ait fait droit à sa demande d’annulation du mandat de perquisition la concernant. Selon l’enquête de la CDH, l’arrestation pourrait avoir été contraire aux droits de l’homme. La CDH a donc recommandé un suivi continu de l’affaire devant les tribunaux et l’octroi d’une aide financière.
    • - Dans l’affaire concernant l’arrestation illégale présumée sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces à l’encontre de Rowena Rosales et d’Oliver Rosales, la CDH a diligenté une enquête, mais les intéressés n’ont pas fait preuve de coopération pendant celle-ci. Il a donc été difficile pour la CDH de déterminer si une violation des droits de l’homme s’était produite, raison pour laquelle elle a classé l’affaire en mai 2024.
    • - Les procédures pénales visant Gaspar Davao, Danilo Tabura, Juan Alexander Reyes, ainsi que Buenvinido Ducay, Carlo Apurado et Reynaldo Saura (membres du Teatro Obrero) sont en cours d’instance. Dans une autre affaire concernant un mineur (nom non divulgué) qui avait été placé dans un programme d’intervention, le tribunal a ordonné que la mesure soit levée.
    • - Les procédures pénales visant Romina Astudillo, Mark Ryan Cruz et Jaymie Gregorio sont en cours d’instance et la CDH poursuit son enquête concernant ces incidents.
    • - Dans l’affaire concernant Arnedo «Nedo» Lagunias, sa demande de libération de l’intéressé est en cours d’instance depuis octobre 2024. L’affaire a été renvoyée au RTMB pour faire valider et pour recueillir divers éléments.
    • Les affaires concernant Steve Mendoza et Elizabeth Camoral sont en instance. Elles ont été renvoyées au RTMB pour validation et pour recueillir divers éléments.
    • - La procédure visant Eugene Eugenio a été renvoyée pour décision au tribunal, qui doit se prononcer.
    • - Les procédures diligentées contre Ricky Cañete pour meurtre et tentative de meurtre sont en cours d’instance.
    • - L’arrestation illégale et les fausses accusations dont Ramon Rescovilla aurait fait l’objet ont donné lieu à une enquête de la CHR, mais le gouvernement n’est pas en mesure de communiquer des informations sur les résultats de cette enquête, la victime ayant refusé que les informations issues de l’entretien soient divulguées à des services ou des parties autres que le ministère du Travail et de l’Emploi. Les actions pénales dont cette personne est l’objet pour meurtre présumé d’un militaire en janvier 2020 et possession illégale d’une arme à feu, d’un engin explosif et de munitions réelles, sont en cours.
    • - D’après un rapport de police de mai 2024, Jose Bernardino est visé actuellement par une procédure (pour rébellion), tandis qu’une autre procédure à son égard a été classée et qu’il a été acquitté dans une autre affaire.
    • - En ce qui concerne les allégations relatives à la fouille du domicile de la fille de Joel Demate, selon un entretien avec un représentant du KMU, il pourrait s’agir d’une erreur d’écriture, et l’incident pourrait concerner la fouille du domicile de Demate lui-même et non de sa fille. Cela a été confirmé par le Groupe des enquêtes pénales et de lutte contre la criminalité de la région de la capitale nationale de la police nationale des Philippines (CIDG-NCR) et il a été précisé que la police avait strictement respecté les règles et la jurisprudence en vigueur dans l’exécution du mandat de perquisition. Le tribunal de première instance et la cour d’appel ont tous deux confirmé la validité du mandat de perquisition. La question est en cours d’instance devant la Cour suprême.
    • - L’action diligentée contre Florentino Pol Viuya pour possession illégale d’armes à feu est en cours d’instance et l’accusé a été libéré pour la durée du procès. La CDH a mené sa propre enquête et estimé que l’allégation selon laquelle la police avait dissimulé les armes à feu était sérieuse, mais qu’aucune preuve ne permettait de l’étayer. Le mandat d’arrêt a été délivré par une autorité compétente, et les droits de l’accusé à une procédure régulière et à la protection contre la détention arbitraire et les perquisitions et saisies illégales ont été respectés tout au long de la procédure.
    • - Edilberto Sangga a été condamné pour avoir enfreint l’interdiction de port d’arme en période d’élections.
    • Le cas d’Eugene Garcia a été suivi par le RTMB, mais un représentant du KMU a indiqué ne pas avoir eu connaissance de l’arrestation présumée de l’intéressé.
    • - Selon la CDH, l’identité des six femmes membres de l’OGYON et les circonstances de leur arrestation n’ont pas été établies avec certitude. Leur dossier au RTMB – Région X a également été clos, car les allégations étaient trop vagues pour permettre un examen au fond (les noms des femmes n’ont pas été indiqués).
  7. 334. En ce qui concerne les allégations supplémentaires d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et de menaces à l’encontre de syndicalistes, le gouvernement fournit les informations suivantes:
    • - L’affaire judiciaire visant Teddy Canillo a été classée.
    • - L’affaire judiciaire visant Ariel Casilao a été classée en septembre 2023, et la CDH a également considéré que l’affaire était close. De même, le RTMB – Région III a adopté en septembre 2024 une décision recommandant de radier l’affaire de sa liste de suivi tripartite dans la mesure où les faits entourant le dépôt de la plainte pénale ne présentaient aucun lien avec l’exercice du droit syndical et où le tribunal avait rejeté la plainte pénale pour usurpation d’autorité.
    • - Marilyn Hernandez, Carlos Sañosa, Jun Delos Reyes, Roberto Hernandez et Josefina Castillano ont saisi la CDH d’une plainte concernant leur arrestation en 2017. La CDH a constaté que les intéressés étaient membres d’une organisation populaire assurant une assistance humanitaire à des civils touchés par un conflit armé. Concernant cet aspect et les poursuites pénales engagées contre ces personnes pour tentative de meurtre, la CDH a tranché qu’elles avaient été arrêtées et placées en détention abusivement. La CDH a donc recommandé de leur accorder une aide financière. L’affaire est à présent close.
    • - L’enquête sur les visites présumées d’agents de l’État concernant 35 syndicalistes de l’Union des travailleurs-NAFLU-KMU de Nexperia Philippines Inc. est en cours. La CDH a indiqué avoir mis un conseil à la disposition des membres du syndicat et a recommandé de classer l’affaire.
    • - La CDH a enquêté sur place au sujet de l’incident concernant le président de l’OLALIA-KMU, Hermenigildo «Hermie» Marasigan, et a constaté qu’il n’y avait aucune preuve que le syndicaliste ait été harcelé, menacé ou placé sur liste rouge. Elle a donc classé l’affaire sans préjudice de sa réouverture si de nouvelles preuves convaincantes et matérielles devaient être produites.
    • - La CDH a clos le cas de Guillermo «Ka Gimo» Hernandez sans recommander aucune aide financière, la violation présumée des droits de l’homme n’ayant pas été prouvée.
    • - Bien que le président de l’Union des travailleurs d’Alcophil-Association des organisations syndicales authentiques-KMU, Eliseo Taping, ait indiqué qu’une plainte avait été déposée à la CDH et qu’il communiquerait les documents pertinents au RTMB, aucun élément n’indique qu’une affaire soit en instance devant la CDH. Par ailleurs, il a indiqué qu’il occupait un nouvel emploi et que les rondes de véhicules avaient cessé dans cette zone.
    • - Dans certains cas, les plaignants n’ont pas apporté les autres précisions demandées par le RTMB – Région VI, ce qui a entravé l’action des autorités pour recueillir des informations, valider les allégations, exercer un suivi et prendre les mesures appropriées (cas concernant Theresa Aloquina, Dingding, Rebecca Bucabal, Tioliza Iwayan, Arjie Marangga, Susan Pabalate, les membres du Pakigdaet sa Kalambuan (PSK-NFSW), les membres de la PAMALAKAYA et de la NFSW-FGT, Grace Parreno, Anilyn Serrondo, Chen-Chen Serrondo, Joenel Timplado, Eulando Seroondo, l’UMA-Isabela et les 113 agriculteurs de 28 associations d’agriculteurs).
    • - Esperidion Cabaltera, Richard Genabe et Ronald Rosales (responsables syndicaux du Syndicat des travailleurs de l’exploitation Musahamat (MWLU)) n’ont pas été enlevés mais ont accepté d’eux-mêmes une invitation de l’armée à dialoguer et ont ensuite démissionné de leur plein gré de l’entreprise et donc du syndicat. Selon le RTMB – Région XI, ils ont signé un document écrit indiquant qu’ils ne souhaitaient pas porter plainte. Le cas concernant Hasil Delima a été dénoncé par l’intéressé lui-même.
    • - L’affaire relative à Godfrey Palahang dont le RTMB était saisi a été close, les incidents ne constituant pas une violation de la liberté syndicale, et Palahang ayant contesté les allégations soumises par les plaignants. La CDH a indiqué pour sa part qu’elle ne se saisirait pas de l’affaire concernant son arrestation supposée.
    • - Pour ce qui est de l’affaire relative au syndicat Nagkakaisang Manggagawa ng Supreme (NMS-NAFLU-KMU), qui concernait des allégations d’ingérence dans les activités syndicales, le président et le trésorier du syndicat ont communiqué une déclaration écrite indiquant qu’un vote avait été organisé pour se désaffilier de la NAFLU-KMU et que la procédure s’était déroulée sans incident. La CDH n’a pas pu prouver le bien-fondé des allégations selon lesquelles des membres du syndicat auraient été harcelés ou inscrits sur liste rouge par la police et a clos l’affaire en février 2024.
    • - Dans l’affaire relative au Syndicat des travailleurs progressistes de Wyeth Philippines–Alliance du médicament et de l’industrie alimentaire-KMU, le président du syndicat local a indiqué au ministère du Travail et de l’Emploi que ni lui ni les membres de son syndicat n’avaient subi une quelconque forme de harcèlement et que la visite de l’équipe spéciale «Ugnay» n’avait consisté qu’en une conversation pacifique. En août 2023, la CDH a prononcé la clôture de l’affaire en l’absence de preuves que des violations des droits de l’homme avaient été commises. Si une lettre a été adressée au KMU pour l’inviter à donner d’autres précisions, celle-ci est restée sans réponse.
    • - Jose Rex Escapalao a été condamné pour acquisition ou possession illégale d’armes à feu et de munitions.
    • - Les affaires concernant Celso Gonzales, Celso Salgado, Ernesto Tilacas et Noel Zaragosa (membres du Syndicat des travailleurs de l’hacienda San Herman-NFSW), ainsi que celles concernant les membres de l’Association des agriculteurs et travailleurs agricoles de l’Aidsisa (AFFWA-NFSW) ont été rattachées à un litige foncier.
  8. 335. En ce qui concerne les allégations supplémentaires de dispersion violente de grèves, le gouvernement indique ce qui suit:
    • - Le Bureau du médiateur a rendu en février 2018 une décision commune rejetant les plaintes pénales et administratives contre le policer présumé avoir été impliqué dans la dispersion de la grève des travailleurs du Syndicat des travailleurs de Shin Sun (SSWU) en juin 2017. L’affaire a été renvoyée à la CDH pour enquête, qui a pris contact avec le KMU pour obtenir des renseignements mais n’a pas obtenu de réponse.
    • - Le RTMB – Région III a publié, concernant la grève d’avril 2018 du Syndicat des travailleurs de NutriAsia, au cours de laquelle un travailleur a été licencié et 23 autres ont été arrêtés, une décision dénonçant la dispersion violente des grévistes et des piquets de grève et invitant la police à respecter strictement les consignes en vigueur pour le maintien de l’ordre. En ce qui concerne les travailleurs arrêtés, le tribunal de première instance a rejeté les accusations d’agression directe en juillet 2021, mais pour ce qui est des accusations distinctes d’agression directe visant Jessi Villa Castin, Francis Estrella, Ronald Gillego et Memie Bancat, le tribunal a déclaré ces personnes coupables du délit moins grave de résistance et de désobéissance et les a condamnés à une amende de 2 000 pesos. La grève a été déclarée illégale aussi bien par la section régionale d’arbitrage no III de la Commission nationale des relations professionnelles en août 2019 que par la cour d’appel en août 2020.
  9. 336. En ce qui concerne les autres allégations de caractère plus général, le gouvernement conteste fermement les allégations d’absence d’état de droit et de manque d’indépendance de la justice, et l’idée selon laquelle le ministère du Travail et de l’Emploi transmettrait des informations sur les membres de syndicats au gouvernement pour l’aider dans ses activités anti-insurrectionnelles. Il indique également que la Cour suprême a estimé que la loi antiterroriste n’était pas inconstitutionnelle en soi, mais a jugé inconstitutionnels, dans cette loi, le paragraphe 2 de l’article 25, les deuxième et troisième modes de désignation et la condition prévue à l’article 4. Le gouvernement précise qu’il existe trois niveaux d’enquête par le ministère de la Justice, l’Agence nationale de coordination du renseignement et le Conseil antiterroriste, avant qu’un groupe de personnes, une organisation ou une association ne soit désigné comme terroriste, et que dès lors aucune entité ne peut être désignée arbitrairement comme terroriste. En décembre 2023, la Cour suprême a publié des règles concernant la loi antiterroriste, qui prévoient un recours judiciaire contre les désignations émanant du Conseil antiterroriste et les ordonnances de gel du Conseil de lutte contre le blanchiment d’argent, sans préjudice de l’existence d’autres recours, dont les recours en habeas corpus, en amparo ou en habeas data. Le gouvernement indique en outre qu’en avril 2024 le Conseil antiterroriste a déclaré être seul et exclusivement habilité à désigner des individus ou des groupes comme terroristes en vertu de la loi antiterroriste. Le Conseil antiterroriste a également demandé à tous ses membres de lui signaler les cas de non-respect des procédures et directives concernant la désignation comme terroriste, les désignations non autorisées ou d’autres questions connexes. Le gouvernement indique également que des projets de loi visant à définir et réprimer l’inscription sur liste rouge sont en cours d’instance au Congrès, et que, dans l’intervalle, la Cour suprême a déclaré, en juillet 2023, que l’inscription sur liste rouge, le dénigrement, la diffamation et la culpabilité par association représentaient des menaces pour le droit des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité et pouvaient justifier la délivrance d’une ordonnance d’amparo. En ce qui concerne les allégations d’inscription sur liste rouge de membres du KMU, le gouvernement soutient que le KMU n’a pas indiqué s’il s’était prévalu de l’un des recours mentionnés et s’est borné à alléguer que le gouvernement lui avait arbitrairement refusé tout recours.
  10. 337. Le gouvernement indique en conclusion que les stratégies identifiées dans la feuille de route adoptée par le NTIPC en août 2023 comprennent la promotion d’une interprétation commune des principes de la liberté syndicale entre les autorités publiques concernées et les partenaires sectoriels, le renforcement et la capacitation des organes de contrôle tripartites existants et la promotion de partenariats institutionnels visant à promouvoir la liberté syndicale. Le gouvernement mentionne plusieurs activités de renforcement des capacités, dialogues et autres mesures prises à cet effet, notamment l’approbation par le NTIPC des directives générales de 2024 sur l’exercice de la liberté syndicale et des libertés civiles, élaborées par un groupe de travail tripartite. Il indique également que le ministère du Travail et de l’Emploi a entrepris de réviser la structure des mécanismes tripartites dans le contexte de la proposition du secteur du travail de créer une commission de contrôle au sein du NTIPC pour suivre l’exécution de la feuille de route. Le gouvernement déclare avoir utilisé l’ensemble de ses mécanismes pour valider les signalements de violations et prendre les mesures légales appropriées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 338. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations de détérioration de la situation des droits du travail dans le pays, caractérisée par de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires de dirigeants et de membres syndicaux, de tentatives d’assassinat, d’arrestations et de détentions illégales, d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et de menaces à l’encontre de syndicalistes, ainsi que des allégations de répression syndicale et d’ingérence dans les affaires syndicales, et l’incapacité du gouvernement à enquêter de manière appropriée sur ces cas et à traduire les auteurs en justice, ce qui renforce le climat d’impunité, de violence et d’insécurité et nuit par conséquent à l’exercice des droits syndicaux.
  2. 339. En ce qui concerne les affaires pénales relatives aux meurtres d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin Lucman, à l’origine du présent cas (recommandation a)), le comité rappelle que ces syndicalistes étaient des dirigeants de la Confédération nationale des syndicats de travailleurs des transports des Philippines (NCTU) ou d’organisations locales affiliées à celle-ci et que les plaignants ont allégué que leurs meurtres, survenus en 2013, avaient été motivés par leur affiliation syndicale et leurs activités de lutte contre la corruption. Le comité rappelle également que le gouvernement a indiqué auparavant que les affaires concernant MM. Petalcorin et Rivera avaient été closes sans préjudice de leur réouverture si des éléments nouveaux se faisaient jour. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que, si la police a mené une nouvelle enquête sur ces meurtres en juillet 2024, elle n’a pas pu obtenir d’éléments démontrant que les incidents étaient liés à un mobile antisyndical et que la CDH et le RTMB étaient parvenus à des conclusions analogues, estimant que les institutions publiques avaient épuisé le travail d’enquête et de poursuites concernant ces affaires. Il prend également note des éléments transmis par le gouvernement selon lesquels les enquêtes sur l’affaire concernant M. Lucman n’ont pas progressé en raison de l’absence de témoins directs. Tout en observant avec regret que, douze ans après les incidents, aucun progrès véritable ne semble avoir été fait, dans aucun des trois cas, pour ce qui est de traduire les responsables en justice, le comité prend bonne note des indications du gouvernement selon lesquelles ces affaires continuent de faire l’objet d’un suivi de la part des mécanismes tripartites et gouvernementaux existants malgré les circonstances difficiles (temps écoulé, absence de témoins directs, absence de coopération des familles des victimes, suspects toujours en fuite). Observant en outre que ni la police ni les mécanismes compétents n’ont pu établir que les meurtres des trois dirigeants syndicaux étaient liés à un mobile antisyndical, mais rappelant que, selon les plaignants, les meurtres étaient liés à leurs activités syndicales, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès accompli, s’agissant notamment de redoubler d’efforts pour exécuter les mandats d’arrêt délivrés, comme l’a recommandé le RTMB. À la lumière des éléments fournis par le gouvernement sur l’examen de ces cas par des mécanismes non judiciaires et tripartites et sur les moyens d’indemnisation existants, le comité prie le gouvernement d’indiquer si des mesures concrètes ont été prises pour permettre une indemnisation adéquate des familles des victimes dans ces affaires.
  3. 340. En ce qui concerne les allégations supplémentaires communiquées par les plaignants en 2021, le comité rappelle qu’elles se réfèrent à une politique de répression et de criminalisation des syndicats qui, selon les plaignants, s’est traduite dans la pratique par de graves violations des droits humains et syndicaux, dont de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes et de dirigeants syndicaux depuis 2016, des arrestations illégales, des mises en détention et de fausses accusations criminelles concernant des travailleurs, des militants des droits de l’homme et des syndicalistes, ainsi que de nombreux cas d’intimidation, de harcèlement, d’inscription sur liste rouge et de menaces contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux, dont la plupart, selon les plaignants, se caractérisent par un certain degré d’implication d’agents de l’État, en particulier des membres de la police, des forces armées ou d’autres organisations sous leur contrôle. Le comité note que le gouvernement est fermement opposé à l’examen de ces allégations par le comité, faisant valoir qu’elles procèdent de circonstances factuelles distinctes des allégations initiales et sans lien avec celles-ci, n’ont pas été étayées suffisamment par les requérants et ont été résolues judiciairement ou ont donné lieu à une enquête par une autorité compétente. En outre, le gouvernement estime que le comité n’a pas dûment pris en considération les informations fournies auparavant par lui et montrant que les allégations ne se rapportaient pas véritablement à la liberté syndicale, que nombre d’entre elles concernaient des litiges fonciers et que, dans certains cas, les victimes elles-mêmes ou leurs organisations ont contesté ces allégations. S’il prend note de ces assertions, le comité souhaite rappeler à nouveau qu’il entre dans son mandat d’examiner si, et dans quelle mesure, des preuves sont présentées pour étayer les allégations. Cette appréciation porte sur le fond de l’affaire et ne saurait fonder une décision d’irrecevabilité. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 14.] Qui plus est, il n’est pas toujours facile, voire même possible, d’étayer de preuves certains types d’allégations. L’important est l’acceptation des preuves présentées (ceci a lieu au moment où le comité examine le cas) et que l’existence d’un intérêt direct à l’affaire soit avérée, en l’occurrence lorsque les organisations plaignantes font état d’une atteinte à la liberté syndicale plus ou moins générale. En outre, le comité a, en diverses occasions, décidé de regrouper des allégations de nature semblable concernant le même pays en un seul cas, lorsqu’il a estimé que cela permettrait un examen global des allégations qui lui étaient présentées.
  4. 341. En ce qui concerne le fond des allégations supplémentaires, le comité note que le gouvernement présente des informations détaillées au sujet des nombreux cas de meurtres et de tentatives de meurtre signalés par les plaignants (recommandations b) et c)). En particulier, il note que, dans la plupart des cas, l’enquête de la CDH a conclu à une violation des droits de l’homme (privation arbitraire de la vie) et a recommandé l’octroi d’une aide financière aux familles des victimes, sans qu’un lien soit nécessairement constaté avec la liberté syndicale (Leonardo Escala, Ariel Diaz, les «9 de Sagay», Flora Gemola, Ronald Manlanat, Felipe Dacal-Dacal, Antonio Cano Arellano, Jerry Alicante, Dandy Miguel, Puroy Dela Cruz, Randy Dela Cruz, Ariel Evangelista, Chai Lemita Evangelista, Mark Lee Bacasno, Melvin Dasigao, Abner Esto, Edward Esto, Reynaldo Malaborbor, Danny «Boy» Bautista et Emmanuel «Manny» Asuncion). Le comité note également, d’après les renseignements communiqués, que les RTMB compétents ont recommandé le retrait de ces cas de leur liste de suivi en raison de l’absence de preuve suffisante pour établir que les meurtres avaient été motivés par l’appartenance à un syndicat ou résultaient d’une implication de l’État, et qu’il n’avait pas été engagé de poursuites judiciaires pour ces affaires (la famille ayant renoncé aux poursuites) ou que la plainte avait été rejetée, ou que l’affaire avait été classée pour diverses raisons (manque de preuves, identité incertaine de l’auteur, accusé en fuite ou décédé, réticence de la famille de la victime à coopérer). Le comité note en outre que: i) dans le cas d’Alexander Ceballos, la police a conclu que le motif possible à l’origine du meurtre tenait à un litige foncier, tandis que la CDH a constaté une violation des droits de l’homme et jugé probable que la victime ait été tuée en raison de son action comme dirigeant syndical; ii) dans le cas du meurtre de Paul John Dizon, la CDH avait manqué de preuve pour étayer les menaces de mort dont il aurait fait l’objet; et iii) le cas de Jose Jerry Catologo est en cours d’enquête par la CDH et celui de Julius Broce Barellano est en cours d’instance.
  5. 342. Le comité croit comprendre de ce qui précède que, si les procédures judiciaires relatives à ces cas, lorsqu’elles ont été engagées, n’ont pas encore permis des poursuites efficaces contre les suspects, la CDH a, le plus souvent, constaté une violation du droit à la vie et recommandé l’octroi d’une aide financière aux familles des victimes, même si elle n’a pas été en mesure d’établir de lien avec la liberté syndicale. Notant que le gouvernement indique à cet égard que les autorités compétentes sont disposées à rouvrir les dossiers classés si de nouvelles preuves étaient découvertes ou si les suspects étaient appréhendés, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de l’informer de toute mesure prise pour rouvrir le cas d’Alexander Ceballos ou reprendre l’enquête connexe, après que la CDH a constaté que ses activités syndicales pourraient avoir été le motif de son assassinat. Notant, en outre, qu’un cas est en cours d’instance, et qu’un autre est en cours d’enquête par la CDH, le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement fasse de ces procédures une priorité et veille à ce que le lien possible avec la liberté syndicale soit dûment pris en considération. Enfin, rappelant que le droit à la vie est un préalable fondamental à l’exercice de la liberté syndicale et que les assassinats de nombreux syndicalistes, qu’il s’avère ou non par la suite que le motif en était l’affiliation syndicale, créent un climat de peur qui a un effet extrêmement préjudiciable sur l’exercice légitime des droits syndicaux, le comité prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour lutter contre la violence à l’égard des syndicalistes, notamment en concevant et en appliquant toute mesure nécessaire à cet effet, notamment des orientations et instructions précises à l’intention de tous les agents de l’État et une formation pour les fonctionnaires concernés sur la gestion des situations impliquant des syndicats ainsi qu’en donnant plein effet aux mécanismes nationaux de contrôle et d’enquête et à toute autre mesure appropriée, y compris dans le cadre de la feuille de route de 2023 (évoquée plus loin).
  6. 343. En ce qui concerne les allégations supplémentaires faisant état de nombreux cas d’arrestations illégales et de détention et le fait que des syndicalistes soient visés par des accusations pénales fabriquées de toutes pièces (recommandations b), d) et e)), le comité prend note des éléments détaillés communiqués par le gouvernement. S’il note en particulier que les actions en justice visant certains syndicalistes ont abouti à un rejet de la plainte ou à un classement de l’affaire, ou que les syndicalistes accusés ont été acquittés, le comité regrette d’observer qu’un syndicaliste a été condamné pour n’avoir pas respecté une interdiction de port d’arme et que des procédures pénales sont toujours en cours à divers stades contre plusieurs autres syndicalistes (Ricky Cañete, Gaspar Davao, Danilo Tabura, Buenvinido Duca, Carlo Apurado, Reynaldo Saura, Romina Astudillo, Mark Ryan Cruz, Jamie Gregorio, Juan Alexander Reyes, Ramon Rescovilla, Jose Bernardino, Joel Demate, Dennise Velasco, Arnedo «Nedo» Lagunias, Steve Mendoza, Elizabeth Camoral, Eugene Eugenio et Florentino Pol Viuya). Le comité note en outre que la plupart des cas susmentionnés, qui avaient été renvoyés au RTMB ou à la CDH à des fins de suivi ou d’enquête, ont donné lieu à un classement ou une recommandation de radiation, soit parce que les entités n’ont pas été en mesure d’établir un lien manifeste entre les faits et l’exercice de la liberté syndicale, soit parce que la preuve manquait pour pouvoir évaluer l’existence d’un tel lien, tandis qu’une enquête de ces entités est toujours en cours pour quelques cas (Ramir Corcolon, Marklen Maojo Maga, Romina Astudillo, Mark Ryan Cruz, Jamie Gregoria, Arnedo «Nedo» Lagunia, Steve Mendoza et Elizabeth Camoral). Rappelant à cet égard que les mesures d’arrestation de syndicalistes et de dirigeants d’organisations d’employeurs peuvent créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales [voir Compilation, paragr. 126], le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que toutes les poursuites pénales en instance soient abandonnées et que tous les syndicalistes placés en détention soient immédiatement libérés, s’il devait s’avérer que leur arrestation ou leur détention était liée à l’exercice légitime de leurs droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant les poursuites pénales en instance, ainsi que les enquêtes diligentées par le RTMB et la CDH. Observant également qu’aucune information n’a été fournie sur l’arrestation précédemment dénoncée d’Ireneo Atadero et d’Aiza Gamao (tous deux arrêtés pour possession illégale présumée d’armes à feu) et sur l’enquête relative à la tentative de perquisition du domicile de Ricky Chavez, le comité prie le gouvernement de lui communiquer tout renseignement actualisé utile à cet égard.
  7. 344. En ce qui concerne les allégations d’intimidation et d’inscription sur liste rouge, le comité rappelle que cela recouvre, d’une part, des allégations de criminalisation institutionnelle, de répression et de dénigrement des activités syndicales et d’inscription sur liste rouge de syndicats comme organisations terroristes et, d’autre part, des cas graves concrets de harcèlement, d’intimidation et d’inscription sur liste rouge (recommandations b) et d)). En ce qui concerne les allégations plus générales, le comité note que le gouvernement conteste fermement les allégations d’absence d’état de droit et d’enquêtes indépendantes de la justice et l’idée selon laquelle le ministère du Travail et de l’Emploi transmettrait des informations sur les membres de syndicats pour soutenir l’action anti-insurrectionnelle. Le gouvernement ajoute qu’il existe trois niveaux d’enquête avant qu’un individu ou une association puissent être désignés par la justice comme terroriste, ce qui, selon lui, permet d’éviter les désignations arbitraires ou erronées, et que la Cour suprême a déclaré, en juillet 2023, que l’inscription sur liste rouge, le dénigrement, la diffamation et la culpabilité par association représentaient des menaces pour le droit des personne à la vie, à la liberté et à la sécurité et pouvaient justifier la délivrance d’une ordonnance d’amparo. À cet égard, le comité note également, d’après les éléments communiqués par le gouvernement et d’après les précédents examens de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, que, à la suite de la décision de 2021 de la Cour suprême qui a invalidé deux dispositions de la loi antiterroriste, le terrorisme, tel que défini à l’article 4, n’inclut pas les activités de plaidoyer, de protestation, de dissidence, d’arrêt de travail, d’action industrielle ou de masse, et d’autres exercices similaires des droits civils et politiques. Accueillant également favorablement d’autres mesures signalées par le gouvernement – notamment l’adoption par la Cour suprême des règles relatives à la loi antiterroriste prévoyant un recours judiciaire permettant de contester la désignation comme terroriste et les ordonnances de gel, les instructions données aux membres du Conseil antiterroriste de signaler les cas de désignation illégitime ou d’autres cas de non-respect des directives et procédures applicables, et les initiatives législatives visant à définir et à sanctionner l’inscription sur liste rouge –, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que la loi antiterroriste ne soit pas appliquée d’une façon restrictive pour les activités syndicales légitimes et les libertés civiles connexes. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard, y compris de toute autre mesure qui serait envisagée ou prise afin de remédier à la politique de répression, de diffamation et de dénigrement des syndicats dont font état les plaignants.
  8. 345. S’agissant des cas spécifiques de harcèlement, d’intimidation et d’inscription sur liste rouge dénoncés par les plaignants, le comité note qu’il est indiqué par le gouvernement que: i) certains cas étaient liés à des litiges fonciers; ii) dans plusieurs cas, le RTMB ou la CDH ne disposaient pas des éléments d’information nécessaires pour enquêter convenablement sur ces cas; iii) dans plusieurs cas, les allégations ont été contestées par les personnes concernées ou leurs organisations, ou elles ont renoncé à porter plainte; les cas ont donc été déclarés clos par le RTMB ou la CDH; iv) la CDH a aussi clos un certain nombre de cas faute d’avoir constaté une violation des droits de l’homme ou un lien avec la liberté syndicale; v) les plaintes visant plusieurs syndicalistes ont été rejetées ou l’affaire a été classée; vi) Jose Rex Escapalao a été condamné pour acquisition ou possession illégale d’armes à feu et de munitions; vii) l’enquête sur le cas du Syndicat des travailleurs de Nexperia Philippines Inc.-NAFLU-KMU est en cours; et viii) en ce qui concerne l’arrestation de Marilyn Hernandez, Carlos Sañosa, Jun Delos Reyes, Roberto Hernandez et Josefina Castillano, la CDH a constaté que ces personnes étaient membres d’une organisation populaire assurant une aide humanitaire aux civils touchés par le conflit armé et avaient été arrêtées et placées en détention abusivement; elle a donc recommandé l’octroi d’une aide financière de 10 000 pesos philippins à chacune. Tout en prenant note de ces éléments, y compris de l’affirmation répétée du gouvernement selon laquelle nombre d’incidents étaient liés à des litiges fonciers ou le lien avec la liberté syndicale n’était pas établi, le comité se doit de rappeler la gravité des allégations rapportées par les plaignants concernant un grand nombre de syndicalistes et l’effet extrêmement préjudiciable que ces cas auraient eu pour l’exercice légitime des droits syndicaux dans le pays. Il rappelle à cet égard que le fait d’assimiler purement et simplement les syndicats à un mouvement d’insurrection a pour effet de les stigmatiser et place souvent les dirigeants syndicaux et les syndicalistes dans une situation d’extrême insécurité [voir Compilation, paragr. 93], et que les actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard de membres et de dirigeants syndicaux créent un climat empêchant le déroulement normal des activités syndicales. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de l’enquête en cours et de toute mesure prise concrètement pour répondre aux préoccupations maintes fois exprimées par les requérants, tant en ce qui concerne l’inscription sur liste rouge que les actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard de syndicalistes. Il invite également les plaignants à communiquer aux autorités compétentes toute information pertinente en leur possession susceptible de permettre aux autorités d’enquêter de manière approfondie sur les cas pour lesquels le gouvernement a indiqué que le RTMB ou la CDH ne disposaient pas d’éléments suffisants (voir plus haut).
  9. 346. Le comité observe en outre que le gouvernement n’a pas communiqué d’informations sur les cas suivants d’intimidation, de harcèlement et d’inscription sur liste rouge qui auraient eu pour objet de réprimer le syndicalisme et de susciter la peur parmi les membres de syndicats: cas d’avril 2019 relatif à des menaces à l’égard de 30 résidents de Gaway-Gaway, Jonob-Jonob, Escalante City; cas de juillet 2019 relatif à des menaces à l’égard des résidents de Minasugang (barangay de Tabunac, Toboso); campagnes et assemblées de porte-à-porte organisées par les militaires chez les travailleurs du NAMASUFA et leurs proches dans la ville de Compostela; inscription sur liste rouge et harcèlement de membres du Syndicat des travailleurs des plantations d’huile de palme des Philippines, à la suite de quoi ils se sont désaffiliés du KMU en juillet 2019; dénigrement, en septembre 2019, du Syndicat des travailleurs de Mindanao Agriculture Inc. et de sa fédération affiliée; harcèlement, intimidation et menaces d’agents du Groupe de travail national pour mettre fin au conflit armé communiste local (NTF-ELCAC) à l’égard de membres du syndicat des employés de l’usine Coca-Cola à Santa Rosa entre février et mai 2020; surveillance, menaces et harcèlement visant deux responsables du Syndicat des travailleurs d’Optodev-NAFLU-KMU entre décembre 2020 et mars 2021; surveillance régulière du domicile d’Eleanor de Guzman, directrice pour les droits de l’homme au KMU, par des hommes du Groupe des enquêtes pénales et de lutte contre la criminalité, organe de la police, en mars 2021; affiches et messages sur les médias sociaux qualifiant de terroristes le KMU et son président Elmer Labog en juin 2021, ainsi que destruction de locaux et de biens syndicaux; et dénigrement de Lean Porquia, bénévole du KMU. [Pour d’autres précisions, voir le 396e rapport, octobre 2021, paragr. 517, et le 401e rapport, mars 2023, paragr. 649.] Le comité prie donc le gouvernement de communiquer des informations actualisées sur ces cas.
  10. 347. En ce qui concerne les allégations présumées de répression violente de grèves de travailleurs entre 2017 et 2019 (recommandation f)), la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles: i) la dispersion en juin 2017 de la grève des travailleurs du Syndicat des travailleurs de Shin Sun (SSWU), à la suite de laquelle 12 travailleurs ont été arrêtés, fait l’objet d’une enquête de la CDH, mais le KMU n’a pas communiqué les informations demandées; et ii) dans le cas de la grève d’avril 2018 du Syndicat des travailleurs de NutriAsia, le RTMB a dénoncé la dispersion violente de la grève et appelé la police à respecter strictement les consignes en vigueur pour le maintien de l’ordre et, bien que les plaintes pour agression visant 23 syndicalistes aient été rejetées, 4 syndicalistes ont été reconnus coupables du délit de résistance et de désobéissance. Le comité observe également que le gouvernement n’a pas communiqué d’informations au sujet des cas suivants dénoncés par les plaignants concernant la dispersion violente présumée de grèves: i) grève des bras croisés de travailleurs de la Force unifiée des travailleurs de Middleby Philippines Inc., à Binan, dans la province de la Lagune, en juillet 2018, cinq travailleurs ayant été blessés et sept grévistes arrêtés; ii) grève de travailleurs affiliés au NAMASUFA dans une entreprise d’exportation de bananes à Compostela en octobre 2018 et passage à tabac de membres du syndicat; iii) piquet de grève de 200 travailleurs du Syndicat des travailleurs de Pepmaco en juin 2019, plusieurs d’entre eux ayant été grièvement blessés; et iv) grève de 400 travailleurs d’une entreprise de production de condiments à Cabuyao dans la province de la Lagune, en juillet 2019, 19 travailleurs ayant été gravement blessés et 17 arrêtés, dont 3 dirigeants syndicaux, et accusés de dégradation volontaire, de coercition aggravée et d’agression directe. Rappelant que, si les travailleurs et leurs organisations ont l’obligation de respecter les lois du pays, l’intervention des forces de sécurité dans une grève doit se borner strictement au maintien de l’ordre public [voir Compilation, paragr. 933], le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les grèves menées par les travailleurs, pour autant qu’elles restent pacifiques, ne donnent pas lieu à un usage disproportionné de la force par la police ou l’armée, notamment grâce à une formation continue et adaptée des agents de l’État concernés. Le comité prie également le gouvernement de communiquer des informations actualisées concernant les allégations selon lesquelles aucune information n’a été communiquée, et le prie instamment de garantir la libération des syndicalistes arrêtés à la suite des incidents susmentionnés s’ils sont détenus en raison de l’exercice légitime de leurs activités syndicales.
  11. 348. Enfin, le comité prend note avec intérêt des renseignements détaillés et d’ordre général communiqués par le gouvernement pour présenter un certain nombre d’initiatives adoptées et de mesures prises afin de promouvoir le respect de la liberté syndicale et des libertés civiles, ainsi que pour valider des éléments de fait concernant toute violation et prendre les mesures légales nécessaires. En particulier, il accueille favorablement la mention par le gouvernement de la feuille de route adoptée par le NTIPC en août 2023, qui comprend une stratégie visant à promouvoir une interprétation commune des principes de la liberté syndicale entre les autorités publiques concernées et les partenaires sectoriels, à renforcer les organes de contrôle tripartites existants en les dotant des capacités nécessaires et à encourager les partenariats institutionnels visant à promouvoir la liberté syndicale. Le comité accueille également favorablement l’approbation par le NTIPC, dans le cadre de la feuille de route tripartite, des directives générales de 2024 sur l’exercice de la liberté syndicale et des libertés civiles, qui régissent la conduite de l’ensemble des parties prenantes s’agissant de promouvoir l’exercice effectif par les travailleurs du secteur privé de la liberté syndicale et des libertés civiles. Le comité accueille en outre favorablement les propositions visant à augmenter le budget de la CDH pour renforcer la capacité de celle-ci de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, y compris la liberté syndicale, en particulier s’agissant des enquêtes sur les violations et de l’octroi d’une aide financière aux victimes et à leurs familles, ainsi que le mémorandum conclu entre la CDH et le ministère de la Justice pour renforcer l’aide offerte aux victimes de violations des droits de l’homme et à leurs familles pour l’obtention d’une indemnisation. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la mise en œuvre des directives générales de 2024 et de leur effet sur la liberté syndicale et les libertés civiles, et ne doute pas que leur stricte application, conjuguée aux autres mesures et initiatives utiles mentionnées par le gouvernement, ainsi qu’à son engagement de mener une enquête approfondie et d’exercer un suivi rigoureux pour toute allégation grave de violation des libertés civiles et de la liberté syndicale, contribuera à garantir le plein respect de la liberté syndicale par tous les acteurs étatiques et non étatiques et, partant, à améliorer les conditions d’exercice des droits syndicaux dans le pays.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 349. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant que les affaires des meurtres d’Antonio «Dodong» Petalcorin, Emilio Rivera et Kagi Alimudin Lucman font toujours l’objet d’un suivi par les mécanismes tripartites et gouvernementaux existants, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès accompli, s’agissant notamment de redoubler d’efforts pour exécuter les mandats d’arrêt délivrés, comme l’a recommandé l’Organe régional tripartite de surveillance (RTMB). Le comité prie également le gouvernement d’indiquer si des mesures concrètes ont été prises pour permettre une indemnisation adéquate des familles des victimes dans ces affaires.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant la réouverture éventuelle de dossiers classés concernant les assassinats de syndicalistes mentionnés dans les allégations supplémentaires, y compris le cas d’Alexander Ceballos, à propos duquel la Commission des droits de l’homme (CDH) a estimé que les activités syndicales de l’intéressé pourraient avoir été le motif de son assassinat. Le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement accorde la priorité aux enquêtes ou procédures judiciaires en instance concernant les assassinats de Julius Broce Barellano et de Jose Jerry Catologo et veille à ce que le lien possible avec la liberté syndicale soit dûment pris en considération. Le comité prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour lutter contre la violence à l’égard des syndicalistes, notamment en concevant et en appliquant toute mesure nécessaire à cet effet, notamment des orientations et instructions précises à l’intention de tous les agents de l’État et une formation pour les fonctionnaires concernés sur la gestion des situations impliquant des syndicats ainsi qu’en donnant plein effet aux mécanismes nationaux de contrôle et d’enquête et à toute autre mesure appropriée, y compris dans le cadre de la feuille de route de 2023.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que toutes les poursuites pénales en instance contre des syndicalistes soient abandonnées et que tous les syndicalistes placés en détention soient immédiatement libérés, s’il devait s’avérer que leur arrestation ou leur détention était liée à l’exercice légitime de leurs droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant les poursuites pénales en instance à l’égard de syndicalistes, ainsi que les enquêtes diligentées par le RTMB et la CDH. Il prie en outre le gouvernement de communiquer tout renseignement actualisé utile concernant l’arrestation précédemment dénoncée d’Ireneo Atadero et d’Aiza Gamao et l’enquête relative à la tentative de perquisition du domicile de Ricky Chavez.
    • d) Le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que la loi antiterroriste ne soit pas appliquée d’une façon restrictive pour les activités syndicales légitimes et les libertés civiles connexes, et le prie de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard, y compris de toute autre mesure qui serait envisagée ou prise afin de remédier à la politique perçue de répression, de diffamation et de dénigrement des syndicats dont font état les plaignants.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de l’enquête en cours sur l’affaire du Syndicat des travailleurs de Nexperia Philippines Inc.-NAFLU-KMU et de toute mesure prise concrètement pour répondre aux préoccupations maintes fois exprimées par les requérants en ce qui concerne l’inscription sur liste rouge et les actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard de syndicalistes. Il invite également les plaignants à communiquer aux autorités compétentes toute information pertinente en leur possession susceptible de permettre aux autorités d’enquêter de manière approfondie sur les cas pour lesquels le gouvernement a indiqué que le RTMB ou la CDH ne disposaient pas d’éléments suffisants (voir précédemment pour des éléments détaillés). Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer des informations actualisées sur les allégations mentionnées précédemment d’intimidation, de harcèlement et d’inscription sur liste rouge pour lesquelles aucune information n’a été communiquée.
    • f) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les grèves menées par les travailleurs, pour autant qu’elles restent pacifiques, ne donnent pas lieu à un usage disproportionné de la force par la police ou l’armée, notamment grâce à une formation continue et adaptée des agents de l’État concernés. Le comité prie également le gouvernement de communiquer des informations actualisées concernant les allégations de dispersion violente de grèves pour lesquelles aucune information n’a été communiquée, et le prie instamment de garantir la libération des syndicalistes arrêtés à la suite des incidents susmentionnés s’ils sont détenus en raison de l’exercice légitime de leurs activités syndicale.
    • g) Notant avec intérêt les nombreuses initiatives adoptées depuis son dernier examen, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la mise en œuvre des directives générales de 2024 et de leur effet sur la liberté syndicale et les libertés civiles. Il ne doute pas que leur stricte application, conjuguée aux autres mesures et initiatives utiles mentionnées par le gouvernement, ainsi qu’à son engagement de mener une enquête approfondie et d’exercer un suivi rigoureux pour toute allégation grave de violation des libertés civiles et de la liberté syndicale, contribuera à garantir le plein respect de la liberté syndicale par tous les acteurs étatiques et non étatiques et, partant, à améliorer les conditions d’exercice des droits syndicaux dans le pays.
    • h) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.
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